Ex-tracés, performance marchée de Ridha Dhib

Qui est Ridha Dhib ?

Artiste marcheur, il travaille sur la notion de ligne depuis presque 20 ans. Sa problématique principale s’articule autour d’une question : que peut la ligne ? Autrement dit, quelles sont les potentialités plastiques d’une trace ouverte et abstraite ? Ses outils d’expression ; son corps et son smartphone. L’essentiel de son travail se fait en marchant. Cela se traduit par des performances marchées documentées par différentes traces numériques : images, traces GPS, textes, cartes… Tous ces éléments lui permettent de créer une œuvre hybride sous forme (entre autres) de Story Maps qu’on peut traduire par « cartes narratives ». Il n’est pas un inconnu pour les lecteurs de ce blog, nous avions suivi sa précédente performance « Hor-I-zons »

Genèse du projet

« Le 15 mars 2021, je suis tombé par hasard sur un reportage consacré à un camp de réfugiés syriens. Ce reportage a provoqué un télescopage avec ma précédente « grande » performance marchée « Hor-I-zons » au cours de laquelle j’ai croisé un certain nombre de réfugiés  « échoués »  au bord du chemin. Lors de ce périple, j’ai constaté que l’accueil réservé aux cheminants était de nature différente selon le sens de leur déplacement. J’ai ainsi pu mesurer mon « privilège » d’être dans le bon sens du poil… Mais, est-ce le bon sens de l’histoire ? Cette nouvelle performance est une tentative de réponse à la précédente et au confinement subi. «  

«Ex-tracés», une performance marchée.

«Ex-tracés», une performance marchée d’environ 4200 km qui consiste à parcourir à pieds et dans le sens inverse – au départ de Paris – la route des Balkans empruntée par des réfugiés dans leur périple vers l’Europe jusqu’à Mardin, ville à la frontière turco-syrienne. 140 haltes artistiques jalonnent ce périple au cours duquel l’artiste traversera 10 pays.
À chaque étape, l’artiste tracera avec le bout de son index, dans un mètre carré de terre du territoire traversé, un passage de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
Écrire dans la terre et en braille, une convention qui est supposée être « gravée dans le marbre », c’est insister sur sa précarité et celle des réfugiés.

Ridha Dhib est parti le 15 mars 2022pour un parcours d’environ 5 mois, pour suivre la performance, consulter le site

https://www.ridhadhib.com/performances/ex-traces

au quotidien sur facebook

https://www.facebook.com/ridha.dhib

De Lons-le-Saunier à Issenheim et de Beaujeu à Besançon avec Victoria Niki

Un pas après l’autre, une marche performative.

Artiste plasticienne d’origine moldave qui vit et travaille en France depuis 12 ans.
Son travail aborde la question du paysage de différentes manières.
Et si le paysage n’était qu’un prétexte pour questionner autre chose que lui-même ? Comme si le sujet lui-même se métamorphosait en autre chose.

La démarche de Victoria Niki

Le déplacement est-ce se mouvoir, est-ce voyager d’un point A à un point B ?
Souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans connaître la nature de ce changement de place et de ce que cela transporte. Le paysage, la traversée de pays et territoires autres que ceux que j’ai pu expérimenter auparavant dans mon enfance constituent le coeur de ma réflexion.
Mon travail est une histoire de souvenirs et d’espaces où l’homme enfouit son passé, ses espérances, ses attachements et où parfois il les y perd. Mais pas seulement, car c’est aussi une histoire de territoire, d’appartenance, de ces lieux qui nous construisent, nous identifient, de ceux que l’on transforme et que l’on fantasme. Le récit, le son, l’installation, le dessin et la peinture s’entremêlent au service d’un seul matériau, tantôt solide, tantôt impalpable, parfois net mais le plus souvent flou : la mémoire. La mémoire comme point de départ, comme moyen et comme finalité ; la mémoire comme une question sur la place de l’humain, celle de l’étranger et du déplacé, de l’oublié et de l’oublieux. Et en fin de compte, la mémoire de l’autre, des autres, devenue fragment d’un Rubik’s cube, construit l’archive d’un territoire. Territoire qui m’est de fait étranger.
Comment archiver les souvenirs d’un territoire, d’un espace donné ?
Le lieu, l’année, la saison, le mois, le jour, l’heure et l’atmosphère du moment ainsi que d’autres détails surgissant des souvenirs contés sont mis en parallèle avec la cartographie. Chaque récit détermine et me transporte vers un lieu précis que je prend en photo tout en archivant les coordonnées GPS de l’image.

La marche
     comme
                 acte de résistance face à une situation qui nous échappe.
La marche
     comme
                 acte d’écriture par le corps dans le paysage.
La marche 
     comme
                 démarche artistique.
La marche
     comme
                 acte échappatoire.
La marche 
     comme
                 refuge. 

En résonance à l’actualité qui questionne notre liberté, je réalise une marche performative. Cette marche se déroule sur le territoire français.


Équipée d’un sac à dos, d’une tente et du strict nécessaire pour être en autonomie complète, cette nouvelle marche performative m’amène à rejoindre 7 villes et 7 places de la liberté : Place de la Liberté, 39000 Lons-le-Saunier ; Place de la Liberté, 68500 Issenheim ; Place de la Liberté, 69430 Beaujeu ; Place de la Liberté, 63160 Espirat ; Place de la Liberté, 83136 Rocbaron ; Place de la Liberté, 83000 Toulon ; Place de la Liberté, 03450 Ébreuil.


À la fin de mon parcours les initiales des villes parcourues formeront le mot LIBERTÉ. Le parcours dans son intégralité fera 2222 kilomètres, il se fera en plusieurs étapes, selon l’état du corps et des pieds, entre l’été 2021 et la fin de l’été 2022. En fonction des rencontres, des lieux et des circonstances je sèmerai des mots de Liberté. Tels des indices de passage, ce sera la seule trace matérielle que je laisserai derrière moi tout au long de cette odyssée. Chacun de ces mots sera géolocalisé sur la carte créant ainsi des rhizomes de Liberté interconnectés par mes pas.

 » L’être humain a toujours besoin d’air…tout en s’affichant comme fils d’une société, il s’en arrache avec réserve, hostile à tout excès, et se détourne pour chercher refuge non pas en soi-même mais dans une nature éprouvée comme l’envers de la société qu’il fuit. Rendu étranger à son monde, il souhaite taire son désarroi. ‘‘ 
L’Homme de dos  Georges Banu

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La prochaine étape ce sera pour l’automne. Tenez vous prêts pour de nouvelles aventures !!!

Le chemin de la liberté 
De BESANCON à BEAUJEU avec Victoria Niki

Chapitre II

J-0 Elles me paraissent toujours étrangement longues ces journées où l’on part pour un lieu mais la marche ne s’enclenche pas encore. La marche est en attente, elle est en suspension, elle ne commence pas encore, elle se prépare. On n’est plus chez soi, mais on n’est pas encore là-bas, on est quelque part, dans un entre deux, dans un sas spatio-temporel.

J’arrive ce soir à Besançon, assez tard. Demain c’est le départ, mes pieds n’en peuvent plus d’attendre. Demain je serai enfin en mouvement.

Pour le moment je regarde les paysages défiler…


Peut être une image de 1 personne et carte


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« Le Pont de Bezons » mis en Seine par Jean Rolin.

Au commencement, en 1980, la publication Chemins d’eau aux Éditions Maritimes & d’Outre-Mer, débute une série d’ouvrages qui vont s’égrener sur une vingtaine de titres.  Parmi ceux-ci, ajoutons au premier titre : Zones en 1985 et La clôture en 2001 qui narrent déjà des aventures pédestres de Jean Rolin sur le territoire hexagonal.

Sa dernière parution, « Le Pont de Bezons », aux éditions P.O.L, relate les expéditions de l’écrivain le long de la Seine. Un roman de regards pour immersion sensitive dans le décor des berges. Un flot de sensations évocatrices.

Les récits de marche de Jean Rolin naissent de projets aux contours imprécis et d’une envergure disproportionnée pour être réalisables : Dans le cas du Pont de Bezons, le projet consiste « à mener sur les berges de la Seine, entre Melun et Mantes des reconnaissances aléatoires, au fil des saisons, dans un désordre voulu ».

Son objet est le presque rien, assister à un lever de soleil sur le Pont de Bezons. Un pont sur la Seine fondu dans la banalité d’un décor de banlieue, mais dont la description permet à force de digressions de retisser la trame entière de notre présent, et tout un passé avec lui. Dans une chronologie établie pour conférer aux lieux une épaisseur temporelle dont la saisonnalité recompose le cadre.

Le pont avant sa restructuration en 2009

Guillaume Thouroude (écrivain voyageur et chercheur en littérature) dans La démarche ambulatoire de Jean Rolin : un écrivain voyageur au débouché des mouvements littéraires du XXe siècle, écrit :

[Un voyageur n’est rien sans les territoires déterminés sur lesquels il exerce ses déplacements, ses séjours et ses dispositifs. Jean Rolin, plus que tout autre auteur, définit un territoire avant d’écrire et se tient à son projet de départ, que celui-ci soit fructueux ou pas, qu’il soit réalisable ou pas. Ce qui compte, dans les textes de Rolin, ce n’est pas la faisabilité de tel ou tel projet, et encore moins sa réussite, que le fait d’avoir parcouru et quasiment épuisé un territoire, un trajet ou une dimension géographique à travers un dispositif textuel déterminé.]

Comme il les définit lui-même dans Terminal Frigo, les voyages brossent une « autobiographie subliminale ».

Jean Rolin• Crédit : Hélène Bamberger

Guillaume Thouroude, rappelle les contraintes d’existence des récits fixées par l’auteur pour [Zones, voyage autour de Paris obéissant à des règles telles que dormir chaque soir dans un hôtel différent, et ne jamais emprunter deux fois la même ligne de transport en commun. [Alors que] La Clôture, de son côté, impose au narrateur-performer de se mettre en orbite sur un segment précis du boulevard périphérique. Le résultat littéraire, ou en tout cas le contenu du récit, est entièrement redevable de ce qui se passe, ou pas, dans le cadre factuel défini. La réception de ces textes les détermine comme récits de voyage et non comme roman, ou pour le dire plus précisément, comme textes factuels de géographie.]

De la fermeture d’un fast-food à un crépuscule de banlieue, « Le Pont de Bezons » dévoile les trésors enfouis sous la banalité des apparences qui occulte notre attention. Le spectaculaire n’a pas de place dans ces dépotoirs qui recueillent les témoins d’un passé en décomposition. Les signaux visuels et les odeurs forment un duo de marqueurs de sensations. Attentif aux modifications des parcours, Jean Rolin note l’acharnement des communes à rendre les terrains vagues inutilisables pour les gens du voyage. De profonds sillons sont creusés si bien qu’à chacun de ses passages l’auteur ne manque pas de relever la prolifération de ces cicatrices de terre. Comme chacun peut le constater lors de marche dans les marges urbaines.

Le pont après restructuration- Photo publiée par Herlin Chane-kuen

Si Céline, Maupassant et Madame de Sévigné apparaissent dans le récit comme témoins d’une autre histoire des lieux, Gustave Caillebotte s’immisce dans un décor lié aux débuts de l’industrie aéronautique. A ces noms célèbres s’ajouteront des personnes sorties de l’anonymat par le hasard des rencontres, plus nombre de communautés, clubs et congrégations qui viennent à point nommé habiter le récit.

Vue de l’Hotel où s’installe l’auteur pour assister au lever du jour sur le pont

L’auteur, par la précision topographique et temporelle de l’organisation de son récit, nous offre avec brio les sensations les plus infimes que peut connaître le marcheur quand il est attentif à son environnement. Une démarche partagée par ceux qui sont réceptifs aux signaux faibles et qui décryptent avec une acuité particulière leur environnement.

Un livre-manifeste pour une démarche littéraire

Le Pont de Bezons, Jean Rolin- éditions P.O.L 2020 – prix : 19€

Mouettes & Chardons

AUKERA et DéMarches s’associent pour proposer un parcours pédestre à celles et ceux qui souhaitent rejoindre Jatxou à pied depuis Bayonne. Ce parcours documenté vous permettra à tous moments de vous mettre dans l’état d’esprit qui sied à un séjour nature, pour la Fête de la noisette, le 17 octobre 2020. Voir le programme à paraître sur le site de Aukera

Mise en marche à lire attentivement si vous souhaitez réserver le 17 octobre 2020.

Le parcours ne présente pas de difficulté particulière, cependant, il nécessite une organisation pour gérer les déplacements. Le point d’arrivée étant isolé, il est nécessaire de vous inscrire en cliquant sur le lien pour remplir la fiche :

https://forms.gle/wRUCUnRBwckmJtTx7

Merci de remplir tous les champs de la fiche d’inscription, ceci afin d’organiser les retours pour ceux qui voudront rejoindre leur voiture. Après inscription, nous vous adresserons le lieu de rendez-vous à Bayonne et les frais à prévoir, si besoin, pour le taxi et la collation.

Le parcours Bayonne-Aukera 18km environ 4h. Prévoir un équipement adapté à la marche.

Le départ est prévu impérativement à 14 :00, car nous devrons arriver sur le site à 18 :00 pour assister aux événements de la Fête de la noisette.

Le parcours étant soumis aux aléas météo, il sera annulé  en cas de précipitations abondantes.

Les conditions sanitaires seront celles prévues à la date pour les activités de plein air.

Présentation succincte des associations.

AUKERA – Le Champ des Possibles, est une association qui oeuvre  à la conservation des espèces arboricoles et végétales traditionnelles du Pays Basque, ainsi qu’à la régénération de l’écosystème du domaine où elle gère une noiseraie et un conservatoire arboricole en Permaculture.

our célébrer les récoltes et la création, Aukera organise chaque année 2 événements culturels mêlant Permaculture, Musique Expérimentale et LANDArt.

Son domaine étant particulièrement propice à l’expérimentation, elle accueille une résidence artistique, des camps de création et propose des expériences de coworking à la ferme.

DéMarches est une association dédiée à  la réalisation de parcours avec pour objectif de révéler l’espace en le « pratiquant ».

Un blog : d-marches.org

L’association, née en 2014 a pour but de donner à  voir, lire, sentir les multiples facettes et implications de la marche et d’élaborer, collectivement ou non, des formes de récits, de dessiner en marchant des représentations du monde dans le cadre d’une activité artistique de l’immatériel.

DéMarches a clairement comme ambition de permettre un nouveau décryptage du paysage à l’aide d’un outil sensible et ouvert, de favoriser une nouvelle écologie de l’esprit par la pratique d’une activité esthétique, et de transmettre aussi largement que possible cette brèche dans les habitudes de perception, en un mot de penser avec les pieds.

Sachant que le walkscape est défini par le groupe Stalker comme « … une affaire de marche, de promenade, de flânerie, conçues comme une architecturation du paysage. La promenade comme forme artistique autonome, comme acte primaire dans la transformation symbolique du  territoire, comme instrument esthétique de connaissance et transformation physique de l’espace ‘négocié’, convertie en intervention urbaine. »

Manifeste

La marche s’inscrit désormais dans la catégorie des arts immatériels, au même titre que la performance, par exemple. La marche est un objet non-commercial, réponse mobile, agile, narrative, activité sensible dans une situation de consommation d’images hypertrophiée et inflationniste.

Marcher c’est créer, lire/écrire le territoire en même temps, le parcours est une activité pluridimensionnelle et simultanée, à la fois action, ligne, et récit.

Le parcours permet de penser et de voir avec ses pieds dans un désordre exponentiel, de revenir à une expérience essentielle du monde physique et d’en partager les récits, la marche devient l’instrument de connaissance privilégié du territoire, l’errance est la valeur de ce nouveau monde contemporain de l’ambiguité et de l’hybridation accélérée.

Le parcours est aussi une tresse narrative dans laquelle viennent s’imbriquer différents types de récits : écritures photographiques, sonores, journalistiques, figuratives ou abstraites, documentations, mythes… dont les modalités d’expressions peuvent être aussi variées que l’état mouvant des paysages qu’elle dessine, fabrique de mémoire dans un principe d’incertitude généralisé : le parcours est aussi une structure narrative.

Le parcours est une œuvre ouverte, protéiforme, multi-dimensionnelle, interactive, jamais terminée à l’image des territoires et du monde qu’elle décrit, un laboratoire permanent où s’écrit la science du flou.

L’art du parcours

Expérimentation :le parcours est une forme d’art expérimentale et polymorphe, un moyen d’expression souple et sensible. Elle permet d’évoquer des sujets de teneur très différente, dans des contextes divers. Sa forme globale est constituée de l’expérience même de la marche et des récits qui en sont faits, forme proliférante et sans limites.

Sensible :le parcours réintroduit dans le champ de l’art une expérience sensible singulière autour de la marche. Celle-ci constitue le socle de l’œuvre, ensuite s’enroule autour de ce fondamental une tresse narrative chaque fois différente, jamais terminée ni forclose, l’œuvre devient permanente.

Géographique ou topologique :le parcours est toujours ancré dans un lieu, un territoire, un contexte. Les traces et empreintes de cette géographie sont collectées, ramenées et centralisées autour de l’expérience.

Engagement :le parcours est un engagement au sens où il mobilise la globalité de l’acteur : ses convictions, sa vision du monde et ses interprétations : l’œuvre est une grille de lecture proposée qui permet un décryptage du paysage.

Une page facebook présente des actualités, des informations, des recherches et des réflexions à la marge qui documentent les activités liées aux marches et à leurs environnements.

Page facebook : Démarches

Dans le cadre des activités proposées par AUKERA, le champ des possibles, l’association DéMarches vous propose un parcours pédestre au fil de la Nive (Errobi en basque) jusqu’aux chardons (Eguzki lorea en basque) du Labourd (Lapurdi en basque).

Le parcours Mouettes & Chardons

Relie Bayonne, place du Réduit au Domaine des Cimes-Aukera à Jatxou

Un parcours en deux parties :

  • 1- Le chemin de halage, rive gauche de la Nive [2h20 – 11km]

  • 2- Changement de rive, traversée par la passerelle de Portuberria, construite au début des années 2000  – Villefranque – Aukera par via Chemin de Chaiberrikoborda [1h40 – 7km]

Chemin de halage Bayonne-Ustaritz

Itinéraire continu qui longe la Nive sur une dizaine de kilomètres entre Ustaritz et Bayonne. Accessible à tous et relativement plat, il traverse des paysages remarquables de Barthes et offre des possibilités de points de repos ou de pique-nique.

Le halage est l’ancêtre de l’autoroute certes fluvial mais qui était moins encombré!
Avant l’invention des moteurs de bateaux, et pour pallier l’absence de voiles impossibles sur tous les engins, les péniches qui transportaient des matières premières et tous matériaux étaient tractées le long des fleuves par les mariniers eux-mêmes, des animaux tels des chevaux, des ânes ou des mulets et enfin par des machines telles des tracteurs.

Evidemment, le halage nécessitait un chemin dégagé et hors d’eau qui longeait la berge des voies d’eau où se trouvaient les péniches.

Quelques notes :

Au fil de ses 75 kilomètres, la Nive unit les premiers pics pyrénéens qui dominent le bassin de Saint-Jean-Pied-de-Port, chef-lieu de la basse Navarre, à Bayonne, où elle se jette peu avant la mer dans l’Adour après avoir flâné au milieu des vallons et prairies fertiles du Labourd.

  • la Nive reste appréciée des pêcheurs : si l’esturgeon a disparu, la truite et, à nouveau, le saumon abondent. Ce dernier était autrefois souvent une nourriture de base, au point que des ouvriers agricoles avaient réclamé, et obtenu, dans leur contrat de travail, qu’il ne leur en soit pas servi tous les jours.
  • Ses méandres étaient alors le domaine de petits bateaux effilés, les halos, qui transportaient jusqu’à Bayonne les produits agricoles. C’est d’ailleurs autour d’Ustaritz qu’en 1523 aurait été planté pour la première fois en Europe du maïs rapporté des Amériques fraîchement découvertes.

                               Maquette de halo (Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)

  • La traction était effectuée par des chevaux, des bœufs mais aussi des hommes zirlinga (avec zirga la corde). On utilisait la marée montante et descendante pour faciliter la tâche.
  • Etaient acheminés vers Bayonne : canons fabriqués à Baïgorry, laines de Navarre, meules à moulins de Bidarray et Louhossoa et des bois d’Iraty, qui descendaient la Nive par flottage. Dans l’autre sens, on transportait surtout les produits alimentaires : vin, grains, farine, sucre ou poissons. Les chalands à fond plat, de 10 à 12 mètres de long, portaient de 2 à 5 tonnes. Si la descente de la Nive ne posait pas de problèmes, il en était tout autrement pour la remontée. Il fallait 1 heure pour rallier Bayonne, mais 3 heures étaient nécessaires pour remonter la Nive.
  • De ses rives, on aurait jadis observé le rite de « cubindey », consistant à tremper dans la Nive les femmes volages enfermées dans une cage.
  • Et la Nive aurait pu être une grande, c’est-à-dire un fleuve, si des travaux au XVIe siècle n’avaient ramené l’Adour, qui divaguait plus au nord dans les Landes, à son cours d’aujourd’hui et au port de Bayonne.
  • La Nive est mentionné dans le Petit Nicolas de Sempé et Gosciny. En effet Sempé passait ses vacances dans le Labourd.

« Alceste est allé se faire interroger sur les fleuves et ça n’a pas marché très bien, parce que les seuls qu’il connaissait, c’était la Seine, qui fait des tas de méandres, et la Nive, où il est allé passer ses vacances l’été dernier. Tous les copains avaient l’air drôlement impatients que la récré arrive et ils discutaient entre eux. La maîtresse a même été obligée de taper avec sa règle sur la table et Clotaire, qui dormait, a cru que c’était pour lui et il est allé au piquet. »

In Les Récrés du Petit Nicolas

Le Labourd :

Il s’agit de la façade maritime du Pays Basque, qui s’étend des confins de la Gascogne aux Pyrénées et à l’Espagne, des longues plages du Sud des Landes jusqu’à Anglet aux côtes escarpées débutant à Biarritz et s’étirant jusqu’à Hendaye, aux typiques falaises de flysch plissées et escarpées.

Le Labourd c’est une bande côtière de 10 km de large environ jalonnée de stations balnéaires célèbres ou ports typiques telles Biarritz, Hendaye, ou Saint Jean de Luz, sans oublier Bayonne , porte d’entrée du Pays Basque et confluent de deux rivières, la Nive et l’Adour.

Lapurdi, en basque, se distingue par des traditions culturelles ancrées dans l’histoire de cette terre de légendes.

  • Illargi belarra est le mot basque désignant « l’herbe lunaire ». C’est la Carline acaule, la fleur du chardon sylvestre. On l’accroche au linteau de la porte principale ou à l’entrée de la maison afin qu’elle ne soit pas frappée par la foudre.

Dans d’autres endroits du pays cette fleur, qui peut s’appeler Eguzki-lorea (la fleur du soleil).

Dolores Redondo, auteur de la trilogie de Baztan, raconte dans le roman « De chair et d’os » que cette fleur était traditionnellement accrochée aux linteaux des maisons pour éloigner les sorcières. Celles-ci devaient compter toutes les graines du cœur de cette fleur avant de pouvoir franchir le seuil. La tâche était si longue que le soleil se levait avant qu’elles aient fini de compter. Les sorcières fuyaient le soleil, et la maison était ainsi protégée.

  • En pays basque, la maison (Etxe) est un lieu sacré. On y vit mais on y meurt aussi. Avant le christianisme, la maison servait de tombe familiale. Elle était le lieu de sépulture de ses habitants. Elle était donc la demeure des vivants mais aussi des défunts. Un lieu que venaient visiter les esprits des disparus. On l’orientait de façon à ce qu’elle soit en contact avec la lumière divine et on y pratiquait de nombreux rites religieux. On y faisait des offrandes aux morts, aux âmes des ancêtres qu’on pouvait alors apercevoir sous la forme de lumières, de rafales ou de coups de vent, d’ombres, de nuées ou de bruits étranges. Il est dit que même encore, elles peuvent resurgir dans la nuit…
  • Les coutumes successorales au Pays Basque dans l’Ancien Régime étaient unique en Europe non parce qu’elles permettaient aux chefs de famille de léguer tous les biens de famille aux aînés (car c’était le cas de nombreuses régions coutumières en France), mais parce que ce système de l’héritage unique, celui de la primogéniture qui favorisait l’aîné des enfants, ne faisait aucune distinction entre les garçons premiers nés et les filles premières nées. Selon le droit coutumier basque, l’aîné, qu’il soit un garçon ou une fille, devenait l’héritier légal de la maison et de toutes les terres, forcé(e) ensuite de dédommager plus ou moins équitablement les cohéritiers, filles et garçons, qui dès lors quittaient la maison et allaient se placer ailleurs. Ainsi, les filles aînées avaient autant de chances que les fils aînés d’hériter du patrimoine familial. Ce système n’a pas d’équivalence dans les Pyrénées (ni même en France ou en Europe).
  • A Villefranque, on a transporté beaucoup de produits de carrière, de l’ophite (1) principalement, la dernière gabarre a été coulée sur place en 1935, au Chalet de l’Isle

Note (1)

L’ophite doit son nom au terme grec « ophis » qui évoque les serpents, en raison de la ressemblance de cette roche avec la peau de ces reptiles. Ultérieurement, le terme ophite, utilisé à l’origine dans les Pyrénées, a été déformé en ophiolite.

Du point de vue pétrographique, les ophites sont, en réalité, des dolérites qui contiennent des cristaux de plagioclases et de pyroxènes ainsi que quelques minéraux accessoires comme l’ilménite ou la magnétite. Avec le temps, des minéraux d’altération (serpentine, chlorite et épidote) apparaissent. Tous ces minéraux d’altération possèdent une couleur verte qu’ils transmettent à l’ophite.

Le bâton de marche basque, le Makila

Le bâton de marche basque est un attribue historique de la culture basque. Ce bâton de marche remis selon la tradition, à l’adolescent, lors du passage à l’âge adulte est un objet personnel précieux. Il est aussi un attribut d’autorité et de pouvoir, des makilas d’honneur sont dédiés à des hommes à la notoriété reconnue. Chaque makila est gravé et fabriqué pour son propriétaire, avec les décors, le nom-prénom et la devise en basque.

Sa possession nécessite de la patience, il faut environ 25 ans entre la commande et la livraison. Sa fabrication correspond à des règles strictes qui du néflier sur pied aux finitions nécessite de nombreuses étapes se déroulant sur de longues périodes. Traditionnellement, le marcheur basque ne saurait s’engager sur les chemins sans son précieux bâtons, aide à la marche et arme de défense principalement contre les risques d’agressions animales.

La jonction Villefranque-Aukera

à propos de Villefranque, le site en lien présente la ville dans le détail. Villefranque  était  un  important  port  fluvial,  sur le bord de la  Nive.  Les  gabarres  accostaient au Port de Villefranque, situé à hauteur de l’actuel Quartier Ste Marie. Là, on vit se développer une importante activité artisanale,  telle que l’exploitation de la pierre ou encore la fabrication de chaussure, autour du XXe siècle.

Selon la légende, le 24 août 1343, le maire de Bayonne,  profitant des fêtes locales du village, fit capturer et attacher cinq nobles labourdins aux piles du pont de Proudines, au bas du Chateau de Miotz, où la marée montante les noya. En effet, pour trancher le conflit qui opposait les locaux aux bayonnais. Les labourdins refusaient de payer un droit de « douane » sur l’entrée d’alcools dans la ville de Bayonne, aussi lorsque des agents du maire de Bayonne vinrent pour effectuer la collecte, les Labourdins les jetèrent à l’eau afin qu’ils vérifient si elle était salée. Le 24 août de la même année, Pé de Poyanne prit le château de Miotz (démoli, il a été remplacé par une demeure du XIXème siècle), en représailles et captura cinq gentilshommes labourdins. Sinistre supplice, il les attacha aux piles du pont afin qu’ils constatent que la marée montait à cet endroit. La noyade des gentilshommes prouva à leurs dépens que la marée montait en effet jusque-là…

Cette légende fut reprise par Taine dans son « Voyage aux Pyrénées » 1860, illustrée par Gustave Doré.

Détails du parcours Villefranque -Aukera

traverser la Nive par la passerelle

Prendre la direction nord sur D137 vers Route Départementale 257/D257

26 m

Prendre à droite sur Route Départementale 257/D257

950 m

Tourner légèrement à droite pour continuer sur Route Départementale 257/D257

29 m

Continuer sur Chemin de Hariagaraya

950 m

Prendre légèrement à gauche sur Chemin de Chaiberrikoborda

1,6 km

Tourner légèrement à gauche

350 m

Tourner à gauche

900 m

Prendre à gauche sur Route des Cimes/D22
(prudence sur cette section, accotements dangereux, circulation rapide)

110 m

Tourner à droite

750 m

Prendre à gauche sur Otsoezkurra

850 m

Continuer sur Chemin de Mestenborda

150 m

Prendre légèrement à droite sur Otsoezkurra

Votre destination se trouvera sur la droite.

450 m

Aukera. Domaine des cimes

Chemin Inbiadako Bidea 64480 Jatxou. Tel : 06 60 87 03 81/Tel : 07 51 63 42 33

Vous êtes arrivés à destination. Bon séjour.

Lajos Kassák, la marche initiatique de l’artiste-prolétaire

Lajos Kassák

Poète, peintre et théoricien hongrois d’avant-garde, Lajos Kassák (1887-1967) se revendiqua toute sa vie comme un artiste prolétaire. Proche des dadaïstes et des surréalistes, cet autodidacte fut aussi le mentor du photographe Robert Capa. Publié en 1927 à Budapest, Vagabondages paraît pour la première fois en France en 1972 aux éditions Corvina. Le livre est à nouveau disponible aux éditions Séguier. L’éditeur, en illustrant sa couverture d’une photo de hobo, induit un positionnement de l’auteur loin de sa culture européenne. Un choix contestable.

Né en 1887, d’un père laborantin et d’une mère blanchisseuse, Lajos Kassák est rétif au savoir scolaire et s’oriente très vite vers un apprentissage en serrurerie. C’est donc en ouvrier et en aspirant-poète qu’il décide de prendre la route pour Paris en compagnie d’un camarade sculpteur, un certain Gödrös, en 1909. Chemin faisant, l’auteur se sépare de Gödrös, et rencontre un dandy nommé Emil Szittya (1), qui étudie les représentations du Christ, veut partir au Chili et rêve d’assassiner le Tsar. Plus pacifique, Kassák cherche simplement sa place en ce monde.

Untitled 1922 – coll.MOMA

« Plus je vagabondais, plus me paraissait naturelle cette confuse négation de tout.»

Qui n’a jamais rêvé de tout plaquer pour prendre la route ? Lajos Kassák, lui, a plus d’une raison de se lancer dans l’aventure. Nous sommes en 1909, il a 22 ans et, partout en Europe, une effervescence artistique et révolutionnaire fait trembler l’ancien monde. Alors il décide de quitter Budapest pour rallier à pied l’épicentre de l’agitation : Paris. C’est le point de départ d’une odyssée picaresque et libertaire qui le mènera d’un bout à l’autre du continent.
Le récit qu’en donne l’auteur près de vingt ans plus tard, en 1927, est à mi-chemin entre un roman d’initiation hérité de Voltaire ou de Goethe, et une autobiographie poétique comme nous en offrira la Beat Generation. Vagabondages se situe entre le Jack Kerouac de Sur la route et le Jacques London des Vagabonds du rail.

« Je le sentais : aussi facile qu’il m’avait été facile de prendre la route, aussi difficile il me serait de retourner parmi les gens que l’on appelle normaux, d’accepter leurs lois entortillées, les coutumes auxquelles les contraignent ces lois. »

Lajos Kassák, marche et rêve

Par Philippe Lançon — article publié dans Libération le 8 avril 2020

Portrait de Lajos Kassák à Budapest, en 1918, par Ilka Révai. (Photo Kassák Museum, Budapest)

Dans «Vagabondages», l’écrivain, peintre et poète hongrois fait le récit picaresque de son périple à pied de Budapest à Paris, qu’il entreprit en 1909 à l’âge de 22 ans, avec notamment Emil Szittya (1) comme compagnon de route.

Comme Louis XVI, il était serrurier. Comme lui, il a fait sa vie dans une autre fonction. Le Hongrois Lajos Kassák, écrivain, peintre et poète d’avant-garde, l’un des premiers de son pays, a 22 ans lorsqu’il s’en va, à pied, les poches à peu près vides. C’est un autodidacte. Ses parents voulaient en faire un prêtre. Son père, préparateur en pharmacie, abandonne la famille. Les enfants Kassák sont élevés par leur mère, blanchisseuse. Lajos entre à 12 ans en apprentissage. L’épopée picaresque contée dans Vagabondages n’est qu’une partie d’un long cycle autobiographique. Publiée en 1927, elle commence au moment où l’auteur décide de laisser non seulement son pays et son métier, mais aussi tout travail lié à une forme de soumission.

Comme dans Don Quichotte, les chevaliers en guenilles vont par couple : accompagné successivement par deux énergumènes, eux-mêmes hongrois, écrivains, artistes, Kassák traverse son pays, l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, le nord de la France. On est en 1909 : ce sont encore des années où les villes sont petites, les campagnes peuplées, leurs habitants à la fois pauvres, durs et habitués à nourrir, à accueillir dans une étable ou un poulailler, quitte à les insulter, les multiples loqueteux qui passent ; car les routes et les asiles de nuit sont pleins de vagabonds. Ce sont aussi les années où bourlingue le jeune Cendrars, auquel l’auteur de Vagabondages et ses compagnons font souvent penser, l’amertume en plus. Kassák laisse à Budapest la dulcinée qu’il épousera plus tard et qui l’a engagé à partir, peut-être parce qu’elle le trouvait pénible. De toute façon, comme écrit Cendrars, quand tu aimes il faut partir. Surtout à 20 ans. Elle lui écrira des lettres, poste restante, tout au long du voyage, et fera publier des poèmes qu’il lui envoie. L’objectif est Paris, la ville qui fait rêver le monde ; mais ce n’est qu’un objectif. L’idée est de bouger et de monter la vie à cru, quitte à subir ses ruades.

Foyer de travailleurs

Il prend d’abord le bateau, sur le Danube, avec son premier compagnon et ami, le sculpteur sur bois Gödrös. Ça commence bien : «Jusque-là, j’avais toujours été indifférent à la nature, et maintenant, de part et d’autre du Danube, je sentais la beauté des collines, qui m’apparaissaient comme des corps à la vie trépidante, et j’entendais presque la croissance des arbres lointains et la respiration des prairies étendues. « Tu vois, dis-je à Gödrös, elle vit pour de bon, la vie. » Lui, il jacassait d’abondance, et il était aussi insouciant et joyeux que moi. Tout mon passé, comme un lourd boulet, se détachait, s’éloignait de moi. […] Nous voyageâmes ainsi jusqu’à cinq heures de l’après-midi, nous nous amusions des palabres des gens, nous regardions les bras nus des filles, et celles qui nous paraissaient dignes d’amour, nous échangions à leurs propos des gaillardises et des inepties. Nous ne parlions pas des choses et des gens de chez nous. Je n’y pensais même plus, j’étais tout aux instants qui passaient. On ne peut se sentir si bien que dans la pureté animale. Hier était loin, et demain ne m’intéressait pas.» Très vite, évidemment, ça se gâte.

Au premier foyer de travailleurs, il faut se déshabiller avant d’entrer : «Nous étions dans un couloir de cave mal éclairé. De longs champignons saillaient sur un mur, nos vêtements jetés dessus faisaient sur les murs blancs comme des ombres de cadavres pendus.» L’écriture de Kassák restitue la violence, les surprises, les images, tout ce qui, dans un tel voyage, relève de la comédie et de l’apparition. Les deux garçons, bientôt épuisés, passent la frontière. Après une nuit à la belle étoile, «soudain, comme surgi de terre, un agent de police fut devant nous. Il dit quelque chose en allemand, je sentis que ces paroles devaient être des questions, mais j’étais incapable de rien répondre. Peut-être que cet homme bien astiqué, engoncé dans son uniforme, avait passé toute la nuit planté dans notre dos, et maintenant que le soleil se montrait, il en faisait autant pour notre perte». Kassák ne parle pas l’allemand. Gödrös lui a dit qu’il le parlait, mais c’est faux, et le voilà qui sort un petit dictionnaire rouge et se met à ânonner des mots allemands «à vous écorcher la langue». Kassák découvre qu’il voyage en compagnie d’un menteur patenté. Au poste, on les interroge, on leur hurle dessus. Kassák dit en hongrois au flic qui ne le comprend pas : «Tu peux bien me gueuler après. Si cette crapule de Gödrös n’est pas capable de te parler avec un dictionnaire, alors, qu’est-ce-que tu me demandes, à moi, qui n’en ai pas ?» Cette scène inaugurale va se répéter, d’une façon ou d’une autre, de pays en pays, que ce soit lorsqu’ils mendient, entrent dans un foyer, tapent des paysans, se font passer pour ce qu’ils ne sont pas : l’enfer, quand on voyage comme ça, c’est l’autre qu’on ne supporte plus, mais sans lequel il est encore plus difficile de voyager. Et il ne faut pas attendre de ces voyageurs la moindre reconnaissance. Le don n’a aucun lien avec la gratitude.

«Petites combines»

Dans un salon de coiffure, Gödrös feint d’être coiffeur, ne trompe personne, est passé à tabac ; on dirait une scène de Molière. Les tripes au vinaigre servies dans les foyers d’accueil où ils dorment à même le sommier d’acier, le lait aigre que leur offrent systématiquement les paysans qui n’ont rien d’autre, leur mettent les boyaux à l’envers : «Et nous faisons bombance sans mesure, et notre nez peu à peu s’emplissait d’odeurs de tourné, le monde autour de nous n’était plus que du lait aigre qui nous tombait dessus comme un nouveau déluge. Ce lait vraiment nous étouffait nuit et jour.» Ils s’aguerrissent, apprennent à mentir, à tondre une petite ville. Ils deviennent cyniques, ne cessent de s’engueuler, en viennent à se haïr. C’est une vie circulaire, où une scène ne fait qu’en répéter une autre, même si chacune méritait d’être écrite. Dans une taverne allemande, ils parviennent à se faire servir un gueuleton, en commençant par refuser une bière pour mieux attendrir les clients. Ils finissent avec une gueule de bois, la panse pleine et un lit. Au matin, ils s’avisent qu’après des semaines de voyage ils n’ont toujours pas visité «une église, ni un musée, ni un cimetière», eux les artistes, les poètes, et Kassák dit à Gödrös : «Si nous devons vagabonder ainsi longtemps, il n’adviendra rien de nous. Nous sommes maintenant des salauds irresponsables, nous voyageons à coups de petites combines, et nous passons en aveugle à côté de tout ce qui se propose à nous de beau et de grand.»

Cet état d’esprit fait de hauts et de bas, trempé comme un acier dans la froide épreuve de la route, cet état où la volonté d’être libre reste plus forte que toute morale sociale et que le plus dur obstacle, il le décrit rétrospectivement très bien : «Des jours et des jours après encore, je fus tenté de retourner à Pest, de planter là Gödrös et ses mensonges, de laisser les asiles, les eaux de vaisselle des postes de secours, et de me retrouver devant l’établi, et de suivre ma vocation, de faire ce pour quoi j’étais né. Mais tout cela, c’étaient des idées qui me venaient sur la grand-route, mes pieds rebelles, eux, martelaient le sol, le ciel infini était bleu au-dessus de moi, et j’allais comme si le vent m’avait poussé loin de Pest dans un espace encore inviolé et un temps encore non mesuré. L’amour du travail n’était déjà plus pour moi qu’une mauvaise maladie momentanée. Des forces inquiètes m’habitaient, elles m’emportaient, et je m’abandonnai à elles. Où elles m’emportaient, vers quoi, cela ne m’intéressait pas.» Mais pour être emporté, il faut des chaussures, et quand les leurs ne leur vont plus, parce que leurs pieds ont enflé, ils vivent l’enfer et ils se quittent. L’image que Kassák donne rétrospectivement de Gödrös est déplorable, mais rien ne nous dit qu’elle n’a pas été déformée par la colère, le souvenir, le sens du récit ou la volonté de paraître, par contraste, le mec bien.

Vieillards poudrés

C’est alors que, dans une taverne de Stuttgart, Kassák est abordé par un étrange individu nommé Emil Szittya, le futur auteur de 82 Rêves pendant la guerre 1939-1945 (lire Libération du 9 février 2019). Il a le même âge que lui, portrait : «Szittya s’assit sur la chaise en face de moi, et croisa les jambes avec élégance. Il parlait en accentuant fortement les mots, il prenait grand soin de se montrer à moi sous un jour respectable et pourtant, tout, en lui, me faisait l’effet d’un drôle de bonhomme, avec ses singeries. Il portait des bottines montant jusqu’aux chevilles, un brûle-gueule de matin au tuyau mâchonné sortait de son gousset, ses cheveux étaient drus et raides comme du fil de fer, on aurait dit les piquants d’un hérisson.» Comme les voleurs d’enfants de Pinocchio, Szittya commence par amadouer Kassák en lui offrant des galettes de pomme de terre, puis en leur trouvant une chambre où dormir, chez un vieil homme qui se prend pour un musicien et qu’il s’agit de flatter. Assez vite, les choses tournent mal. Szittya, antisémite, a une spécialité : se faire passer pour juif afin de récupérer de l’argent ou des repas dans les caisses d’entraide juives, qui soutiennent les familles victimes de pogroms à l’Est, et dans les synagogues. Comme dans les Aventures de Rabbi Jacob, Kassák doit alors apprendre à réciter les prières en hébreu, mais il n’y arrive pas, ou mal. Comme ils dorment dans le même lit, et comme Szittya lui vante les corps des jeunes athlètes, Kassák se noue dans une chemise de nuit trop grande pour lui, car il craint d’être violé par son nouveau compagnon, qui le conduit dans un cabaret d’homosexuels, occasion d’une description dégoûtée mais dantesque : si Kassák n’a eu aucun plaisir à être approché par des vieillards poudrés, dans le genre Charlus, il en a pris dix-huit ans plus tard à les décrire, et il en donne. Dix autres scènes relèvent du roman picaresque, chez des moines méchants, des paysans belges odieux, à Bruxelles où Kassák découvre les crevettes qu’il confond avec des cancrelats, mais aussi le milieu des révolutionnaires russes, enfin en France, où les villageois sont atroces. Paris le déçoit et il rentre vite fait et par le train à Budapest, où l’attend sa vie d’écrivain.

A propos de Vagabondages de Lajos Kassák:
-Titre original : Csavargások
-Première publication 1927 à Budapest

Lajos Kassák Vagabondages Traduit du hongrois et préfacé par Roger Richard. Séguier, 248 pp., 19 €.

Notes

(1) En 1909, avec un compagnon de route, l’écrivain hongrois Lajos Kassak, il fait une bonne partie du chemin. Dans les villes, ils tapent les associations de toutes sortes, de l’Armée du salut aux socialistes en passant par les juifs et les catholiques. Parfois, ils dorment sur un banc, ou sur des matelas pleins de punaises. Szittya amène Kassak dans un cabaret homosexuel, chez des individus dont il obtient un lit, un repas, des sous. Il est doué pour les rencontres et ne peut «résister aux choses bizarres»«Sa figure grotesque, écrit Kassak dans son autobiographie publiée en 1926, se frayait un chemin parmi les passants. Il parlait comme un possédé de Dieu, et il était hirsute et sale comme en automne les chiens vagabonds. Est-il bon ? Est-il mauvais ? me demandais-je souvent. Et je ne trouvais pas de réponse nette à cette question. Il pouvait être un de ces Juifs légendaires qui errent par les routes leur vie durant, et ne se trouvent jamais de patrie. […] Je marchais à côté de lui, et je lorgnais d’un œil en coin cet insecte chimérique, ce bouledogue en pain d’épice, ce pou du désert au poil crépu, ce perroquet aux sept couleurs chargé d’un sac à dos, et je faisais comme si je prenais au sérieux toutes ses extravagances, et comme si elles m’enthousiasmaient.»

in L’occupation des rêves, sur les traces d’Emil Szittya par Philippe Lançon in Libération daté 8 février 2019

Sites à visiter :

Biographie
https://monoskop.org/Lajos_Kass%C3%A1k

Musée
https://whichmuseum.com/hungary/budapest/kassak-museum

Contexte culturel

Les mouvements d’avant-garde dans les années 1920 – Institut culturel hongrois, Paris (> 12/07)

 

De quelques marcheurs par Michéa Jacobi

Michéa Jacobi est né en 1955, à Arles dans le quartier de Trinquetaille. Instituteur, il vit et travaille à Marseille.

De Neil Armstrong (astronaute) à Giovanni Zarbula (cadrannier) en passant par Empédocle et bien d’autres marcheurs qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire grande ou petite, Michéa Jacobi nous convie à mettre nos pas dans ceux de ces philosophes, mystiques, poètes, archipoète et gens de peu. On croise Woody Guthrie, le pape Grégoire XVI, un marcheur pur, un saint ahuri et un torero à pied. Chaque page raconte, dans de courts textes fluides, les vies peu ordinaires d’humains pour qui la marche a été sinon un émerveillement au moins une victoire de « l’aplomb ».

Neil Armstrong – photo NASA

« Tout homme qui marche est porteur d’un secret », confie l’auteur. Il cherche dans la relation des motivations de ces « Walking Class Heroes » à percer leur secret, dans ce petit livre passionnant.

Classés par ordre alphabétique, ces 26 marcheurs invétérés aux parcours singuliers ont en commun une passion particulière : pendant la majeure partie de leur existence, ils éprouvèrent un goût irrépressible pour la pratique de la marche :

Armstrong Neil, astronaute (né en 1930), Basho, haïkiste et pèlerin (1644 – 1694), Coryat Thomas, pedestrissime Odcombien (1576 – 1617), David-Néel, Alexandra, tibétophile (1868 – 1969), Empédocle, marcheur triomphal (490  – 435 av. J.-C.), Faber Gotthilf Theodor von, piéton à Saint Pétersbourg (1766 – 1847), Guthrie Woodrow Wilson dit Woody, compositeur itinérant (1912 – 1967), Hearne Samuel, explorateur obstiné et ethnographe de circonstance (1745 – 1792), Ibn Battûta, Abou Abd Allah Muhammad dit, (1304 – 1369), Jean de Dieu, marcheur de l’angoisse à la sainteté (1495 – 1550), Korzeniowski Robert, marcheur pur (né en 1968), Lasteyrie Charles-Philibert de, comte, agronome et éducateur (1759 – 1849), Muston Alexis, dit le grand faucheux (1810 – 1888), Noël Magali, Magali Noëlle Guiffray dite, Muovi lo (né en 1932), Orrorin tugenensis, lointain camarade (entre 6,9 à 7,2 millions d’années), Poulmann, Pierre-Joseph, assassin (guillotiné en 1844), Querno Camille, Archipoète (1470 – 1528), Romero Francisco, torero à pied (vers 1700 – 1763), Saba, Umberto Poli dit, poète triestin (1883 – 1957), Torres Villarroel Diego de, Gran Piscator de Salamanca (1694 – 1770), Ulay, Uwe Laysiepen dit, marcheur nuptial (né en 1943), Vidrequin Roméo, sapeur (1920 – 1999), Walking Stewart, John Stewart dit, philosophe autodidacte (1749 – 1822), XVI Grégoire, pape anti-siège (1765 – 1846), Yun Li Ching, comme un pigeon (1736 ou 1677 – 1933), Zarbula, Giovanni Francesco, cadrannier (actif dans les Alpes du Sud entre 1833 et 1881)

Un petit ouvrage réédité, publié une première fois, en 2012, aux éditions La Bibliothèque, ce recueil était épuisé. Pour cette nouvelle édition chez Le Tripode, l’auteur a révisé l’ensemble et augmenté le recueil de cinq dessins inédits.

Alexandra David-Neel au retour de Lhassa, 1928

Woody Guthrie

 

Michéa Jacobi – Walking class heroes – éd. Le Tripode – 10€

Des hadrons aux piétons – Le Grand Paris Express

L’accélérateur du Grand collisionneur de hadrons, au nord-ouest de Genève, est constitué de 27 km de tunnel, à 100 m sous terre, dans lequel les particules sont lancées à 99,9999991% de la vitesse de la lumière et vont effectuer 11 245 fois le tour de l’accélérateur par seconde.

En adaptant les chiffres, ce pourrait être une présentation du Grand Paris Express, ce tube de béton en majeure partie enterré qui vient s’ajouter à la Petite Ceinture et aux périphériques pour ceindre un territoire en expansion.

Les aménagements urbains s’implanteront aux confins de terres agricoles traitées aux pesticides, des gares seront érigées au milieu des champs (le Mesnil-Amelot : 850hab) favorisant les opérations immobilières et la gentrification de banlieues dont les plus défavorisés seront rejetés hors du périmètre. Ce qui nécessitera dans quelques décennies un nouvel anneau, répétant ainsi les mêmes erreurs.

© Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris

Pour vendre ce projet qualifié de  plus grand projet urbain en Europe, une opération de séduction d’envergure propose de parcourir à pied les territoires promis aux aménageurs en charge des projets. Les mêmes arguments que ceux qui ont présidé à la construction de Noisy-le Grand, sont utilisés pour vendre un mode de vie, des visions d’avenir. A la fin des années 70, le futur se dessinait un nouvel avenir avec les Camemberts de l’architecte espagnol Manuel Nuñez Yanowsky ou encore les Espaces d’Abraxas de l’architecte espagnol Ricardo Bofill, et le système SK, métro hectométrique lancé en 1988 à la suite de l’annonce du « complexe Mail-Horizons » du promoteur Christian Pellerin. Métro qui devait alors relier deux stations du quartier d’affaires à la gare de Noisy-le-Grand-Mont d’Est sur la ligne A du RER d’Île-de-France. Ligne et matériel construits et abandonnés.

Aujourd’hui, hors le réseau express,  les arguments restent identiques avec la couche de préoccupations écologiques venant à point nommé verdir l’ensemble des projets d’aménagement de villes interconnectées par un anneau de vitesse.

document Le Grand Paris Express

Les critiques sont malvenues, l’adhésion est de mise et pour finir de convaincre les plus réticents, la communication s‘habille de promenades, de campagnes photographiques et de romans. Un récit visant à métamorphoser des territoires disparates en une image unifiée, dans l’esprit d’habitants à la conscience territoriale fractionnée.

Des pratiques, théorisées au début du XXème siècle, contribuent à changer les modes opératoires des aménageurs et des urbanistes comme le souligne Francesco Carreri dans La marche comme art civique. (1)

En 1913, Patrick Geddes (2), biologiste écossais déjà reconnu à l’époque, invente Civics, un nouveau cours universitaire consacré à l’étude pratique de la ville, vue à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolutionnisme à la civitas. C’est la naissance d’une nouvelle discipline, inexistante jusque-là : l’urbanisme itinérant, une science civique qui propose aux étudiants et aux futurs planners de se plonger directement dans ses replis, de s’« échapper des abstractions courantes de l’économie et de la politique au sein desquelles nous avons tous été plus ou moins élevés » pour revenir « à l’étude concrète, à partir de laquelle la politique et la philosophie sociale ont à vrai dire vu le jour dans le passé, mais se sont trop égarées – celle des villes comme nous les trouvons, ou plutôt comme nous les voyons se développer » (Geddes, 1994). L’urbanisme naît donc à pied, de façon labyrinthique et participative, comme méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer les villes. Il n’en résulte pas une vision abstraite et surplombante sous forme de cartes statiques divisées en zones fonctionnelles colorées, mais plutôt un récit phénoménologique évolutif, décrit depuis un point de vue horizontal, mis en mouvement en marchant dans les replis de la ville : la survey walk. 

La marche est tendance, la marche est fédératrice, la marche véhicule de valeurs qui cautionnent les aménagements. Le piéton devient la mesure des espaces publics.

« La marche est révélatrice d’espaces, la marche énonce les lieux, chaque pas épelle un morceau de territoire, chaque itinéraire épouse le phrasé de la ville » Michel de Certeau.

De qui piéton est-il le nom?

la réponse de Thierry Brenac et Martin Claux dans : Réflexions sur le sens des mots – piéton, marche, déambulation (3) en précise le sens avec à propos

Le mot de piéton qualifie celui qui va à pied, mais aussi, plus largement, celui qui est à
pied. C’est un dérivé du verbe piéter, qui n’est plus que rarement utilisé aujourd’hui, mais qui a également un sens statique (comme dans « se piéter devant quelqu’un » – on dirait plus couramment aujourd’hui « se planter devant quelqu’un »). D’autre part, piéton est un
substantif, et ne désigne pas l’action en elle-même (aller à pied ou se tenir sur ses pieds), mais qualifie la personne, pour une certaine période du moins : le piéton qui s’assoit sur un banc est encore un piéton.

Dans cette publication, les auteurs précisent leur point de vue sur la marche urbaine :

Au-delà des fonctions hygiénique et environnementale prêtées à l’aménagement dans le
cadre des politiques de développement de la marche, il semble probable que ces politiques
portent la marque du tournant entrepreneurial de l’action publique urbaine. Une rapide revue
de la littérature grise et scientifique le laisse à penser. Ainsi, pour Sonia Lavadinho (4) le regain
d’intérêt pour la marche s’explique en partie par le souhait des gouvernements urbains de
développer l’activité touristique urbaine et de doter leurs territoires des attributs considérés
comme nécessaires à l’attraction des classes créatives.

Celles et ceux qui souhaitent assister le 23 octobre à la Conférence Les piétons du Grand Paris – Regards croisés sur la marche urbaine, sont invités à s’inscrire.

Notes :

(1) Extrait de [La marche comme art civique (Walking as Civic Art) de Francesco Careri Traduction de Laura Brignon]

(2) Patrick Geddes (né le  à Ballater, Aberdeenshire, Écosse et mort le  à Montpellier) est un biologiste et sociologue écossais, connu aussi comme un précurseur dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, l’économie, l’urbanisme, la géographie, la muséographie et surtout l’écologie.

(3)
– Thierry Brenac Chargé de recherche, IFSTTAR, TS2, LMA
– Martin Claux Maître de conférences, Institut de Géoarchitecture, Université de Bretagne occidentale

(4) Sonia Lavadinho, Le renouveau de la marche urbaine : terrains, acteurs et politiques, Thèse de doctorat, ENS de Lyon, 2011

 

 

Tatiana Trouvé – Desire Lines – Triennale Gigantisme

GIGANTISME — ART & INDUSTRIE est une initiative collective inédite sur le territoire des Hauts-de-France, à Dunkerque : la création d’une nouvelle triennale art et design en Europe. Une exposition d’installations hors échelle, créées pour l’occasion, d’œuvres in situ, de sculptures, peintures, films et performances incarnent les rencontres entre artistes, ingénieurs, designers et architectes. Elle se déploie sur différents lieux d’exposition et sites urbains et portuaires. Un parcours original qui repense à l’échelle du paysage dunkerquois une histoire de la modernité européenne de 1947 à nos jours ; entre patrimoine vivant et création contemporaine.

C’est dans ce cadre que les visiteurs peuvent voir jusqu’au 5 janvier 2020 la pièce  « Desire Line » que Tatiana Trouvé avait présentée à New York en 2015. Une matérialisation en bobines des parcours de marche dans Central Park.

Un monument dédié aux marches.

Lorsque le Public Art Fund a demandé à Tatiana Trouvé, sculpteure d’origine italienne qui travaille à Paris, de créer une œuvre en rapport avec le parc, son instinct lui a dit de rêver grand. Cette pièce qui était présentée en 2015 au Doris C. Freedman Plaza, près de la 60e rue et de la Cinquième avenue, est, en quelque sorte, à l’échelle du parc lui-même. Elle est composée de kilomètres de cordes colorées qui, si elles étaient déroulées des bobines de bois de différentes tailles qui les retiennent, s’étireraient le long de chaque mètre des 212 chemins répertoriés. Cette pièce gigantesque vise à encourager les visiteurs à réfléchir aux diverses implications sociales et politiques de l’acte de marcher.

La structure comprend trois étagères en acier, mesurant près de trois mètres de haut, qui retiennent des bobines de corde de différentes couleurs. Il y a en tout 212 bobines, chacune d’une longueur correspondant à un chemin spécifique dans le parc. Tatiana Trouvé a cartographié, nommé et indexé chacun d’entre eux, des voies de circulation aux chemins isolés et non nommés. De loin, l’installation ressemble à une trousse de couture géante ou à un stock de bobines électriques Des plaques gravées sur chaque bobine identifient divers actes culturels ou mémoriels.

Présentation des localisations des parcours de Central Park avec mention des métrages.

La sculpture de Tatiana Trouvé évoque la pérennité du parc, non seulement dans son utilisation, mais aussi dans son évolution en tant que site. L’oeuvre évoque la construction même du parc, ce que Betsy Rogers (1) appelle «une grande réalisation du dix-neuvième siècle en matière de drainage et d’irrigation. Une grande réussite dans l’intégration de la circulation dans le paysage, en divisant le parc en cinq parcs plus petits. » Les bobines volumineuses d’apparence industrielle, magnifiquement fabriquées, semblent faire écho aux échafaudages sur les bâtiments alentours, comme une partie des milliers de kilomètres de câbles qui acheminent le courant à travers la ville.

L’installation de Tatiana Trouvé joue dans le monde souterrain entre le réel et le représenté. Elle a travaillé sur le projet Central Park dans l’idée que le parc et ses sentiers fonctionnent à la fois comme des espaces physiques et des évocations culturelles. Alors, elle a plongé dans ce qu’elle appelle «le vaste monde des marches» et a utilisé des plaques métalliques gravées pour attribuer chacune de ses 212 bobines – c’est-à-dire chacune des allées du parc – une marche politique ou une promenade d’histoire, d’art ou de chanson.

Vue partielle de l’oeuvre de Tatiana Trouvé dans la Halle A2P du Frac-Grand Large

« Il y a tellement d’artistes qui ont travaillé sur la marche, c’est dommage que je ne puisse pas tous les utiliser ici », a déclaré l’artiste dans une interview. Elle ajouta : «C’est juste un tout petit atlas de toutes les promenades que j’ai trouvées, de celles que j’ai pu trouver. Je pourrais continuer à travailler dessus pendant des années.

 

 

Note

(1) Betsy Rogers est présidente de la Foundation for Landscape Studies , qu’elle a créée, a enseigné le programme qu’elle a élaboré au Bard Graduate Center et a publié un journal littéraire, Site / Lines . 

A son actif la création du Central Park Conservancy qui constitue le tout premier partenariat de parcs public-privé, en 1980. Le modèle a été adopté depuis par des parcs à l’échelle des Etats-Unis.

La marche comme art civique

Photo : portrait de Patrick Geddes

Texte  : Francesco Careri

En 1913, Patrick Geddes (1) a inventé Civics , un cours universitaire dans lequel ce biologiste écossais dévoué se consacrait à l’étude pratique de la ville, la regardant à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolution à la civitas . C’est la naissance d’une nouvelle discipline: l’urbanisme ambulant, une science civique qui propose étudiants et futurs planificateurs , plonge directement dans les replis de la ville.

«S’échapper des abstractions actuelles de l’économie et de la politique dans lesquelles tous, plus ou moins également, ont été éduqués; pour revenir à l’étude concrète, à l’origine de laquelle la politique et la philosophie sociale ont émergé, mais dont ils se sont ensuite éloignés: se demander si les villes sont ce qu’elles sont, ou plutôt comment nous les voyons grandir ». C’est ce que dit Geddes dans Cities in evolution: une introduction au mouvement de l’urbanisme et à l’étude de l’éducation civique

Design and Planning for People in Place:
Sir Patrick Geddes (1854–1932) and the Emergence of Ecological Planning, Ecological Design, and Bioregionalism

L’urbanisme naît ainsi, à pied, de manière labyrinthique et participative: une méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer la ville, dont le produit n’est pas une vision abstraite ou zénithale de cartes statiques colorées en zones fonctionnelles, mais un décompte phénoménologique évolutif, décrit à partir de un point de vue horizontal, lancé en marchant entre les replis de la ville: la marche topographique .

Entre 1914 et 1924, Geddes expérimenta en Inde ses premières marches d’enquête , une sorte de plans de régulation évolutifs qui, à quelques exceptions près, ne sont pas conçus, mais sont comptés sous forme itinérante: ce sont des promenades dans la ville, de longues promenades se terminant sous forme de guides. qui décrivent la civitas , qui la photographie dans son état actuel et donne des indications pour les changements successifs. Il ne s’agit pas de guides normalisés ou de normes à appliquer de manière aérienne, mais des observations itinérantes représentées à la hauteur d’un homme perdu dans les méandres urbains, découvrant de nouveaux territoires, imaginant corrections et interprétations.

Il est à noter que Geddes a pris note de l’évolution historique des centres urbains en définissant lesquels devraient être pris en charge, lesquels devraient être laissés à leur propre devenir naturel et qui ont aidé l’organisme urbain à devenir de nouvelles conformations. Geddes a marché avant et après la préparation d’un plan de réglementation, expérimentant une nouvelle méthode pédagogique avec laquelle il a pu communiquer avec les habitants, les véritables acteurs de ce plan.

En bon anarchiste, il était convaincu que la production de la ville devait être ascendante , il croyait en une participation avant le litteram. Lors de la phase d’analyse, il était avec les habitants du site pour écouter leurs problèmes et les solutions proposées. puis, dans l’ enquête, il les qualifiait d’interlocuteurs privilégiés: c’est-à-dire gardiens et exécuteurs de leurs indications, une invitation permanente leur étant adressée de marcher dans les solutions qu’il avait imaginées.

Dans Rieducazione alla Speranza. Patrick Geddes, planificateur en Inde de 1914 à 1924 , Giovanni Ferrero a décrit avec passion cette méthode itinérante et participative. «Marcher, ce n’est pas seulement regarder: c’est aussi écouter, dans chaque lieu, qui vit et connaît la ville. C’est pourquoi Geddes évoque souvent avec gratitude ses interlocuteurs locaux. Avec son planificateur – arpenteur, il marche, regarde, écoute. Et parler. En se promenant dans la ville indienne, Geddes semble avoir découvert le véritable sens de la philosophie périathique , dans laquelle les Grecs parlaient de la philosophie sous leurs bananes, tout comme les Indiens – Tagore et Bose – enseignent encore, assis sous l’ombre ».

Ferrero raconte un épisode émouvant dans lequel Geddes a expérimenté la marche, non seulement comme un art d’observation de la ville, mais comme un art performatif capable de la transformer. C’était en 1923 et Geddes était en Amérique, invité par son élève Lewis Mumford à suivre un cours à la Regional Planning Association of America. Dis comment Geddes avait l’air. «Assis en tailleur, tel un gourou indien, sous un grand chêne – qui dans la magie de son histoire devient presque une banane – tout en nous racontant son urbanisme en Inde: et comment, comme Mahrajà d’un jour , avait éradiqué la peste à Indore.  »

Ferrero dit que Geddes était consterné car il ne parvenait pas à établir un véritable contact avec les habitants ni à les sortir de leur léthargie. Les habitants, le voyant passer et prenant des notes, le craignaient non seulement, comme le nième planificateur occidental qui était prêt à jeter leurs maisons à terre, mais ils avaient également commencé à dire qu’il répandait la peste. Comment communiquer avec eux? Comment représenter le développement civique dans l’esprit des citoyens? Une idée m’est venue à l’esprit, une sorte de procession d’urbanismecapable de susciter son intérêt pour l’hygiène et l’entretien de la ville. Ni les cartes, ni les dessins, ni les modèles n’auraient pu rivaliser avec une promenade dans la même ville: «Fais-moi Mahrajà un jour!». C’est ainsi qu’il organisa le Nouvel An hindou de Duwani, où la procession « suivait une nouvelle rue au lieu de la suivre: une rue le long de laquelle les maisons étaient mieux placées pour l’occasion ».

L’opération a été un succès. Un véritable concours est né pour repeindre et re-systématiser les maisons et les rues. Dans le défilé, à côté des voitures de nouveaux masques mythologiques, les voitures ont été déplacées avec les plans de la ville et les modèles des bâtiments à construire. La ville d’Indore est apparue comme jamais vue auparavant. La participation du peuple était très élevée. On ignore si c’est à cause de la propreté ou de l’arrivée de la nouvelle station, mais la peste a été définitivement éradiquée.

Lorsque, en 2005, j’ai eu l’occasion d’inventer un nouveau cours pour l’école d’architecture de Rome Tre, en hommage à Geddes, le professeur Giorgio Piccinato a suggéré que je l’appelle Civics . Je ne connaissais toujours pas le professeur écossais, mais j’avais proposé un cours entièrement à pied, qui se déroulait en ville et jamais au sein de l’université. Périphériques comme ces philosophes athéniens, itinérants, peut-être comme l’aurait souhaité Geddes lui-même. Je pensais appeler ça de l’art urbain, mais je me suis alors convaincu de l’appeler arts civiques.

Bien qu’à l’origine, cela paraisse rhétorique, sculpté en lettres latines sur un fronton de l’architecture mussolinienne de Rome, peut-être que ce goût obsolète et dépassé pourrait être une bonne provocation. Ce n’était pas de l’art public, terme courant dans le monde universitaire et sur le marché de l’art, grillé par des actions triviales de mobilier et d’embellissement des espaces publics. Le Street Art non plus, plus à la mode dans des environnements antagonistes, n’indique que des peintures murales et des graffitis sur les palais de la ville. Ce n’était pas l’Art Urbain, un terme qui désigne des objets et des installations placés dans une ville physique, faite simplement de bâtiments, de maisons et de rues. C’était Civic Arts, un terme plus engagé, qui a à voir avec civitas, avec le statut de citoyen, avec la production non seulement d’espaces mais aussi de citoyenneté, de sentiment d’appartenance à la ville; non seulement la production d’objets, d’installations ou de peintures, mais aussi de promenades, de significations, de relations.

Comme le Civics de Geddes, il est aussi pluriel parce que transdisciplinaire. La transformation de la ville ne peut être laissée aux seuls urbanistes, architectes ou hommes d’affaires, elle doit s’étendre à toutes les sciences qui s’intéressent à la ville, aux anthropologues, géographes, sociologues, biologistes. Et en dehors de la science, les artistes doivent aussi marcher. Explorer la ville à pied et en comprendre le sens est un art au même titre que la sculpture, la peinture et l’architecture, mais aussi la photographie, le cinéma et la poésie, qui en disent souvent plus efficacement que les urbanistes. , le phénomène le plus difficile à lire dans la ville d’aujourd’hui.

L’intention de l’éducation civique est évidente : sensibiliser les étudiants et les citoyens aux réalités qui sortent de leur routine quotidienne; étudier les phénomènes émergents par le biais d’une interaction avec l’espace social; entrez en contact avec les diverses cultures qui peuplent la ville, celles des exclus à la campagne ou dans les bidonvilles et celles des habitants des riches communautés fermées .

Dans la marche d’aujourd’hui, il est confirmé que l’urbanisme a cessé de produire de la ville et, penché devant les règles du marché néolibéral, a commencé à produire des espaces sans interaction réciproque. Marcher sans ville: une ville sans instruction civique . Celle dans laquelle Geddes travaillait était toujours une ville unie, avec des règles et des langages partagés, avec une lente évolution et des transformations réduites. La marche était toujours une action «normale» après tout, pas une action artistique expérimentale avant-gardiste.

Dans les villes d’aujourd’hui, qui se transforment rapidement, marcher et franchir les frontières est devenu le seul moyen de reconstruire les tissus à partir des fragments urbains séparés dans lesquels nous vivons. La marche est devenue l’instrument esthétique et scientifique permettant de reconstruire la carte du processus de ces transformations, une action cognitive capable d’accueillir également les amnésias urbains que nous retirons de manière inattendue de nos cartes mentales parce que nous ne les reconnaissons pas comme une ville. .

Une fois le nom défini, j’ai demandé au doyen, le professeur Francesco Cellini, de ne pas m’attribuer une salle de classe, car il n’y en avait pas besoin. Aucune leçon et aucun examen n’aurait lieu à l’intérieur de l’Université, tout se ferait à pied. Enfin, j’ai eu l’occasion de transmettre aux étudiants les connaissances et la méthodologie acquises au fil des années avec les dérives urbaines de Stalker , un collectif d’artistes de Rome dont la marche est un outil d’action et d’esthétique. C’étaient des glissements entre les frontières abandonnées des grandes villes et je pourrais en parler dans le livre Walkscapes, promenade comme une pratique esthétique ,

Les arts civiques sont le cours que j’aurais aimé suivre en tant qu’étudiant: explorations et réappropriations de la ville; marcher comme une méthodologie de recherche et d’enseignement; l’expérimentation directe des arts de la découverte et la transformation poétique et politique des lieux. En fait, le cours demande aux étudiants et aux citoyens qui le suivent d’agir dans la ville à l’échelle 1: 1, en tant qu’action physique de leurs corps dans l’espace. Son objectif est de réactiver leurs capacités innées de transformation créatrice, de leur rappeler qu’ils ont un corps avec lequel se positionner dans la ville, des pieds avec lesquels marcher et des mains avec lesquelles ils peuvent modifier l’espace dans lequel ils vivent. Dans chaque leçon, vous marcherez environ dix kilomètres, du déjeuner au coucher du soleil. De temps en temps, nous nous arrêtons pour lire des textes, pour commenter les espaces que nous avons réussi à pénétrer, pour raisonner sur la ville, sur l’art et sur la société. En marchant, nous devenons une sorte de tribu itinérante, avec ses propres règles, un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade

Dix ans ont passé depuis que j’ai commencé le cours et pendant ce temps, nous avons développé son fonctionnement, en modifiant constamment la zone d’exploration autour de Rome. Chaque année, nous avons tracé un chemin unique en plusieurs étapes: premièrement, nous quittons symboliquement l’université et marchons vers la mer jusqu’au lieu où Pier Paolo Pasolini a été tué; ensuite nous avons grimpé le long du Tibre, où nous avons trouvé les nouveaux habitants informels et où nous avons rencontré la grande question du peuple rom; Ensuite, nous marchons complètement dans le Grande Raccordo Anulare , une promenade ouverte aux citoyens de Primeveraromana , afin de voir les transformations sur les bords de la plus importante infrastructure urbaine de la ville. plus tard, duGRA nous partons en direction de la plaine, en montant vers les volcans et les châteaux romains; de là nous continuons le long de la côte en longeant les plages et la ville côtière; Enfin, nous faisons un parcours entièrement nocturne, en marchant de minuit à l’aube, en suivant la lune.

Dans les classes itinérantes, vous avancez les yeux croisés vers un objectif et vers ce qui le distrait. Il est une conscience perdue sur la base des concepts situationnistes de la dérive et psychogéographie, préparation aux incidents de la route, les enlèvements, la possibilité de trébucher et d’ oublier délibérément la rue. Jouer avec l’inattendu est en effet le seul moyen de prendre la ville par surprise, indirecte, latérale, ludique, non fonctionnelle, pour se retrouver dans des territoires inexplorés où naissent de nouvelles questions.

Il y a deux règles pour marcher dans ces espaces et avec le temps, elles deviennent une sorte de slogan. Le premier est « qui perd du temps, gagne de la place »: l’objectif doit toujours être une hypothèse, un projet qui a déjà été discuté au moment où il est prononcé. L’exploration n’a pas besoin d’objectifs, mais de temps à perdre, de temps non fonctionnel, ludique et constructif. La deuxième règle est « ne jamais revenir de la même manière »: si nous entrions dans un trou dans la clôture et que nous avions déjà parcouru quelques kilomètres, il serait vraiment déprimant de revenir en arrière. Le devoir de chercher une issue est un stimulant optimal pour explorer le territoire en profondeur, conduit à suivre les chemins qui invitent d’autres trous et vous met dans cet état d’appréhension dans lequel la peur et le danger sont des moyens d’apprendre.

Contrairement à Geddes, nous n’allons pas avec un mandat de planificateur. Nous allons voir en personne comment la ville se transforme en l’absence de planification, pour faire l’expérience de ce que notre présence peut être un dépaysement, pour inventer des portes et des itinéraires où il n’y a que des barrières. La capacité de pénétration est l’un des aspects de l’évaluation de l’action réalisée. Si on est obligé de marcher sur le trottoir, la valeur est zéro. Si vous pouvez entrer et sortir facilement entre différents espaces, la valeur est élevée: le territoire est perméable et permet un plus grand nombre de réunions et de connaissances. La route n’est pas faite le long des routes goudronnées mais, dans la mesure du possible, le long des marges entre la ville et la campagne, dans la boue et entre les arbustes, où la ville se développe et se transforme plus rapidement ,

Ici, la nature acquiert de nouvelles formes, survit en envahissant des usines abandonnées, de vieilles maisons en ruines, se développe dans des champs agricoles qui ne sont plus semés chaque année, car ils attendent de devenir des palais. En grande partie, vous vous promenez dans des endroits où nous ne devrions pas marcher: si vous voulez savoir, vous devez entrer dans des espaces où nous n’avons pas été invités à entrer, traverser les champs, sauter par-dessus les portes, trouver des trous dans les bars, suivre des sentiers et des indices laissés par ceux qui vivent cachés aux yeux de la ville.

Dans ces lieux, les personnes qui vivent à côté de nous sont contactées pour la première fois, mais nous ne connaissons rien d’autre que l’imaginaire des médias et nos préjugés. Par conséquent, la capacité de relation devient importante: ne pas laisser la place au trivial, faire bouger les choses, s’arrêter pour parler de sujets inattendus, savoir tirer parti des situations créées au hasard et les transformer en actions poétiques. Composez des comportements, construisez avec attention et poésie ce qui se passe sous vos yeux, franchissez les barrières comportementales à ceux qui participent à l’action.

L’urbanisme est né itinérant et ne peut être que nomade.

Note :

(1) Né à Ballaster (Ecosse) en 1854 et mort le  à Montpellier, Geddes est un brillant élève dont l’esprit est nourri des lectures de Ralph Waldo Emerson, Thomas Carlyle, ou John Ruskin. En 1874, il entreprend des études de biologie à l’Ecole des Mines de Londres auprès de Thomas Henry Huxley, ami de Charles Darwin dont il défend ardemment les thèses et auteur de Evidence as to Man’s Place in Nature (1863).


Ce texte a été publié à l’origine dans le livre The Pedestrian Revolution , publié en 2015 par Editorial El Caminante.

 

Werner Herzog : le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied.

Werner Herzog, cinéaste reconnu pour affronter des situations extrêmes, a parcouru une partie de la planète à pied. Coutumier de longues marches jusqu’à l’épuisement, il entend conjurer l’effondrement de la civilisation, thème récurrent de ses films, mais aussi affronter la mort.  En 1974, Werner Herzog a 32 ans. Il a déjà réalisé Aguirre et L’Enigme de Kaspar Hauser vient tout juste de sortir.

«Marcher nous fait sortir de nos habitudes modernes. Je fais mes films à pied. C’est en marchant que fonctionne le mieux mon univers imaginaire.» (1)

« Ce que marcher peut faire mal. » (2)

Certainement que pour le cinéaste, l’attrait pour l’absurde et la folie va de pair avec une esthétique des grands espaces et des paysages saisissants, d’où le récit de son voyage à pied Sur le chemin des glaces (Vom Gehen im Eis), Munich-Paris du 23 novembre au 14 décembre 1974, dont le texte incarne son auteur au point que la lecture de ce récit brosse un portrait saisissant de Werner Herzog, marcheur de l’extrême.

Quand le samedi 23 novembre 1974, Werner Herzog apprend par téléphone que son amie Lotte Eisner est gravement malade. Il est tellement bouleversé par la nouvelle qu’il décide sur le champ de la rejoindre à Paris. Pour lui, Lotte Eisner ne peut pas disparaître, car écrit-il « Le cinéma allemand ne peut pas encore se passer d’elle, nous ne devons pas la laisser mourir. J’ai pris une veste, une boussole, un sac marin et les affaires indispensables. Mes bottes étaient tellement solides, tellement neuves, qu’elles m’inspiraient confiance. Je me mis en route pour Paris par le plus court chemin, avec la certitude qu’elle vivrait si j’allais à elle à pied. Et puis, j’avais envie de me retrouver seul ». Ce journal de marche témoigne de la force de l’amitié d’un homme, dont la mise en marche implacable vers son amie aurait une fonction quasi magique de vaincre la mort.

Lotte Eisner avec Werner Herzog

Près de neuf cents kilomètres les séparent. Il ira à pied, décidant qu’elle devrait attendre son arrivée pour partir. Herzog décida de faire le voyage en ligne droite, avec une boussole. Cela impliquait d’abandonner les routes et les autoroutes et d’entrer dans les forêts, les montagnes et les rivières, ainsi que les contraintes liées aux clôtures, aux propriétés privées et aux lieux isolés. Et tout cela sous un hiver de fortes pluies, de boue et de neige. Pour lui, si ce n’était pas un vrai sacrifice, cela n’en valait pas la peine.

Jour après jour, il va tenir un carnet de voyage dans lequel il notera son état d’esprit, son état physique et psychologique.

Quand j’arriverai à Paris, elle sera en vie. Il ne peut pas en être autrement, cela ne se peut pas. Elle n’a pas le droit de mourir. Plus tard, peut-être, quand nous le lui permettrons.” Et en effet Lotte Eisner décèdera le 25 novembre 1983 soit neuf ans après que Werner Herzog soit arrivé à Paris.

À travers cette marche qui anime de bout en bout le récit, Herzog nous réapprend à voir ce sur quoi notre œil glisse, indifférent. Tout ici est mouvement : chemins, fleuve, oiseaux, arbres, pluie, neige. Narration mais aussi témoignage d’un homme qui nous fait partager tour à tour ses moments d’exaltation, d’épuisement, de plénitude.

Dans une interview pour la revue Hors-Champ en 2004 il répondait à des questions sur la marche.

La marche est-elle quelque part liée à votre démarche de travail ?

Werner Herzog : Je voyage souvent à pieds. Bien sûr dans ces conditions il arrive que j’aie tout un roman ou un match de foot qui se déroule dans ma tête. Oui je vois alors beaucoup de choses apparaître.

HC : Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans la marche ? Est-ce un moyen d’atteindre un autre état physique ou mental ?

WH : Il n’est pas nécessaire pour moi de marcher pour initier un projet. Mais il faut que je m’explique, je ne suis pas un « backpacker » et je ne suis pas quelqu’un qui fait du jogging ou de la randonnée, ni qui se déplace toujours à pieds comme avant le temps des automobiles. Je suis paresseux comme tout le monde. Je marche pour des raisons très spécifiques. Quand quelque chose est important, alors oui, je marche. J’ai marché de Munich à Paris parce que Dr. Lotte Eisner était mourante à Paris.

…/…

Pour Herzog, marcher est un acte d’opposition, non seulement à la culture statique des villes
qu’il traverse, mais bien à la mort elle-même. Tant qu’il est en mouvement, en transit, il ne peut pas être immobilisé, ce qui signifie qu’il reste en vie. En 1984, il a marché 2500 km le long de la frontière allemande, pour comprendre la division du pays.

« … je ne parle pas de marche à pied per se. Je parle de voyage à pied. Je ne peux me justifier que par cette maxime : le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied. « (3)

Werner Herzog s’investit sans retenu dans des choix, des décisions, qui transmutent la mortalité moins en état d’être qu’en état d’esprit. Cela nous ramène à l’intention, magique ou non, de la promenade elle-même. Ainsi les questions

Marcher sur la glace est un témoignage écrit entre espoir et douleur physique. l’auteur s’en explique dans une interview (4) :

Je n’aime pas marcher comme ça, pour rien. Même pas pour le plaisir de marcher. Je ne marche que si j’ai une raison particulière de le faire. Une raison intense, existentielle. Quand je marche, je vois vraiment le monde et les gens avec leurs histoires, leurs rêves. C’est un peu difficile à expliquer. En fait, on ne peut vraiment parler de cela qu’avec quelqu’un qui voyage aussi à pied. Cela crée une sorte de connexion assez profonde. Mais je dirais en substance que le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied. L’homme se révèle, la nature, les paysages… Le monde se révèle ainsi d’une façon vraiment très profonde. Rien de ce que vous pouvez apprendre à l’école ne vous en apprendra autant que de voyager à pied.
…/…
On est très vulnérable quand on marche comme je le fais. On doit trouver un abri pour la nuit et il m’arrive parfois d’entrer dans des villas inoccupées et de m’installer pour dormir, voire même pour vider une bouteille que j’ai trouvée à la cave. Je ne le fais d’ailleurs que lorsque les conditions sont extrêmes, en hiver, lorsqu’il y a de l’orage, de la neige… Ça m’est arrivé en Forêt-Noire ou dans les Vosges : il faisait déjà nuit et le prochain village était peut-être à 10 kilomètres. Je n’avais pas d’autre choix que de m’abriter dans un de ces chalets de vacances. J’y pénétrais grâce à de petites pinces chirurgicales que j’avais avec moi et qui me permettent d’ouvrir n’importe quelle serrure. Je laisse toujours un mot pour remercier. J’estime qu’il s’agit d’un droit naturel. Je suis certain que si des policiers me trouvaient là, tout ce qu’ils feraient, ce serait de m’apporter du thé chaud…

Herzog a non seulement recherché le chemin le plus difficile, mais aussi vécu l’expérience d’un vagabond.

«  Quand je marche, c’est un bison qui marche. Quand je m’arrête, c’est une montagne qui se repose ».

Ce journal de marche ne se résume pas à un livre décrivant le contexte d’un voyage long et difficile, mais une introspection dans l’esprit de son auteur, qui semble parfois voir le monde comme si c’était la première fois, se sentir seul, très seul et étranger à ce qu’il voit se passe sur les côtés de son chemin ardu.

Est / Ouest (d’après Sur le chemin des Glaces, W. Herzog)

« Tant de choses passent dans le cerveau de celui qui marche. Le cerveau : un ouragan » 

Ce n’est pas seulement une promenade extérieure mais un exil intérieur.

Le promeneur ignore parfois si ce qu’il voit est là ou dans sa conscience. Parfois, la route évoque des images de son passé, parfois, il recrée des situations que nous ignorons s’il les imagine, si elles appartiennent à sa vie antérieure ou si elles se produisent réellement sous ses yeux. La ligne de démarcation entre la description pure et dure et le récit onirique, presque délirant parfois, est si diffuse qu’il est presque impossible de la discerner.

Une semaine avant d’arriver à Paris, il écrit : La route la plus désolée qui soit, en direction de Domrémy, je ne marche plus comme il faut, je me laisse dériver. La chute vers l’avant, je la transforme en marche.

Les derniers mots, écrits après sa rencontre avec Lotte Eisner à Paris, le libère de son contrat avec la mort  « Samedi 14h12. Il me reste à ajouter ceci :je suis allé voir la Eisnerin, elle était encore fatiguée et marquée par la maladie. Quelqu’un lui avait sûrement annoncé au téléphone que j’étais venu à pied, je ne voulais pas lui dire. J’étais gêné et j’ai posé mes jambes endolories sur un deuxième siège qu’elle avait poussé vers moi. Dans ma gêne, un mot me traversa l’esprit et, comme la situation était déjà étrange, je le lui dit. Ensemble, lui dis-je, nous ferons cuire un feu et nous arrêterons les poissons. Alors elle me regarda avec un fin sourire et comme elle savait que j’étais de ceux qui marchent, et partant sans défense, elle m’a compris. Pendant un bref instant tout de finesse, quelque chose de doux traversa mon corps exténué. Je lui dis : ouvrez la fenêtre, depuis quelques jours, je sais voler. »
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Document sonore : Quarante ans plus tard, Guillaume Leingre a fait le voyage pour France Culture, dans les mêmes conditions, muni, non pas d’un carnet de notes, mais d’un Nagra. Partir à la rencontre des paysages, des gens (rares), des souvenirs de cinéma…, voire du vide . Un voyage sonore qui tient autant de la réalité que du rêve.

Document court-métrage : Werner Herzog eats his shoes
En 1979, Werner Herzog a fait le pari avec le jeune cinéaste Errol Morris que si Morris terminait un film sur les cimetières pour animaux de compagnie, Herzog mangerait sa chaussure. Morris a ensuite filmé Gates of Heaven afin que Herzog tienne sa promesse. Les Blank, cinéaste vivant et travaillant à El Cerrito, en Californie a filmé la scène. Dans ce court-métrage intitulé Werner Herzog eats his shoes, on voit le réalisateur qui tout en mangeant la chaussure bouillie, dialogue sur le cinéma, l’art et la vie. Pour qu’elle soit comestible et plus agréable au goût, sa chaussure a été bouillie avec de l’ail, des herbes et du bouillon pendant cinq heures. Cependant il n’a pas mangé la semelle expliquant qu’on ne mange pas les os du poulet…

Herzog goûte un morceau de sa chaussure. Photo Nick Allen. Courtesy Les Blank.

Les Blank (né en 1935) est un cinéaste vivant et travaillant à El Cerrito, en Californie. Il a fondé Flower Films en 1967 et a réalisé et produit des films sur des sujets aussi divers que l’ail, les grands importateurs de thé et les femmes aux dents creuses. Werner Herzog mange sa chaussure est montré avec l’aimable autorisation de Les Blank et Flower Films. Pour plus d’informations sur d’autres films de Les Blank, visitez: www.lesblank.com.

« Notre civilisation n’a pas les images adéquates« , disait jadis Herzog, notamment dans le court métrage de Les Blank, Werner Herzog, qui mange sa chaussure . « Sans images adéquates, nous mourrons comme des dinosaures. »

 

«Sur le chemin des glaces», de Werner Herzog, POL – également disponible dans la Petite Bibliothèque Payot / Voyageurs, 9,75 euros.

Notes

(1) Autoportrait, 1986.

(2) sauf autres mentions, les citations sont extraites du livre « Sur le Chemin des glaces » de Werner Herzog

(3) Werner Herzog, Interview de Rocco Castoro pour Vice Magazine, France, Octobre 2009

(4) Duval, Patrick, pour Libération, 17 décembre 2008.

Projet Hor-I-zons de Ridha Dhib

pour suivre le projet sur facebook, rendez-vous ici

Fin 13 août 2019 ARRIVÉE à Sousse

Fin de la performance marchée « Hor-I-zons ». Je voudrais vous remercier du fond du cœur pour vos précieux encouragements qui m’ont porté, poussé et soufflé tout le long de cette performance.

Je pense aussi à toutes les personnes que j’ai rencontrées sur le chemin avec qui j’ai eu de très beaux échanges et qui m’ont accueilli, nourri, soutenu, accompagné et bichonné.

Aussi, je dédie cette performance marchée à la première génération d’immigrés qui a percé son chemin au prix fort. Parce qu’un chemin ça se perce avec les pieds, avec les mains, avec de la chair et du sang, avec les dents. C’est ce même chemin que j’ai pris à l’envers. Cette marche du nord vers le sud n’est pas un retour aux sources – qui est une « belle illusion » – mais bel et bien une affaire de liberté et de dignité. Car, avant d’être français ou tunisien, je suis avant tout fils d’immigrés. Donc un être modifié.

بعد اكتمال العمل الفني « آفاق »، أود أن أتقدم بجزيل الشكر لكل من ساهم و شجّع و دعم هذا العمل الفني. تحية خاصة وكل امتناني للذين التقيتهم أثناء مسيرتي والذين ساعدوني ماديا و معنويا و أثّروا في هذا العمل. كما أهدي هذا العمل الفني للجيل الأول من مهاجرين الذين ضحوا كثيرا لأنن طريق الهجرة يحمل آثار الجسد بجراحه التي تبقى على الجسد كالوشم. لقد كان طريقي هذا في الاتجاه المعاكس. ليست هاته المسيرة نحو الجنوب عودة الى الجذور وهو وهم منشود، بل مسألة عزةً وكرامة. لأنني قبل أن أكون تونسى أو فرنسي فأنا ابن مهاجرين…ذات متحولة.

Actualisation 28 février 2019
Ici la carte des 106 étapes qui jalonnent le parcours de la performance marchée « Hor-I-zons » qui débutera le 2 mai 2019. Cette carte est publique, elle est modifiable par toute personne souhaitant m’accorder l’hospitalité le temps d’une nuit sur l’une de ces étapes. L’accueil sur les étapes de couleur verte est confirmé, tandis que sur les étapes de couleur rouge, il ne l’est pas. Le parcours est (raisonnablement) modifiable en fonction des propositions d’accueils et d’hébergements. Merci à vous et à toutes les personnes qui pourront m’aider à verdir ces étapes.

Ridha Dhib, artiste plasticien marcheur, a confié à Démarches les éléments du projet « Hor-I-zons ». Ce projet de marche, prévu en mai 2019, entre Paris et Sousse en Tunisie via l’Italie s’inscrit dans un protocole élaboré à partir d’expériences antérieures. Il s’agit d’un projet de marche augmentée. En effet, les technologies numériques sont mises en oeuvre, à travers l’usage d’un smartphone associé à différentes plateformes. Si le smartphone a acquis une place prépondérante pour les marches, tant comme boussole que guide ou mémoire du parcours à travers des applications dédiées, il connait avec les usages imaginés par Ridha Dhib un élément de production artistique de premier plan, comme on le découvre dans son projet. Une des conséquences et non des moindre sur le temps de la marche est résumé ainsi par l’artiste « Dans cette performance les traces précèdent le marcheur. » Voilà qui ouvre de vastes horizons que Ridha Dhib explore en entrelaçant la pratique ancestrale de la marche aux moyens numériques.

Cette marche entre Paris et Sousse illustre des thèmes et des réflexions que nous partageons sur la performance, les technologies numériques à travers la géolocalisation, la photographie et plus largement les outils du marcheur connecté.

Qui est Ridha Dhib, artiste qui se présente sur le web comme : Plasticien marcheur, bidouilleur de lignes, par le corps et via le code : parce que le lisible n’est pas toujours visible, et inversement…

Nous lui avons demandé de se présenter dans une biographie qui à travers son parcours explicite sa démarche :
Né à Sousse (Tunisie) en 1966, diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Toulon, je vis à Paris depuis 1991. Avant de faire rhizome dans des pratiques hétérogènes, la peinture fut longtemps mon médium de prédilection. En effet, depuis une quinzaine d’années je travaille sur une recherche plastique dont la problématique principale est de « libérer » la ligne du plan. Dans un premier temps, je me suis approprié un pistolet à colle en l’utilisant à contre-emploi : avec cet outil, il ne s’agissait plus de coller les matériaux, mais plutôt de décoller et libérer la matière.

Chemin faisant… la marche connectée a commencé à prendre une place de plus en plus prégnante dans ma problématique. Ainsi, c’est grâce à mon smartphone que mon corps devient pinceau traceur de lignes impalpables sur la surface de la terre. À son tour, le smartphone devient palette numérique génératrice et compilatrice de données multiples et variées… Il en résulte une oeuvre en devenir, mutante et polymorphe, entre installations et performances, matière palpable et matière numériques… Dessinant ainsi une carte à dimension rhizomique et poétique, donc nécessairement politique.

Préparation de la marche  Paris-Sousse

Dans un entretien du 11 Janvier 2018 avec Flore Garcin-Marrou, Maître de conférences en études théâtrales à l’Université Toulouse Jean Jaurès, Ridha Dhib expliquait ainsi son projet :
« Je suis en train de préparer un nouveau projet de marche qui aura lieu en [mai 2019]. Une marche de 3000 km, qui durera quatre mois, entre mon atelier à Paris et la Tunisie. Le choix de la Tunisie est lié à mon histoire car je suis fils d’immigré tunisien. Mais je suis déjà en train de marcher pour ce projet puisque les idées viennent en marchant. Par exemple, dans mon atelier, je suis en train de faire des essais pour faire germer des noyaux d’olive dans des pots. L’idée est de porter une seule pousse sur moi pendant cette marche et qu’elle puisse germer pendant le voyage, patinée de multiples particules qui se seront déposées sur elle en France et en Italie. Le pot qui contient l’olive sera connecté, géolocalisable.
…/….
La difficulté – et tout l’intérêt de la préparation réside dans le fait qu’il faut tracer les étapes pour aller en Tunisie. C’est une vraie percée du territoire. Il ne suffit pas de marcher pour marcher. Marcher, c’est partir de chez soi. Il n’y a pas de retour dans la marche. Rentrer chez soi en marchant ce n’est pas marcher, c’est juste rentrer à pied. Marcher, c’est un aller simple.

Nous vous donnons rendez-vous ici-même pour suivre « Hor-I-zons »

Mise à jour du 10 avril 2019

Le projet Hor-I-zons

« Le devenir est géographique »[1]

Plasticien marcheur vivant à Paris, enfant d’immigrés de la première génération, j’envisage de marcher vers la Tunisie, via l’Italie[2]. Cette marche n’est nullement pensée comme un hypothétique « retour aux sources », mais plutôt comme l’incarnation d’un trait d’union reliant mon lieu de vie  à la Tunisie[3]. En tant que franco-tunisien je porte aussi ce trait d’union. Cette performance est l’expression métaphorique de ce « trait »  qui  me lie et qui relie…

Comment se « faufiler » dans un trait d’union ? Comment habiter un chemin sans l’occuper ? Enfin, comment faire la géographie de son propre chemin ?

Entre la distance qui sépare, et le trait qui unit, il y a l’accomplissement d’une marche et la transmutation d’un lien. Avec cette performance, il s’agit donc d’articuler une liaison symbolique, une ligne effective et un lien affectif. Dans ce continuum spatio-temporel, le trait d’union sera arpenté et son horizon « dessiné ».

J’avancerai donc dans ces territoires, en éprouvant l’archaïsme et la simplicité de la marche dans son dépouillement et sa répétition obstinée. J’« habiterai » ce chemin en marchant pour en extraire une cartographie psychique[4].  C’est à travers cet arpentage territorial et « le libre jeu des forces de l’âme[5] » qu’une ligne « palpable » définie entre autres par mon corps et ses rythmicités émergera… J’appartiens à cette ligne.

Cette ligne de 3000 km environ finira par relier via l’Italie, mon atelier parisien au Sahel tunisien. Dans « Hor-I-zons » il y a  « I » comme Italie, l’autre trait d’union  entre la France et la Tunisie. Cette marche est aussi conçue comme un écosystème[6] mouvant à travers lequel l’œuvre se déploiera en cheminant : muni de mon  smartphone – outil , de géolocalisation, de captures, de collectes et de transmissions de données… -, je « déplierai » ma ligne d’« Hor-I-zons » sur 107 étapes[7], et cela jusqu’à ma destination.

voir la carte mise à jour en continu

«De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer?»[8]

En marchant, pieds, yeux et pensées finissent par se « tresser » avec le chemin et les paysages traversés. Mettant ainsi en adéquation cadence et « défilé du monde ». Un lien intime entre locomotion et perception émerge. En effet, c’est en même temps que j’avance vers l’horizon que celui-ci se déplie en moi. C’est du rythme éprouvé.

Par ailleurs, à travers des applications connectées, le corps en mouvement génère des données multiples et variées : traces GPS, nombre de pas, allure, rythme cardiaque, données cartographiques et statistiques… Cet « électrocardiogramme » de la marche est du rythme mesuré.

L’agencement du rythme éprouvé et du rythme mesuré forme ce qu’on pourrait appeler le ductus[9] de la marche. Il est simultanément lecture de l’espace et écriture du temps. Ainsi, en mettant un pied devant l’autre,  je lis la « ligne d’horizon » et j’écris mon « trait d’union ».

Au cours de la marche, l’horizon ne cesse de se réactualiser et les étapes rythment cette incessante réactualisation. Elles serviront donc d’articulation pour déplier ma ligne d’horizon. Aussi, à chaque étape et à l’aide d’une boussole pointant vers la ville de Sousse[10], je prendrai une image indiciaire de l’horizon ciblé. Ainsi, l’image devient l’incarnation et la réactualisation quotidienne d’un regard porté à vol d’oiseau sur ma destination.

J’enverrai aussitôt l’image collectée à l’Institut français de Tunisie[11] sous forme de carte postale, et cela grâce à une application qui prendra en charge quotidiennement l’impression et la distribution des cartes[12]. En envoyant les cartes postales à l’Institut français de Tunisie, les images seront donc accueillies à la fois, en France et en Tunisie. Aussi, par cet envoi, l’image indiciaire change de statut : elle passe de l’« immatérialité » numérique à une palpabilité photographique, et par la même rentre dans le domaine du Mail Art. Dans cette opération il y a  transmissions d’informations et transmutations de matières[13].

Les images d’horizons envoyées quotidiennement seront exposées au fur à mesure de l’envoi et seront disposées sous forme d’une suite d’images, formant ainsi un « carottage » d’horizons en progression… C’est une « timeline » de coupures spatio-temporelles dans la continuité du réel. Cette séquence d’images – qui représente par ailleurs le mouvement de la marche – finira enfin par former ma ligne d’« Hor-I-zons »[14].

Parallèlement et via une application[15], ma trace GPS sera diffusée en direct et en continu sur le Web et projetée à l’Institut français de Tunisie. Cette trace fera contrepoint aux cartes postales envoyées quotidiennement au même endroit : un voisinage de temporalités et de matérialités hétérogènes.

Des indices numérique seront aussi parsemés sur le Web : des éléments visibles et lisibles postés sur les réseaux sociaux, et rendant compte de la marche. À l’aide de mots-clés – tag (#) – et à l’image du Petit Poucet, ces traces peuvent être pistées. Le tout constituera un chapelet d’indices pour une future carte enrichie. C’est une œuvre intermédiale dans laquelle traces photographiques, indices numériques et données statistiques dialoguent pour former la trace ultime de la marche. Par ailleurs, aucune trace matérielle ne sera laisser sur le parcours.

Cette marche est aussi pensée comme un agencement spatio-temporel. Il y a le tempo du marcheur cheminant vers sa destination par le moyen de déplacement le plus long. Le temps de sa trace GPS générée et projetée en direct à la vitesse de la lumière. Enfin, il y a les temporalités des cartes postales envoyées quotidiennement et transférées à des vitesses et par des moyens multiples et variés. Le tout formant un tressage de traces hétérogènes en mouvement.

Cet agencement fera émerger à son tour une superposition de point de vue en marchant : d’une part, je collecte et j’envoie mes traces d’horizons, d’autre part, je génère ma trace GPS en surplomb. Enfin, le tout sera donné à voir en même temps. Cette superposition sous-tend une dialectique entre une trace relativement éphémère – de la transmission GPS – et une trace relativement pérenne – de l’envoi quotidien de cartes postales -. Ces variétés de traces que je produis en marchant, finiront par tresser une seule et même ligne.

Dans cette performance les traces précèdent le marcheur. En effet, pendant que je chemine, la diffusion de ma trace GPS ainsi que la distribution des cartes postales seront déjà données à voir à l’Institut français de Tunisie. Ce sont des traces qui « attestent »[16] et qui matérialisent ma performance marchée. Elles sont déléguées au smartphone à travers des applications telles que Google Maps, Runtastic, Popcarte… En contrepartie[17], je me saisis de la trace GPS comme « attestation » vivante et simultanée de ma performance. Je deviens, support et relais d’inscriptions numériques, un corps traceur tracé[18]. D’un autre côté, la carte postale envoyée fera office d’« attestation » indiciaire en différé avec le cachet de la poste faisant foi.

La ligne GPS restituera visuellement la trace du corps mouvant, sans se confondre avec celle-ci. En revanche, la palpabilité est du côté du marcheur et des territoires traversés. Ainsi  les seules indices laissés sur le chemin, sont les traces de pas du marcheur. La distance que le marcheur doit parcourir est, et reste, incompressible. Il y a aussi quelque chose d’irréductible dans l’expérience du marcheur : un certain « frottement » au territoire, à l’arpentage, et au « défilé du monde » au rythme de son corps. C’est à travers ce mouvement attentif et répété que le marcheur habite le monde. À l’ère du numérique et de la mobilité exaspérée le besoin d’ancrage dans le réel se fait surtout par et à travers les corps. Parce que « la marche est le commencement de la pensée. »[19]

Enfin, comme ce qui est lisible n’est pas toujours visible et audible, l’« empreinte » de la marche c’est-à-dire la trace GPS du parcours effectué sera « convertie » : le document sera soumis à un logiciel de synthèse vocale pour lecture. La trace GPS sera lue à l’envers par ma propre voix préalablement synthétisée. En égrenant toutes les coordonnées géographiques qui composent la distance parcourue, le logiciel de synthèse vocale réactualise la trace du chemin à sa manière et à son rythme. La trace ultime de cette performance marchée prendra la forme d’une projection des lignes de coordonnées géographiques lues en continu par une voix de synthèse[20]. Ainsi, je ferai l’aller en marchant, et ma voix fera le retour en lisant.

Notes

[1] Gilles Deleuze, Dialogues, avec Claire Parnet, Ed. Flammarion, 1977, p. 48

[2]  Cette marche est prévue pour le 2 mai 2019.

[3]Il s’agit de relier mon atelier parisien, lieu de travail et de vie, à la ville de Sousse dans le Sahel tunisien, lieu de ma  naissance.

[4] « La déambulation permet de parvenir à un état d’hypnose en marchant, une perte de contrôle qui dépayse. C’est un medium à travers lequel on peut entrer en contact avec la partie inconsciente du territoire. » Walkscapes p.92

[5] Karl Gottlob Schelle, L’Art de se promener [1802], préface et traduction P. Deshusses, Paris, Payot, 1996, p. 39-40.

[6] Cette marche sera connectée, à travers un smartphone, un ensemble d’applications fonctionnent en symbiose dans la production de données assez variées : trace de la marche, cartographies, mesures de pas, image, sons… Équipé aussi de sac à dos ainsi que de chaussures connectées.

[7] Ce sont des étapes de 25 à 30 km par jour, sur 4 mois de marche environ.

[8] Georges Perec, Espèces d’espaces. Journal d’un usager de l’espace, Galilée, Paris, 1974

[9] J’appelle ductus de la marche : d’une part, le mouvement du marcheur qui est constitué d’une trace visible et tangible – l’appui et l’empreinte laissée par le pied – et d’une trace invisible – la foulée, c’est-à-dire la distance couverte entre chaque appui du pieds – (l’écriture). D’autre part, la perception du marcheur, sa cadence et le défilé du monde (la lecture).

[10]La notion de « cible » fait  référence aux applications boussoles islamiques pointant la Qibla (la Kaabah) à partir de pratiquement n’importe quel point dans le monde. Dans cette performance, ce sont les coordonnées GPS de la ville de Sousse qui ont été intégrées dans l’application Spyglass, boussole en réalité augmentée, et qui pointe en permanence vers la ville.

[11] Un partenariat a été noué avec l’Institut français de Tunisie et le relais culturel de la ville de Sousse.

[12] Popcarte est une application qui permet d’envoyer de vraies cartes postales, cartes photo, cartes de voeux, …

[13] « Si la télétransportation relève de la fiction, c’est bien parce que nous ne savons pas transmettre de la matière. Nous savons la déplacer, la transporter, mais elles est toujours située, placée, et elle résiste au mouvement. » Beade, B. (2012). Internet, changer l’espace, changer la société , p. 212

[14] L’agencement et les modalités d’accrochage des cartes postales ainsi que  la projection de la trace en direct seront discutés avec le Relais Culturel de Sousse.

[15] L’application Runtastic

[16] La notion d’« attestation » fait référence à la fameuse « triche » de l’artiste André Cadere : invité en 1972 à la Documenta de Kassel, Cadere y alla en train après avoir fait croire qu’il irait à pied depuis Paris en semant ses bâtons le long du chemin.

[17] J’ai bien conscience des problèmes liés à l’appropriation des données par des plateformes telles que Google, Facebook, Twitter…Ici il s’agit de tenter une appropriation subversive de ces outils : jouer avec l’excès de transparence et la saturation d’informations, pour tracer sa propre ligne… Devenir imperceptible dans une saturation de traçabilités.

[18] Aucune modification palpable ne sera effectuée sur le trajet (pas d’ajout ou de soustraction de matière), excepté les traces de pas du marcheur.

[19] Michel Serres: « Je pense avec les pieds » entretien, Philosophie Magasine, 26 mai 2016 : http://www.philomag.com/les-idees/entretiens/michel-serres-je-pense-avec-les-pieds-15852

[20] Voir l’exemple de Logorrhée spatio-algorithmique

Principales expositions

Les oeuvres de Rhida Dib ont essaimé sur le Web et IRL (1), en France et à l’étranger. Parmi les plus notables on peut citer :
une contribution dans la revue Chimères, « Marcher contre le marché » (Numéro 93), une performance en compagnie de la chorégraphe Saâdia Souyah au collège international de philosophie, « Derrida Arabesques » (2018), une installation à LaGaleru, «Voile-vide » (2017), Festival OOHLAL’ART « Aéro » (installation, 2016), « Corps et Graphie », performance dans le cadre de la journée internationale de la danse à Tunis (2015), « Je suis tracé, donc je trace », performances sur le chemin de Compostelle (IRL et sur le Web, 2014), Festival des Éphémères , installation aux Jardins d’Éole à Paris (2013), « Code and Link » et «Qu’est-ce et Qui se trame ?», performances et installation en Italie (IRL et Web, 2012), Instants Flux, performance ENTRE-DEUX flux : entre B’chira Art Center à Tunis et l’atelier de Ridha Dhib à Paris. (IRL et sur le Web, 2012), et Printemps des Arts de la Marsa en Tunisie (2010), Resonance(s) a Deleuze and Guattari conference on Philosophy, Art and Politics, installation/performance au SantraIistanbul, Istanbul (2010), Expo Sichtbare gedachten Geel : exposition à Geel, (Belgique ,2010), Land art Rhizome au pays du soleil Levant à Nara et Kyoto (2007)…

Note :
1 « In Real Life , littéralement « dans la vraie vie », expression couramment employée sur Internet pour désigner la vie en dehors d’Internet.

Liens utiles :

 

L’art d’être solivagant

Le solivagant est un marcheur qui choisit le vagabondage solitaire.  

La pratique de la marche occupe désormais une place prépondérante dans les activités récréatives de tourisme et de bien-être. De multiples offres utilisent la marche pour « endoctriner » le marcheur en lui vendant découverte du territoire, tissage de lien social, fabrique d’un sentiment d’appartenance, adhésion à un projet d’aménagement de préférence structurant. Un utilitarisme qui implique des marches organisées. Ces marches grégaires donnent lieu à de longues files s’effilochant sur des sentiers où chacun est invité à partager une expérience collective. Les chemins de la foi, les marches contestataires, les visites guidées ont décliné la formule avec succès. Des chemins méconnus, des sentiers peu pratiqués se transforment ainsi, par la grâce des organisateurs, en véritables autoroutes à marcheurs. Objectif considéré comme un succès.

I need to be alone. I need to ponder my shame and my despair in seclusion; I need the sunshine and the paving stones of the streets without companions, without conversation, face to face with myself, with only the music of my heart for company.  – Henry Miller in Tropic of Cancer.

Mais la marche est encore aussi pour certain synonyme d’«ennui». Alors interrogeons-nous, que se passe-t-il si nous revisitons une conception solitaire et regardons comment la marche peut être bénéfique pour vaincre le mal-être, pour améliorer la santé physique et mentale, favoriser une nouvelle conscience de soi?

For my part, I travel not to go anywhere, but to go. – Robert Louis Stevenson
Socialement, nous sommes constamment poussés vers la prochaine opportunité à découvrir au bout de la rue. Souvent, cela signifie que nous quêtons une hypothétique satisfaction, plutôt que d’accepter de vivre dans le présent, nous poursuivons une promesse future toujours hors de portée.  La même problématique s’applique à la marche. Nous marchons de préférence s’il y a un but. Nous marchons vers notre lieu de travail, notre lieu d’étude, de loisirs, ou pour aller vers un objectif qui nous a été assigné. Mais que faire si nous commençons à marcher juste pour notre plaisir personnel? Etre solitaire est un choix, alors que la solitude ne l’est pas. 

Il s’avère que ce vagabondage, contrairement à une opinion répandue, n’est pas une errance stérile mais favorise le bien-être, d’autant plus facilement qu’il s’agit d’une pratique accessible à tout un chacun dans son environnement immédiat.

Finsbury Park North London by Alamy

 

Il n’y a rien de tel que la marche solitaire

Solitude is independence. It had been my wish and with the years I had attained it. It was cold. Oh, cold enough! But it was also still, wonderfully still and vast like the cold stillness of space in which the stars revolve. – Hermann Hesse in Steppenwolf

La marche en solitaire présente des similitudes avec la dérive psychogéographique chère aux situationnistes. La psychogéographie doit s’entendre littéralement comme un point de convergence de la psychologie et de la géographie, concernant la dérive urbaine. Mais le principe posé par Guy Debord peut être élargi à des pratiques périphériques comme le voyage mental, la flânerie ou encore le vagabondage.  Malgré la disparité apparente de ces pratiques, elles agrègent des invariants, dont la marche est l’élément fondamental.

Rex Features

 

Qu’il se nomme marcheur, flâneur ou promeneur, le piéton à une dimension politique  caractéristique de la psychogéographie, l’opposition à l’autorité à laquelle s’adjoint un sens de la provocation pouvant prendre des formes ludiques. La psychogéographie actuelle s’inscrit dans des approches liant une histoire locale à une enquête géographique.

Lors d’une promenade dans notre environnement, nous découvrirons avant tout, que même seul, nous participons de quelque chose qui nous dépasse.

Vous pouvez sur tous les sites, touristiques ou pas, croiser des personnes isolées. Avant que vous n’en ayez conscience, vous serez en phase avec eux. Les «solivagants», un type de personne,  que je vous invite à découvrir. Des errants solitaires avec lesquels vous partagerez des instants et des émotions éphémères, une complicité fugace tant chacun veille à respecter l’Autre.

Le solitaire est un diminutif du sauvage, accepté par la civilisation. -Victor Hugo in L’Homme qui rit

N’attendez rien, gagnez tout

Les événements aussi minuscules soient-ils adviennent quand on s’y attend le moins, et ce sont souvent les meilleures surprises. Cela survient lors de marche sans but – autrement dit de marche méditative.

Si vous venez sans attente, autre que de vous abandonner à votre environnement, je peux vous assurer que vous allez acquérir quelque chose d’intangible, de l’ordre d’une expérience bénéfique.

Not all who wander are lost. -Tolkien in The Lord of the Rings

L’expérience du solivagant, favorise l’acquisition d’une meilleure conscience de soi. Peut-être parce que l’on est plus à l’aise en sa propre compagnie, avec rien d’autre que ses propres pensées pour se guider.

Un homme seul – 2005 – photo : imagineur

On se laisse envahir par une seule pensée – je veux marcher, simplement pour le plaisir de marcher et m’immerger dans mon environnement immédiat.

En anglais Listen & Silent s’épellent avec les mêmes lettres, ce qui est une invitation à combiner écoute et silence.

Christian Marclay- 2005

 

Quand on a une tendance à la rumination mentale, à se perdre dans ses pensées, la pratique de la promenade apprend à être plus en accord avec ses propres pensées et à apprécier le lieu dans lequel on évolue.  Une attitude positive, de la confiance en soi s’acquiert lorsqu’on s’y attend le moins, d’où la nécessité de rester réceptif.

L’habitude de rentrer en moi-même me fit perdre enfin le sentiment et presque le souvenir de mes maux, j’appris ainsi par ma propre expérience que la source du vrai bonheur est en nous. -Jean-Jacques Rousseau in Rêverie d’un promeneur solitaire

Un voyage d’un millier de lieues commence par un simple pas. -Lao Tseu

Si vous choisissez de profiter du moment, choisissez le bonheur hic et nunc, votre esprit peut alors atteindre son vrai potentiel. Si au contraire, vous pensez toujours conditionnellement  « Je serais heureux, si seulement … », vous nourrirez inévitablement votre esprit avec des échecs.

Adopter la position du solivagant dans sa vie (celui d’être à l’aise seul et d’apprécier les sites qui se trouvent sur le chemin que vous rencontrez) constitue un moyen simple d’accomplir un changement positif.

Johanna Obando- The traveller 2013

Essayez, où que vous viviez – n’hésitez pas à enrichir votre expérience en prenant des photos, du café ou du thé, mais faites simplement des promenades, par amour de la marche et appréciez le monde qui vous entoure.

 

Voyage d’hiVer-sailles

Sous la houlette de Jean de Loisy, l’équipe du Palais de Tokyo présente une exposition de 16 oeuvres dans les bosquets, les allées, les bassins et les places des jardins de Versailles, jusqu’au 7 janvier.

«Nous étions en hiver. Une journée splendide. Les perspectives, les branches des arbres, les statues étaient dessinées par ce crayon que l’air pur et glacé sait finement tailler.» ainsi débute la réflexion sur la proposition de promenade poétique dans les aménagements de Le Nôtre, selon Jean de Loisy.

Céline Minard est l’auteur du texte du catalogue Voyage d’Hiver.
L’auteur y présente les créations, sur les thèmes de la promenade et des transformations de la nature en hiver, de douze artistes qui ont chacun investi les jardins du château de Versailles. Elle propose une fiction intitulée Grenouilles en grands manteaux en complément du projet artistique.

Une occasion de se laisser guider dans ce qui est l’un des plus grands musées de la statuaire en plein air. Seize artistes contemporains ajoutent leurs oeuvres à celle des créateurs auxquels Louis XIV avait confié l’ornementation des jardins. Ils ont conçu, en dialogue avec les organisateurs, une dramaturgie qui conduit le visiteur de l’un à l’autre des bosquets, ces étranges salons végétaux, selon une progression émotionnelle calculée, jouant avec les significations historiques ou mythologiques de chacun des lieux.

Sculptures, installations sonores, tableaux, drapés, reflets, oxydations, glaciations sont quelques-unes des techniques utilisées pour transformer la flânerie du visiteur en une expérience personnelle qui lui rende perceptibles les mutations de la nature, de la gloire de l’automne à la minéralisation orgueilleuse de l’hiver. C’est cette correspondance entre temps cosmique et temps humain que le titre souligne, puisque Voyage d’hiver rappelle évidemment la poignante méditation de Schubert sur ce thème.

Une déambulation, sous une lumière différente, de la flamboyance automnale à la grisaille mélancolique de l’hiver, en sens inverse des promenades royales pour découvrir des oeuvres actuelles dans des espaces aménagés par André Le Nôtre, en conversation à travers leurs dimensions poétiques et ludiques, dans un échange où trouvent place les illusions d’optique, les troubles perceptifs que provoquent les mises en scène de la nature dans les salons verts.

Sites remarquables

Le bosquet des Bains d’Apollon actuel date du règne de Louis XVI et fut aménagé entre 1778 et 1781. À son emplacement, Le Nôtre avait d’abord créé, vers 1670, le pittoresque bosquet du Marais, dont la principale décoration consistait en un bassin bordé de roseaux de métal peints au naturel et orné en son centre d’un arbre de métal crachant de l’eau.

En 1705, ce bosquet plein de fantaisie disparaît pour laisser la place aux groupes d’Apollon servi par les nymphes et des Chevaux du Soleil que Jules Hardouin-Mansart place sous des baldaquins de plomb doré et sur des socles bordés par un bassin. La partie ouest du bosquet est aménagée sous Louis XV pour le dauphin. Les deux parties du bosquet sont totalement modifiées sous Louis XVI et le peintre Hubert Robert y conçoit un jardin à l’anglaise dont le centre est occupé par un lac que domine un immense rocher factice agrémenté de cascades et creusé d’une grotte dans laquelle est installé le groupe d’Apollon, tandis que les deux groupes des Chevaux du Soleil sont placés de part et d’autre.

La fontaine de l’Encelade fut exécutée en plomb par Gaspard Marsy entre 1675 et 1677. Le sujet en est emprunté à l’histoire de la chute des Titans, ensevelis sous les rochers de l’Olympe par les dieux qu’ils avaient voulu détrôner.

Le sculpteur a représenté le géant Encelade à demi englouti sous un amoncèlement rocheux, luttant contre la mort et dont la souffrance se traduit par le puissant jet qui s’échappe de sa bouche, comme un cri. Le dessin du bosquet, dont le pourtour est scandé par des pavillons de treillage reliés par des berceaux, a été totalement modifié en 1706 par Jules Hardouin-Mansart qui transforme cet espace fermé en carrefour ouvert en supprimant les treillages, les petits bassins et la dénivellation d’origine. Un programme de restauration mené de 1992 à 1998 a permis de restituer à ce bosquet son aspect d’origine.

Construite à partir de 1685 par Jules Hardouin-Mansart, la Colonnade a remplacé un bosquet créé par Le Nôtre en 1679 : le bosquet des Sources. Péristyle circulaire de plus de quarante mètres de diamètre, l’ouvrage s’appuie sur trente-deux pilastres servant de contreforts aux arcades que soutiennent trente-deux colonnes ioniques.

Les pilastres sont tous en marbre du Languedoc tandis que les colonnes alternent entre marbre bleu turquin, brèche violette et marbre du Languedoc. Cette discrète polychromie contribue à faire ressortir la blancheur du marbre de Carrare employé pour les arcades et les vases de la corniche. Le décor sculpté des écoinçons, réalisé entre 1685 et 1687 par les sculpteurs Coysevox, Le Hongre, Tuby, Mazière, Leconte, Granier et Vigier, représente des Amours s’adonnant à la musique ou à des jeux champêtres. Sous vingt-huit des trente-deux arcades, dont les clés d’arc sont ornées de masques de divinités marines ou agrestes, des fontaines jaillissantes se déversent dans une goulotte qui entoure le péristyle. Au centre, le bassin d’origine a été remplacé dès 1696 par le groupe de Girardon, L’Enlèvement de Proserpine par Pluton.

Le bosquet de la Salle de Bal est le dernier bosquet que Le Nôtre aménagea dans les jardins. Les travaux, commencés en 1680, s’achevèrent en 1685.

Le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, y donna un grand souper pour son inauguration. Le bosquet est traité comme un amphithéâtre de verdure. Au centre, l’arène avait été dotée d’un îlot ceinturé d’un canal à deux niveaux et accessible par quatre petits ponts. Cet îlot, destiné à la danse, fut supprimé par Jules Hardouin-Mansart en 1707. Le Nôtre utilisa habilement l’importante déclivité provoquée par les rampes du parterre de Latone pour concevoir une grande cascade – la seule de Versailles – qui occupe tout le côté oriental de l’amphithéâtre. Cette cascade à huit degrés est scandée de rampes de marbre. L’ensemble a reçu un décor de pierres de meulière et de coquillages, auquel s’ajoutent de grands guéridons et des vases de plomb doré. Les gradins destinés aux spectateurs sont soulignés par des buis taillés.

(les descriptions des 4 sites sont extraites de http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/domaine/jardins/bosquets#bosquets-sud)

Le parcours

Voyage d’hiver promet de transformer la flânerie du visiteur en une expérience personnelle qui lui rende perceptible les mutations de la nature, de la gloire de l’automne à la minéralisation orgueilleuse de l’hiver . Jean de Loisy

Les oeuvres

1-Marguerite Humeau Bosquet de l’Arc de Triomphe

RIDDLES, un sphinx qui protège la Terre de l’Humanité

L’oeuvre de Marguerite Humeau s’articule autour de récits fondateurs : l’origine de l’humanité, l’apparition du langage, la naissance du sentiment amoureux ou encore l’origine de la guerre. Ses oeuvres sont élaborées à partir d’un dialogue avec des ingénieurs en robotique, des paléontologues, des biologistes, etc. que l’artiste mêle à des récits de science-fiction.
Chacune fait intervenir un protagoniste principal ; une créature hybride, à la fois chimère, spectre et cyborg.

2-David Altmejd Bosquet des Trois Fontaines

L’oeil, le Souffle

Fruit d’un intérêt pour la biologie autant que pour la mythologie, l’oeuvre de David Altmejd mêle l’univers scientifique à celui des traditions animistes et des légendes anciennes. Il invente des mythes ; chaque série de sculptures pouvant être considérée comme l’allégorie d’un moment-clé de la création du monde.

3-John Giorno Bosquet des Bains d’Apollon

Personnage iconique des premiers films d’Andy Warhol, John Giorno s’inspire de la libre appropriation des images du Pop Art et capture sur le vif la langue populaire des publicités, de la télévision, des journaux et de la rue. Dans la lignée de la Beat Generation, il renouvelle le genre de la « poésie trouvée » et oeuvre pour rendre la poésie ouverte à tous.

4-Dominique Petitgand Bosquet du Dauphin

Depuis 1992, Dominique Petitgand réalise des pièces sonores. Des oeuvres où les voix, les bruits, les atmosphères musicales et les silences, construisent par le biais du montage des micro-univers. L’ambiguïté subsiste en permanence entre un principe de réalité (l’enregistrement de paroles) et une projection dans des « récits et paysages mentaux », des histoires en creux, en devenir, qui n’appartiennent qu’à l’auditeur.

5-Mark Manders Bosquet de l’Etoile

Dry Clay head

Mark Manders poursuit depuis 1986 un projet intitulé Self-portrait as a Building. Il s’agit de réaliser un autoportrait dans l’espace avec des objets, en mêlant des éléments architecturaux et des références iconographiques aussi savantes qu’éclectiques ; mêlant l’antiquité grecque à la peinture flamande, la renaissance italienne à l’art brut.

6-Jean-Marie Appriou Bosquet de l’Obélisque

les saisons

Le travail de Jean-Marie Appriou s’inscrit dans un aller – retour entre l’observation et le laboratoire en atelier. Il s’inspire desmatériaux et de leurs réactions pour construire une trame narrative et symbolique. Malgré le savoir-faire acquis au fil des productions, il souhaite cultiver l’expérimentation, testant ainsi des procédés non conventionnels.

7-Cameron Jamie Bosquet de l’Encelade

extrait de la série Spine Station

Cameron Jamie s’interroge sur la manière dont se manifeste la force rémanente avec laquelle les légendes anciennes continuent de structurer notre imaginaire. Sa pratique est partagée entre plusieurs médiums, la vidéo, le dessin et la sculpture.

8-Hicham Berrada Bosquet des Dômes

 

Hicham Berrada compose ses installations comme autant de tableaux vivants. Il provoque dans ses oeuvres des réactions chimiques de manière à rendre perceptibles les métamorphoses discrètes – parfois microscopiques – de la nature.

9-Ugo Rondinone Char d’Apollon

The Sun

Ugo Rondinone parcourt le spectre des émotions qui jalonnent toute existence humaine, provoquant chez le spectateur autant l’enchantement que la mélancolie. L’ensemble de son oeuvre est alimenté par une méditation sur la nature et le cycle de la vie ; la vanité de toute existence ainsi que la répétition d’instants magiques et presque hors du temps.

10-Sheila Hicks Bosquet de la Colonnade

Prospérine en chrysalide

Sheila Hicks, artiste intéressée par l’ethnographie, s’inspire des pratiques de tissage de diverses cultures, des techniques traditionnelles aux productions industrielles.

11-Tomás Saraceno Jardin du Roi

Cloud cities

Tomás Saraceno s’inspire des toiles d’araignées pour imaginer des architectures utopiques flottant dans les airs. Chaque sculpture offre une modélisation d’un idéal de vie. Son renversement des lois de la gravité fait disparaître frontières et territoires. Il explore les possibilités inexploitées de la nature en cherchant parmi les modes non-humains d’action et de communication.

12-Anita Molinero Bassin du Miroir

Floraison pour Nollopa

Anita Molinero privilégie l’énergie du geste et de l’improvisation tout en revenant sans cesse aux fondamentaux de la sculpture : le poids et la masse, le plein et le vide, le socle, le volume, etc. Composant ses premières sculptures avec des objets et des matériaux de récupération, elle choisit par la suite d’apporter aux formes la puissance de l’irréversibilité du geste. Elle adopte pour cela le plastique et une série de matériaux toxiques qu’elle coupe, brûle, lacère, sculpte.

13-Oliver Beer Bosquet de la Girandole

Accord/Tacet

À travers une perspective acoustique, les oeuvres d’Oliver Beer révèlent la musicalité innée du monde physique et construisent de nouvelles formes de narration et de composition musicale. Sa double formation, en composition musicale et en arts plastiques, l’a amené à s’intéresser très tôt à la relation qui existe entre le son et l’espace, en particulier à travers la voix et l’architecture.

14-Louise Sartor Allée du Labyrinthe

 

« C’est estre fou que n’aimer rien »

Louise Sartor réalise des séries de peintures à la gouache de très petit format sur des supports sans qualité et particulièrement fragiles : pages de papier journal déchirées, boîte d’oeufs, etc. Les motifs sont inspirés de photographies reprenant des scènes du quotidien.

15-Rick Owens Bosquet de la Reine

Untitled

Rick Owens est un designer et créateur de mode ancré dans le mouvement minimaliste et « antifashion » des années 1990. Décrivant son travail comme « la rencontre entre Frankenstein et Garbo, tombant amoureux dans un bar SM », il est considéré, depuis la création de son label en 1994, comme l’une des figures les plus radicales et controversées de la mode.

16-Stéphane Thidet Bosquet de la Salle de Bal

Bruit Blanc

Stéphane Thidet crée des univers ordinaires au sein desquels s’opèrent des décalages, des pas de côté, nous offrant une vision distordue et poétique de la réalité. S’appuyant sur des situations de la vie courante, sur des signes appartenant à la mémoire collective comme sur les soubresauts de l’histoire, ses oeuvres suggèrent une fiction non accessible mais perceptible, qui confronte le spectateur à une « mise en péril des choses ».

 

informations pratiques

Château de Versailles
Place d’armes
78000 Versailles

RER : Versailles – Chantiers (C)

Quatre fontaines historiques donnent au jardin un mouvement giratoire qui suit le rythme des saisons. « Voyage d’hiver » accompagne pour trois mois ces métamorphoses en proposant une promenade méditative au coeur du parc qui bascule doucement dans le froid et le gel.

Accès gratuit tous les mardis aux dimanches de 10h à 17h
(sauf les 22, 24, 27 et 28 octobre de 9h à 19h, les 29 et 31 octobre de 9h à 17h30).
L’accès aux jardins est payant les jours de Jardins Musicaux et de Grandes Eaux
Musicales les mardis 24 et 31 ainsi que le vendredi 27, le samedi 28 et
les dimanches 22 et 29 octobre.

 

 

Entre prière et ode – Franck Ancel

La librairie Mazarine,  présente jusqu’au 24 juin une exposition de Franck Ancel.  Un projet multimédia qui s’ancre à la frontière franco-espagnole sur Cerbère et ses environs.

Ce territoire frontalier, qui dit frontière disait avant l’espace Schengen, contrebande et par conséquent chemins de montagne qui évitent les douanes.

vue Google map de Portbou

« En 1998, Franck Ancel découvre simultanément sur la frontière franco-espagnole l’hôtel le Belvédère du Rayon vert, à Cerbère, et Passages le monument de Dani Karavan à Portbou… »*

Hôtel Le Belvédère du rayon vert à Cerbère

Puis de rebond en écho, au fil des années le projet embarque Vila-Matas, Frédéric Kiesler, Marcel Duchamp et Walter Benjamin.

« En 2004, Franck Ancel lit dans Passages de Dani Karavan un extrait du Labyrinthe d’Odradek, de Vila-Matas. »*

Odradek est un mot que l’on trouve dans la nouvelle inachevée de Kafka Le souci du père de famille .
[Ce mot inventé a donné lieu a de multiples interprétations, il désigne à la fois une poupée et un prodige tombé du ciel, une mécanique de l’horreur et une étoile, une figure du disparate et un microcosme ; en somme, le modèle réduit de toutes les ambiguïtés d’échelle de l’imaginaire, car selon Walter Benjamin « Odradek est la forme que prennent les choses oubliées. »] Description issue de Liminaire.

 

Dani Karavan-Passages- photo Jaume Blassi

 

 

Ce projet généré par un lieu, des passages et des échos artistiques se matérialise sous la forme d’une application pour mobile : Chess-border, téléchargement gratuit sur l’App Store ou sur Google Play, en cinq langues. L’appli enrichit l’écoute sur le Vinyle, en vente à la librairie, d’extraits de la lecture du livre de Vila-Matas par Franck Ancel et d’une spirale sonore réalisée par Vincent Epplay à partir de sirènes.

capture écran de Chess-border

Chess-border, titre polysémique, joue sur les mots : jeu d’échec et frontière respectivement pour chess et border en anglais qui en mot composé désigne le plateau de jeu. Particulièrement soignée, l’appli permet d’appréhender la globalité de l’oeuvre grâce à une interface efficace. Le plus techno, un damier d’échec qui se modélise sur les Pyrénées en géolocalisation. Vous pourrez en profiter lors de la marche que nous vous proposons sur les pas de Walter Benjamin :

Parcours

depuis le hameau du Puig del Más. En grimpant dans les vignes, puis par d’anciens chemins en balcon, vous marcherez au milieu d’une végétation assez dense mais relativement rase.
Suivre le balisage Jaune du « Sentier Walter Benjamin« , qui coïncide également avec un ancien chemin de contrebandiers et avec la Route Lister, jusqu’à la Tour de Querroig.
Un chemin en balcon, après être passé sous la ligne à Haute-tension amène à la frontière franco-espagnole. Le retour depuis la Tour de Querroig se fait par un chemin de crête. le panorama est superbe.

Distance de Banyuls à Portbou : 14,45km, prévoir une durée de 5h30 en comptant une pause d’une heure.  Le chemin culmine à 745m d’altitude.

A Portbou, une visite de l’immense gare s’impose avant de rejoindre le cimetière marin.

*extraits du texte au recto de la pochette du Vinyle en vente sur place – voir repro ci-dessous

verso de la pochette du Vinyle

                                           Librairie Mazarine, 78 rue Mazarine, Paris 6

Sur les pas de Pierre Lambert à Woluwe

Le parcours artistique d’Alain Snyers questionne l’art action, les gestes dans l’espace public, les processus de communication par l’image et les manoeuvres artistiques engagées dans l’urbanité. Membre du groupe Untel, Alain Snyers a développé une activité artistique personnelle foisonnante comme en témoigne sa dernière publication chez L’Harmattan : Le récit d’une œuvre 1975-2015.

C’est en Belgique sur les communes de Woluwe-St-Pierre et Woluwe-St-Lambert qu’il a articulé un projet original de promenade urbaine. Dans le cadre de la manifestation Alphabetvilles pour La Langue Française en Fête, Alain Snyers a coordonné un ensemble d’événements à travers un parcours composé de 4 circuits urbains autour d’un personnage imaginaire Pierre Lambert.

« Sur les traces de Pierre Lambert- par son biographe autoproclamé Alain Snyers », l’artiste nous convie à une visite des sites fréquentés par son personnage. De succulents textes décrivent à travers les âges de la vie du personnage les différents lieux de cette géographie bien réelle revisitée par les facétieux détails de son histoire.

L’ensemble du dispositif, y compris la biographie complète de Pierre Lambert sont consultables à l’adresse suivante : https://www.alphabetvilles.com/sur-les-traces-de-pierre-lambert.

Le document de présentation explique l’opération : L’axe principal d’ALPHABETVILLES est la réalisation d’un décor urbain de mots « Sur les traces de Pierre Lambert », un parcours traversera le territoire des deux communes en reliant 26 “stations” correspondant aux 26 lettres de l’alphabet. A chaque étape, une lettre « grand format » servira de fil rouge pour raconter l’histoire de ce personnage imaginaire, Pierre Lambert, qui aurait vécu dans les deux communes. Le parcours sera notamment fléché par des panneaux signalétiques détournés par l’artiste Alain Snyers.

Une découverte urbaine par une marche décalée qui confère une existence imaginaire à des lieux d’intérêts locaux. Les acteurs associatifs et des collectifs d’artistes contribuent à la diversité de la manifestation qui s’est déroulée du 18 au 26 mars 2017. Le projet agrège un ensemble de propositions qui de la carte avec parodies publicitaires aux panneaux d’affichage utilise tous les attributs de la communication événementielle urbaine.

 

La piste des Apaches

Fondée en 2010, la Biennale de Belleville est le fruit d’une rencontre entre ce quartier de l’Est
parisien et un groupe de commissaires, de critiques d’art et d’artistes.
Jouant sur l’absence de lieu central pour en faire un de ses points de force, la Biennale de
Belleville se déploie du Pavillon carré de Baudouin au belvédère de la rue Piat, de la rue de
Belleville pour s’étirer davantage vers l’Est de Paris.
Reposant sur un principe de mixité des lieux et de variété des interventions, la Biennale allie
ainsi performances déambulatoires et expositions collectives.
Depuis deux éditions, la Biennale de Belleville dessine de nouveaux itinéraires et met en
place des manières originales d’appréhender l’art contemporain.
A cette occasion DéMarches proposera Hors-Circuits, un walkscape urbain de Pantin au Bourget en passant par Bobigny.

La Biennale de Belleville 3

Paris Art

Wall Street International

vernissage de la Biennale de Belleville by Saywho

Slash Paris

TCQVAR

 

HORS_CIRCUITS AFFICH

Un événement DéMarche

Pantin-Le Bourget

_MG_5098_DxOWalkScape proposé par l’association DéMarches
Auteurs : Clayssen/Laforet
Biennale de Belleville / Septembre –octobre 2014

Les territoires actuels sont inventés : ils sont exhumés et créés, dans un même mouvement, dans la foulée. C’est en ce sens que traverser ces espaces aboutit aussi à les produire. : il n’y a pas de regard à l’état sauvage qui permette de les saisir à nu, mais une intrication du donné et du projeté, du donné et du plaqué, du déjà là et du fabriqué, de la découverte et de la production, et par conséquent de la traversée des territoires actuels et de leur création. La traversée est invention. Thierry Davila in Marcher, Créer.

Deux météorites mondialisées du milieu artistique international sont tombées au beau milieu du chaos de la banlieue parisienne, les galeries Thaddaeus Ropac à Pantin et Gagosian au Bourget. Deux objets culturels sortis de leur contexte habituel, il était intéressant de voir ce qu’il y a dans l’interstice, de parcourir le territoire entre les deux cratères, d’examiner quel lien peut exister à la fois entre les deux et au milieu des deux. Voyage donc dans l’entre-deux, quel paysage s’y déploie, y a t il quelque chose à voir ou rien ou si peu ? Quels signaux faibles, où en est l’entropie dans ce hors-circuit, quel paysage peut-on construire sur ce vide, cette absence de mythe, cette vacance de la Disneylisation millimétrée du monde ?

La caRte

15Km à pied
3 heures 45 de marche
18 623 pas

HORSCIRCUITW

Hors-circuits – temps de parcours et infos déplacement

0’00 ‘’ Galerie Thaddaeus Ropac, Avenue Général Leclerc, Pantin 1

6’30’’ Château d’eau, entrée du cimetière (urinoir à gauche de l’entrée)

Ensuite prendre Av. des Platanes (vers les cyprès) puis à droite

26’00’’ Avenue de la Zone à gauche

Sortie à droite Avenue Jean-Jaurès

Fort d’Aubervilliers

Zingaro (métro)

38’45’’ à droite sur le parking, Avenue de la Division Leclerc

57’50’’ Parc Départemental des sports de Paris Seine St Denis

(urinoir dans bâtiment à gauche de l’entrée)

1h00’ Sortie Parc des sports prendre à droite promenade Django Reinhardt tout droit jusqu’à la rue de l’Etoile.

Dans la rue de l’Etoile prendre la 1ère rue à droite, rue de l’Amicale qui longe l’arrière du terrain de l’ancienne gare de Bobigny jusqu’à la rue Gustave Moreau sur la droite (Chapelle de l’Etoile)

1h22’ Emprunter le pont routier

1h30’ Carrefour Repiquet (champ de pierres )

Traverser le terrain de jeux,

Sortie à gauche vers tunnel de Bobigny sortie n°221

1h42’30’’ traverser vers la gauche dans l’axe de la passerelle Julian Grimau prendre le tunnel pour sortir à gauche rue Diderot

2h00’’ Mur de soutènement en pierres sous grillages

Retourner vers la passerelle Julian Grimau

Suivre la rue Julian Grimau au bout tourner à gauche rue de la Courneuve puis à droite rue Jean-Pierre Timbaud (panneau Drancy à gauche)

Prendre à droite l’Avenue Vaillant Couturier (temple indien sur le trottoir de gauche en allant vers Le Bourget).

2h30’ commune du Bourget (sur la droite l’ancien cinéma Aviatic)

Suivre l’avenue de la Division Leclerc

Passer au-dessus de l’autoroute et prendre à gauche le long des bâtiments de la zone aéroportuaire

3h10’ Aéroport du Bourget (Musée de l’air et de l’espace)

Sortir pour traverser la nationale

vers la Cité Germain Dorel, au Blanc Mesnil

Puis retour le long des pistes jusqu’à la rue de Stockholm vers la Galerie Larry Gagosian 2

3h45 Fin du parcours

Retour vers Paris arrêt bus n° 350  devant l’aéroport

RATP- 350 – Horaires du samedi

Musée de l’Air et de l’Espace 16.16 16.36 16.56 17.16 17.36 17.56 18.16 18.36 18.55 19.15 19.35 19.54 20.14
Porte de la Chapelle
Gare de l’Est
16.34
16.51
16.54
17.11
17.14
17.31
17.34
17.51
17.54
18.11
18.14
18.31
18.34
18.51
18.53
19.10
19.12
19.29
19.32
19.48
19.51
20.07
20.08
20.24
20.27
20.43

 

Notes

1-Galerie Thaddaeus Ropac

69 avenue du Général Leclerc
93500
PANTIN RER : E, Pantin

2-Galerie Larry Gagosian

800 avenue de l’Europe
93350
LE BOURGET

Autoroute : A1
Bus : 350, 152 arrêt Musée de l’Air et de l’Espace
RER : B, Le Bourget puis bus 152

 

 

Les Points de vue

Les points de vue sont les aspérités remarquables du paysage créé par le walkscape. Ouvrages, bâtiments, végétation, curiosités, ce sont eux qui donnent le La, la couleur du parcours et sa tonalité, le rythme et la structure des récits engendrés par la marche.
HORS-CIRCUITW

15Km entre les galeries Ropac et Gagosian en milieu urbain de basse densité
Un parcours d’environ 15 Km avec un départ à Pantin, au pied de la galerie Thaddaeus Ropac, autour de la station de métro Quatre Chemins, vaste hangar sophistiqué, en direction de l’aéroport du Bourget, au milieu des friches industrielles plus ou moins reconverties, d’un grand cimetière, de parkings sauvages, de jardins ouvriers, d’une cité perdue mais classée, des fantômes de la Shoah, de zones de transit et d’un ouvrage d’art autoroutier sans égal, de temples colorés enfouis dans la jungle urbaine, de pistes d’envol, d’une autre cité oubliée dans les plis de l’histoire et pour finir dans la re-visitation industrielle précieuse de la galerie Gagosian en lisière de l’aéroport.

TraVerses

Documentation complète du parcours et des principaux points de vue, et un peu d’atmosphère…
Cliquez sur la première photo pour voir la galerie.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 1

Voyage au milieu du Rien

Démarrage du walkscape, départ de la fameuse galerie Thadhaeus Ropac, repaire des collectionneurs mondiaux de l’art, luxe, calme et volupté. Ensuite poursuite dans le rien de la banlieue, détails, petits signes, déréliction parfois, surprises affectueuses, parkings, cartes, tags partout, jusqu’aux champs de pierres conceptuels du rond-point Riquet.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 2

La Ville discontinue

Suite du parcours. Le Rien s’étend et parfois se rétrécit. Des jeux, du végétal, de la chapelle, des tags encore et partout jusqu’à la démesure pharaonique du tunnel de Bobigny, passage au-dessus des voies ferrées, mauvaise ambiance, spectres blancs de la Shoa à drancy, temple millénaire et arrivée à l’aéroport du Bourget.

L’éprouvé et le dit

L’association Démarches propose deux walkscapes dont l’intitulé « Promenade » définit littéralement le lieu de marche : la promenade Victor Mendiboure à Anglet. Cette promenade fréquentée par une importante population composée de locaux, de joggeurs et de nombreux touristes dont le flux continue ne tarit jamais, en période estivale. En empruntant ce parcours quasi rectiligne défini par les aménageurs, nous pourrons vérifier la problématique pointée par Alain Corbin, suivant laquelle : Le paysage n’existe pas en lui-même. Il résulte d’une lecture comme tout système d’appréciation. Mais le véritable problème se situe entre l’éprouvé et le dit.
In entretien entre Alain Corbin et Véronique Nahoum-Grappe publié dans la revue La Mètis, que dirigeait alors Maryline Desbiolles (nº 1 « Le Littoral », janvier 1990).

Sur cette Promenade balisée le marcheur emprunte une voie aménagée dont les revêtements varient suivant les époques au gré des restaurations et des initiatives visant à séduire le marcheur en installant, par exemple, des promontoires surplombant la plage.

Cheminant entre les verts des plantations, des pelouses et du green du golf d’un côté et les différentes qualités de sable, d’or fin à l’ocre des graviers de l’autre côté avant que l’océan n’ajoute sa palette aux marées. La Promenade s’immisce entre ces ambiances colorées mettant le marcheur sur une lisière neutre. Le terrain de la marche appartient à l’espace aménagé, celui que l’on appelle espace vert par opposition à la plage espace naturel vers l’océan.

Espace public desservant les plages, entrecoupé d’accès perpendiculaires reliant les plages et les parkings, dont un tunnel sous la dune, cette liaison entre La Barre et la Chambre d’Amour fonctionne comme axe de déplacement pédestre, lieu de déambulation.

A l’image des sentiers douaniers, la promenade épouse la ligne de côte ici quasi rectiligne.

Cette portion de côte porte les stigmates des erreurs d’aménagement et de l’érosion naturelle dont les traces effacées à la suite d’un cycle de construction/déconstruction/reconstruction gardent en mémoire les empreintes du passé.

Ces témoignages d’une histoire mouvementée se lisent dans des signes généralement faibles pour un observateur non-averti. Le touriste de passage ne percevra rien de ce passé. Le vacancier fidèle à la station pourra noter les indices les plus visibles de mutation du paysage. Les autochtones gardent le souvenir des événements les plus marquants de leur vivant.

Les histoires littorales placent en premier les événements naturels. Les phénomènes liés aux érosions éoliennes et marines et aux tempêtes. Le réchauffement climatique favorise probablement la fréquence et la puissance des phénomènes météorologiques. La liste des noms des principales tempêtes qui ont sévi sur le littoral aquitain marquent autant d’épisodes violents : « Klaus », « Lothar », « Martin », « Xynthia », « Dirk », « Hercules », « Petra », « Qumeira », « Ruth », « Ulla », « Christine », « Ruzica », « Susanna ». A la suite de quoi, le littoral aquitain, qui était sur un recul de 3 à 6 mètres par an, a perdu 20 mètres en un mois et demi en 2014.

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photo : Patrick Laforet

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photo: Patrick Laforet

Texte Jacques Clayssen

Promenade Littorale

CARTE PARCOURS

 

Anglet, station balnéaire du Pays Basque, au bout de la Côte d’Argent, dans le golfe de Gascogne. Connue des surfeurs pour la variété de ses vagues, Anglet est surnommée « la petite Californie ».

La promenade pédestre de 4,5 km, en front de mer, longe les 11 plages d’Anglet, de la Chambre d’Amour à La Barre.

Sans difficulté particulière, la promenade Mendiboure est équipée de bancs, de points d’eau, de toilettes gratuites. Elle est jalonnée de nombreux lieux de restauration et rafraîchissement. Un balisage piéton éclaire les promeneurs le soir.

Le point départ se situe sur la plate-forme d’observation du Parc écologique Izadia

Pour un retour en transport en commun :

Bus 10 

Anglet Plages – Anglet La Barre

La ligne 10 dessert toutes les plages d’Anglet, de La Barre à la Chambre d’Amour. Une fréquence plus importante sera instaurée pour la période estivale.

Coordonnées GPS :

  • Parc écologique Izidia : 43° 31′ 35″ – long. -1° 31′ 11″
  • Promenade : lat. 43° 29′ 41″ – long. -1° 32′ 46″

Incendie à Anglet, jeudi 30 juillet 2020, dans la forêt de Chiberta.

Attisé par le vent l’incendie s’est déclaré vers 18 heures dans la forêt de Chiberta à Anglet, une zone boisée de 250 hectares. Des dizaines d’habitations ont été évacuées. 165 d’hectares de pinède ont brûlé et les flammes ont atteint le parc écologique Izadia.

Situé à l’embouchure du fleuve Adour, ce parc de 14 hectares qui « recèle les derniers vestiges des milieux arrière dunaires du littoral sableux angloy » et abrite plusieurs espèces végétales et animales  avait été restauré au début des années 2000. Il accueillait depuis une dizaine d’années le public pour des visites pédagogiques.

Extrait de La République des Pyrénées, publié le 20 août 2020 in La République des Pyrénées

Claude Olive, maire d’Anglet, veut désormais se tourner vers l’avenir.

Evoquant le parc Izadia, détruit par les flammes, l’élu angloy indique que « Nous régénérerons Izadia, sans rien soustraire de ses spécificités, de sa richesse florale et animale, de ses exigences environnementales. Nous doterons ce parc d’un nouvel édifice, qui sera un signal d’intégration au paysage, en même temps qu’un exemple vivant des nouvelles techniques de construction durables, d’expérimentation de procédés innovants. Nous ferons d’Izadia une référence, un témoignage de notre engagement écologique. »

« Nous mobiliserons les compétences, nous trouverons les financements, nous convaincrons les partenaires, parce que nous défendons un bien commun ancré dans notre histoire et notre capital paysager. L’accablement sera passager, le besoin d’action et de réussite nous fera relever la tête, la perspective d’un enjeu essentiel nous galvanisera, la fierté d’être des Angloys actifs et volontaires sera notre guide pour gagner ce nouveau pari. Ensemble nous ferons à nouveau briller notre devise « Mar e Pignada per m’aida » » indique enfin Claude Olive.

 

Anglet- promenade

INSCRIPTIONS

Du vendredi 26 août au mercredi 2 novembre 2016, la sixième édition de la Biennale d’art contemporain d’Anglet devient La Littorale, avec un parcours artistique confié à l’écrivain et historien d’art Paul Ardenne.

L’association Démarches vous propose un walkscape sur la promenade littorale de la Barre à la Chambre d’Amour.

Point de rendez-vous : Maison de  l’environnement-Parc écologique Izadia

Maison de l'environnement-Parc écologique Izadia

  • un parcours diurne, le 9 septembre. Départ à 10h de la terrasse d’observation
  • un parcours nocturne, le 16 octobre. Départ à 22h devant l’entrée

La participation au walkscape est libre, mais il est impératif de se préinscrire par mail à l’adresse suivante : clayssen.laforet@gmail.com

 

Un littoral en formes

Seeing is forgetting the name of the thing one sees [Voir, c’est oublié le nom de ce que l’on voit]. Robert Irwin

Proposition de lecture de cette portion de côte à travers des affinités, des contiguïtés visuelles, des proximités évocatrices. Lors de la Promenade, des formes repérables évoquent pour les promeneurs avertis des similitudes avec des références artistiques. Reste aussi, comme nous le verrons, les traces d’une intervention artistique ayant eu lieu lors de précédentes biennales.

Des équivalences visuelles…

avec l’Art Minimal… 

Les digues, les jetées, les épis en rochers d’ophite de Souraïde et Ainhoa ou en blocs de béton laitier tentent d’opposer à l’océan leur inertie d’enrochement lourd. Ces brise-lames conçus pour résister aux éléments même déchaînés connaissent des fortunes diverses. Leurs énormes blocs basculent parfois dans la mer sous les coups de boutoir des vagues ou l’effet de la houle.

Les plages d’Anglet, délimitées par ces épis devenus parties prenantes de ce paysage littoral, composent avec ces avancées que les promeneurs empruntent à leurs risques et périls malgré les interdictions.

La tentation est grande d’avancer dans la mer, protégé par ces énormes blocs, pour aller outre mer. De là, un point de vue donnant la sensation d’être seul face aux éléments, avec la possibilité de laisser derrière soi la plage, de se situer à la proue du navire terre.

En focalisant l’attention sur les blocs nous découvrons un monde aux formes variées. Des rochers d’ophite taillés à la dynamite, dont les masses répondent aux exigences des calculs, aux blocs de béton rainurés aux formes étudiées pour résister à la houle. Ces cubes de béton rainurés, affichent un poids de 24 à 32 tonnes suivant les emplacements.

Si en géométrie l’hexaèdre est un polyèdre à 6 faces, il existe de multiple hexaèdre cependant il n’existe qu’un seul hexaèdre régulier: le cube. Il est un des 5 solides de Platon, composé de 6 faces, 12 arêtes et 8 sommets.

Objet mathématique en trois dimensions, le cube occupe une place majeure dans le domaine artistique. Figure caractéristique de l’Art Minimal, de nombreuses œuvres s’articulent autour du cube. De Sol LeWitt à  Robert Morris en passant par Rafael Soto, Michelangelo Pistoletto, Eve Hesse et Tony Smith, ces artistes ont choisi de l’explorer sous différents aspects. Et la série des Rochers carrés de Kader Attia, prix Marcel Duchamp 2016.

et avec Daniel Buren

Les tentes rayées, mais il en est ainsi de beaucoup de rayures tant la prégnance d’une œuvre empruntant un motif de toiles a su s’imposer, ne manquent pas se rappeler comme des réminiscences de Daniel Buren.

Restes de l’œuvre de Claire Forgeot

L’épi de la plage du Club présente des roches aux couleurs passées. Les plus avertis et les habitués savent que ces peintures témoignent du travail de l’artiste Claire Forgeot lors de la 2ème Biennale en 2007. A l’origine l’artiste avait retenu des couleurs vives : rose fuchsia, rouge piment, jaune citron, vert chlorophylle, et du bleu marin qui ont résisté jusqu’à aujourd’hui, même si les couleurs sont « délavées ».

Le rocher support de peinture s’inscrit dans une longue tradition. Des sites népalais aux rochers peints, en 1984 par l’artiste belge Jean Vérame, dans le sud marocain, dispersés sur environ 5 km.

« Seven Magic Mountains », d’Ugo Rondinone est située à 20 minutes de Las Vegas, dans le désert du Nevada, cette oeuvre monumentale s’intègre au paysage désertique. Ces énormes rochers trouvés sur place sont peints et disposés en équilibre, plus ou moins précaire. Leur disposition apparaît soit alignée soit chaotique selon l’angle de vue.

Bunkers pour graffeurs

Les bunkers d’Anglet servent de support aux graffeurs, en production libre ou organisé par l’Udan Graffiti Jam. L’édition 2016 de l’UGJ a donné lieu à une œuvre sur l’enrochement.

Les lectures littorales se construisent pour chacun à travers ses propres références, alors que les œuvres des Biennales d’ Art Contemporain appartiennent aux propositions des commissaires. Saluons Anglet d’avoir opté pour une manifestation ambitieuse à l’écart des circuits traditionnels de l’art. Dans un contexte budgétaire tendu, ce choix exigeant de questionnement du monde par les artistes est à souligner. D’autant que l’époque semble incliner vers une fermeture des centres d’art et  des élus imposant leurs goûts ou leurs intérêts.

Texte Jacques Clayssen

Paysage soustractif

Anglet recombine les éléments constitutifs de l’attractivité des stations balnéaires : visibilité sociale, effets thérapeutiques du littoral,  architectures et urbanismes de loisir. Ici, la villégiature maritime a acquis ses lettres de noblesse par la présence de personnages illustres. Ensuite, la bourgeoisie a supplanté ses modèles pour devenir à son tour prescriptrice de conduites et de désirs populaires.

« La station sur le rivage plage, récif ou falaise, contact des vacuités de l’air et de l’eau, la saisie de ce ‘royaume du vide’ dont parle Virgile, cité par Chateaubriand engendre un faisceau d’émotions, de lectures du paysage, de schèmes rhétoriques et de pratiques sociales dont l’ensemble constitue ce qu’on appelle communément : la mer. »
Extrait d’un texte d’Alain Corbin paru dans Aménagement et nature.

Alain Corbin a étudié, dans son livre Le territoire du vide, L’Occident et le désir du rivage, les perceptions, les appréciations et les émotions provoquées par le littoral à travers les époques. Il a inventorié les pratiques sociales et les représentations du milieu maritime, dernier espace commun de la planète, objet tout à la fois de fantasmes et de convoitises.

Je dis quoi, quand je dis littoral ?

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « littoral », pose les principes de protection et de mise en valeur des espaces littoraux, des mers et grands lacs intérieurs, qui présentent des enjeux majeurs de protection de la nature et de maîtrise du développement,  pour la France métropolitaine et l’outre-mer.

Puis, la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a instauré un Conseil National du Littoral (CNL). La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 », a transformé le CNL en Conseil National de la Mer et des Littoraux (CNML).

La première définition effectuée par l’Etat concerne le domaine public maritime, selon l’ordonnance sur la marine de Colbert en 1681 précise : « Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ».

Le terme reste difficile à définir, qu’il s’agisse d’une « entité géographique » ou d’une « interface terre–mer ». Une présentation approfondie des problèmes posés permet d’en comprendre la complexité.

La promenade Victor Mendiboure

Promenade pédestre de 4,5 km, sur un site aménagé longeant le littoral. La promenade Victor Mendiboure, du nom d’un maire resté dans les mémoires pour ses qualités humaines et son ambition pour la commune durant son mandat qui se termine en 1992 après 21 ans d’exercice, est bordée d’un côté par l’océan et les 11 plages d’Anglet dont la plupart dispose de baraques de surf, de l’autre côté par des espaces verts aménagés et des équipements tels que le golf, l’Espace Océan et la thalasso. De La Barre à la Chambre d’Amour la vue, par beau temps, sur les Pyrénées s’impose au-delà du phare de Biarritz.

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Le littoral, dernier front pionnier, constitue l’enjeu de toutes les convoitises et de toutes les pressions. Le tropisme littoral exacerbe les tensions entre les nécessités de préservation et les demandes d’occupation foncières.

La Littorale pour cette 6ème édition de la Biennale d’Anglet a choisi sous le commissariat de Paul Ardenne de présenter des œuvres d’artistes actuels qui envisagent le littoral sous ses aspects les plus actuels qu’ils soient géographiques, sociaux ou politiques.

Anglet entre souvenir et devenir

Le littoral angloy témoigne d’une histoire effacée. Les éléments naturels, tempêtes,  érosion éolienne, courants marins, dérive littorale façonnent cette côte sableuse rectiligne. L’activité humaine, guerre, commerce, transports et loisirs ont impacté le paysage au fil du temps. Si la mer a modifié la ligne de côte la faisant inexorablement reculer, les aménageurs ont dû s’adapter pour composer en plus avec les effets des activités d’extraction de sable, des digues et des manques de crédit pour financer les importants travaux d’entretien et de clapage.

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Une histoire littorale forcément mouvementée, au fond du golfe de Gascogne, la côte d’Argent a connu des épisodes violents, dont les événements climatiques, ont obligé à repenser les aménagements.

Les effets conjugués de la houle, du sable et du vent ont eu raison des équipements construits sur ce littoral depuis la plantation de la forêt de Chiberta au Second Empire.

Avant, c’était une autre histoire. Une histoire de culture maraîchère, de vignes et de barthes. L’Adour n’avait pas son embouchure à l’emplacement actuel, les terres agricoles alimentaient Bayonne et abreuvaient la région d’un vin de sable et d’un cidre localement réputés.

Les évolutions au fil du temps se jouent, comme le souligne le géographe Ronan Le Délézir, dans les équilibres entre ceux qui y vivent, ceux qui en vivent et ceux qui y viennent.

Les aménagements liés aux difficultés de construction en lisière du domaine maritime créent les conditions d’une évolution caractérisée par des soustractions dans les lieux les plus exposés. Cette interface entre la terre et la mer combine trois éléments l’atmosphère,  l’hydrosphère et la lithosphère dont les actions conjuguées altèrent les matériaux et érodent végétaux et sols. D’autant que la salinité du milieu accroît les risques.

La promenade littorale raconte comment la complexité de cette lisière accentue la fragilité des équilibres. Ainsi aux activités premières que constituaient le maraîchage, la vigne et la pêche, qui ont façonné cette côte durant des siècles, a succédé une économie résidentielle. Si les effets de l’activité touristique profitent  à l’économie littorale, le tourisme et les loisirs qui y sont associés induisent en retour un type de développement dont les méfaits doivent être au mieux corrigés au pire subi durablement.

Aujourd’hui, comme si ces difficultés ne suffisaient pas, on ne peut ignorer le changement climatique facteur aggravant qui va impacter durablement le littoral.  Avec l’élévation du niveau de la mer, l’intensification des tempêtes et la dégradation des écosystèmes marins et côtiers les phénomènes de submersion marine et d’érosion côtière déjà particulièrement intense sur cette côte iront en s’amplifiant. Gageons que l’expérience acquise au fil du temps permettra de gérer avec soin un trait de côte exposé à des risques majeurs.

Une chronologie des lieux équipés pour les loisirs à succès par époque met à jour une succession de construction-destruction dont les motivations tiennent majoritairement aux événements climatiques et au milieu marin. Les destructions ou les dégradations conséquences des tempêtes imposent des démolitions permettant de substituer à un équipement en difficultés économiques de s’effacer au profit d’un édifice plus conforme à l’époque.

Napoléon III en finançant la forêt de Chiberta a modifié profondément l’économie. D’une part des activités liées à la forêt se sont développées, d’autre part l’entretien de l’embouchure artificielle de l’Adour nécessite encore aujourd’hui une importante activité de désensablage pour assurer l’activité du port de Bayonne.

A cette même époque, Biarritz attire une foule de célébrités dans le sillage du couple impérial. L’engouement de l’aristocratie pour ce nouveau loisir nommé tourisme nécessite des équipements nouveaux pour lesquels des travaux importants sont engagés. En 1854, l’Impératrice Eugénie et son époux mettent à la mode la Chambre d’Amour. De là, les plus aventureux des baigneurs succombent aux charmes des grands espaces et des plages sauvages du littoral angloy.

Une histoire documentée in situ

Les marcheurs curieux de connaître l’histoire du littoral angloy trouveront en différents lieux des panneaux historiques. Du parc Izadia à Belambra un ensemble de panneaux retracent la chronologie illustré des différents espaces. Cartes postales anciennes et documents d’archives présentent la mémoire de cette portion de côte. Cette abondante documentation prouve, outre le souci de satisfaire la curiosité des autochtones et des touristes, l’importance des transformations des aménagements et des équipements. On peut y lire l’histoire des loisirs dans les stations balnéaires à travers la diversité architecturale : tentatives de synthèse basco-arts déco (les villas, les établissements de bain, le golf),  les nécessités du tourisme de masse (Belambra, les résidences de Sables d’Or) et le équipements de bien-être ( Atlanthal). Mais on y lira aussi l’impact des événements climatiques et des érosions qui ont bouleversé les aménagements de défense du littoral.

La côte d’argent

Commence pour cette portion de côte une histoire qui verra surgir successivement des anciennes barthes des équipements nécessitant d’importants travaux.

L’hippodrome

Aux chasses à courre dans la forêt de Chiberta vient s’ajouter en 1870 un premier hippodrome.

La création de l’hippodrome de la Barre est un pari audacieux. La société de courses, présidée par Alexis d’Arcangues, est fondée en 1869.

La guerre de 1870 retardera le projet, ce n’est qu’en 1873 qu’a lieu la première réunion de courses.

Le chantier est colossal, les comptes rendus de l’époque mentionne le remplacement de 200 000 mètres cubes de sable par 200 000 mètres cubes de terre adaptée. Les tribunes et la piste sont entourées de pelouses.

Les installations subiront les méfaits des tempêtes, en particulier le débordement de la mer du 9 janvier 1924. Il subira de gros dommages durant la Deuxième guerre mondiale. Il sera reconstruit partiellement. Dans les années 60 le premier karting en plein air ouvre sur le domaine de l’hippodrome ainsi qu’un tir aux pigeons. Les activités cesseront avec  la fermeture à la fin des années 70 suivi dans les années 80 de sa destruction du site.

La patinoire est inaugurée en 1969 après les jeux olympiques de Grenoble. L’équipement passera sous gestion municipale en 1977.

Vestiges – Aujourd’hui reste le nom de la plage des Cavaliers baptisée ainsi en souvenir de l’hippodrome installé sur l’actuel emplacement des installations de la Maison de l’environnement-Parc écologique Izadia.

Le golf

En 1880, la création du golf de Biarritz installe quelques trous sur la commune d’Anglet. Il faudra attendre 1920 pour que la société Biarritz-Anglet-La Forêt se rende propriétaire des150 nouveaux hectares nécessaires à la création du golf de Chiberta.

En 1927, le célèbre architecte Tom Simpson s’installe face à l’Atlantique pour le plaisir du Duc de Windsor. De renommé internationale, il avait entre autres construit en France les golfs de Chantilly et de Fontainebleau en 1909. Dans son contrat, il était stipulé que Simpson devait créer le plus beau golf du monde ! A vous de juger.

La thalasso

En 1882 la France comptait un établissement  de thalasso, en 1975 il y en avait 9, puis 35 en 90, 44 en 95. Aujourd’hui la France regroupe 52 centres de thalassothérapie dont une vingtaine a ouvert entre 1985 et 1991et la moitié de ces centres ont moins de 20 ans. Ces équipements représentent une capacité d’accueil d’environ 8 000 curistes par jour. Depuis 1994 le parc semble se stabiliser.

En France, c’est à partir de 1820 que démarre, importé d’Angleterre, l’engouement médical pour l’eau de mer. À Anglet, dès 1854, la mode des bains se développe…

La thalassothérapie moderne verra l’ouverture en 1989 du Centre Atlanthal bénéficiant de l’utilisation combinée des bienfaits du milieu marin qui comprend le climat marin, l’eau de mer, les boues marines, les algues, et autres substances extraites de la mer. Le Centre de thalassothérapie Atlanthal accorde un intérêt tout particulier à l’aspect sportif et à la remise en forme grâce à des équipements spécifiques.

L’aérodrome

A la Chambre d’Amour, un champ d’atterrissage doté d’une piste de 3, 5 km, sans obstacle autre que les dunes à l’Est, permettait aux pilotes de faire décoller leurs avions. En effet la manoeuvrabilité des appareils de l’époque autorisait le fonctionnement d’une telle installation. Toutes les conditions semblaient réunies pour que les liaisons avec Bordeaux, Santander et pourquoi pas Londres ouvrent aux touristes fortunés les accès à la Côte d’Argent.

Georges Guynemer, futur as de la première guerre mondiale, y découvrira sa vocation. Il résidait dans la villa Delphine voisine du terrain. Mais le projet d’un aéroport à Parme initié depuis longtemps se précisera avec l’acquisition des terrains. La réalisation de l’aéroport signa la fin de l’aérodrome qui fermera en 1922.

Vestiges – une partie du tarmac reste visible entre les herbes folles. Une végétation rase se développe derrière une clôture qui protège la zone contre le stationnement.

La Chambre d’Amour

La Chambre d’Amour, nom attribué à une grotte située en contrebas des falaises d’Aintzarte. Coordonnées GPS : lat. 43° 29′ 56″ – long. -1° 32′ 31″

La légende est née en pleine période romantique, au début du dix-neuvième siècle. « Dans les temps lointains, Laorens, pauvre et orphelin et Saubade, fille d’un riche cultivateur, s’aimaient. Ils se retrouvaient, en dépit de l’opposition paternelle, dans une grotte, face à l’immensité des vagues. Là, ils faisaient le serment de s’aimer jusqu’à la mort. Un beau jour, l’orage gronda dans le Golfe de Gascogne, et la mer, poussée par le vent du large, monta plus rapidement qu’à l’habitude, emportant les amants. On appela « Chambre d’Amour » la grotte fatale qui attire, aujourd’hui encore, amoureux et curieux. » (rapporté par E. De Jouy dans l’Hermite en province ou observations sur les moeurs ou les usages français au commencement du XIXe siècle.)

La légende contribua au succès du lieu. L’accès dangereux contribue à élargir la dénomination à la plage du même nom. Le nom suggestif assure le succès du lieu. L’imagination portée par le mythe favorisa les récits et l’évocation d’une plage favorisant les amours estivales.

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Vestiges : Suite aux modifications des courants et des transferts de sable, la grotte est désormais à une centaine de mètres de la mer. Les aménagements des abords et la construction du VVF ont ôté au lieu sa discrétion.

Le mythe

La légende de la Chambre d’Amour

La légende est née en pleine période romantique, au début du dix-neuvième siècle. « Dans les temps lointains, Laorens, pauvre et orphelin et Saubade, fille d’un riche cultivateur, s’aimaient. Ils se retrouvaient, en dépit de l’opposition paternelle, dans une grotte, face à l’immensité des vagues. Là, ils faisaient le serment de s’aimer jusqu’à la mort. Un beau jour, l’orage gronda dans le Golfe de Gascogne, et la mer, poussée par le vent du large, monta plus rapidement qu’à l’habitude, emportant les amants. On appela « Chambre d’Amour » la grotte fatale qui attire, aujourd’hui encore, amoureux et curieux. » (rapporté par E. De Jouy dans l’Hermite en province ou observations sur les moeurs ou les usages français au commencement du XIXe siècle.)

Les établissements disparus

Dès 1884, un établissement de bains de 75 cabines est édifié par la ville. Il inaugurera la série de déboires liés à la proximité de la mer. En 1924 un raz de marée dévaste l’installation qui sera reconstruite trente mètres plus loin 4 ans plus tard. Cet établissement fonctionnera jusque dans les années 50.

Devant le succès des bains de mer, la municipalité décide en 1927 de la construction d’un bâtiment plus adapté. Les plans sont confiés aux architectes Anatole & Durruthy  adeptes du style Art Déco, ils imaginent un bâtiment sur deux niveaux avec casino à l’étage.

En 1928, le projet définitif offre, sur 15000m², piscine et vaste salle des fêtes  à la Chambre d’Amour. 2 ans plus tard des aménagements supplémentaires s’imposent pour offrir un bar, des salons particuliers et des cabines réservées aux célébrités de l’époque : la baronne de Rothschild, le maharadjah de Jasdan, le grand duc Dimitri, le roi et la reine d’Espagne, le prince de Galles, et Buster Keaton…

En 1957 et 58 un plongeoir en béton remplace le plongeoir initial en bois et 15 cabines sont ajoutées. En 1966 le mur de soutènement est consolidé une première fois, il sera endommagé lors des tempêtes de 1973 et 1975 ainsi que la piscine. En 1977, piscine, bar et cabines sont détruits.  D’importants travaux de protection du littoral sont réalisés. Des épis et des jetés sont construits pour enrayer la montée de l’océan qui rogne le littoral.

Vestiges – Enfin en 2007 l’Espace de l’Océan est inauguré, avec une salle des congrès conçue dans le respect du style art déco d’origine. Seule la décoration rend hommage aux anciens établissements.

En 1930, la villa Zipa, construite sur la pointe rocheuse de la Chambre d’Amour est démontée et reconstruite dans un autre quartier. La villa Zipa aura résisté aux assauts de l’océan durant une dizaine d’années.

Vestige : reste une plateforme aménagée dont rien n’indique qu’une villa se dressait là.

En novembre 1969, des dégâts sur le mur de soutènement devant la plage face à l’hôtel Marinella. Un affaissement de 3 mètres sape le pied du mur et les vagues submergent le quai.

En 1976, la construction d’un deuxième épi est décidée devant la plage du Club entraînant la disparition de la piscine sous les gravats. Un troisième épi sera créé au nord de la plage de Marinella afin de tenter en vain de sauver l’hôtel.

En 1980, l’hôtel Marinella est racheté par l’Etat  pour être démoli. La plateforme d’enrochement, sur lequel il reposait, sera enlevée en 1987 car elle aggravait l’érosion de la plage.

Vestige : la plage de Marinella est le seul souvenir de cet hôtel.

Le VVF

En 1970, l’hôtel Village Vacances Famille, conçu par l’agence Aquitaine Architectes Associés -Hébrard, Gresy et Percillier- est construit sur un terrain contraignant. Le bâtiment est construit sur pilotis, atteignant une largeur de 250m. Les architectes concevront un paquebot couleur de sable. Ce qui fait architecture ici c’est l’intégration dans le lieu, dans un rapport évident avec la topographie. Un ensemble compact de gradins sur la mer, tels les ponts d’un navire. Le vocabulaire s’inscrit dans le registre maritime, évoquant un navire paré pour affronter l’océan, adossé aux rochers. Son infrastructure en béton brut, bois et pierre sèche incruste sa masse dans le décor.

Vestiges : Exit le VVF. Après 2 ans de travaux (2008-2009), les 210 logements et les parties communes sont restaurés pour renaître sous le nom de Belambra. Ce changement de nom marque le renouveau du site.

Le surf

Un littoral sur lequel le surf s’est imposé comme mode de vie. Tout au long de la promenade les plages offrent des écoles pour tous les âges et tous les niveaux.

L’histoire a commencé sur la côte basque. Durant l’été 1952, l’ébéniste dacquois Jacky Rott se rend à la Chambre d’Amour afin de voir si le rêve hawaiien, découvert lors de la projection d’un film, pouvait être importé au Pays Basque… Une fois à l’eau, la planche – taillée par ses soins dans du cyprès chauve – fut impossible à maîtriser dans les vagues, sans aileron ni paraffine… habitué de la pratique allongé du planky, il ne parvint pas à se tenir debout pour surfer.

Le surf arrive, en 1956, à la Chambre d’Amour avec une équipe hollywoodienne venue tourner « le Soleil se lève aussi », film tiré du roman éponyme d’Ernest Hemingway.

Le 27 août 1963, l’actrice Deborah Kerr, épouse du scénariste Peter Viertel, inaugure le Surfing-club de la Chambre d’Amour, premier club de surf en France. A peine un an plus tard, le club devenait le Surf-Club de France.

La planche a débarqué dans les années 1950 grâce au tournage d’un film inspiré d’Hemingway. Depuis, la Côte basque n’a cessé d’être au sommet de la vague. . A l’été 1957, alors étudiant, Joël de Rosnay sportif aguerri, devient champion de surf. Son nom restera associé dans la légende du surf à ceux entre autres de Georges Henebutte, fabricant de planky et de Jo Moraiz qui créera la première école de surf. Ils entreront dans l’histoire de ce sport sous le nom de « tontons surfeurs ».

Vestiges : reste les concours et championnats, entre les World Surfing Games, le surf de nuit et les  compétitions de longboards, les fédérations et les sponsors entretiennent la réputation d’un site historique.

Texte Jacques Clayssen

Pieds et points liés

Chacun se souvient des dessins point à point qui facilitaient en s’amusant l’apprentissage du trait et du coloriage. Dessins dont les points pré-configuraient le tracé.

De cet exercice enfantin, nous avons emprunté les points en les reportant sur des balisages in situ. Si l’on observe attentivement notre environnement, nous constaterons que le paysage présente des ancrages naturels ou construits qui permettent avec un traceur GSM d’utiliser les offres du terrain pour réaliser des figures point à point.

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Désormais, aux traditionnelles cartes géographiques et aux instruments de navigation se substituent les moyens offerts par les smartphones alliant cartes et boussoles à travers le GPS.  Ces techniques de positionnement par satellite et leurs reports cartographiques viennent enrichir la palette de moyens d’expression de l’art actuel.

procédure :

  • disposer d’un smartphone avec une application de tracking
  • identifier dans le paysage les points d’ancrage
  • effectuer le parcours suivant la figure choisie en reliant les points.

Cette proposition s’articule sur un walkscape augmenté d’une dimension liée à une pratique artistique ancestrale : le dessin dans le paysage à l’image des géoglyphes de Nazca. Dans sa version actualisée, le GPS offre la possibilité de dessiner un parcours sans empreinte, dont seule la version tracée via le GPS figure sur l’écran.

Ainsi se mettent en place les conditions d’une démarche artistique totale, à la manière de l’Action Painting en transformant les marcheurs en traceur. Les corps en déplacement sont à l’œuvre sur le parcours du walkscape. L’expression apportée par l’usage du GPS respecte le principe d’un art immatériel. Au déplacement physique du walkscape s’ajoute la mémoire figurative d’un tracé sur écran, sans traces matérialisées sur le terrain.

Le principe est simple: les marcheurs se déplacent suivant un tracé reliant des points identifiés sur le parcours. Ce tracé suivi via GPS dessinera une trace figurative identique à celle déterminée. Chacun devient acteur et détenteur de sa représentation.

Les points visuels composant des figures matérialisées par le traceur nécessitent une détection par le regard imaginant la possibilité d’une figure. Le regard construit les lignes du parcours reliant des points dissemblables ou ordonnés. Dans le cas de points ordonnés, les figures potentielles révèlent les potentialités de liens.

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vue panoramique du site

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Vue du site avec les plots balisant l’aire d’atterrissage d’hélicoptère située entre la plage de la Madrague et Marinella.

Promenade Nocturne

IMPORTANT : la Promenade nocturne change de date

INSCRIPTIONS
Dans le cadre de la sixième édition de la Biennale d’art contemporain d’Anglet : La Littorale, avec un parcours artistique confié à l’écrivain et historien d’art Paul Ardenne, l’association Démarches vous propose un walkscape de nuit sur la promenade littorale de la Barre à la Chambre d’Amour.

Promenade nocturne, le mercredi 2 novembre. Départ à 22h, durée environ 2h.

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La participation est libre, mais il est impératif de se préinscrire par mail à l’adresse suivante : clayssen.laforet@gmail.com

L’étrange attracteur

_h9a1026_dxoImplosion, frôlements et paradoxes
Promenons-nous dans le vide pendant que le chaos n’y est pas. La promenade Victor Mendiboure agit comme ces étranges attracteurs qui règnent dans le chaos, intégrant des millions d’événements dans un système de représentation dynamique et fluide. Le long ruban de béton trace une frontière à l’intérieur de la frontière qu’est le littoral : tout s’y déverse dans un désordre apparent, usages sociaux, représentations du monde, cultes religieux, pratiques hygiénistes, etc… tout ce mouvement provoque des frôlements inattendus, des chocs de particules et des correspondances surprenantes et mystérieuses dans une sorte de gigantesque implosion lente et paresseuse.
Tout est dans tout, bien sûr, mais plus spécialement dans ce lieu collectif et public où tout peut arriver, se côtoyer ou simplement se juxtaposer dans un ensemble proche du bouquet final d’un feu d’artifice. Le grand écart est particulièrement visible à la période estivale pendant laquelle le système acquiert une vitesse de rotation extraordinaire mettant en relation des éléments franchement disparates et paradoxaux.
Comme tout espace de mélange et de brassage, il se présente de manière minimaliste, un vide un peu irrégulier entre le balnéaire et le un peu moins balnéaire. Dans la conception du monde décrite par Alain Corbin, le littoral est la trace du doigt de Dieu pour empêcher le chaos (l’océan/déluge) d’envahir à nouveau la terre, la promenade est la trace dans la trace qui sépare le littoral en deux lieux distincts arbitrairement. Barrière symbolique d’un contrôle du chaos, son existence est la preuve de la domination du désordre dangereux qui la borde, donnant au paysage une note paisible et distanciée.

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Nord/Sud
Au Nord se tient la zone de l’Adour, zone d’échouage importante où le fleuve redistribue tout ce qu’il a pu arracher à d’autres paysages, bois, végétaux, déchets divers et colorés, quelques restes d’animaux, pour recomposer un territoire parfois violent et catastrophique. Le sable s’y dépose en masse, est avalé par la drague permanente et déposé au bord des plages pour éviter leur disparition. Ensuite la promenade longe quelques restes de la seconde guerre mondiale, qui semble ici plus irréelle que jamais, restes envahis des gestes colorés des tagueurs, nouveau code esthétique indispensable au jeunisme balnéaire.
A gauche s’étend la nature originelle de marais, enchâssée dans des contours précis et délimités, autre forme de chaos sous la forme du miasme et de l’indécis, du mouvant et du sombre, terrain de la canne, la plante d’origine des marais qui toujours revient, années après années, dès que la surveillance se relâche.
A droite du Nord au Sud s’étend le royaume de l’eau, le pays des turbulences, terrain de jeux des surfeurs qui, justement, aiment les turbulences sans cesse renouvelées de la rencontre entre le dynamique et le stable. Ici le balnéaire n’est pas simple entre les baïnes, les courants, et les vagues puissantes la baignade n’est jamais sure, rarement dénuée de dangers, la plage est semée de panneaux de danger, d’interdictions, de conseils et finit par ressembler à une rocade d’autoroute vaguement hostile.
Plus loin, de nouveau quelques bunkers, tout aussi tagués et enfin l’espace ordonné du golf, ses ondulations de verdure courte traversée par le bruit sec des balles, encore quelques pelouses et arrivée sur des bâtiments après avoir longé l’ancien terrain d’aviation qui revient lentement à un état non piétiné, à la prairie originelle. Restaurants, terrasses, bars, magasins, béton partout jusqu’à la Chambre d’Amour, dernière plage avant la falaise, où trône le fameux paquebot architectural qui boucle la promenade d’une austérité toute seventies.

Galerie
Impossible d’être exhaustif ou documentaire dans une telle masse d’événements, de rencontres, de croisements, donc quelques dyptiques photographiques au fonctionnement visuel associatif et parfois ténu après un démarrage nocturne et solitaire. Bonne déambulation.

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Texte et photos Patrick Laforet