De Lons-le-Saunier à Issenheim et de Beaujeu à Besançon avec Victoria Niki

Un pas après l’autre, une marche performative.

Artiste plasticienne d’origine moldave qui vit et travaille en France depuis 12 ans.
Son travail aborde la question du paysage de différentes manières.
Et si le paysage n’était qu’un prétexte pour questionner autre chose que lui-même ? Comme si le sujet lui-même se métamorphosait en autre chose.

La démarche de Victoria Niki

Le déplacement est-ce se mouvoir, est-ce voyager d’un point A à un point B ?
Souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans connaître la nature de ce changement de place et de ce que cela transporte. Le paysage, la traversée de pays et territoires autres que ceux que j’ai pu expérimenter auparavant dans mon enfance constituent le coeur de ma réflexion.
Mon travail est une histoire de souvenirs et d’espaces où l’homme enfouit son passé, ses espérances, ses attachements et où parfois il les y perd. Mais pas seulement, car c’est aussi une histoire de territoire, d’appartenance, de ces lieux qui nous construisent, nous identifient, de ceux que l’on transforme et que l’on fantasme. Le récit, le son, l’installation, le dessin et la peinture s’entremêlent au service d’un seul matériau, tantôt solide, tantôt impalpable, parfois net mais le plus souvent flou : la mémoire. La mémoire comme point de départ, comme moyen et comme finalité ; la mémoire comme une question sur la place de l’humain, celle de l’étranger et du déplacé, de l’oublié et de l’oublieux. Et en fin de compte, la mémoire de l’autre, des autres, devenue fragment d’un Rubik’s cube, construit l’archive d’un territoire. Territoire qui m’est de fait étranger.
Comment archiver les souvenirs d’un territoire, d’un espace donné ?
Le lieu, l’année, la saison, le mois, le jour, l’heure et l’atmosphère du moment ainsi que d’autres détails surgissant des souvenirs contés sont mis en parallèle avec la cartographie. Chaque récit détermine et me transporte vers un lieu précis que je prend en photo tout en archivant les coordonnées GPS de l’image.

La marche
     comme
                 acte de résistance face à une situation qui nous échappe.
La marche
     comme
                 acte d’écriture par le corps dans le paysage.
La marche 
     comme
                 démarche artistique.
La marche
     comme
                 acte échappatoire.
La marche 
     comme
                 refuge. 

En résonance à l’actualité qui questionne notre liberté, je réalise une marche performative. Cette marche se déroule sur le territoire français.


Équipée d’un sac à dos, d’une tente et du strict nécessaire pour être en autonomie complète, cette nouvelle marche performative m’amène à rejoindre 7 villes et 7 places de la liberté : Place de la Liberté, 39000 Lons-le-Saunier ; Place de la Liberté, 68500 Issenheim ; Place de la Liberté, 69430 Beaujeu ; Place de la Liberté, 63160 Espirat ; Place de la Liberté, 83136 Rocbaron ; Place de la Liberté, 83000 Toulon ; Place de la Liberté, 03450 Ébreuil.


À la fin de mon parcours les initiales des villes parcourues formeront le mot LIBERTÉ. Le parcours dans son intégralité fera 2222 kilomètres, il se fera en plusieurs étapes, selon l’état du corps et des pieds, entre l’été 2021 et la fin de l’été 2022. En fonction des rencontres, des lieux et des circonstances je sèmerai des mots de Liberté. Tels des indices de passage, ce sera la seule trace matérielle que je laisserai derrière moi tout au long de cette odyssée. Chacun de ces mots sera géolocalisé sur la carte créant ainsi des rhizomes de Liberté interconnectés par mes pas.

 » L’être humain a toujours besoin d’air…tout en s’affichant comme fils d’une société, il s’en arrache avec réserve, hostile à tout excès, et se détourne pour chercher refuge non pas en soi-même mais dans une nature éprouvée comme l’envers de la société qu’il fuit. Rendu étranger à son monde, il souhaite taire son désarroi. ‘‘ 
L’Homme de dos  Georges Banu

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La prochaine étape ce sera pour l’automne. Tenez vous prêts pour de nouvelles aventures !!!

Le chemin de la liberté 
De BESANCON à BEAUJEU avec Victoria Niki

Chapitre II

J-0 Elles me paraissent toujours étrangement longues ces journées où l’on part pour un lieu mais la marche ne s’enclenche pas encore. La marche est en attente, elle est en suspension, elle ne commence pas encore, elle se prépare. On n’est plus chez soi, mais on n’est pas encore là-bas, on est quelque part, dans un entre deux, dans un sas spatio-temporel.

J’arrive ce soir à Besançon, assez tard. Demain c’est le départ, mes pieds n’en peuvent plus d’attendre. Demain je serai enfin en mouvement.

Pour le moment je regarde les paysages défiler…


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Jean-Pierre Brazs Vers le chemin des pierres plantées.

Jean-Pierre Brazs partage ses activités entre installation, dessin, photographie et écriture. Après avoir conçu depuis 1995 de nombreuses « interventions paysagères » éphémères ou pérennes son activité artistique se développe depuis 2009 à partir de fictions institutionnelles : le Centre de recherche sur les faits picturaux, puis la Manufacture des roches du futur, donnant lieu à des expositions, des installations, des conférences, des publications. Entre 2015 et 2017, dans le cadre de son projet L’hypothèse de l’île, il s’est déclaré en résidence d’artiste fictive dans une île imaginaire.

Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques dont le Fonds national d’art contemporain, le Musée de Grenoble, le Musée d’histoire contemporaine ou le Musée du paysage de Verbania, Italie.

La démarche de Jean-Pierre Brazs
La proposition de J.P Brazs s’inscrit naturellement dans l’esprit de « Démarches ». Un parcours qui tisse un récit chronologique de ses travaux sur le thème de la lecture-écriture des paysages. Ces « coutures » raboutent différentes temporalités, elles définissent la continuité de ses diverses productions, sur la thématique paysagère. Entre le scientifique et le chaman, il artialise les domaines qu’il investit en nous donnant à découvrir, à travers son regard, les parts visibles et invisibles de la terre. Il gratte la croûte terrestre avec le savoir d’un déchiffreur averti qui en décrypte les signes.  En cela son travail participe de cette « tresse narrative » fondement de Démarches.

Ancré dans l’art rupestre par ses recherches et son travail sur les rochers, ce corpus de travaux de Jean-Pierre Brazs s’inscrit aussi dans le système de pensée corrélative à l’oeuvre dans la Chine antique. Pensée qui place les montagnes et les pierres dans une relation où si les pierres participent aux pouvoirs de la montagne, c’est moins pour leur ressemblance apparente que parce qu’elles constituent des microcosmes, animés par les forces qui créèrent les monts et les sommets.

Carole Fritz, chargé de recherche au CNRS au Centre de Recherche et d’Etude pour l’Art Préhistorique indique que « C’est difficile d’en parler sans rentrer dans l’interprétationMais l’anthropologie démontre depuis très longtemps qu’il n’existe pas de société sans mythes. Je ne vois pas pourquoi le paléolithique dérogerait à la règle. Dans les sociétés, ce sont les mythes qui régissent l’organisation sociale, la pensée. Le problème c’est que nous n’avons pas d’ethnographie qui accompagne cela : on fouille des poubelles et on regarde des dessins ; c’est très difficile de reconstituer un mythe à partir de ça.« 
Jean-Pierre Brazs nous invite à découvrir ses reconstitutions qui sont autant de reconstructions interprétatives.
« Ne connaît-on pas assez exactement le caractère d’un homme lorsqu’on entend […] qu’il considère toute roche brute comme un témoin du passé, avide de parler, vénérable pour lui dès son enfance… » Friedrich Nietzche in Humain, trop humain.

Cartes des parcours de Salève et de Barjac


Vers le chemin des pierres plantées
Texte et illustrations Jean-Pierre Brazs

Mes « interventions paysagères » passées (depuis 1995) étaient issues d’une expérience physique et visuelle avec un lieu « déjà là », composé du substrat géomorphologique, des présences et des rythmes végétaux et animaux et du « fabriqué avant » par les hommes. Étaient alors convoqués (de façon très braudélienne) des cycles aux amplitudes multiples, depuis les grands cycles géologiques aux cycles nocturnes diurnes, en passant par les cycles historiques ou ceux modeste d’une vie humaine. Me préoccupant aussi d’un « au-delà » du lieu, je cherchai à l’interroger et en quelque sorte à l’élargir, dans le sens où je souhaitai tisser des liens avec des références extérieures au lieu lui-même dans l’espace et le temps.
Dans le prolongement de ces expériences, je me suis intéressé ensuite aux parcours qui peuvent relier des lieux, constituant en quelque sorte des « lieux – réseaux ».
Les cheminements, se construisent comme des récits, il n’est donc pas étonnant de trouver sur les sols ou les parois de modestes « écritures » volontaires ou fortuites. Depuis quelques années je les collecte pour les décomposer ensuite en multiples fragments, persuadé qu’une langue pouvait y être à l’œuvre et qu’il suffirait d’y puiser des syllabes visuelles pour écrire la suite d’un récit ébauché. Me souvenant d’un projet que j’avais anciennement nommé « lieux-dits », j’ai donné à ces récits graphiques le nom de « dits ».
Le « chemin de mégalithes » et les « pierres plantées » existent réellement à proximité de mon nouvel atelier à Barjac dans le Gard, que j’occupe depuis l’été 2019. L’intrigante garrigue encourage à la rêverie et je ne puis m’empêcher de convoquer parfois des paysages imaginaires. En des lieux si particuliers le sol transpirerait des bruits du monde.

*

17 09 18
La randonnée de ce jour au sommet du Mont Salève a été décisive.
Ce massif, géologiquement jurassien, situé en Haute-Savoie, domine la ville de Genève. Il a toujours été abondamment occupé et parcouru, par les hommes comme par les animaux. Il a été dès le IIe siècle après J.-C. le lieu d’une petite métallurgie. Je me suis intéressé à des traces minimes, à des pierres simplement déplacées, à des relations parfois étranges entre l’arbre et la pierre.

18 09 18
En fin d’après-midi, en m’arrêtant à l’un des sommets du mont Salève et en tournant le dos à la vue panoramique sur les massifs des Alpes, j’ai aperçu des allées et venues d’hommes et de femmes transportant des branches de toutes tailles vers les hauteurs du pâturage habité de pierres éparses et d’arbres rabougris.
La tombée du jour est propice à la tenue de feux nouveaux dans les petites enceintes de pierres des foyers anciens dispersés sur le sommet.
Je salue donc les pourvoyeuses des flammes, les vétérans de l’étincelle, les brandonneurs et brandonneuses de toutes saisons.

19 09 18
J’ai engagé un travail d’inventaire des nombreuses traces de foyers récemment utilisés, abandonnés ou en attente de réutilisation.

26 09 18
Mon projet d’intervention avec et sur le mont Salève le constitue à la fois en topos et en oloé (les « espaces élastiques où lire où écrire », d’Anne Savelli) Le lieu choisi n’est pas un thème ou un support, mais il est à l’œuvre, c’est-à-dire qu’il est mis au travail.

28 09 18
Dans les rochers de Faverges, (ancien site d’extraction de minerais de fer et de petite métallurgie ; « Faverges », du latin fabrica : la forge) on peut à la fois se hisser en grimpant et être reliés aux entrailles de la terre. Les foyers sont à proximité des passages et de cavités.
A partir d’un plan topo utilisé par les varappeurs j’ai pu définir cinq zones :
Dans la partie basse du site (donnant sur une prairie) :
La zone des grands rochers gravés / La zone du « grand foyer » / La zone du passage étroit
Dans la partie haute du site : la clairière (dans laquelle se trouvent de nombreux foyers)
Entre ces deux zones : des rochers, dans lesquels on peut circuler et qui parfois forment des grottes

01 10 18

Début d’inventaire des tracés à la peinture bleue sur les rochers de Faverges. Ils indiquent les passages à utiliser pour les amateurs de varappe. Le mot « varappe », créé en 1883, provient du nom d’un des couloirs d’escalade du mont Salève.

varappe n.f.rég.Suisse ESC. GÉOGR. ALP. « couloir rocheux » – In Ga[1970].
Compl.TLF (mêmes réf., ø texte)
1883 – Origine du mot varapper. – On nous demande d’où vient le terme
varapper, appliqué quelquefois dans les récits d’excursions en<montagne.  (…)  Revenons  à  l’origine  du  terme  varapper.  Nous  la trouvons, sous la signature de L. WANNER, dans l’Écho des Alpes (1883,p. 248), organe des Sections romandes du Club Alpin Suisse. Ce nom de Varappe est tiré de certains couloirs du Salève, situés entre la Grande Gorge et le Coin. Ces couloirs qui, à première vue, semblent être inaccessibles, sont parcourus fréquemment par quelques Clubistes genevois qui estiment qu’il faut demander à la montagne autre chose que la marche et que, pour retirer tout le bien des courses alpestres, il faut que tout le corps travaille et non les jambes seulement. Cette manie de rechercher ce qui passe parmi la plupart de nos collègues pour des casse-cou, leur a fait donner le surnom de « Varappeux » età leur bande celui de « Varappe ».

http://www.cnrtl.fr/definition/bhvf/varappe

09 10 18
J’ai poursuivi l’exploration des rochers et découvert de nouvelles inscriptions. Je suis maintenant en mesure d’en faire un inventaire complet. Certaines se trouvent à proximité directe d’un « feu ». D’autres à l’entrée d’un passage ». D’autres encore sont cachées dans des « grottes ».
Des figures humaines ou simiesques sont gravées sur des parois verticales. Des enfants barbouillés du noir des charbons de bois, m’ont prévenu de la présence de « monstres » dans les cavités rocheuses, ajoutant, en courant vers l’entrée de la petite grotte, que rien ne pouvait les effrayer.

05 11 18
Les sommets du mont Salève sont vraiment des territoires nourriciers. J’y ai récolté quelques écritures : signes, traces et quelques étrangetés qui pourront alimenter un travail purement graphique (qui m’occupera cet hiver, alors que le Salève sera couvert de neige)

07.11.18
J’ai retrouvé des notes publiées en 1983 à l’occasion d’un projet consacré aux espaces urbains intitulé « LIEUX DITS » produit par le Centre d’action culturelle de Montbéliard.
(Aujourd’hui je ne formulerai pas  les choses de la même façon)
ERRE : manière d’avancer, de marcher.
ERRER : s’écarter de la vérité, aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure. IMAGES = ERREUR ?
L’errance c’est de n’avoir pas lieu ?
ERRATA : chose où l’on a erré.
ERRATIQUE : qui n’est pas fixe. Les roches erratiques ont été transportées par les anciens glaciers à une grande distance de leur point d’origine.
ERREUR : acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement ; jugement, faits psychiques qui en résultent.« Les ténèbres de l’ignorance valent mieux que la fausse lumière de l’erreur » (Rousseau).

12.11.18
Je suis retourné inspecter les rochers de Faverges.
Temps géologique, historique et actuel s’y conjuguent.
J’ai pu collecter différentes roches sidérolithiques. (Les rochers de Faverges sont formés d’une roche blanchâtre, rougeâtre à jaunâtre, constituée uniquement de grains millimétriques de quartz. Cette roche correspond au « grès sidérolithique » : « grès » en raison de l’abondance des grains de quartz et « sidérolithique » à cause de leur teneur en oxydes et hydroxydes fer. L’aspect de cette roche est dit saccharoïde, car sa texture rappelle celle du sucre. Ils se sont déposés, il y a une quarantaine de millions d’années, dans des fissures et des cavités creusées dans un plateau calcaire légèrement bombé, à l’emplacement du futur Salève, alors que le climat était tropical à désertique).

J’ai retrouvé des scories datant des anciennes activités sidérurgiques au Mont Salève. (Entre le Ve et le VIe siècle, et le XIe et le XIIIe siècle selon l’étude en 2017 de J. Sesiano de l’Université de Genève).

J’ai rendu visite à mon « grand foyer ». C’est le plus spectaculaire du Mont Salève. Il utilise une cuvette naturelle dans les rochers, attenante à une sombre anfractuosité. La fumée a noirci la roche ; sur les parois abondent signes gravés et tracés au charbon de bois.
C’est dans cette terrible béance que j’ai découvert une litière soigneusement préparée avec des branches de sapins recouvertes d’une épaisse couche de feuilles mortes. À côté du foyer des branches ont été soigneusement posés contre la paroi rocheuse.
Il me faut donc imaginer une personne (ou un couple) à la tombée du jour, allumant un feu et passant une partie de la nuit (la nuit entière peut-être) dans ce lieu directement ouvert sur les entrailles de la terre.

*

Il m’est arrivé de penser que la « réalité » ne serait qu’un mycélium enfoui et le dessin une façon de gratter le sol des apparences.

Qu’y a-t-il donc sous terre ? Quelque chose qui repose, attend, s’enfonce ou se soulève, ou se déploie, s’accumule, se concrétionne peut-être, ou se désarticule et s’éparpille ? Ce ne serait pas un monde inversé, ni symétrique, ni le germe de ce qui éclot à l’air libre, ni un monde racinaire, ni un chaos informe, ni des restes enfouis, ni notre monde livré à la décomposition ; quelque chose qui renonce ou qui espère, qui à la fois nourrit le dessus et en absorbe la substance.
Partout dans le monde existent des danses en rond. Le pilou kanak, se déroulait en grandes spirales de pieds et de bambou, frappant fortement le sol dans l’obscurité totale de la nuit. On peut imaginer que le bruit était si fort, l’onde transmise à la terre si particulière, que parfois le monde du dessous pouvait répondre, que les danseurs ne pouvaient s’arrêter de frapper le sol qu’à l’épuisement de leurs forces, qu’ils frappaient de plus en plus fort, de peur de ne plus entendre que le bruit de la terre.

Il est différentes manières d’entendre les bruits du monde. Il faut pour cela se trouver à des endroits particuliers et aux moments qui conviennent. Les foyers du mont Salève se répartissent en différents points hauts d’où la vue sur le massif alpin est bien dégagée et à proximité de rochers ouverts sur les entrailles de la terre : ils témoigneraient dans ce cas non pas de la volonté de voir, mais d’entendre. Pourquoi sinon s’obstiner à réalimenter régulièrement certains foyers, et à chaque fois s’assurer que le feu soit bien étouffé en le recouvrant des pierres qu’on avait d’abord organisées en cercle pour le contenir. Pourquoi aussi, sur certains rochers préservant d’étroits passages, de basses galeries et de petites « grottes », graver ou dessiner des visages effrayants (ou effrayés), parfois simplement des yeux, sinon pour signaler que dans ces cavités pourraient résonner des chants, des paroles ou des cris, sonorités anciennes prisonnières des plis de la terre.

*

Le « chemin de mégalithes » et les « pierres plantées » existent réellement à proximité de mon nouvel atelier à Barjac dans le Gard.
« Depuis l’office de tourisme de Barjac, prendre la direction Orgnac puis à gauche, rue Salavas … bifurquez à droite Grand-Rue Jean-Moulin qui débouche place de la croix blanche … prendre la rue Chevalier Lavaure … passer devant l’école publique et aller tout droit. Place Dr-Roque, prenez en face la rue Chevalier-Lavaure… prendre à gauche le circuit du PR 23 et le vieux chemin du Mazert … couper la D176. Poursuivez en face, sur un chemin pierreux. … Prendre à gauche la route goudronnée
… De cette portion de route vous apercevez au loin sur la gauche les bâtiments de la propriété de l’artiste Anselm Kiefer ainsi que quelques œuvres… Prenez à gauche à la rencontre de la piste forestière. Au Clos-du-Prince, prenez à droite vers l’Aven d’Orgnac pour déboucher devant le dolmen des Gigantes … suivre les rectangles jaunes, pour parvenir au dolmen de la Devèze… rejoignez l’aven des Cristaux. Prenez à droite pour déboucher aux dolmens de Serre-de Fabre et rejoignez la maison Forestière … »

Au-delà de l’éloquence pratique des topoguides, l’intrigante garrigue encourage à la rêverie et je ne puis m’empêcher d’y convoquer des paysages chimériques. Comme dans les rochers de Faverges, en des lieux si particuliers le sol transpirerait des bruits du monde et les mégalithes seraient gravés de traces imaginaires.

Liens :
http://www.jpbrazs.com/__index_lieuxdits.html
https://www.tk-21.com/TK-21-LaRevue-no90#Perce-voir-un-lieu

« Le Pont de Bezons » mis en Seine par Jean Rolin.

Au commencement, en 1980, la publication Chemins d’eau aux Éditions Maritimes & d’Outre-Mer, débute une série d’ouvrages qui vont s’égrener sur une vingtaine de titres.  Parmi ceux-ci, ajoutons au premier titre : Zones en 1985 et La clôture en 2001 qui narrent déjà des aventures pédestres de Jean Rolin sur le territoire hexagonal.

Sa dernière parution, « Le Pont de Bezons », aux éditions P.O.L, relate les expéditions de l’écrivain le long de la Seine. Un roman de regards pour immersion sensitive dans le décor des berges. Un flot de sensations évocatrices.

Les récits de marche de Jean Rolin naissent de projets aux contours imprécis et d’une envergure disproportionnée pour être réalisables : Dans le cas du Pont de Bezons, le projet consiste « à mener sur les berges de la Seine, entre Melun et Mantes des reconnaissances aléatoires, au fil des saisons, dans un désordre voulu ».

Son objet est le presque rien, assister à un lever de soleil sur le Pont de Bezons. Un pont sur la Seine fondu dans la banalité d’un décor de banlieue, mais dont la description permet à force de digressions de retisser la trame entière de notre présent, et tout un passé avec lui. Dans une chronologie établie pour conférer aux lieux une épaisseur temporelle dont la saisonnalité recompose le cadre.

Le pont avant sa restructuration en 2009

Guillaume Thouroude (écrivain voyageur et chercheur en littérature) dans La démarche ambulatoire de Jean Rolin : un écrivain voyageur au débouché des mouvements littéraires du XXe siècle, écrit :

[Un voyageur n’est rien sans les territoires déterminés sur lesquels il exerce ses déplacements, ses séjours et ses dispositifs. Jean Rolin, plus que tout autre auteur, définit un territoire avant d’écrire et se tient à son projet de départ, que celui-ci soit fructueux ou pas, qu’il soit réalisable ou pas. Ce qui compte, dans les textes de Rolin, ce n’est pas la faisabilité de tel ou tel projet, et encore moins sa réussite, que le fait d’avoir parcouru et quasiment épuisé un territoire, un trajet ou une dimension géographique à travers un dispositif textuel déterminé.]

Comme il les définit lui-même dans Terminal Frigo, les voyages brossent une « autobiographie subliminale ».

Jean Rolin• Crédit : Hélène Bamberger

Guillaume Thouroude, rappelle les contraintes d’existence des récits fixées par l’auteur pour [Zones, voyage autour de Paris obéissant à des règles telles que dormir chaque soir dans un hôtel différent, et ne jamais emprunter deux fois la même ligne de transport en commun. [Alors que] La Clôture, de son côté, impose au narrateur-performer de se mettre en orbite sur un segment précis du boulevard périphérique. Le résultat littéraire, ou en tout cas le contenu du récit, est entièrement redevable de ce qui se passe, ou pas, dans le cadre factuel défini. La réception de ces textes les détermine comme récits de voyage et non comme roman, ou pour le dire plus précisément, comme textes factuels de géographie.]

De la fermeture d’un fast-food à un crépuscule de banlieue, « Le Pont de Bezons » dévoile les trésors enfouis sous la banalité des apparences qui occulte notre attention. Le spectaculaire n’a pas de place dans ces dépotoirs qui recueillent les témoins d’un passé en décomposition. Les signaux visuels et les odeurs forment un duo de marqueurs de sensations. Attentif aux modifications des parcours, Jean Rolin note l’acharnement des communes à rendre les terrains vagues inutilisables pour les gens du voyage. De profonds sillons sont creusés si bien qu’à chacun de ses passages l’auteur ne manque pas de relever la prolifération de ces cicatrices de terre. Comme chacun peut le constater lors de marche dans les marges urbaines.

Le pont après restructuration- Photo publiée par Herlin Chane-kuen

Si Céline, Maupassant et Madame de Sévigné apparaissent dans le récit comme témoins d’une autre histoire des lieux, Gustave Caillebotte s’immisce dans un décor lié aux débuts de l’industrie aéronautique. A ces noms célèbres s’ajouteront des personnes sorties de l’anonymat par le hasard des rencontres, plus nombre de communautés, clubs et congrégations qui viennent à point nommé habiter le récit.

Vue de l’Hotel où s’installe l’auteur pour assister au lever du jour sur le pont

L’auteur, par la précision topographique et temporelle de l’organisation de son récit, nous offre avec brio les sensations les plus infimes que peut connaître le marcheur quand il est attentif à son environnement. Une démarche partagée par ceux qui sont réceptifs aux signaux faibles et qui décryptent avec une acuité particulière leur environnement.

Un livre-manifeste pour une démarche littéraire

Le Pont de Bezons, Jean Rolin- éditions P.O.L 2020 – prix : 19€

Mouettes & Chardons

AUKERA et DéMarches s’associent pour proposer un parcours pédestre à celles et ceux qui souhaitent rejoindre Jatxou à pied depuis Bayonne. Ce parcours documenté vous permettra à tous moments de vous mettre dans l’état d’esprit qui sied à un séjour nature, pour la Fête de la noisette, le 17 octobre 2020. Voir le programme à paraître sur le site de Aukera

Mise en marche à lire attentivement si vous souhaitez réserver le 17 octobre 2020.

Le parcours ne présente pas de difficulté particulière, cependant, il nécessite une organisation pour gérer les déplacements. Le point d’arrivée étant isolé, il est nécessaire de vous inscrire en cliquant sur le lien pour remplir la fiche :

https://forms.gle/wRUCUnRBwckmJtTx7

Merci de remplir tous les champs de la fiche d’inscription, ceci afin d’organiser les retours pour ceux qui voudront rejoindre leur voiture. Après inscription, nous vous adresserons le lieu de rendez-vous à Bayonne et les frais à prévoir, si besoin, pour le taxi et la collation.

Le parcours Bayonne-Aukera 18km environ 4h. Prévoir un équipement adapté à la marche.

Le départ est prévu impérativement à 14 :00, car nous devrons arriver sur le site à 18 :00 pour assister aux événements de la Fête de la noisette.

Le parcours étant soumis aux aléas météo, il sera annulé  en cas de précipitations abondantes.

Les conditions sanitaires seront celles prévues à la date pour les activités de plein air.

Présentation succincte des associations.

AUKERA – Le Champ des Possibles, est une association qui oeuvre  à la conservation des espèces arboricoles et végétales traditionnelles du Pays Basque, ainsi qu’à la régénération de l’écosystème du domaine où elle gère une noiseraie et un conservatoire arboricole en Permaculture.

our célébrer les récoltes et la création, Aukera organise chaque année 2 événements culturels mêlant Permaculture, Musique Expérimentale et LANDArt.

Son domaine étant particulièrement propice à l’expérimentation, elle accueille une résidence artistique, des camps de création et propose des expériences de coworking à la ferme.

DéMarches est une association dédiée à  la réalisation de parcours avec pour objectif de révéler l’espace en le « pratiquant ».

Un blog : d-marches.org

L’association, née en 2014 a pour but de donner à  voir, lire, sentir les multiples facettes et implications de la marche et d’élaborer, collectivement ou non, des formes de récits, de dessiner en marchant des représentations du monde dans le cadre d’une activité artistique de l’immatériel.

DéMarches a clairement comme ambition de permettre un nouveau décryptage du paysage à l’aide d’un outil sensible et ouvert, de favoriser une nouvelle écologie de l’esprit par la pratique d’une activité esthétique, et de transmettre aussi largement que possible cette brèche dans les habitudes de perception, en un mot de penser avec les pieds.

Sachant que le walkscape est défini par le groupe Stalker comme « … une affaire de marche, de promenade, de flânerie, conçues comme une architecturation du paysage. La promenade comme forme artistique autonome, comme acte primaire dans la transformation symbolique du  territoire, comme instrument esthétique de connaissance et transformation physique de l’espace ‘négocié’, convertie en intervention urbaine. »

Manifeste

La marche s’inscrit désormais dans la catégorie des arts immatériels, au même titre que la performance, par exemple. La marche est un objet non-commercial, réponse mobile, agile, narrative, activité sensible dans une situation de consommation d’images hypertrophiée et inflationniste.

Marcher c’est créer, lire/écrire le territoire en même temps, le parcours est une activité pluridimensionnelle et simultanée, à la fois action, ligne, et récit.

Le parcours permet de penser et de voir avec ses pieds dans un désordre exponentiel, de revenir à une expérience essentielle du monde physique et d’en partager les récits, la marche devient l’instrument de connaissance privilégié du territoire, l’errance est la valeur de ce nouveau monde contemporain de l’ambiguité et de l’hybridation accélérée.

Le parcours est aussi une tresse narrative dans laquelle viennent s’imbriquer différents types de récits : écritures photographiques, sonores, journalistiques, figuratives ou abstraites, documentations, mythes… dont les modalités d’expressions peuvent être aussi variées que l’état mouvant des paysages qu’elle dessine, fabrique de mémoire dans un principe d’incertitude généralisé : le parcours est aussi une structure narrative.

Le parcours est une œuvre ouverte, protéiforme, multi-dimensionnelle, interactive, jamais terminée à l’image des territoires et du monde qu’elle décrit, un laboratoire permanent où s’écrit la science du flou.

L’art du parcours

Expérimentation :le parcours est une forme d’art expérimentale et polymorphe, un moyen d’expression souple et sensible. Elle permet d’évoquer des sujets de teneur très différente, dans des contextes divers. Sa forme globale est constituée de l’expérience même de la marche et des récits qui en sont faits, forme proliférante et sans limites.

Sensible :le parcours réintroduit dans le champ de l’art une expérience sensible singulière autour de la marche. Celle-ci constitue le socle de l’œuvre, ensuite s’enroule autour de ce fondamental une tresse narrative chaque fois différente, jamais terminée ni forclose, l’œuvre devient permanente.

Géographique ou topologique :le parcours est toujours ancré dans un lieu, un territoire, un contexte. Les traces et empreintes de cette géographie sont collectées, ramenées et centralisées autour de l’expérience.

Engagement :le parcours est un engagement au sens où il mobilise la globalité de l’acteur : ses convictions, sa vision du monde et ses interprétations : l’œuvre est une grille de lecture proposée qui permet un décryptage du paysage.

Une page facebook présente des actualités, des informations, des recherches et des réflexions à la marge qui documentent les activités liées aux marches et à leurs environnements.

Page facebook : Démarches

Dans le cadre des activités proposées par AUKERA, le champ des possibles, l’association DéMarches vous propose un parcours pédestre au fil de la Nive (Errobi en basque) jusqu’aux chardons (Eguzki lorea en basque) du Labourd (Lapurdi en basque).

Le parcours Mouettes & Chardons

Relie Bayonne, place du Réduit au Domaine des Cimes-Aukera à Jatxou

Un parcours en deux parties :

  • 1- Le chemin de halage, rive gauche de la Nive [2h20 – 11km]

  • 2- Changement de rive, traversée par la passerelle de Portuberria, construite au début des années 2000  – Villefranque – Aukera par via Chemin de Chaiberrikoborda [1h40 – 7km]

Chemin de halage Bayonne-Ustaritz

Itinéraire continu qui longe la Nive sur une dizaine de kilomètres entre Ustaritz et Bayonne. Accessible à tous et relativement plat, il traverse des paysages remarquables de Barthes et offre des possibilités de points de repos ou de pique-nique.

Le halage est l’ancêtre de l’autoroute certes fluvial mais qui était moins encombré!
Avant l’invention des moteurs de bateaux, et pour pallier l’absence de voiles impossibles sur tous les engins, les péniches qui transportaient des matières premières et tous matériaux étaient tractées le long des fleuves par les mariniers eux-mêmes, des animaux tels des chevaux, des ânes ou des mulets et enfin par des machines telles des tracteurs.

Evidemment, le halage nécessitait un chemin dégagé et hors d’eau qui longeait la berge des voies d’eau où se trouvaient les péniches.

Quelques notes :

Au fil de ses 75 kilomètres, la Nive unit les premiers pics pyrénéens qui dominent le bassin de Saint-Jean-Pied-de-Port, chef-lieu de la basse Navarre, à Bayonne, où elle se jette peu avant la mer dans l’Adour après avoir flâné au milieu des vallons et prairies fertiles du Labourd.

  • la Nive reste appréciée des pêcheurs : si l’esturgeon a disparu, la truite et, à nouveau, le saumon abondent. Ce dernier était autrefois souvent une nourriture de base, au point que des ouvriers agricoles avaient réclamé, et obtenu, dans leur contrat de travail, qu’il ne leur en soit pas servi tous les jours.
  • Ses méandres étaient alors le domaine de petits bateaux effilés, les halos, qui transportaient jusqu’à Bayonne les produits agricoles. C’est d’ailleurs autour d’Ustaritz qu’en 1523 aurait été planté pour la première fois en Europe du maïs rapporté des Amériques fraîchement découvertes.

                               Maquette de halo (Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine)

  • La traction était effectuée par des chevaux, des bœufs mais aussi des hommes zirlinga (avec zirga la corde). On utilisait la marée montante et descendante pour faciliter la tâche.
  • Etaient acheminés vers Bayonne : canons fabriqués à Baïgorry, laines de Navarre, meules à moulins de Bidarray et Louhossoa et des bois d’Iraty, qui descendaient la Nive par flottage. Dans l’autre sens, on transportait surtout les produits alimentaires : vin, grains, farine, sucre ou poissons. Les chalands à fond plat, de 10 à 12 mètres de long, portaient de 2 à 5 tonnes. Si la descente de la Nive ne posait pas de problèmes, il en était tout autrement pour la remontée. Il fallait 1 heure pour rallier Bayonne, mais 3 heures étaient nécessaires pour remonter la Nive.
  • De ses rives, on aurait jadis observé le rite de « cubindey », consistant à tremper dans la Nive les femmes volages enfermées dans une cage.
  • Et la Nive aurait pu être une grande, c’est-à-dire un fleuve, si des travaux au XVIe siècle n’avaient ramené l’Adour, qui divaguait plus au nord dans les Landes, à son cours d’aujourd’hui et au port de Bayonne.
  • La Nive est mentionné dans le Petit Nicolas de Sempé et Gosciny. En effet Sempé passait ses vacances dans le Labourd.

« Alceste est allé se faire interroger sur les fleuves et ça n’a pas marché très bien, parce que les seuls qu’il connaissait, c’était la Seine, qui fait des tas de méandres, et la Nive, où il est allé passer ses vacances l’été dernier. Tous les copains avaient l’air drôlement impatients que la récré arrive et ils discutaient entre eux. La maîtresse a même été obligée de taper avec sa règle sur la table et Clotaire, qui dormait, a cru que c’était pour lui et il est allé au piquet. »

In Les Récrés du Petit Nicolas

Le Labourd :

Il s’agit de la façade maritime du Pays Basque, qui s’étend des confins de la Gascogne aux Pyrénées et à l’Espagne, des longues plages du Sud des Landes jusqu’à Anglet aux côtes escarpées débutant à Biarritz et s’étirant jusqu’à Hendaye, aux typiques falaises de flysch plissées et escarpées.

Le Labourd c’est une bande côtière de 10 km de large environ jalonnée de stations balnéaires célèbres ou ports typiques telles Biarritz, Hendaye, ou Saint Jean de Luz, sans oublier Bayonne , porte d’entrée du Pays Basque et confluent de deux rivières, la Nive et l’Adour.

Lapurdi, en basque, se distingue par des traditions culturelles ancrées dans l’histoire de cette terre de légendes.

  • Illargi belarra est le mot basque désignant « l’herbe lunaire ». C’est la Carline acaule, la fleur du chardon sylvestre. On l’accroche au linteau de la porte principale ou à l’entrée de la maison afin qu’elle ne soit pas frappée par la foudre.

Dans d’autres endroits du pays cette fleur, qui peut s’appeler Eguzki-lorea (la fleur du soleil).

Dolores Redondo, auteur de la trilogie de Baztan, raconte dans le roman « De chair et d’os » que cette fleur était traditionnellement accrochée aux linteaux des maisons pour éloigner les sorcières. Celles-ci devaient compter toutes les graines du cœur de cette fleur avant de pouvoir franchir le seuil. La tâche était si longue que le soleil se levait avant qu’elles aient fini de compter. Les sorcières fuyaient le soleil, et la maison était ainsi protégée.

  • En pays basque, la maison (Etxe) est un lieu sacré. On y vit mais on y meurt aussi. Avant le christianisme, la maison servait de tombe familiale. Elle était le lieu de sépulture de ses habitants. Elle était donc la demeure des vivants mais aussi des défunts. Un lieu que venaient visiter les esprits des disparus. On l’orientait de façon à ce qu’elle soit en contact avec la lumière divine et on y pratiquait de nombreux rites religieux. On y faisait des offrandes aux morts, aux âmes des ancêtres qu’on pouvait alors apercevoir sous la forme de lumières, de rafales ou de coups de vent, d’ombres, de nuées ou de bruits étranges. Il est dit que même encore, elles peuvent resurgir dans la nuit…
  • Les coutumes successorales au Pays Basque dans l’Ancien Régime étaient unique en Europe non parce qu’elles permettaient aux chefs de famille de léguer tous les biens de famille aux aînés (car c’était le cas de nombreuses régions coutumières en France), mais parce que ce système de l’héritage unique, celui de la primogéniture qui favorisait l’aîné des enfants, ne faisait aucune distinction entre les garçons premiers nés et les filles premières nées. Selon le droit coutumier basque, l’aîné, qu’il soit un garçon ou une fille, devenait l’héritier légal de la maison et de toutes les terres, forcé(e) ensuite de dédommager plus ou moins équitablement les cohéritiers, filles et garçons, qui dès lors quittaient la maison et allaient se placer ailleurs. Ainsi, les filles aînées avaient autant de chances que les fils aînés d’hériter du patrimoine familial. Ce système n’a pas d’équivalence dans les Pyrénées (ni même en France ou en Europe).
  • A Villefranque, on a transporté beaucoup de produits de carrière, de l’ophite (1) principalement, la dernière gabarre a été coulée sur place en 1935, au Chalet de l’Isle

Note (1)

L’ophite doit son nom au terme grec « ophis » qui évoque les serpents, en raison de la ressemblance de cette roche avec la peau de ces reptiles. Ultérieurement, le terme ophite, utilisé à l’origine dans les Pyrénées, a été déformé en ophiolite.

Du point de vue pétrographique, les ophites sont, en réalité, des dolérites qui contiennent des cristaux de plagioclases et de pyroxènes ainsi que quelques minéraux accessoires comme l’ilménite ou la magnétite. Avec le temps, des minéraux d’altération (serpentine, chlorite et épidote) apparaissent. Tous ces minéraux d’altération possèdent une couleur verte qu’ils transmettent à l’ophite.

Le bâton de marche basque, le Makila

Le bâton de marche basque est un attribue historique de la culture basque. Ce bâton de marche remis selon la tradition, à l’adolescent, lors du passage à l’âge adulte est un objet personnel précieux. Il est aussi un attribut d’autorité et de pouvoir, des makilas d’honneur sont dédiés à des hommes à la notoriété reconnue. Chaque makila est gravé et fabriqué pour son propriétaire, avec les décors, le nom-prénom et la devise en basque.

Sa possession nécessite de la patience, il faut environ 25 ans entre la commande et la livraison. Sa fabrication correspond à des règles strictes qui du néflier sur pied aux finitions nécessite de nombreuses étapes se déroulant sur de longues périodes. Traditionnellement, le marcheur basque ne saurait s’engager sur les chemins sans son précieux bâtons, aide à la marche et arme de défense principalement contre les risques d’agressions animales.

La jonction Villefranque-Aukera

à propos de Villefranque, le site en lien présente la ville dans le détail. Villefranque  était  un  important  port  fluvial,  sur le bord de la  Nive.  Les  gabarres  accostaient au Port de Villefranque, situé à hauteur de l’actuel Quartier Ste Marie. Là, on vit se développer une importante activité artisanale,  telle que l’exploitation de la pierre ou encore la fabrication de chaussure, autour du XXe siècle.

Selon la légende, le 24 août 1343, le maire de Bayonne,  profitant des fêtes locales du village, fit capturer et attacher cinq nobles labourdins aux piles du pont de Proudines, au bas du Chateau de Miotz, où la marée montante les noya. En effet, pour trancher le conflit qui opposait les locaux aux bayonnais. Les labourdins refusaient de payer un droit de « douane » sur l’entrée d’alcools dans la ville de Bayonne, aussi lorsque des agents du maire de Bayonne vinrent pour effectuer la collecte, les Labourdins les jetèrent à l’eau afin qu’ils vérifient si elle était salée. Le 24 août de la même année, Pé de Poyanne prit le château de Miotz (démoli, il a été remplacé par une demeure du XIXème siècle), en représailles et captura cinq gentilshommes labourdins. Sinistre supplice, il les attacha aux piles du pont afin qu’ils constatent que la marée montait à cet endroit. La noyade des gentilshommes prouva à leurs dépens que la marée montait en effet jusque-là…

Cette légende fut reprise par Taine dans son « Voyage aux Pyrénées » 1860, illustrée par Gustave Doré.

Détails du parcours Villefranque -Aukera

traverser la Nive par la passerelle

Prendre la direction nord sur D137 vers Route Départementale 257/D257

26 m

Prendre à droite sur Route Départementale 257/D257

950 m

Tourner légèrement à droite pour continuer sur Route Départementale 257/D257

29 m

Continuer sur Chemin de Hariagaraya

950 m

Prendre légèrement à gauche sur Chemin de Chaiberrikoborda

1,6 km

Tourner légèrement à gauche

350 m

Tourner à gauche

900 m

Prendre à gauche sur Route des Cimes/D22
(prudence sur cette section, accotements dangereux, circulation rapide)

110 m

Tourner à droite

750 m

Prendre à gauche sur Otsoezkurra

850 m

Continuer sur Chemin de Mestenborda

150 m

Prendre légèrement à droite sur Otsoezkurra

Votre destination se trouvera sur la droite.

450 m

Aukera. Domaine des cimes

Chemin Inbiadako Bidea 64480 Jatxou. Tel : 06 60 87 03 81/Tel : 07 51 63 42 33

Vous êtes arrivés à destination. Bon séjour.

Des hadrons aux piétons – Le Grand Paris Express

L’accélérateur du Grand collisionneur de hadrons, au nord-ouest de Genève, est constitué de 27 km de tunnel, à 100 m sous terre, dans lequel les particules sont lancées à 99,9999991% de la vitesse de la lumière et vont effectuer 11 245 fois le tour de l’accélérateur par seconde.

En adaptant les chiffres, ce pourrait être une présentation du Grand Paris Express, ce tube de béton en majeure partie enterré qui vient s’ajouter à la Petite Ceinture et aux périphériques pour ceindre un territoire en expansion.

Les aménagements urbains s’implanteront aux confins de terres agricoles traitées aux pesticides, des gares seront érigées au milieu des champs (le Mesnil-Amelot : 850hab) favorisant les opérations immobilières et la gentrification de banlieues dont les plus défavorisés seront rejetés hors du périmètre. Ce qui nécessitera dans quelques décennies un nouvel anneau, répétant ainsi les mêmes erreurs.

© Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris

Pour vendre ce projet qualifié de  plus grand projet urbain en Europe, une opération de séduction d’envergure propose de parcourir à pied les territoires promis aux aménageurs en charge des projets. Les mêmes arguments que ceux qui ont présidé à la construction de Noisy-le Grand, sont utilisés pour vendre un mode de vie, des visions d’avenir. A la fin des années 70, le futur se dessinait un nouvel avenir avec les Camemberts de l’architecte espagnol Manuel Nuñez Yanowsky ou encore les Espaces d’Abraxas de l’architecte espagnol Ricardo Bofill, et le système SK, métro hectométrique lancé en 1988 à la suite de l’annonce du « complexe Mail-Horizons » du promoteur Christian Pellerin. Métro qui devait alors relier deux stations du quartier d’affaires à la gare de Noisy-le-Grand-Mont d’Est sur la ligne A du RER d’Île-de-France. Ligne et matériel construits et abandonnés.

Aujourd’hui, hors le réseau express,  les arguments restent identiques avec la couche de préoccupations écologiques venant à point nommé verdir l’ensemble des projets d’aménagement de villes interconnectées par un anneau de vitesse.

document Le Grand Paris Express

Les critiques sont malvenues, l’adhésion est de mise et pour finir de convaincre les plus réticents, la communication s‘habille de promenades, de campagnes photographiques et de romans. Un récit visant à métamorphoser des territoires disparates en une image unifiée, dans l’esprit d’habitants à la conscience territoriale fractionnée.

Des pratiques, théorisées au début du XXème siècle, contribuent à changer les modes opératoires des aménageurs et des urbanistes comme le souligne Francesco Carreri dans La marche comme art civique. (1)

En 1913, Patrick Geddes (2), biologiste écossais déjà reconnu à l’époque, invente Civics, un nouveau cours universitaire consacré à l’étude pratique de la ville, vue à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolutionnisme à la civitas. C’est la naissance d’une nouvelle discipline, inexistante jusque-là : l’urbanisme itinérant, une science civique qui propose aux étudiants et aux futurs planners de se plonger directement dans ses replis, de s’« échapper des abstractions courantes de l’économie et de la politique au sein desquelles nous avons tous été plus ou moins élevés » pour revenir « à l’étude concrète, à partir de laquelle la politique et la philosophie sociale ont à vrai dire vu le jour dans le passé, mais se sont trop égarées – celle des villes comme nous les trouvons, ou plutôt comme nous les voyons se développer » (Geddes, 1994). L’urbanisme naît donc à pied, de façon labyrinthique et participative, comme méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer les villes. Il n’en résulte pas une vision abstraite et surplombante sous forme de cartes statiques divisées en zones fonctionnelles colorées, mais plutôt un récit phénoménologique évolutif, décrit depuis un point de vue horizontal, mis en mouvement en marchant dans les replis de la ville : la survey walk. 

La marche est tendance, la marche est fédératrice, la marche véhicule de valeurs qui cautionnent les aménagements. Le piéton devient la mesure des espaces publics.

« La marche est révélatrice d’espaces, la marche énonce les lieux, chaque pas épelle un morceau de territoire, chaque itinéraire épouse le phrasé de la ville » Michel de Certeau.

De qui piéton est-il le nom?

la réponse de Thierry Brenac et Martin Claux dans : Réflexions sur le sens des mots – piéton, marche, déambulation (3) en précise le sens avec à propos

Le mot de piéton qualifie celui qui va à pied, mais aussi, plus largement, celui qui est à
pied. C’est un dérivé du verbe piéter, qui n’est plus que rarement utilisé aujourd’hui, mais qui a également un sens statique (comme dans « se piéter devant quelqu’un » – on dirait plus couramment aujourd’hui « se planter devant quelqu’un »). D’autre part, piéton est un
substantif, et ne désigne pas l’action en elle-même (aller à pied ou se tenir sur ses pieds), mais qualifie la personne, pour une certaine période du moins : le piéton qui s’assoit sur un banc est encore un piéton.

Dans cette publication, les auteurs précisent leur point de vue sur la marche urbaine :

Au-delà des fonctions hygiénique et environnementale prêtées à l’aménagement dans le
cadre des politiques de développement de la marche, il semble probable que ces politiques
portent la marque du tournant entrepreneurial de l’action publique urbaine. Une rapide revue
de la littérature grise et scientifique le laisse à penser. Ainsi, pour Sonia Lavadinho (4) le regain
d’intérêt pour la marche s’explique en partie par le souhait des gouvernements urbains de
développer l’activité touristique urbaine et de doter leurs territoires des attributs considérés
comme nécessaires à l’attraction des classes créatives.

Celles et ceux qui souhaitent assister le 23 octobre à la Conférence Les piétons du Grand Paris – Regards croisés sur la marche urbaine, sont invités à s’inscrire.

Notes :

(1) Extrait de [La marche comme art civique (Walking as Civic Art) de Francesco Careri Traduction de Laura Brignon]

(2) Patrick Geddes (né le  à Ballater, Aberdeenshire, Écosse et mort le  à Montpellier) est un biologiste et sociologue écossais, connu aussi comme un précurseur dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, l’économie, l’urbanisme, la géographie, la muséographie et surtout l’écologie.

(3)
– Thierry Brenac Chargé de recherche, IFSTTAR, TS2, LMA
– Martin Claux Maître de conférences, Institut de Géoarchitecture, Université de Bretagne occidentale

(4) Sonia Lavadinho, Le renouveau de la marche urbaine : terrains, acteurs et politiques, Thèse de doctorat, ENS de Lyon, 2011

 

 

Tatiana Trouvé – Desire Lines – Triennale Gigantisme

GIGANTISME — ART & INDUSTRIE est une initiative collective inédite sur le territoire des Hauts-de-France, à Dunkerque : la création d’une nouvelle triennale art et design en Europe. Une exposition d’installations hors échelle, créées pour l’occasion, d’œuvres in situ, de sculptures, peintures, films et performances incarnent les rencontres entre artistes, ingénieurs, designers et architectes. Elle se déploie sur différents lieux d’exposition et sites urbains et portuaires. Un parcours original qui repense à l’échelle du paysage dunkerquois une histoire de la modernité européenne de 1947 à nos jours ; entre patrimoine vivant et création contemporaine.

C’est dans ce cadre que les visiteurs peuvent voir jusqu’au 5 janvier 2020 la pièce  « Desire Line » que Tatiana Trouvé avait présentée à New York en 2015. Une matérialisation en bobines des parcours de marche dans Central Park.

Un monument dédié aux marches.

Lorsque le Public Art Fund a demandé à Tatiana Trouvé, sculpteure d’origine italienne qui travaille à Paris, de créer une œuvre en rapport avec le parc, son instinct lui a dit de rêver grand. Cette pièce qui était présentée en 2015 au Doris C. Freedman Plaza, près de la 60e rue et de la Cinquième avenue, est, en quelque sorte, à l’échelle du parc lui-même. Elle est composée de kilomètres de cordes colorées qui, si elles étaient déroulées des bobines de bois de différentes tailles qui les retiennent, s’étireraient le long de chaque mètre des 212 chemins répertoriés. Cette pièce gigantesque vise à encourager les visiteurs à réfléchir aux diverses implications sociales et politiques de l’acte de marcher.

La structure comprend trois étagères en acier, mesurant près de trois mètres de haut, qui retiennent des bobines de corde de différentes couleurs. Il y a en tout 212 bobines, chacune d’une longueur correspondant à un chemin spécifique dans le parc. Tatiana Trouvé a cartographié, nommé et indexé chacun d’entre eux, des voies de circulation aux chemins isolés et non nommés. De loin, l’installation ressemble à une trousse de couture géante ou à un stock de bobines électriques Des plaques gravées sur chaque bobine identifient divers actes culturels ou mémoriels.

Présentation des localisations des parcours de Central Park avec mention des métrages.

La sculpture de Tatiana Trouvé évoque la pérennité du parc, non seulement dans son utilisation, mais aussi dans son évolution en tant que site. L’oeuvre évoque la construction même du parc, ce que Betsy Rogers (1) appelle «une grande réalisation du dix-neuvième siècle en matière de drainage et d’irrigation. Une grande réussite dans l’intégration de la circulation dans le paysage, en divisant le parc en cinq parcs plus petits. » Les bobines volumineuses d’apparence industrielle, magnifiquement fabriquées, semblent faire écho aux échafaudages sur les bâtiments alentours, comme une partie des milliers de kilomètres de câbles qui acheminent le courant à travers la ville.

L’installation de Tatiana Trouvé joue dans le monde souterrain entre le réel et le représenté. Elle a travaillé sur le projet Central Park dans l’idée que le parc et ses sentiers fonctionnent à la fois comme des espaces physiques et des évocations culturelles. Alors, elle a plongé dans ce qu’elle appelle «le vaste monde des marches» et a utilisé des plaques métalliques gravées pour attribuer chacune de ses 212 bobines – c’est-à-dire chacune des allées du parc – une marche politique ou une promenade d’histoire, d’art ou de chanson.

Vue partielle de l’oeuvre de Tatiana Trouvé dans la Halle A2P du Frac-Grand Large

« Il y a tellement d’artistes qui ont travaillé sur la marche, c’est dommage que je ne puisse pas tous les utiliser ici », a déclaré l’artiste dans une interview. Elle ajouta : «C’est juste un tout petit atlas de toutes les promenades que j’ai trouvées, de celles que j’ai pu trouver. Je pourrais continuer à travailler dessus pendant des années.

 

 

Note

(1) Betsy Rogers est présidente de la Foundation for Landscape Studies , qu’elle a créée, a enseigné le programme qu’elle a élaboré au Bard Graduate Center et a publié un journal littéraire, Site / Lines . 

A son actif la création du Central Park Conservancy qui constitue le tout premier partenariat de parcs public-privé, en 1980. Le modèle a été adopté depuis par des parcs à l’échelle des Etats-Unis.

Werner Herzog : le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied.

Werner Herzog, cinéaste reconnu pour affronter des situations extrêmes, a parcouru une partie de la planète à pied. Coutumier de longues marches jusqu’à l’épuisement, il entend conjurer l’effondrement de la civilisation, thème récurrent de ses films, mais aussi affronter la mort.  En 1974, Werner Herzog a 32 ans. Il a déjà réalisé Aguirre et L’Enigme de Kaspar Hauser vient tout juste de sortir.

«Marcher nous fait sortir de nos habitudes modernes. Je fais mes films à pied. C’est en marchant que fonctionne le mieux mon univers imaginaire.» (1)

« Ce que marcher peut faire mal. » (2)

Certainement que pour le cinéaste, l’attrait pour l’absurde et la folie va de pair avec une esthétique des grands espaces et des paysages saisissants, d’où le récit de son voyage à pied Sur le chemin des glaces (Vom Gehen im Eis), Munich-Paris du 23 novembre au 14 décembre 1974, dont le texte incarne son auteur au point que la lecture de ce récit brosse un portrait saisissant de Werner Herzog, marcheur de l’extrême.

Quand le samedi 23 novembre 1974, Werner Herzog apprend par téléphone que son amie Lotte Eisner est gravement malade. Il est tellement bouleversé par la nouvelle qu’il décide sur le champ de la rejoindre à Paris. Pour lui, Lotte Eisner ne peut pas disparaître, car écrit-il « Le cinéma allemand ne peut pas encore se passer d’elle, nous ne devons pas la laisser mourir. J’ai pris une veste, une boussole, un sac marin et les affaires indispensables. Mes bottes étaient tellement solides, tellement neuves, qu’elles m’inspiraient confiance. Je me mis en route pour Paris par le plus court chemin, avec la certitude qu’elle vivrait si j’allais à elle à pied. Et puis, j’avais envie de me retrouver seul ». Ce journal de marche témoigne de la force de l’amitié d’un homme, dont la mise en marche implacable vers son amie aurait une fonction quasi magique de vaincre la mort.

Lotte Eisner avec Werner Herzog

Près de neuf cents kilomètres les séparent. Il ira à pied, décidant qu’elle devrait attendre son arrivée pour partir. Herzog décida de faire le voyage en ligne droite, avec une boussole. Cela impliquait d’abandonner les routes et les autoroutes et d’entrer dans les forêts, les montagnes et les rivières, ainsi que les contraintes liées aux clôtures, aux propriétés privées et aux lieux isolés. Et tout cela sous un hiver de fortes pluies, de boue et de neige. Pour lui, si ce n’était pas un vrai sacrifice, cela n’en valait pas la peine.

Jour après jour, il va tenir un carnet de voyage dans lequel il notera son état d’esprit, son état physique et psychologique.

Quand j’arriverai à Paris, elle sera en vie. Il ne peut pas en être autrement, cela ne se peut pas. Elle n’a pas le droit de mourir. Plus tard, peut-être, quand nous le lui permettrons.” Et en effet Lotte Eisner décèdera le 25 novembre 1983 soit neuf ans après que Werner Herzog soit arrivé à Paris.

À travers cette marche qui anime de bout en bout le récit, Herzog nous réapprend à voir ce sur quoi notre œil glisse, indifférent. Tout ici est mouvement : chemins, fleuve, oiseaux, arbres, pluie, neige. Narration mais aussi témoignage d’un homme qui nous fait partager tour à tour ses moments d’exaltation, d’épuisement, de plénitude.

Dans une interview pour la revue Hors-Champ en 2004 il répondait à des questions sur la marche.

La marche est-elle quelque part liée à votre démarche de travail ?

Werner Herzog : Je voyage souvent à pieds. Bien sûr dans ces conditions il arrive que j’aie tout un roman ou un match de foot qui se déroule dans ma tête. Oui je vois alors beaucoup de choses apparaître.

HC : Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans la marche ? Est-ce un moyen d’atteindre un autre état physique ou mental ?

WH : Il n’est pas nécessaire pour moi de marcher pour initier un projet. Mais il faut que je m’explique, je ne suis pas un « backpacker » et je ne suis pas quelqu’un qui fait du jogging ou de la randonnée, ni qui se déplace toujours à pieds comme avant le temps des automobiles. Je suis paresseux comme tout le monde. Je marche pour des raisons très spécifiques. Quand quelque chose est important, alors oui, je marche. J’ai marché de Munich à Paris parce que Dr. Lotte Eisner était mourante à Paris.

…/…

Pour Herzog, marcher est un acte d’opposition, non seulement à la culture statique des villes
qu’il traverse, mais bien à la mort elle-même. Tant qu’il est en mouvement, en transit, il ne peut pas être immobilisé, ce qui signifie qu’il reste en vie. En 1984, il a marché 2500 km le long de la frontière allemande, pour comprendre la division du pays.

« … je ne parle pas de marche à pied per se. Je parle de voyage à pied. Je ne peux me justifier que par cette maxime : le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied. « (3)

Werner Herzog s’investit sans retenu dans des choix, des décisions, qui transmutent la mortalité moins en état d’être qu’en état d’esprit. Cela nous ramène à l’intention, magique ou non, de la promenade elle-même. Ainsi les questions

Marcher sur la glace est un témoignage écrit entre espoir et douleur physique. l’auteur s’en explique dans une interview (4) :

Je n’aime pas marcher comme ça, pour rien. Même pas pour le plaisir de marcher. Je ne marche que si j’ai une raison particulière de le faire. Une raison intense, existentielle. Quand je marche, je vois vraiment le monde et les gens avec leurs histoires, leurs rêves. C’est un peu difficile à expliquer. En fait, on ne peut vraiment parler de cela qu’avec quelqu’un qui voyage aussi à pied. Cela crée une sorte de connexion assez profonde. Mais je dirais en substance que le monde se révèle à ceux qui voyagent à pied. L’homme se révèle, la nature, les paysages… Le monde se révèle ainsi d’une façon vraiment très profonde. Rien de ce que vous pouvez apprendre à l’école ne vous en apprendra autant que de voyager à pied.
…/…
On est très vulnérable quand on marche comme je le fais. On doit trouver un abri pour la nuit et il m’arrive parfois d’entrer dans des villas inoccupées et de m’installer pour dormir, voire même pour vider une bouteille que j’ai trouvée à la cave. Je ne le fais d’ailleurs que lorsque les conditions sont extrêmes, en hiver, lorsqu’il y a de l’orage, de la neige… Ça m’est arrivé en Forêt-Noire ou dans les Vosges : il faisait déjà nuit et le prochain village était peut-être à 10 kilomètres. Je n’avais pas d’autre choix que de m’abriter dans un de ces chalets de vacances. J’y pénétrais grâce à de petites pinces chirurgicales que j’avais avec moi et qui me permettent d’ouvrir n’importe quelle serrure. Je laisse toujours un mot pour remercier. J’estime qu’il s’agit d’un droit naturel. Je suis certain que si des policiers me trouvaient là, tout ce qu’ils feraient, ce serait de m’apporter du thé chaud…

Herzog a non seulement recherché le chemin le plus difficile, mais aussi vécu l’expérience d’un vagabond.

«  Quand je marche, c’est un bison qui marche. Quand je m’arrête, c’est une montagne qui se repose ».

Ce journal de marche ne se résume pas à un livre décrivant le contexte d’un voyage long et difficile, mais une introspection dans l’esprit de son auteur, qui semble parfois voir le monde comme si c’était la première fois, se sentir seul, très seul et étranger à ce qu’il voit se passe sur les côtés de son chemin ardu.

Est / Ouest (d’après Sur le chemin des Glaces, W. Herzog)

« Tant de choses passent dans le cerveau de celui qui marche. Le cerveau : un ouragan » 

Ce n’est pas seulement une promenade extérieure mais un exil intérieur.

Le promeneur ignore parfois si ce qu’il voit est là ou dans sa conscience. Parfois, la route évoque des images de son passé, parfois, il recrée des situations que nous ignorons s’il les imagine, si elles appartiennent à sa vie antérieure ou si elles se produisent réellement sous ses yeux. La ligne de démarcation entre la description pure et dure et le récit onirique, presque délirant parfois, est si diffuse qu’il est presque impossible de la discerner.

Une semaine avant d’arriver à Paris, il écrit : La route la plus désolée qui soit, en direction de Domrémy, je ne marche plus comme il faut, je me laisse dériver. La chute vers l’avant, je la transforme en marche.

Les derniers mots, écrits après sa rencontre avec Lotte Eisner à Paris, le libère de son contrat avec la mort  « Samedi 14h12. Il me reste à ajouter ceci :je suis allé voir la Eisnerin, elle était encore fatiguée et marquée par la maladie. Quelqu’un lui avait sûrement annoncé au téléphone que j’étais venu à pied, je ne voulais pas lui dire. J’étais gêné et j’ai posé mes jambes endolories sur un deuxième siège qu’elle avait poussé vers moi. Dans ma gêne, un mot me traversa l’esprit et, comme la situation était déjà étrange, je le lui dit. Ensemble, lui dis-je, nous ferons cuire un feu et nous arrêterons les poissons. Alors elle me regarda avec un fin sourire et comme elle savait que j’étais de ceux qui marchent, et partant sans défense, elle m’a compris. Pendant un bref instant tout de finesse, quelque chose de doux traversa mon corps exténué. Je lui dis : ouvrez la fenêtre, depuis quelques jours, je sais voler. »
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Document sonore : Quarante ans plus tard, Guillaume Leingre a fait le voyage pour France Culture, dans les mêmes conditions, muni, non pas d’un carnet de notes, mais d’un Nagra. Partir à la rencontre des paysages, des gens (rares), des souvenirs de cinéma…, voire du vide . Un voyage sonore qui tient autant de la réalité que du rêve.

Document court-métrage : Werner Herzog eats his shoes
En 1979, Werner Herzog a fait le pari avec le jeune cinéaste Errol Morris que si Morris terminait un film sur les cimetières pour animaux de compagnie, Herzog mangerait sa chaussure. Morris a ensuite filmé Gates of Heaven afin que Herzog tienne sa promesse. Les Blank, cinéaste vivant et travaillant à El Cerrito, en Californie a filmé la scène. Dans ce court-métrage intitulé Werner Herzog eats his shoes, on voit le réalisateur qui tout en mangeant la chaussure bouillie, dialogue sur le cinéma, l’art et la vie. Pour qu’elle soit comestible et plus agréable au goût, sa chaussure a été bouillie avec de l’ail, des herbes et du bouillon pendant cinq heures. Cependant il n’a pas mangé la semelle expliquant qu’on ne mange pas les os du poulet…

Herzog goûte un morceau de sa chaussure. Photo Nick Allen. Courtesy Les Blank.

Les Blank (né en 1935) est un cinéaste vivant et travaillant à El Cerrito, en Californie. Il a fondé Flower Films en 1967 et a réalisé et produit des films sur des sujets aussi divers que l’ail, les grands importateurs de thé et les femmes aux dents creuses. Werner Herzog mange sa chaussure est montré avec l’aimable autorisation de Les Blank et Flower Films. Pour plus d’informations sur d’autres films de Les Blank, visitez: www.lesblank.com.

« Notre civilisation n’a pas les images adéquates« , disait jadis Herzog, notamment dans le court métrage de Les Blank, Werner Herzog, qui mange sa chaussure . « Sans images adéquates, nous mourrons comme des dinosaures. »

 

«Sur le chemin des glaces», de Werner Herzog, POL – également disponible dans la Petite Bibliothèque Payot / Voyageurs, 9,75 euros.

Notes

(1) Autoportrait, 1986.

(2) sauf autres mentions, les citations sont extraites du livre « Sur le Chemin des glaces » de Werner Herzog

(3) Werner Herzog, Interview de Rocco Castoro pour Vice Magazine, France, Octobre 2009

(4) Duval, Patrick, pour Libération, 17 décembre 2008.

La superposition de pas produit le sentier-Giuseppe Penone

La revue Jardins a été fondée et dirigée par Marco Martella, historien des jardins, connu comme responsable de L’Île Verte, le jardin du peintre Fautrier à Chatenay-Malabry. C’est en 2009 qu’ il a créé, la revue « Jardins ». Publication qui explore le jardin sous un angle existentiel, philosophique et poétique. Après une interruption de deux ans, la revue renaît grâce a la maison d’édition, créée pour l’occasion, Les pommes sauvages dont le nom fait référence au texte éponyme de Henry David Thoreau. 
Dans le numéro 7 consacré au « Chemin » le texte de l’artiste italien

Giuseppe Penone
La superposition de pas produit le sentier

 

La superposition de pas produit le sentier.
Le sentier suit l’homme, il est la durée entre le passage de l’homme
et le moment où l’effet de son passage disparaît.
Le sentier est la mémoire de la sculpture
mais le souvenir, la tradition,
qui retraduit l’événement de génération en génération,
la maîtrise sont souvent de mauvais éléments d’inspiration.
Un bon sentier, c’est celui qui se perd dans le maquis,
qui se referme d’un coup avec ses arbustes
sur le dos du promeneur sans nous dire
si c’est lui qui le trace
le premier ou le dernier
de ceux qui l’ont parcouru.
Le sentier disparu est celui qu’il faut prendre,
le but est de perdre le sentier pour le retrouver et le reparcourir.
C’est pourquoi il faut préserver la forêt vierge, les arbustes,
le sous-bois, le brouillard.
La précision du sentier bien tracé est stérile.
Trouver le sentier, le parcourir, le sonder en écartant les ronces,
c’est la sculpture.

Ancienne carrière abandonnée dans la forêt de Saint-Benin-des-Bois. Photo de Marie-France Pataki-Suffert.

Carrière abandonnée dans la forêt de Saint-Benin-des-Bois. Photo Marie-France Pataki-Suffert.

Sommaire du N°7 « Le chemin » de la revue Jardins :
  • Marco Martella, Avant-propos
  • Hermann Hesse, Il giardino di Boboli
  • Franco Maria Ricci, Rencontres dans un labyrinthe
  • Françoise L’Homer-Lebleu, Chemins de pensée
  • Véronique Brindeau, Un chemin de thé
  • Gilles Clément, Cheminer dans le jardin planétaire
  • Marie-Claire d’Aligny, Les promenades de Richelieu
  • Franco Zagari, En quête de bonheur et de beauté
  • Eryck de Rubercy, Par les allées d’un parc ancien
  • Giuseppe Penone, La superposition des pas produit le sentier
  • Véronique Mure, Compagnons des bords de route
  • Michel Péna, Jouir de la ville. Trois promenades urbaines
  • Claude Dourguin, Tant qu’il y aura des chemins

Contact :
Les Gachaux – Les pommes sauvages
77510 Verdelot

tél. 07 68 71 62 02

email: editionspommessauvages@gmail.com

Dernière parution : numéro 8 –La Lisière est paru. En vente au prix de 15€

Dans les pas de Delacroix

Le parcours « Dans les pas de Delacroix » relève d’une démarche différente des propositions précédentes. Il s’en distingue à plusieurs titres :

  • les parcours sont ici des promenades historiques aménagées au XIXème siècle
  • l’objet des promenades outre la marche réside dans l’immersion au sein de paysages arpentés par Eugène de Delacroix
  • Le peintre confronté, pour la première fois, aux montagnes s’interroge sur les représentations de ces motifs reliefs.

 

En 1845, Eugène Delacroix suit une cure aux Eaux-Bonnes dans les Pyrénées, pour soigner une  laryngite tuberculeuse. Des aquarelles et croquis de son séjour paraissent dispersées à travers des feuillets, alors que son carnet dit « des Pyrénées » classé « trésor national » en 2003 est acquis l’année suivante par le Louvre. Il appartient à une série de 27 albums apparus en 1864 lors de la vente de l’atelier du peintre.

Le carnet a fait l’objet d’une publication en fac-similé dans un coffret comprenant une étude savante de Marie-Pierre Salé, conservateur en chef au département des Arts graphiques du Louvre, reconnue comme une des grandes spécialistes françaises de l’art du dessin au XIXe siècle.

Ce coffret a motivé un déplacement sur place pour découvrir le cadre dans lequel Delacroix s’était promené et voir les paysages qu’il avait dessinés. L’étude de Marie-Pierre Salé documente avec précision le séjour du peintre, sa lecture satisfera tous ceux qui souhaitent approfondir le sujet. (1)

Les Eaux-Bonnes

Les Eaux-Bonnes, petite station thermale des Pyrénées-Atlantiques, a connu une vie trépidante au XIXème siècle. Delacroix s’y installe, du 22 juillet au 14 août 1845, après un éprouvant voyage en diligence depuis Bordeaux, où il a visité son frère. La station très fréquentée n’a pas encore était transformée par Mlle de Montijo, qui en épousant  Napoléon III deviendra impératrice des Français. Il faudra attendre 1861 pour que les travaux dotent les Eaux-Bonnes des équipements que nous lui connaissons aujourd’hui.

Ainsi, lorsque Delacroix s’installe, les aménagements publics sont sommaires, comme en témoigne Adolphe Moreau dans Itinéraire de Pau aux Eaux-Bonnes et aux Eaux-Chaudes édité par Vignancour à Pau en 1841 :

Au centre du Jardin Anglais, on a jeté un pont sur le torrent : ce passage sert d’entrée au Chemin Horizontal, dont la tête mène aussi à la Promenade Gramont.
Vous ne serez pas sans vous étonner de voir ce terrain auquel la nature a tout prodigué, verdure, ombrage, eau, n’être pour ainsi dire qu’un affreux cloaque, dans une partie duquel il faut marcher avec une extrême précaution. Quand on compare l’état d’abandon dans lequel on le laisse avec le soin apporté au bien-être dans les hôtels où vous logez, on a lieu d’être surpris.

Cette description donne une idée de la situation. Quand on visite les Eaux-Bonnes aujourd’hui, on l’imagine mal sans son casino, le Jardin Anglais aménagé et arboré, et l’Hôtel des Princes tels que nous le découvrons, même si ce dernier est actuellement en attente de réhabilitation.

Destination prisée, la station ossaloise accueille une colonie comme en atteste le Mémorial des Pyrénées dans son édition du 27 juillet 1845 :

« On peut voir sur la promenade Eugène Delacroix, Paul Huet, Camille Roqueplan, Pehr Wickenberg et Eugène Deveria s’embrasser cordialement et témoigner du bonheur qu’ils avaient à se revoir. »

Le chroniqueur de l’époque se garde d’évoquer le désarroi de Delacroix face aux curistes, familles en goguette qui occupent leurs journées entre soins et fêtes nocturnes. Lui qui est tracassé par ses chantiers parisiens, du Palais Bourbon et du Luxembourg comme il l’écrit à Frédéric Villot le 5 août 1845.

Les Prom’s

Seules quelques promenades offrent aux curistes de 1845 des opportunités pour marcher sur des parcours aménagés.

Eugène Delacroix les empruntera pour découvrir les panoramas et apprécier les points de fuite sur la Vallée d’Ossau :

Chacune permet de découvrir un versant de la vallée. Ces promenades toujours accessibles ne présentent pas de difficulté particulière. De la promenade Horizontale, la plus célèbre car sans dénivelé à la promenade Eynard pour découvrir le charmant belvédère dénommé Butte au trésor.

Extrait de Itinéraire de Pau aux Eaux-Bonnes et aux Eaux-Chaudes par Adolphe Moreau.

Jacques Le Gall, Maître de conférence en langue et littérature française à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, rappelle que Delacroix, comme ses confrères peintres,  offrit une aquarelle à une loterie organisée pour financer l’aménagement de la fin de la Promenade Horizontale. On connaît par l’article paru alors dans le Mémorial des Pyrénées le nom du gagnant : M. de Plaisance. Mais on ignore le titre et le devenir de cette aquarelle. (2)

« Le pays est magnifique. C’est la montagne dans toute sa majesté. Il y a vraiment à chaque pas, à chaque détour de sentier des sites ravissants : ayez avec cela les pieds de chèvre pour escalader les montées, et vous avez la jouissance complète du pays. » lettre à Frédéric Villot-26 juillet 1845

Le peintre prend la plume le 26 juillet pour narrer à son ami Pierret son impression sur son lieu de cure :

J’ai eu toutes les difficultés du monde à me loger; on vous offre à votre arrivée des trous à ne pas mettre des animaux […] Je me suis vu d’abord ici dans un véritable guêpier. On trouve aux eaux une foule de gens qu’on ne voit jamais à Paris; et moi qui fuis les conversations, surtout les conversations oiseuses, je me voyais d’avance assassiné. Il faut donc une certaine adresse pour éluder les rencontres, et c’est fort difficile dans un endroit qui est fait comme un entonnoir et où on est par conséquent les uns sur les autres.

Dans son abondant courrier, le peintre insiste auprès de ses correspondants sur la vie animée et bruyante de personnes venues pour se soigner. Les mondanités l’insupportent. La cure, prescrite pour traiter une affection laryngée persistante, rythme ses journées.

Arrivé sous une météo clémente, son séjour connaîtra des passages pluvieux abondants. Le site l’impressionne, il voit pour la première fois des montagnes. Pics, névés, cascades, prairies, forêts, guides et autochtones mobilisent toute son attention.

« Le vrai peintre est celui chez qui l’imagination parle avant tout »
Eugène Delacroix, Journal- 12 octobre 1853

La question de la taille du panorama s’impose d’emblée : « la beauté de cette nature des Pyrénées n’est pas de celles qu’on peut espérer rendre avec la peinture d’une manière heureuse. Tout cela est trop gigantesque et on ne sait par où commencer au milieu de ces masses et de ces multitudes de détails. » lettre à Gaultron-5 août 1845

Le folklore des vêtements locaux, les us et coutumes pyrénéennes retiennent son intérêt, il apprécie les vêtements des femmes. Il croque des figures, des détails vestimentaires, des attitudes, autant d’instantanés du quotidien dont le carnet témoigne.

Il marche à l’écart de la foule des curistes qu’il fuit. Il prend un guide, s’installe avec son carnet, ses crayons dans les sous-bois, face aux cascades et esquisse des vues cadrées sur lesquelles il note en clair les couleurs de référence. Dominante des variétés de vert. Dans sa chambre d’hôtel, il ajoute des rehauts d’aquarelle. Le papier du carnet supporte la transparence de l’aquarelle, jamais de gouache qui « bouche ». La dilution à l’eau, de cette peinture facile à mettre en oeuvre en déplacement, lui convient pour réaliser les esquisses auxquelles il pourra de retour dans son atelier parisien se référer pour les grandes toiles et les décors.
La méthode de travail de Delacroix se divise en deux phases distinctes : il réalise in situ des dessins qu’il annote pour préciser les couleurs ou des détails; ensuite, de retour dans son atelier parisien il recompose le paysage en donnant à sa mémoire et son imagination la place nécessaire pour ne pas recopier la nature comme le fait la photographie et les peintres dont il critique la pratique.

Dès son arrivée sur place, Delacroix écrit des lettres dans lesquelles il ne manque pas de manifester son enthousiasme pour le site :

« La nature est ici très belle ; on est jusqu’au cou dans les montagnes et les effets en sont magnifiques”  lettre à L. Riesener, le 25 juillet.

La montagne a longtemps inspiré la crainte, comme l’a montré Alain Corbin dans « Une Histoire du silence » (3) et l’on trouve de nombreux témoignages de cette «orophobie » dans la peinture, la cantonnant à l’arrière-plan, en fond de décor, malgré son caractère imposant. Il faudra attendre le milieu du XVIIIe siècle, lorsque des hommes plus téméraires  s’aventureront sur les sommets et en reviendront enthousiastes, pour que la montagne devienne un thème pictural de premier plan.

La photographie n’est pas étrangère à l’intérêt suscité par ces motifs reliefs. On connaît la curiosité de la Delacroix pour la photographie. Parmi les premiers inscrits à la Société Française de Photographie, il reste défiant envers des pratiques et des usages de la photo. Mais il est convaincu par son aspect « aide-mémoire ». La photographie permettra dès ses débuts de montrer au public des sujets qu’ils découvriront pour la première fois. Dans le contexte de l’époque peu de personnes avaient eu l’occasion de découvrir les montagnes et leurs sommets.

« Les tableaux de M. Delacroix, cette année, sont, comme nous le disions, des esquisses, mot qui éveille mal à propos l’idée d’une ébauche à terminer. Ce n’est pas ainsi qu’on doit l’entendre : dans ces petites toiles se rencontre tout ce que l’auteur a cherché, une impression vive, un effet juste et saisissant. Francis Wey “Salon de 1847 (3e article)”, Le Courrier français, 11 avril 1847

 

 

Delacroix et la photographie

« Jusqu’ici, cet art à la machine ne nous rendu qu’un détestable service il nous gâte les chefs d’oeuvre, sans nous satisfaire complètement. » Delacroix-Journal, 1853

Eugène Durieu est une figure marquante des débuts de la photographie en France. Il participe activement à la mise en place de la Mission héliographique. Il s’implique aussi dans la Société héliographiqueet il est le premier président de la Société française de photographie,  fondée le .  La même année, sa collaboration avec Eugène Delacroix est un fait acquis. Il réalisa sur les indications du peintre une série de photographies de modèles nus.

Sans préjuger des rivalités entre peinture et photographie, Delacroix se documente et s’intéresse de près à l’essor de la photographie. Il était réticent dans son rapport à l’image photographique, on sait qu’il demanda, sans succès,  la destruction de ses portraits photographiques qui ne répondait pas à sa conception de la représentation. « Je suis effrayé du résultat, c’est une triste effigie, au nom du ciel ne laissez pas subsister le résultat de ce moment-ci » écrit-il à Nadar, à propos du portrait ci-dessous.

Nadar, portrait Eugène Delacroix-1858, papier salé,

Pour sa documentation personnelle, il collectionne des reproductions d’œuvres d’art.  Il note dans son Journal le 1er septembre 1859 : « les photographies qui saisissent davantage sont celles où l’imperfection même du procédé pour rendre d’une manière absolue laisse certaines lacunes, certains repos pour l’oeil ». S’il ne pratique pas lui-même la photo, il confie à Durieu la réalisation des clichés.  Il définit pour cela un cahier des charges lui permettant d’obtenir des photos « vagues » dépouillées de tous les attributs pittoresques qui ornaient les images commerciales, très en vogue dans les ateliers de peintre.

Son correspondant d’Arras, le peintre Constant Dutilleux nous livre un précieux témoignage sur les séances de prises de vue qu’organisait Delacroix :

« Je possède un album composé de poses de modèles, hommes et femmes, qui furent indiquées par lui, saisies sous ses yeux par l’objectif… Phénomène incroyable! Le choix de la nature, l’attitude, la distribution de la lumière, la torsion des membres sont si singuliers, si voulus qu’on dirait de beaucoup de ces épreuves qu’elles ont été prises d’après les originaux du même maître. L’artiste est en quelque sorte souverain maître de la machine et de la matière. Le rayonnement de l’idéal qu’il portait en lui transformait en héros vaincus et rêveurs, nymphes nerveuses et pantelantes des modèles à 3 francs la séance. »
Notes de Constant Dutilleux, papiers Burty-Paris-Bibliothèque Doucet-Institut d’art et d’archéologie.

Nu féminin sur un divan, E.Durieu-1854

Delacroix, Odalisque-1857

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1853, dans les colonnes de La Lumière, le rédacteur en chef Ernest Lacan tente « trois esquisses physiologiques » du photographe : « le photographe proprement dit », c’est le professionnel, qui produit « les images fidèles d’un gendarme, d’une première communiante, d’un monsieur de qualité douteuse, de deux ou trois familles groupées tendrement, le sourire aux lèvres, dans des attitudes plus ou moins gracieuses et engageantes ». « Le photographe artiste est celui qui, ayant consacré sa vie à l’étude d’un art, comme la peinture, l’architecture, la gravure, etc., a vu dans la photographie un moyen nouveau de traduire ses impressions, d’imiter la nature dans sa poésie, sa richesse et sa beauté, et de reproduire les chefs-d’œuvre que le génie humain a semé sur terre ». « Le photographe amateur, pour nous, c’est l’homme qui, par amour de l’art, s’est passionné pour la photographie, comme il se serait passionné pour la peinture, la sculpture ou la musique, qui en a fait une étude sérieuse, raisonnée, intelligente ».  Textes réunis par le Musée français de la photographie de Bièvres.

La querelle du paragone 2.0.

Marco Collareta, professeur d’Histoire de l’art à l’Université de Pise, décrit l’origine de ce conflit entre les arts dans un article intitulé  : Nouvelles études sur le paragone entre les arts. (4)

[Le mot italien paragone est entré en force dans le langage de la critique d’art moderne à partir de 1817. Cette année-là, lorsque Guglielmo Manzi fit imprimer pour la première fois le Trattato della pittura de Léonard de Vinci tel qu’il nous a été transmis par le Codex Vaticanus Urbinas 1270, il intitula la première partie de ce texte capital « Paragone di pittura, poesia, musica e scultura », partie consacrée justement à une comparaison systématique entre la peinture et les autres arts. Il n’est pas difficile de déceler, dans un tel choix éditorial, l’ombre portée d’une branche de la philosophie encore très récente à l’époque, à savoir l’esthétique. La conception de l’art qu’elle tentait alors d’élucider reposait sur une classification rigoureuse des différentes disciplines artistiques…] Marco Collareta

Le terme paragone  (comparer) désigne dans ce cas un exercice de comparaison des arts, dans lequel les protagonistes débattent des attributs de leur art.

Eugène Delacroix bénéficie des connaissances scientifiques du XIXème siècle riche de découvertes : des traités des couleurs, en 1864, Eugène Chevreul publie Des couleurs et de leurs applications aux arts industriels, livre dans lequel il répertorie 14400 tonalités chromatiques des colorants naturels ou artificiels à la photographie dont les optiques et la chimie évoluent constamment, en passant par la mise sur le marché des tubes de peinture à bouchon vissé.

M. E. Chevreul The Principles of Harmony and Contrast of Colours London, 1860

Delacroix dans son Journal évoque à plusieurs reprises les différences entre les arts, comparant la peinture aux autres expressions artistiques :

La peinture, entre autres avantages, a celui d’être plus discrète : le tableau le plus gigantesque se voit en un instant. Si les parties qu’il renferme ou certaines parties attirent l’admiration, à la bonne heure : on peut s’y complaire, plus longtemps même que sur un morceau de musique. Mais si le morceau vous paraît médiocre, il suffit de tourner la tête pour échapper à l’ennui… – 11 mars 1849

Vous voyez votre tableau d’un coup d’oeil; dans votre manuscrit, vous ne voyez pas même la page entière, c’est-à-dire, vous ne pouvez pas l’embrasser tout entière par l’esprit… – 21 juillet 1850

De nombreuses citations du Journal de Delacroix sont recensées et étudiés par Hubert Damish dans La peinture en écharpe (5)

Mais Delacroix n’ignorait pas que la photographie s’inscrivait dans l’esprit de ses contemporains en concurrente de la peinture. Selon  Gaston Tissandier qui rapporte l’anecdote dans Les Merveilles de la photographie, Paris, 1874, p. 62 : « Paul Delaroche a vu Daguerre, il lui a arraché des mains une plaque impressionnée par la lumière. Il la montre partout en s’écriant : “La peinture est morte à dater de ce jour”. » Même si la phrase ne fut probablement pas prononcée telle quelle, elle reflète une inquiétude répandue dans les milieux artistiques dès 1839.  

Mais la montagne résiste à sa représentation, il écrit à Frédéric Villot, le 5 août 1845 : « J’admire par moments mais je ne peux rien en faire. D’abord le gigantesque de tout cela déconcerte. Il n’y a pas de papier assez grand pour donner l’idée des masses et les détails sont si nombreux qu’il n’est pas de patience qui puisse en triompher. »

Le peintre retient deux points de résistance, le rapport de taille et par conséquence la taille du carnet (12,5×20,3) inappropriée, à ce premier point technique s’ajoute le temps, non pas du séjour mais d’exécution pour restituer les détails. La patience la plus extrême n’y suffirait pas.

La photographie permettra de dépasser ces deux obstacles. La taille des chambres photographiques emportées pour les prises de vue montagnardes autorisent de grands tirages avec un luxe de détails que le progrès des optiques rend avec précision. Mais à cette même époque  les photographes utilisent le collodion humide. Ils doivent emporter un laboratoire ambulant pour le développement des plaques sur place.  Les photographes se devaient d’être tout à la fois de solide montagnard et des photographes motivés car ils partaient en expédition avec environ deux cent cinquante kilos de matériel.

 » Une photographie est toujours plus saisissante qu’une description, si complète et si détaillée qu’elle soit : elle apporte au débat un témoignage d’une valeur incontestable ; fixe l’histoire si intéressante des torrents et des travaux de toute sorte qu’on y exécute ; fournit le moyen de conserver la physionomie vraie de la montagne aux diverses phases de sa restauration. »  écrivent Fabien Benardeau et Henri Labbé,  dans leur Notice sur le rôle et l’emploi de la photographie dans le service du reboisement, en 1886.

L’histoire de la photographie pyrénéenne a retenu le nom de Paul Jeuffrain, qui en 1850 réalise le premier cliché à Cauterets.  Mais cette première image n’a pas été conservée. Ce sera donc à un anglais installé à Pau, dès 1853, que reviendra le titre d’inventeur de la photographie dans les Pyrénées. Son nom : Farnham Maxwell-Lyte. Il a ouvert la voie à de nombreux photographes dont Eugène Trutat qui photographiera la montagne de 1880 à 1920.

Pyrénées, par Maxwell-Lyte, 1860

L’aquarelle et la photo constituent deux aide-mémoires , des « traces » qui permettront au peintre de s’y référer dans ses peintures.

Les carnets d’aquarelle ou de dessin requiert un temps de présence et d’observation long. Une présence sur le site et une habileté manuelle. Il s’agit moins dans l’usage actuel d’une réalisation artistique finalisée que d’aide-mémoires. De nombreux adeptes perpétuent cette tradition bien vivante malgré la déferlante de pratiques photographiques. On observe différentes variantes parmi les usagers de la prise de vues, du travail à la chambre photographique au smartphone en passant par toutes les déclinaisons de l’argentique au numérique. Le temps raccourci, le savoir-faire technique relayé par les automatismes offrent à tout un chacun le loisir de s’adonner sans limite à la photo « souvenir ». Quant aux références esthétiques, elles se résument soit à l’auto-référence soit à des emprunts aux codes de la peinture.

Denis Diderot s’interroge et répond à la question « Pourquoi une belle esquisse nous plaît-elle plus qu’un beau tableau? C’est qu’il y a plus de vie, moins de forme. A mesure qu’on introduit les formes, la vie disparaît… » Salon de 1767

 

Les Eaux-Bonnes Pratique

Pour préparer votre visite suivre le lien Aller aux Eaux-Bonnes

 

 

 

Notes :

Delacroix interrompt la rédaction de son Journal durant cette période, seuls les échanges épistolaires documentent son séjour.

(1) Eugène Delacroix- Carnet « des Pyrénées »- 2 volumes : fac-similé et étude de Marie-Pierre Salé sous coffret- Louvre éditions-2016

(2) in la Revue Pyrénées publie dans le n°268, octobre 2016 un article signé Jacques Le Gall : Quand Eugène Delacroix dessinait et peignait en vallée d’Ossau qui analyse la composition du carnet et éclaire le séjour de Delacroix avec des références érudites. A commander à : revue Pyrénées- B.P. 204 – 64002 Pau Cedex

(3) Alain Corbin, Histoire du silence : de la Renaissance à nos jours. éd Albin Michel 2016

(4)  Perspective, 1 | 2015, 153-160.

(5) Hubert Damish- La peinture en écharpe. éd. Klincksieck 2010

 

 

 

 

Tarnos, un cocktail naturel à déguster avec précaution

Aux confins des Landes et du Pays Basque, Tarnos s’étend sur une zone littorale typiquement landaise. Le bleu de l’océan, la blondeur des dunes, le vert de la pinède, les trois couleurs de la palette Aquitaine. Mais prenez garde, regardez où vous mettez les pieds, ici le piéton libéré des contraintes de circulation déambule dans un espace naturel dont il ne soupçonne pas les fragiles richesses. Le cocktail : mer, plage, sable chaud et vacances tend à affranchir des contraintes au profit d’un usage ludique dénué de responsabilité.

L’estivant, le touriste de passage n’exonèrent toutefois pas le résident, le chasseur ou le promeneur du dimanche de ses responsabilités. Le risque anthropique sur un site fragile ne différencie pas les piétinements, il les subit.

Tarnos, Landes © Radio France

Le pied tond ce qu’il foule. Et l’été la foule des estivants envahit ces espaces fragiles que sont les dunes dont le dénuement apparent abrite des espèces rares tant florales qu’animales.

A Tarnos, une vaste zone classée Natura 2000 mixe la plage du Métro réputée pour le surf, une ancienne piste d’aviation et des exclos dédiés à l’étude et à la préservation des espèces. Le toponyme Métro est lié à l’implantation en 1938 d’un centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien.

photo d’archives-DR

En 1938, lorsque s’implante le centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien, on ne parle pas de la plage du Métro qui n’existera qu’à partir de 1977. Durant la guerre civile espagnole, la commune de Tarnos accueille 150 réfugiés qui sont hébergés dans les locaux de la colonie de vacances du Métro. Il s’agit de l’exode vers la France, connu sous le nom de Retirada. Le centre fermera définitivement le 30 juin 1939. Les réfugiés seront alors transférés vers d’autres camps.

Les colonies de la RATP ont cessé depuis 1995. Tarnos a repris sa part de gestion du littoral, coincé entre un champ de tir hérité de Napoléon III, le port industriel géré par Bayonne, et une zone naturelle classée Natura 2000 depuis 1998. « Cela a été une longue bataille dans les années 80, résume Jacques Vigne, historien local. Il a d’abord fallu se battre pour chasser les entreprises qui venaient extraire du sable de la plage pour en faire des parpaings ! » selon les propos rapportés par Emma Sain-Genez dans un article paru en 2010 dans le quotidien local  Sud-Ouest

Ici, plus particulièrement, le biotope reste fragile : érosion naturelle et érosion anthropique se conjuguent souvent, menaçant la dune du Métro, alors que la  ligne littorale relativement stable bénéficie des effets de la digue. Concernant la dune, il est donc urgent d’agir et, bien avant le Grenelle de l’Environnement, l’Office National des Forêts, fondé en 1966, soucieux de préserver les écosystèmes, se préoccupe à la fois de fixer et de protéger le cordon dunaire qui ourle le massif forestier.

document ONF

Cette protection implique l’information de la population locale déjà sensibilisée par le classement, en 1969, des zones humides du secteur comme site inscrit sous l’appellation « Étangs landais sud ». Quelque 206 ha font en effet déjà l’objet d’un inventaire ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) qui a pour objectif, depuis 1982, d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. Un site d’intérêt majeur qui, compte tenu de ces éléments, entre tout naturellement dans le réseau Natura 2000 en 2003 et en ZSC (Zones Spéciales de Conservation) visant la conservation des types d’habitats et des espèces animales et végétales en 2006.

La dune c’est du sel, du sable, du vent, des amplitudes hygrométriques et thermiques importantes et des activités anthropiques sur un sol pauvre. Malgré ces difficultés de nombreuses espèces s’y sont implantées. La flore et la faune se répartissent en bandes parallèles à la côte, en fonction des variations des conditions liées à la plus ou moins grande distance de l’océan.

Cette imbrication de zones publiques et d’espaces protégés s’impose d’emblée aux regards des personnes fréquentant ces lieux. De nombreux panneaux affichent des messages pédagogiques ou des interdictions.

Le piétinement détruit les plantes qui fixent le sable : la circulation est donc interdite sur la dune aux piétons, chevaux et engins motorisés.

La prolifération de ces panneaux, dont certains particulièrement vétustes, signe la difficulté pour les responsables de maîtriser un périmètre sur lequel se côtoient vacanciers, promeneurs locaux, chasseurs, animaux domestiques et sauvages sur un sol sablonneux parsemé d’une flore mélangeant espèces invasives et espèces fragiles.

Car fouler du pied entraîne des conséquences, ici le pied écrase. Il suffit de regarder la dune pour constater que rares sont les espaces sans empreintes de pas. On a du mal à imaginer que le piétinement soit aussi important, comme si une foule gigantesque avait marché sur la dune sans épargner le moindre recoin. Probablement qu’aux pas des bipèdes que nous sommes, il faut ajouter les lapins, les chiens et autres quadrupèdes ainsi que les oiseaux, chacun laisse une empreinte dont le sable garde la mémoire.

La végétation végète, les pas détruisent des espèces au profit d’autres. Les plus fragiles disparaissent à force d’écrasement. Alors que les vents, les vêtements, les semelles sèment des variétés invasives qui supplantent les plantes locales. La flore strictement dunaire est constituée, dans le sud des Landes, d’une quarantaine d’espèces. 8 d’entre-elles sont endémiques, 12 sont protégées sur le plan national, plusieurs sont en cours de protection au niveau régional, dont le Lis mathiole -espèce régionale actuellement protégée-et le Silène de thore – une espèce endémique non protégée.

Les espèces adventices représentent au milieu de la flore autochtone, un élément perturbateur, d’autant que des espèces invasives comme l’herbe de la pampa supplantent rapidement les espèces indigènes.  Concernant les invasives, le Baccharis et surtout le Séneçon du Cap (et Herbes de la Pampa) constituent une problématique majeure à Tarnos, qui amène à engager de coûteuses actions.

L’amensalisme est une interaction biologique entre plusieurs partenaires dans laquelle l’interaction se révèle négative en termes de valeur sélective pour l’un des partenaires alors qu’elle est neutre pour l’autre partenaire.

Le piétinement des dunes participe du principe de l’amensalisme. En effet, il induit un coût important pour les espèces indigènes qui disparaissent quand elles sont sensibles au piétinement, alors que ce dernier n’implique ni coût, ni bénéfice pour l’humain qui piétine. Cette interaction a des implications importantes car elle induit une substitution d’espèces. En effet, des plantes sont remplacées par d’autres qui résistent mieux au piétinement.

Les humains entretiennent aussi des relations amensales avec de nombreuses espèces animales ou végétales. Ces dernières peuvent souffrir d’une ou plusieurs activités humaines, telles que la pollution des dunes par les détritus divers abandonnés sur place ou portés par le vent. A l’inverse les vestiges de constructions fournissent un habita à des espèces rares. En effet, certains écosystèmes ont été entièrement créés par l’homme à l’instar de la forêt landaise qui sert d’habitat à une biodiversité sauvage.

On notera dans la partie forestière la présence du chêne-liège, que l’on rencontre également au sein des buissons pré-forestiers. Là, règnent également les aubépines, les troënes, les brandes, mais aussi la Salsepareille d’Europe , connu sous le nom familier de« Herbe aux schtroumpfs ». Elle est associée au chêne-liège, créant avec ses hôtes supports, un véritable enchevêtrement. C’est un sous-arbrisseau lianescent, très rameux qui s’agrippe au moyen de vrilles sur les rameaux des arbustes et arbrisseaux. Elle participe à l’aspect dense des buissons.

En forêt, Le piétinement compacte les sols, détruit la végétation et empêche la repousse de la forêt. Évitez donc de quitter les sentiers : le réseau dense de chemins, et routes forestières fermées à la circulation des voitures, vous permettent largement d’arpenter la forêt.

Les interactions entre végétaux, animaux et hommes s’expriment sur les dunes avec une acuité particulière. La fragilité d’un milieu dont la granularité du sol le rend sensible aux effets de piétinement, mais aussi aux événements éoliens, conjugués à la pauvreté d’une surface découverte offerte aux éléments météorologiques brutaux constituent autant de facteurs de développement pour des formes de vie extrême.

Les exclos protègent les terrains du piétinement pour que les plantes endogènes se développent ou que des semis soient protégés. L’isolement des parcelles découpe la dune en clos entre lesquelles les promeneurs peuvent cheminer. Une clôture type grillage à moutons protège ces exclos des perturbations anthropiques.

Chaque exclos a une surface plus ou moins rectangulaire :

-Tarnos nord: 70 x 80m = 5600m²

-Tarnos sud: 145 x 60m = 8700m²

pour le site de Tarnos [ces expérimentations] ont permis de montrer des effets positifs des exclos sur les populations végétales par une augmentation générale du recouvrement du sable nu:

-des espèces nouvelles en particulier des annuelles et vivaces géophytes ont été recensées sur le protocole de suivi,

-des espèces des dunes semi-fixées à fixées présentent une bonne vitalité (nombreuses plantules) et participent à la fixation du sable nu et à la restauration de la végétation de dune grise tandis que les espèces de dunes mobiles tendent à être remplacées.

-développement et restauration des habitats d’espèces d’intérêt patrimonial (Alyssum loiseleuri, Dianthus gallicus, Silene portensis, Solidao virgaurea macrocarpa…)

Cependant, la végétation de dune grise continue de subir de nombreuses perturbations comme la fréquentation humaine (piétinement, arrachage de piquets-repères) mais elle est également soumise à des apports de sable (faible et récurrent), et à l’action du lapin.

Les dégradations anthropiques posent des problèmes de suivi de la végétation sur le protocole (Transects et Stations) en particulier pour l’exclos de Tarnos Métro …

Raphaël Jun – ONF – Révison DOCOB Dunes Landes- octobre 2012

L’ancienne piste d’aviation de Turbomeca fait l’objet d’une renaturalistion afin qu’elle soit à terme ensablée. La piste n’est pas immédiatement décelable, elle affleure par endroit. Le tarmac a fait l’objet de destructions partielles pour empêcher l’accès et l’installation de véhicules de type caravane ou mobil home. La piste, ainsi que les blockhaus fournissent des abris à quelques animaux dont des lézards ocellés, espèce protégée qui interdit la destruction de leur habitat.

document ONF

Photos Patrick Laforet – sauf autres mentions

Merci au spécialiste de l’écologie des dunes et des milieux naturels, Gilles Granereau, chargé de mission Natura 2000 à l’agence ONF LNA (Landes nord-aquitaine), pour son aide précieuse.

Pour consultation :

 

 

 

 

La piste des Apaches

Fondée en 2010, la Biennale de Belleville est le fruit d’une rencontre entre ce quartier de l’Est
parisien et un groupe de commissaires, de critiques d’art et d’artistes.
Jouant sur l’absence de lieu central pour en faire un de ses points de force, la Biennale de
Belleville se déploie du Pavillon carré de Baudouin au belvédère de la rue Piat, de la rue de
Belleville pour s’étirer davantage vers l’Est de Paris.
Reposant sur un principe de mixité des lieux et de variété des interventions, la Biennale allie
ainsi performances déambulatoires et expositions collectives.
Depuis deux éditions, la Biennale de Belleville dessine de nouveaux itinéraires et met en
place des manières originales d’appréhender l’art contemporain.
A cette occasion DéMarches proposera Hors-Circuits, un walkscape urbain de Pantin au Bourget en passant par Bobigny.

La Biennale de Belleville 3

Paris Art

Wall Street International

vernissage de la Biennale de Belleville by Saywho

Slash Paris

TCQVAR

 

HORS_CIRCUITS AFFICH

Un événement DéMarche

Pantin-Le Bourget

_MG_5098_DxOWalkScape proposé par l’association DéMarches
Auteurs : Clayssen/Laforet
Biennale de Belleville / Septembre –octobre 2014

Les territoires actuels sont inventés : ils sont exhumés et créés, dans un même mouvement, dans la foulée. C’est en ce sens que traverser ces espaces aboutit aussi à les produire. : il n’y a pas de regard à l’état sauvage qui permette de les saisir à nu, mais une intrication du donné et du projeté, du donné et du plaqué, du déjà là et du fabriqué, de la découverte et de la production, et par conséquent de la traversée des territoires actuels et de leur création. La traversée est invention. Thierry Davila in Marcher, Créer.

Deux météorites mondialisées du milieu artistique international sont tombées au beau milieu du chaos de la banlieue parisienne, les galeries Thaddaeus Ropac à Pantin et Gagosian au Bourget. Deux objets culturels sortis de leur contexte habituel, il était intéressant de voir ce qu’il y a dans l’interstice, de parcourir le territoire entre les deux cratères, d’examiner quel lien peut exister à la fois entre les deux et au milieu des deux. Voyage donc dans l’entre-deux, quel paysage s’y déploie, y a t il quelque chose à voir ou rien ou si peu ? Quels signaux faibles, où en est l’entropie dans ce hors-circuit, quel paysage peut-on construire sur ce vide, cette absence de mythe, cette vacance de la Disneylisation millimétrée du monde ?

La caRte

15Km à pied
3 heures 45 de marche
18 623 pas

HORSCIRCUITW

Hors-circuits – temps de parcours et infos déplacement

0’00 ‘’ Galerie Thaddaeus Ropac, Avenue Général Leclerc, Pantin 1

6’30’’ Château d’eau, entrée du cimetière (urinoir à gauche de l’entrée)

Ensuite prendre Av. des Platanes (vers les cyprès) puis à droite

26’00’’ Avenue de la Zone à gauche

Sortie à droite Avenue Jean-Jaurès

Fort d’Aubervilliers

Zingaro (métro)

38’45’’ à droite sur le parking, Avenue de la Division Leclerc

57’50’’ Parc Départemental des sports de Paris Seine St Denis

(urinoir dans bâtiment à gauche de l’entrée)

1h00’ Sortie Parc des sports prendre à droite promenade Django Reinhardt tout droit jusqu’à la rue de l’Etoile.

Dans la rue de l’Etoile prendre la 1ère rue à droite, rue de l’Amicale qui longe l’arrière du terrain de l’ancienne gare de Bobigny jusqu’à la rue Gustave Moreau sur la droite (Chapelle de l’Etoile)

1h22’ Emprunter le pont routier

1h30’ Carrefour Repiquet (champ de pierres )

Traverser le terrain de jeux,

Sortie à gauche vers tunnel de Bobigny sortie n°221

1h42’30’’ traverser vers la gauche dans l’axe de la passerelle Julian Grimau prendre le tunnel pour sortir à gauche rue Diderot

2h00’’ Mur de soutènement en pierres sous grillages

Retourner vers la passerelle Julian Grimau

Suivre la rue Julian Grimau au bout tourner à gauche rue de la Courneuve puis à droite rue Jean-Pierre Timbaud (panneau Drancy à gauche)

Prendre à droite l’Avenue Vaillant Couturier (temple indien sur le trottoir de gauche en allant vers Le Bourget).

2h30’ commune du Bourget (sur la droite l’ancien cinéma Aviatic)

Suivre l’avenue de la Division Leclerc

Passer au-dessus de l’autoroute et prendre à gauche le long des bâtiments de la zone aéroportuaire

3h10’ Aéroport du Bourget (Musée de l’air et de l’espace)

Sortir pour traverser la nationale

vers la Cité Germain Dorel, au Blanc Mesnil

Puis retour le long des pistes jusqu’à la rue de Stockholm vers la Galerie Larry Gagosian 2

3h45 Fin du parcours

Retour vers Paris arrêt bus n° 350  devant l’aéroport

RATP- 350 – Horaires du samedi

Musée de l’Air et de l’Espace 16.16 16.36 16.56 17.16 17.36 17.56 18.16 18.36 18.55 19.15 19.35 19.54 20.14
Porte de la Chapelle
Gare de l’Est
16.34
16.51
16.54
17.11
17.14
17.31
17.34
17.51
17.54
18.11
18.14
18.31
18.34
18.51
18.53
19.10
19.12
19.29
19.32
19.48
19.51
20.07
20.08
20.24
20.27
20.43

 

Notes

1-Galerie Thaddaeus Ropac

69 avenue du Général Leclerc
93500
PANTIN RER : E, Pantin

2-Galerie Larry Gagosian

800 avenue de l’Europe
93350
LE BOURGET

Autoroute : A1
Bus : 350, 152 arrêt Musée de l’Air et de l’Espace
RER : B, Le Bourget puis bus 152

 

 

Les Points de vue

Les points de vue sont les aspérités remarquables du paysage créé par le walkscape. Ouvrages, bâtiments, végétation, curiosités, ce sont eux qui donnent le La, la couleur du parcours et sa tonalité, le rythme et la structure des récits engendrés par la marche.
HORS-CIRCUITW

15Km entre les galeries Ropac et Gagosian en milieu urbain de basse densité
Un parcours d’environ 15 Km avec un départ à Pantin, au pied de la galerie Thaddaeus Ropac, autour de la station de métro Quatre Chemins, vaste hangar sophistiqué, en direction de l’aéroport du Bourget, au milieu des friches industrielles plus ou moins reconverties, d’un grand cimetière, de parkings sauvages, de jardins ouvriers, d’une cité perdue mais classée, des fantômes de la Shoah, de zones de transit et d’un ouvrage d’art autoroutier sans égal, de temples colorés enfouis dans la jungle urbaine, de pistes d’envol, d’une autre cité oubliée dans les plis de l’histoire et pour finir dans la re-visitation industrielle précieuse de la galerie Gagosian en lisière de l’aéroport.

Démarches part en campagne

« Lisières & Climats de Bourgogne », un parcours dans un vignoble d’exception. Démarches a été sollicité par Bernard Utudjian, directeur de la Galerie Polaris et initiateur d’un événement dont l’intitulé « Une partie de campagne » évoquera Guy de Maupassant pour les lecteurs, Jean Renoir pour les cinéphiles et pour les galeristes et collectionneurs, une invitation estivale. Un événement que l’on rejoint en se déplaçant dans des lieux qui bien que éloignés du Marais parisien doivent disposer au moins d’une galerie et d’espaces disponibles pour accueillir des expositions à la demande d’un commanditaire sur place.

« Une partie de campagne » est l’occasion de découvrir en présence des galeristes et des artistes des œuvres inédites. Après la Bretagne -Locquirec et St Briac, l’Aquitaine -St Emilion, cette année sera bourguignonne. Châteaux, Domaines, caveau, salle du Conseil Municipal de Chassagne-Montrachet accueilleront les expositions le temps d’un weekend avec  un objectif : partir à la découverte de la création contemporaine entre professionnels, collectionneurs, amateurs et curieux de l’art, dans un cadre dont le savoir-faire a conduit le vignoble à la reconnaissance internationale de l’UNESCO. Une occasion de visiter aussi les oeuvres de l’antenne du FRAC-Bourgogne à Chagny.

Jacques Clayssen et Patrick Laforet, auteurs de parcours, ont été invités par Bernard Utudjian à proposer une marche de type walkscape (la marche comme pratique esthétique) entre Chassagne-Montrachet et Chagny. Marcher sur une terre qui vaut de l’or, entre des vignes qui produisent les nectars les plus précieux, voilà la commande confiée à l’association Démarches.

Un walkscape  associé à un parcours d’art contemporain à suivre du 11 au 12 juin à Chassagne-Montrachet.

 

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le carnet de campagne 2016

TraVerses

Documentation complète du parcours et des principaux points de vue, et un peu d’atmosphère…
Cliquez sur la première photo pour voir la galerie.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 1

Voyage au milieu du Rien

Démarrage du walkscape, départ de la fameuse galerie Thadhaeus Ropac, repaire des collectionneurs mondiaux de l’art, luxe, calme et volupté. Ensuite poursuite dans le rien de la banlieue, détails, petits signes, déréliction parfois, surprises affectueuses, parkings, cartes, tags partout, jusqu’aux champs de pierres conceptuels du rond-point Riquet.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 2

La Ville discontinue

Suite du parcours. Le Rien s’étend et parfois se rétrécit. Des jeux, du végétal, de la chapelle, des tags encore et partout jusqu’à la démesure pharaonique du tunnel de Bobigny, passage au-dessus des voies ferrées, mauvaise ambiance, spectres blancs de la Shoa à drancy, temple millénaire et arrivée à l’aéroport du Bourget.

L’éprouvé et le dit

L’association Démarches propose deux walkscapes dont l’intitulé « Promenade » définit littéralement le lieu de marche : la promenade Victor Mendiboure à Anglet. Cette promenade fréquentée par une importante population composée de locaux, de joggeurs et de nombreux touristes dont le flux continue ne tarit jamais, en période estivale. En empruntant ce parcours quasi rectiligne défini par les aménageurs, nous pourrons vérifier la problématique pointée par Alain Corbin, suivant laquelle : Le paysage n’existe pas en lui-même. Il résulte d’une lecture comme tout système d’appréciation. Mais le véritable problème se situe entre l’éprouvé et le dit.
In entretien entre Alain Corbin et Véronique Nahoum-Grappe publié dans la revue La Mètis, que dirigeait alors Maryline Desbiolles (nº 1 « Le Littoral », janvier 1990).

Sur cette Promenade balisée le marcheur emprunte une voie aménagée dont les revêtements varient suivant les époques au gré des restaurations et des initiatives visant à séduire le marcheur en installant, par exemple, des promontoires surplombant la plage.

Cheminant entre les verts des plantations, des pelouses et du green du golf d’un côté et les différentes qualités de sable, d’or fin à l’ocre des graviers de l’autre côté avant que l’océan n’ajoute sa palette aux marées. La Promenade s’immisce entre ces ambiances colorées mettant le marcheur sur une lisière neutre. Le terrain de la marche appartient à l’espace aménagé, celui que l’on appelle espace vert par opposition à la plage espace naturel vers l’océan.

Espace public desservant les plages, entrecoupé d’accès perpendiculaires reliant les plages et les parkings, dont un tunnel sous la dune, cette liaison entre La Barre et la Chambre d’Amour fonctionne comme axe de déplacement pédestre, lieu de déambulation.

A l’image des sentiers douaniers, la promenade épouse la ligne de côte ici quasi rectiligne.

Cette portion de côte porte les stigmates des erreurs d’aménagement et de l’érosion naturelle dont les traces effacées à la suite d’un cycle de construction/déconstruction/reconstruction gardent en mémoire les empreintes du passé.

Ces témoignages d’une histoire mouvementée se lisent dans des signes généralement faibles pour un observateur non-averti. Le touriste de passage ne percevra rien de ce passé. Le vacancier fidèle à la station pourra noter les indices les plus visibles de mutation du paysage. Les autochtones gardent le souvenir des événements les plus marquants de leur vivant.

Les histoires littorales placent en premier les événements naturels. Les phénomènes liés aux érosions éoliennes et marines et aux tempêtes. Le réchauffement climatique favorise probablement la fréquence et la puissance des phénomènes météorologiques. La liste des noms des principales tempêtes qui ont sévi sur le littoral aquitain marquent autant d’épisodes violents : « Klaus », « Lothar », « Martin », « Xynthia », « Dirk », « Hercules », « Petra », « Qumeira », « Ruth », « Ulla », « Christine », « Ruzica », « Susanna ». A la suite de quoi, le littoral aquitain, qui était sur un recul de 3 à 6 mètres par an, a perdu 20 mètres en un mois et demi en 2014.

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photo : Patrick Laforet

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photo: Patrick Laforet

Texte Jacques Clayssen

Promenade Littorale

CARTE PARCOURS

 

Anglet, station balnéaire du Pays Basque, au bout de la Côte d’Argent, dans le golfe de Gascogne. Connue des surfeurs pour la variété de ses vagues, Anglet est surnommée « la petite Californie ».

La promenade pédestre de 4,5 km, en front de mer, longe les 11 plages d’Anglet, de la Chambre d’Amour à La Barre.

Sans difficulté particulière, la promenade Mendiboure est équipée de bancs, de points d’eau, de toilettes gratuites. Elle est jalonnée de nombreux lieux de restauration et rafraîchissement. Un balisage piéton éclaire les promeneurs le soir.

Le point départ se situe sur la plate-forme d’observation du Parc écologique Izadia

Pour un retour en transport en commun :

Bus 10 

Anglet Plages – Anglet La Barre

La ligne 10 dessert toutes les plages d’Anglet, de La Barre à la Chambre d’Amour. Une fréquence plus importante sera instaurée pour la période estivale.

Coordonnées GPS :

  • Parc écologique Izidia : 43° 31′ 35″ – long. -1° 31′ 11″
  • Promenade : lat. 43° 29′ 41″ – long. -1° 32′ 46″

Incendie à Anglet, jeudi 30 juillet 2020, dans la forêt de Chiberta.

Attisé par le vent l’incendie s’est déclaré vers 18 heures dans la forêt de Chiberta à Anglet, une zone boisée de 250 hectares. Des dizaines d’habitations ont été évacuées. 165 d’hectares de pinède ont brûlé et les flammes ont atteint le parc écologique Izadia.

Situé à l’embouchure du fleuve Adour, ce parc de 14 hectares qui « recèle les derniers vestiges des milieux arrière dunaires du littoral sableux angloy » et abrite plusieurs espèces végétales et animales  avait été restauré au début des années 2000. Il accueillait depuis une dizaine d’années le public pour des visites pédagogiques.

Extrait de La République des Pyrénées, publié le 20 août 2020 in La République des Pyrénées

Claude Olive, maire d’Anglet, veut désormais se tourner vers l’avenir.

Evoquant le parc Izadia, détruit par les flammes, l’élu angloy indique que « Nous régénérerons Izadia, sans rien soustraire de ses spécificités, de sa richesse florale et animale, de ses exigences environnementales. Nous doterons ce parc d’un nouvel édifice, qui sera un signal d’intégration au paysage, en même temps qu’un exemple vivant des nouvelles techniques de construction durables, d’expérimentation de procédés innovants. Nous ferons d’Izadia une référence, un témoignage de notre engagement écologique. »

« Nous mobiliserons les compétences, nous trouverons les financements, nous convaincrons les partenaires, parce que nous défendons un bien commun ancré dans notre histoire et notre capital paysager. L’accablement sera passager, le besoin d’action et de réussite nous fera relever la tête, la perspective d’un enjeu essentiel nous galvanisera, la fierté d’être des Angloys actifs et volontaires sera notre guide pour gagner ce nouveau pari. Ensemble nous ferons à nouveau briller notre devise « Mar e Pignada per m’aida » » indique enfin Claude Olive.

 

L’étrange attracteur

_h9a1026_dxoImplosion, frôlements et paradoxes
Promenons-nous dans le vide pendant que le chaos n’y est pas. La promenade Victor Mendiboure agit comme ces étranges attracteurs qui règnent dans le chaos, intégrant des millions d’événements dans un système de représentation dynamique et fluide. Le long ruban de béton trace une frontière à l’intérieur de la frontière qu’est le littoral : tout s’y déverse dans un désordre apparent, usages sociaux, représentations du monde, cultes religieux, pratiques hygiénistes, etc… tout ce mouvement provoque des frôlements inattendus, des chocs de particules et des correspondances surprenantes et mystérieuses dans une sorte de gigantesque implosion lente et paresseuse.
Tout est dans tout, bien sûr, mais plus spécialement dans ce lieu collectif et public où tout peut arriver, se côtoyer ou simplement se juxtaposer dans un ensemble proche du bouquet final d’un feu d’artifice. Le grand écart est particulièrement visible à la période estivale pendant laquelle le système acquiert une vitesse de rotation extraordinaire mettant en relation des éléments franchement disparates et paradoxaux.
Comme tout espace de mélange et de brassage, il se présente de manière minimaliste, un vide un peu irrégulier entre le balnéaire et le un peu moins balnéaire. Dans la conception du monde décrite par Alain Corbin, le littoral est la trace du doigt de Dieu pour empêcher le chaos (l’océan/déluge) d’envahir à nouveau la terre, la promenade est la trace dans la trace qui sépare le littoral en deux lieux distincts arbitrairement. Barrière symbolique d’un contrôle du chaos, son existence est la preuve de la domination du désordre dangereux qui la borde, donnant au paysage une note paisible et distanciée.

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Nord/Sud
Au Nord se tient la zone de l’Adour, zone d’échouage importante où le fleuve redistribue tout ce qu’il a pu arracher à d’autres paysages, bois, végétaux, déchets divers et colorés, quelques restes d’animaux, pour recomposer un territoire parfois violent et catastrophique. Le sable s’y dépose en masse, est avalé par la drague permanente et déposé au bord des plages pour éviter leur disparition. Ensuite la promenade longe quelques restes de la seconde guerre mondiale, qui semble ici plus irréelle que jamais, restes envahis des gestes colorés des tagueurs, nouveau code esthétique indispensable au jeunisme balnéaire.
A gauche s’étend la nature originelle de marais, enchâssée dans des contours précis et délimités, autre forme de chaos sous la forme du miasme et de l’indécis, du mouvant et du sombre, terrain de la canne, la plante d’origine des marais qui toujours revient, années après années, dès que la surveillance se relâche.
A droite du Nord au Sud s’étend le royaume de l’eau, le pays des turbulences, terrain de jeux des surfeurs qui, justement, aiment les turbulences sans cesse renouvelées de la rencontre entre le dynamique et le stable. Ici le balnéaire n’est pas simple entre les baïnes, les courants, et les vagues puissantes la baignade n’est jamais sure, rarement dénuée de dangers, la plage est semée de panneaux de danger, d’interdictions, de conseils et finit par ressembler à une rocade d’autoroute vaguement hostile.
Plus loin, de nouveau quelques bunkers, tout aussi tagués et enfin l’espace ordonné du golf, ses ondulations de verdure courte traversée par le bruit sec des balles, encore quelques pelouses et arrivée sur des bâtiments après avoir longé l’ancien terrain d’aviation qui revient lentement à un état non piétiné, à la prairie originelle. Restaurants, terrasses, bars, magasins, béton partout jusqu’à la Chambre d’Amour, dernière plage avant la falaise, où trône le fameux paquebot architectural qui boucle la promenade d’une austérité toute seventies.

Galerie
Impossible d’être exhaustif ou documentaire dans une telle masse d’événements, de rencontres, de croisements, donc quelques dyptiques photographiques au fonctionnement visuel associatif et parfois ténu après un démarrage nocturne et solitaire. Bonne déambulation.

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Texte et photos Patrick Laforet

Le Bâton Migrant

Un bâton gai et festif comme une bamboche en bord de plage. Parure modeste des congés à la mer, entre campings et chichis, entre golf et plateau de fruits de mer, entre surf et vagues, entre filles et garçons et autres combinaisons de corps à corps. Bimbeloterie silencieuse, souvenir pour les yeux qui ouvre les oreilles ivres de rire et de musique. Sur le bambou littoral s’accumule une foule synthétique, symbole de l’esprit balnéaire d’un rêve pastel au milieu des chatoiements colorés des rébus en plastique animés d’une langueur estivale.

Le crU et le BUis

« le seul endroit du monde où le climat appartient au ciel et à la terre. Incertain quand on lève les yeux, le climat est toujours sûr et constant quand on les baisse » cette observation de Bernard Pivot, dans la préface écrite pour l’ouvrage de référence Climats du vignoble de Bourgogne*, décrypte poétiquement le double sens du mot « climat » en Bourgogne.

C’est en effet la combinaison de la situation météo, des sols et sous-sols, des pentes et orientations associés à une conduite des vignes issue d’une observation sur plusieurs siècles qui a modelé cette mosaïque de parcelles dont les figures géométriques se lisent dans les limites cadastrales, les meurgers, les clos et les cheminements.

Si l’histoire commence au XIIIe siècle, lorsque l’abbaye cistercienne de Maizières reçoit les premières vignes en « mont Rachaz ou Montrachaz », sa consécration viendra au XIXe siècle lorsque ce vignoble prend tout son essor.

De l’avis de Thomas Jefferson, troisième Président des Etats-Unis, qui découvre ce cru lorsqu’il était ambassadeur des États-Unis en France de 1785 à 1789 , il s’agit rien moins que du meilleur vin du monde. Tandis qu’Alexandre Dumas père disait que ce vin devrait être bu à genoux et tête découverte, alors que Stendhal dans Mémoires d’un touriste  publié à Paris en 1838 écrivait : La Côte-d’Or n’est qu’une petite montagne bien sèche et bien laide ; mais on distingue les vignes avec leurs petits piquets, et à chaque instant on trouve un nom immortel.

Ce point de vue stendhalien ne doit pas faire oublier la place primordiale occupée par l’image, à la même époque, dans cette région. Berceau de la photographie, la Bourgogne outre son prestige viticole compte parmi ses célébrités rien moins que l’inventeur de l’héliographie ancêtre de la photographie et l’inventeur de la chronophotographie qui pose les bases techniques de l’image animée.

Nicéphore Niepce- Le point de vue du Gras- 1826

Le premier,  Nicéphore Niepce est né le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône, la première héliographie connue date de 1826. Intitulée Le Point de vue du Gras , elle représente un paysage proche de Chalon sur Saône.

Le second, Etienne-Jules Marey est né le 5 mars 1830 à Beaune. Il vécut à 6 km de Chagny au Domaine de la Folie. Etienne-Jules Marey, aïeul de Clémence, la gérante du domaine, a reconstitué et mis en valeur l’exploitation familiale.  Professeur au Collège de France, physiologiste, précurseur du cinéma, il est à l’origine de nombreuses inventions telles que le fusil chronophotographique ou le sphygmographe, appareil pour enregistrer le pouls.

L’homme qui marche – Etienne-Jules Marey – 1890

La Bourgogne offre aussi au cinéma un décor et des modes de vie marqués par la tradition et le milieu viticole. Pour raconter une histoire de famille et de transmission entre générations, le cinéaste Cédric Klapisch, a retenu le vignoble bourguignon. C’est dans la côte de Beaune, notamment Meursault et Chassagne-Montrachet, qu’il a trouvé les motifs d’une histoire d’héritage. Car, le vin dit-il présente à la différence des autres « cultures » l’avantage de se bonifier en vieillissant… C’est ainsi qu’à Chassagne-Montrachet le Domaine de Magenta figure dans le décor de sa dernière réalisation, Le Vin et le vent. Le tournage, a débuté pendant les vendanges 2015 et devrait se terminer au début de l’été. Lire la note d’actualisation en fin d’article.

Cédric Klapisch – Le Vin et le vent .DR

Dans l’étude sur le Sémantisme autour du vin: représentations symboliques et lexiculturelles, Mercedes Eurrutia Cavero, Maître de Conférence à l’Université d’Alicante, note à propos du mythe dyonisiaque : Comme le sacré et l’art, le vin permet à l’homme de s’approprier le «désordre» à travers un «ordre». La patience du vigneron, l’acharnement du peintre, du poète, de l’artiste aboutissent paradoxalement à ce qui est opposé à la sphère du travail, l’ivresse, le rêve, l’extase. Tel est le sens de la religion dionysiaque: «Dionysos est un dieu ivre, c’est le dieu dont l’essence divine est la fo­lie»  d’après Georges Bataille.  

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vers 70 av. J.-C, maison de Pompéi surnommée  » La Villa des mystères « . on y voit Dionysos, dieu du Vin et de la Vigne, et sa mère, Sémélé.

Hervé Chayette et Philippe baron de Rothschild précise dans l’ouvrage Le vin à travers la peinture : Mais Dionysos est également un dieu de culture dans le sens abstrait du terme : «Il est essentiel d’insister sur le lien incarné par Dionysos entre le vin, d’une part et l’autre la civilisation en ce qu’elle comporte de plus raffiné ou de plus sublime : la création artistique». Dans l’Antiquité il était considéré comme protecteur de tous les arts, dieu de l’inspiration artistique dans ce qu’elle a de divin et d’assimilable à l’ivresse.

Et l’on sait la place accordée au vin dans  la chrétienté…

Le paysage construit

Le paysage se définit généralement à travers la question de ses représentations en éludant la posture du spectateur. L’expérience corporelle, la positionalité du spectateur constituent pourtant les éléments fondateurs d’un paysage perçu. Nous donnons généralement le primat à la vision au détriment de la mise en forme de la terre par les activités humaines.

Ce walkscape en milieu agraire s’inscrit dans un paysage construit sur une période remontant au Moyen-âge. Pour preuve, le village de Chassagne est inscrit au cartulaire de 886 de l’abbaye de Saint-Seine sous le nom de Cassaneas ou Cassania, tandis que des moines clunisiens y fondent le prieuré de Morgeot et que l’abbaye bénédictine Saint-Jean-le-Grand d’Autun est propriétaire du Clos Saint-Jean.

Conditionnée par la géologie et le relief, la côte peut se décrire par strates successives : au sommet, les plateaux calcaires en cours d’enfrichement ou plantés de résineux, les escarpements rocheux artificiels ou naturels et leurs éboulis boisés, puis les vignobles en coteau et les plaines bocagères héritées des cultures monastiques.

Ceci permet d’interpréter les conditions d’élaboration de ce paysage ancien qui doit essentiellement à la présence continue des moines. Les règles des monastères ont favorisé la présence d’une population stable qui a façonné le paysage par des pratiques viticoles forgées par des savoir-faire fondés sur l’observation sur de longues périodes.

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Le paysages de vignoble, est indéniablement un type de paysage fait pour être vu, il évoque le produit fini et convoque sa charge symbolique. En Bourgogne la parcellisation des terres compose un camaïeu délimité, souligné, découpé dont la vue paysagère régale l’œil des variations d’alignement. Le paysage viticole incite peu à la promenade, sa découverte spectaculaire n’invite pas à la déambulation entre les vignes. Lieux de travail et de production, la vigne requiert des soins méticuleux et une attention soutenue, on ne vagabonde pas dans les inter-rangs. Sa valeur et sa renommée incitent au respect, on regarde mais on ne touche pas. On dégustera, car seul le produit de la vigne permettra d’apprécier la qualité dans un raccourci qui de la vigne au verre racontera chaque étape de la production.
La beauté singulière des « Climats » se livre dans la vue d’ensemble.

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Trois types d’occupation des sols : le bâti, la vigne et la friche. Composition directement observable depuis les chemins à flanc de coteaux. Quand on marche en surplomb de Chassagne-Montrachet aux lisières de la friche forestière et des buis sauvages, le regard porte sur la mosaïque de vignes délimitée par les murets et les routes et chemins qui enceignent le village, les domaines et leurs bâtiments d’habitations et viticoles, alors que la voie ferrée et la nationale convergent vers les abords de Chagny et sa périphérie. La mythique Nationale 6 qui reliait Paris à l’Italie via la Bourgogne et Lyon a perdu sa renommée de route des vacances depuis l’ouverture de l’autoroute A6.

La terre des parcelles a une telle valeur que l’on dit que les viticulteurs, lors d’un achat, goûtent la terre pour apprécier le goût du futur vin qui sera susceptible d’y être produit. Mais on dit aussi qu’il faut gratter la terre sous les semelles en quittant une parcelle pour ne pas éparpiller un bien si précieux. Un dégustateur averti retrouvera dans son verre l’identité de la terre.

La friche est essentiellement le terrain de prédilection du buis. Les particularités du buis compliquent sa gestion. Car il s’agit d’un bois dur avec une grande capacité de repousse après coupe, toxique pour le bétail et d’une longévité exceptionnelle.

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Les buxaies trouve toute leur place dans l’équilibre écologique il s’agit de les contenir car elles sont une composante du paysage et participent de la typicité de ce paysage.

Deux lectures permettent de lire ce paysage.

Une lecture temporelle. Le paysage qui s’offre aux visiteurs actuels est le résultat de trois étapes historiques :

* Le phylloxera à la fin 19ème siècle qui a obligé à structurer l’alignement des vignes

* La délimitation des appellations d’origine par de actes juridiques

* L’évolution des moyens de production avec le développement des enjambeurs, puis de l’hélicoptère.

Une lecture spatiale permet d’appréhender par l’observation de l’étroite corrélation entre les activités humaines et les lieux où elles s’exercent, une toponymie caractéristique des régions viticoles d’excellence. En effet, la région Bourgogne imbrique villages et lieux-dits dont les noms désignent tout à la fois le lieu de production et le produit. Par le décret du 27 novembre 1879, la commune de Chassagne-le-Haut est autorisée à changer son nom en Chassagne-Montrachet, du nom du climat le Montrachet, classé grand cru.

La carrière de Chassagne-Montrachet entaille blanche à flanc de côte, marqueur essentiel du paysage. Le « calcaire de Chassagne », un calcaire blanc à petits grains ronds a été utilisé pour le bâti local. Les maisons de la Côte de Beaune sud, mais aussi des Châteaux et l’Hôpital de Meursault en témoignent.  Cette pierre est aussi un des substrats du Climat de Montrachet. La carrière à ciel ouvert de Chassagne dont les déblais, appelés « cavaliers », enrichissent la morphologie du paysage de la côte par la rupture visuelle qu’ils occasionnent.

Cette pierre marbrière a pour caractéristique d’acquérir, après polissage, un brillant de qualité. Moins onéreuse que le marbre, la pierre de Chassagne a été utilisée sur de grands chantiers comme le Grand-Louvre, à Paris, mais aussi au palais royal Fahd Bin Abdulaziz, à Fès, au Maroc, ainsi que dans divers chantiers au Qatar, en Arabie Saoudite, aux Etats-Unis, etc. Ce type de pierre est aussi exploité en côte de Nuits, sous le nom de Comblanchien.

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Parler d’un « Terroir de la Pierre » n’est pas un abus de langage tant les liens entre le travail du sol et du sous-sol sont étroits. L’extraction des matériaux des multiples « perrières » a servi aux constructions des bâtis vignerons : murets, meurgers, cabottes, habitations, celliers…, leur conférant ce cachet typique de la pierre sèche. Les anciennes perrières reconverties en vigne ont donné leur nom à des Climats racontant la relation étroite qui unit vignes, vins et villages. En plus des perrières, le sous-sol est riche de diverses ressources comme les argilières, les gravières, les lavières qui servent de couvertures aux toits traditionnels.
Avec la taille guyot simple -simple, avec une baguette de cinq à huit yeux et un courson de un à trois yeux-, qui étale les sarments, le viticulteur obtient un palissage qui favorise l’ensoleillement et limite l’hygrométrie au niveau de la vigne, grâce à la circulation d’air.

Le cycle végétatif de la vigne se compose de phases successives.  Le calendrier de la vigne ou commence la taille pour se clore avec les vendanges généralement en septembre.

Pour comprendre et apprécier le paysage viticole, il est indispensable d’identifier la phase dans laquelle se trouve la vigne au moment de la marche dans le vignoble. Du point de vue paysage, chaque phase offre un aspect spécifique avec des dominantes de couleurs, mais aussi d’activités humaines qui modifient la perception qu’en aura l’observateur.

Car, la surface foliaire est un élément fondamental des paysages de vignes qui s’offrent à l’observateur suivant les saisons. L’alignement parfait des rangs de vignes avec des feuilles ordonnées.

Le ‘’palissage’’ des rameaux sur les fils de fer malgré ses qualités visuelles et sa photogénie n’a aucun motif esthétique. La surface foliaire doit être maintenue homogène et suffisante pour faciliter le processus de photosynthèse.

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La densité de plantation influence la surface foliaire. Une grande partie des travaux du viticulteur tout au long du cycle végétatif de la vigne, concourent à l’optimisation de la surface foliaire. On appelle surface foliaire l’avers et l’envers de la feuille de vigne, de la vigne au-dessus des pieds des ceps. On notera que les grappes poussent sous la partie foliaire.

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Dès 1530, suite aux excès de la Renaissance, une vague de pudibonderie entraîna des actions de masquage de la nudité sur les œuvres d’art. Ces altérations des oeuvres connues sous le nom de surpeint ou repeint de pudeur étaient effectuées généralement par un ajout de feuilles de vigne. A l’origine, il s’agissait de feuilles de figuier conformément au texte de la Genèse « Et les yeux de tous deux furent ouverts ; ils connurent qu’ils étaient nus, et ils cousirent ensemble des feuilles de figuier, et s’en firent des ceintures » (Genèse 3 : 7). Cette pratique perdura jusqu’au 19è siècle en particulier dans l’imagerie médicale et à visée pédagogique. La feuille de vigne devint ainsi le symbole de la pudibonderie et d’une forme de censure.

 

 

 

L’enjambeur apparaît dans les années 50, il va supplanter le cheval et ouvrir une nouvelle ère dans la conduite de la vigne. Dès l’origine de ce tracteur à pont les inventeurs vont suivant les régions développer des modèles plus ou moins performants. En Bourgogne, l’entreprise fondée par Emile Bobard en 1927, développera en 1957 un enjambeur qui va travailler dans les plantations dont les allées de passage varient entre 0,90 m et 1,50 m. L’enjambeur participe de la modification du paysage,

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En période de taille de la vigne de décembre à mars, l’odeur caractéristique du sarment brûlé, envahit les villages bourguignons. Cette fumée fortement parfumée est assez tenace pour imprégner durablement les cheveux et tous les vêtements. Images typiques du vignoble bourguignon, les colonnes de fumée qui s’élèvent des vignes. Les sarments sont brûlés dans des genres de brouettes dites « breulots ». Chaque viticulteur bricole la sienne , le modèle le plus répandu est réalisé avec une roue de vélo, une armature de tuyaux de fer sur laquelle on installe un bidon métallique fendu sur la longueur puis ouvert et percé de trous à l’opposé pour le tirage et l’évacuation des cendres.

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Les tournières désignent les abords des lieux cultivés enherbés. Ces lisières herbeuses des vignes ont avant tout un rôle technique et environnemental, mais elles impactent aussi le paysage. Cette pratique à la fois maîtrisée et naturelle est un des marqueurs d’une agriculture partenaire de la nature. La vigne enherbée en Bourgogne prend aussi en compte cet aspect.

Les abords de parcelle sont enherbés, même si c’est l’option sol nu est retenue sur le reste de la parcelle. Parfois la végétation spontanée est suffisante, sinon les espèces semées peuvent être identiques à celles utilisées pour enherber les inter-rangs. L’enherbement des abords des parcelles a le même impact sur la protection contre l’érosion et la réduction du ruissellement que dans l’inter rang. Les bandes enherbées, interfaces entre les vignes et les autres milieux : haies, talus, bois, prairies, autres cultures…, servent à protéger la parcelle mais aussi à héberger et nourrir nombre d’insectes.

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Dans une société urbaine, les citadins se ressourcent en accédant aux plaisirs de la nature et à la découverte des paysages. Les paysages de vignes varient au cours des saisons, situés comme La Côte de Beaune sur des contreforts, mais travaillés, entretenus, le touriste urbain malgré le dépaysement est rassuré par ces espaces aménagés. Il s’agit de paysage construit par une longue histoire ancrée dans la mythologie et les religions.  Il y découvre un mode de vie, des plaisirs de la table associés à la production locale dont il pourra acquérir les produits pour retrouver et faire partager les sensations et évoquer le souvenir par le goût et l’odorat, lors de l’ouverture d’une bouteille. La vigne est une culture peuplante, un écosystème vivant, mais aussi habité et marqué par les traditions, des abbayes, des villages, des domaines, des châteaux, des chais, des caves,…

Les visiteurs d’Une partie de campagne en ont fait l’expérience lors des journées du 10, 11 et 12 juin.

vue aérienne

 

 

Note :

*Climats du vignoble de Bourgogne, Ouvrage collectif, Préface de Bernard Pivot, Collection « Le Verre et l’assiette » – éditions Glénat, 224 pages. Format : 245 x 328 mm, Prix : 49 €

Texte et Photos Jacques Clayssen

 

Juin 2017-Note d’actualisation à propos du film de Cédric Klapisch

Le titre à l’époque du tournage: Le vin et le vent, n’était qu’un titre de travail, le titre commercial joue astucieusement sur le lien familial et la lie du vin, ce titre résume à lui seul la problématique du film. C’est donc à l’occasion de la sortie en salle de son dernier opus Ce qui nous lie que le réalisateur Cédric Klapisch  compare avec poésie, le travail du vigneron et du réalisateur : « on récolte des images pendant le tournage,puis elles maturent lors de la postproduction, comme le raisin en tonneaux dans les caves. Il y a beaucoup de ressemblances entre les métiers de vigneron et de réalisateur : il faut savoir observer, travailler sans compter ses heures, ne jamais baisser les bras. Tout ça pour offrir du bonheur, en bouteille ou sur grand écran. » extrait du JDD du 11 juin 2017.

En mars 2017, La Galerie Cinéma à Paris, 26 rue St Claude Paris 3 présentait les «photographies de repérage» du réalisateur avant le tournage de Ce qui nous lie. Nous avons sélectionné deux images que le réalisateur présentait dans l’exposition «La nature humaine».

En marche dans les climats

Le samedi 11 et le dimanche 12 juin deux groupes de marcheurs ont sillonné les routes et chemins pour relier Chassagne-Montrachet à Chagny. Une Partie de Campagne à l’épreuve des Climats. Qu’ils soient collectionneurs, artistes ou amateurs, les marcheurs se sont égayés entre les parcelles de vigne par les chemins de traverse à la découverte de ces lieux aux noms évocateurs.

Samedi 11 juin– pour commander les photos de ce jour

Eric Larrayadieu -Photographe

Tel: + 33(0) 611 621 938

www.ericlarrayadieu.com

Dimanche 12 juin

 

Bâtons/Mémoires

Le bâton est associé à l’humanité depuis ses débuts, il en a accompagné toutes les évolutions et s’est diversifié dans un grand nombre d’usages : aide à la marche, arme guerrière, signe de pouvoir ou instrument de chasse. Outil polyvalent, il a pris des formes esthétiques très diverses et souvent très codées, chaque culture ayants ses bâtons décorés, gravés, sculptés, peints ou ornés, aux significations précises et la plupart du temps rituelles. La pratique du WalkScape se devait de rendre hommage à ce compagnon fidèle des marcheurs, des pèlerins et le bâton s’est imposé comme élément de mémoire, autre forme de récit et d’écriture destinée à rendre compte de chaque œuvre, symbolique douce de l’esprit d’un parcours, à la limite de la sculpture, de l’installation et de l’objet fétiche.

Le bâton-mémoire est orné de parures et de signes le liant exclusivement à un walkscape. Il est support des attributs symboliques ou littéraux d’un chemin, d’une voie. Le bâton-mémoire, participe de la tresse narrative à l’œuvre dans le walkscape. Ce bâton condense sur sa partie haute les éléments d’une histoire à travers des objets issus pour une part d’association d’idées, d’affinités électives, d’évocations et d’autre part d’objets témoins collectés sur le parcours, dont le statut de reliquat leur confère une aura singulière. Le bâton-mémoire, objet narratif qui à travers sa composition  offre à chacun un support à l’imaginaire. Il évoque et convoque tout à la fois des points de vue propres à chacun selon la connaissance ou l’expérience qu’il a du walkscape et ses référents culturels.

Œuvres d’imagination, ces sculptures, éléments en volume ou ces tableaux en relief suivant la perception de chacun, racontent l’histoire d’un parcours mental restituant un parcours physiquement réalisé et éprouvé lors d’un walkscape. De forme cylindrique, le bâton une fois pris en main, déroule sous toutes ses faces une figuration enlacée à sa forme à l’instar du bâton d’Asclépios autour duquel s’entoure la couleuvre. Le bâton-mémoire s’impose par son inscription dans le champ de la marche comme l’accompagnateur traditionnel du marcheur. Au titre d’emblème de la marche,  le bâton-mémoire constitue le support naturel d’une matérialisation de l’expérience esthétique de celle-ci.

Ci-dessous quelques exemples historiques ou contemporains, de l’exposition des bâtons des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle aux foires anglo-saxonnes de walking sticks en passant par les ateliers d’enfants autour de cet objet et également les réalisations de DéMarches pour ses WalkScapes, décrites plus complètement dans le cadre de chaque parcours.

Les Barthes avec Roland

Un walkscape, dédié à la mémoire de Roland Barthes, sur les traces d’un parcours entre Bayonne et Urt qu’il appréciait. Le célèbre sémiologue et critique appartenait à une famille dont les domiciles se déplaçaient au fil des événements sur une bande littorale d’Hendaye à Hossegor en passant par Biarritz et Bayonne avant de s’arrêter dans le village d’Urt.IMG_1561
CARTE DEF URT

Des résidences familiales, des institutions d’enseignement tracent une cartographie de lieux connus et célèbres ou discrets et méconnus. Ces lieux ont fait l’objet d’études, de notes, d’observations qui ont alimenté ou documenté les biobliographies de Roland Barthes. En 2015, lors des manifestations du centenaire de sa naissance, en Aquitaine, de nombreuses productions et travaux ont mis à jour des aspects liés à ce territoire familial.

Notre contribution se situe localement sur un parcours familier des auteurs et de Roland Barthes. Trajet commenté par ses soins dans le texte publié par l’Humanité en 1977 sous le titre  La lumière du Sud-Ouest. Un texte singulier dans l’oeuvre de Barthes, il y évoque en effet dans un style littéraire inusité des souvenirs intimes à travers ses sensations.

Ce walkscape hommage à la mémoire de Barthes commence là où Bayonne fini le long de l’Adour vers les Landes.

Point de départ : Moulin de Bacheforès
Ce moulin à marée construit en 1642, sur la rive droite de l’Adour à Bayonne, est l’un des derniers témoins d’une technique originale. Il se compose de trois paires de meules à grains, entraînées par des roues à augets horizontales. Il fonctionne sur les mouvements de la marée. L’étang se remplit à marée montante puis se vide à marée descendante à l’ouverture des vannes qui entraînent les meules.
Point d’arrivée : cimetière d’Urt.
Village situé à une quinzaine de kilomètres à l’est de Bayonne,  dans la province basque du Labourd, il jouxte le département des Landes.  Henriette Barthes s’y installera dans les années 60, dans la maison Carboué. Elle y  accueillera ses enfants jusqu’à son décés en 1977. Enterrée au cimetière d’Urt, situé non loin de sa maison, son fil Roland sera inhumé dans le même caveau à son décès en 1980.

Le bâtiment qui était en cours de construction lors de notre parcours, abrite une médiathèque, une cantine et des locaux associatifs. Il est implanté sur le site de l’ancienne médiathèque Roland Barthes. Il est ouvert depuis novembre 2016.

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Ce parcours se déroule aujourd’hui en majeure partie le long de l’Adour sur la D74. Une voie mixte vélos-piétons permet de marcher en toute sécurité, à l’exception de quelques passages non aménageables du fait de l’étroitesse de la voie.

Photos du parcours par Patrick Laforet