Des hadrons aux piétons – Le Grand Paris Express

L’accélérateur du Grand collisionneur de hadrons, au nord-ouest de Genève, est constitué de 27 km de tunnel, à 100 m sous terre, dans lequel les particules sont lancées à 99,9999991% de la vitesse de la lumière et vont effectuer 11 245 fois le tour de l’accélérateur par seconde.

En adaptant les chiffres, ce pourrait être une présentation du Grand Paris Express, ce tube de béton en majeure partie enterré qui vient s’ajouter à la Petite Ceinture et aux périphériques pour ceindre un territoire en expansion.

Les aménagements urbains s’implanteront aux confins de terres agricoles traitées aux pesticides, des gares seront érigées au milieu des champs (le Mesnil-Amelot : 850hab) favorisant les opérations immobilières et la gentrification de banlieues dont les plus défavorisés seront rejetés hors du périmètre. Ce qui nécessitera dans quelques décennies un nouvel anneau, répétant ainsi les mêmes erreurs.

© Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris

Pour vendre ce projet qualifié de  plus grand projet urbain en Europe, une opération de séduction d’envergure propose de parcourir à pied les territoires promis aux aménageurs en charge des projets. Les mêmes arguments que ceux qui ont présidé à la construction de Noisy-le Grand, sont utilisés pour vendre un mode de vie, des visions d’avenir. A la fin des années 70, le futur se dessinait un nouvel avenir avec les Camemberts de l’architecte espagnol Manuel Nuñez Yanowsky ou encore les Espaces d’Abraxas de l’architecte espagnol Ricardo Bofill, et le système SK, métro hectométrique lancé en 1988 à la suite de l’annonce du « complexe Mail-Horizons » du promoteur Christian Pellerin. Métro qui devait alors relier deux stations du quartier d’affaires à la gare de Noisy-le-Grand-Mont d’Est sur la ligne A du RER d’Île-de-France. Ligne et matériel construits et abandonnés.

Aujourd’hui, hors le réseau express,  les arguments restent identiques avec la couche de préoccupations écologiques venant à point nommé verdir l’ensemble des projets d’aménagement de villes interconnectées par un anneau de vitesse.

document Le Grand Paris Express

Les critiques sont malvenues, l’adhésion est de mise et pour finir de convaincre les plus réticents, la communication s‘habille de promenades, de campagnes photographiques et de romans. Un récit visant à métamorphoser des territoires disparates en une image unifiée, dans l’esprit d’habitants à la conscience territoriale fractionnée.

Des pratiques, théorisées au début du XXème siècle, contribuent à changer les modes opératoires des aménageurs et des urbanistes comme le souligne Francesco Carreri dans La marche comme art civique. (1)

En 1913, Patrick Geddes (2), biologiste écossais déjà reconnu à l’époque, invente Civics, un nouveau cours universitaire consacré à l’étude pratique de la ville, vue à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolutionnisme à la civitas. C’est la naissance d’une nouvelle discipline, inexistante jusque-là : l’urbanisme itinérant, une science civique qui propose aux étudiants et aux futurs planners de se plonger directement dans ses replis, de s’« échapper des abstractions courantes de l’économie et de la politique au sein desquelles nous avons tous été plus ou moins élevés » pour revenir « à l’étude concrète, à partir de laquelle la politique et la philosophie sociale ont à vrai dire vu le jour dans le passé, mais se sont trop égarées – celle des villes comme nous les trouvons, ou plutôt comme nous les voyons se développer » (Geddes, 1994). L’urbanisme naît donc à pied, de façon labyrinthique et participative, comme méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer les villes. Il n’en résulte pas une vision abstraite et surplombante sous forme de cartes statiques divisées en zones fonctionnelles colorées, mais plutôt un récit phénoménologique évolutif, décrit depuis un point de vue horizontal, mis en mouvement en marchant dans les replis de la ville : la survey walk. 

La marche est tendance, la marche est fédératrice, la marche véhicule de valeurs qui cautionnent les aménagements. Le piéton devient la mesure des espaces publics.

« La marche est révélatrice d’espaces, la marche énonce les lieux, chaque pas épelle un morceau de territoire, chaque itinéraire épouse le phrasé de la ville » Michel de Certeau.

De qui piéton est-il le nom?

la réponse de Thierry Brenac et Martin Claux dans : Réflexions sur le sens des mots – piéton, marche, déambulation (3) en précise le sens avec à propos

Le mot de piéton qualifie celui qui va à pied, mais aussi, plus largement, celui qui est à
pied. C’est un dérivé du verbe piéter, qui n’est plus que rarement utilisé aujourd’hui, mais qui a également un sens statique (comme dans « se piéter devant quelqu’un » – on dirait plus couramment aujourd’hui « se planter devant quelqu’un »). D’autre part, piéton est un
substantif, et ne désigne pas l’action en elle-même (aller à pied ou se tenir sur ses pieds), mais qualifie la personne, pour une certaine période du moins : le piéton qui s’assoit sur un banc est encore un piéton.

Dans cette publication, les auteurs précisent leur point de vue sur la marche urbaine :

Au-delà des fonctions hygiénique et environnementale prêtées à l’aménagement dans le
cadre des politiques de développement de la marche, il semble probable que ces politiques
portent la marque du tournant entrepreneurial de l’action publique urbaine. Une rapide revue
de la littérature grise et scientifique le laisse à penser. Ainsi, pour Sonia Lavadinho (4) le regain
d’intérêt pour la marche s’explique en partie par le souhait des gouvernements urbains de
développer l’activité touristique urbaine et de doter leurs territoires des attributs considérés
comme nécessaires à l’attraction des classes créatives.

Celles et ceux qui souhaitent assister le 23 octobre à la Conférence Les piétons du Grand Paris – Regards croisés sur la marche urbaine, sont invités à s’inscrire.

Notes :

(1) Extrait de [La marche comme art civique (Walking as Civic Art) de Francesco Careri Traduction de Laura Brignon]

(2) Patrick Geddes (né le  à Ballater, Aberdeenshire, Écosse et mort le  à Montpellier) est un biologiste et sociologue écossais, connu aussi comme un précurseur dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, l’économie, l’urbanisme, la géographie, la muséographie et surtout l’écologie.

(3)
– Thierry Brenac Chargé de recherche, IFSTTAR, TS2, LMA
– Martin Claux Maître de conférences, Institut de Géoarchitecture, Université de Bretagne occidentale

(4) Sonia Lavadinho, Le renouveau de la marche urbaine : terrains, acteurs et politiques, Thèse de doctorat, ENS de Lyon, 2011

 

 

PhotoPaysage

Débattre du projet de paysage par la photographie, tel est le sous-titre explicite de cet ouvrage conçu sous la direction de Frédéric Pousin -architecte DPLG, est docteur de l’EHESS et habilité à diriger des recherches. Directeur de recherche au CNRS au sein de l’UMR 3329 Architecture, urbanisme, société (AUSser), dont les travaux portent sur le paysage urbain et le rôle du visuel dans la construction des savoirs.

Des textes ou interventions de 18 chercheurs, photographes, paysagistes réunis dans ce livre  aboutissement d’un projet de recherche collectif mené sur trois ans, Photopaysage édité par Les Productions du Effa évalue les rôles joués par la photographie au sein des fabriques du paysage.

Lors de la présentation à la librairie Volume, Frédéric Pousin s’est attaché à préciser le terme clef du livre, à savoir projet de paysage.  Terme qui correspond à l’anglais landscape architecture.

Frédéric Pousin

Il est question du rapport que l’architecture du paysage entretient avec la photographie dans un périmètre d’étude englobant la gestion des grands espaces jusqu’aux espaces publics urbains, y compris les Observatoires photographiques des parcs nationaux.

de droite à gauche : F.Pousin, A.Petzold, M-H.Loze, S. Keravel

Une première partie réunit des essais dont un texte de Tim Davis portant sur le rôle de la photographie dans le développement des parcs nationaux américains. Alors que Chris Wilson éclaire le rôle des écrits de J.B. Jackson, dont l’influence est toujours actuelle, dans lesquels John Brinckerhoff Jackson  pose les fondamentaux de la relation paysage et photographie dès 1951 dans sa revue Landscape.

Laure Olin examine les moyens de monstration des images. Dans son essai sur la pratique de l’architecture paysagère américaine, 1950-2000, l’auteur dresse un inventaire des publications et des moyens de production et de diffusion des photos. Le trio appareil 24×36, diapositive et projecteur de diapositives occupe alors une place prépondérante qui donne un effet vintage .


La deuxième partie
présente les actes d’une table-ronde entre photographes et paysagistes autour de leur collaboration.

Le livre essaie de porter un work in progress, dira Sonia Keravel, avant d’ajouter que les duos paysagistes-photographes se fondent sur des relations durables établies sur des rapports amicaux. Le paysagiste cherche un regard d’auteur susceptible d’amener une approche différenciée.

La problématique de la photographie ne se résume pas à la commande, elle doit aussi donner à penser.

Marie-Hélène Loze observe que lors de ces échanges, si la photo est au service du projet d’aménagement, chaque corpus photographique est une part d’une multiplicité d’approches. La photo peut constituer un déclencheur d’échanges entre les acteurs, témoigner de la temporalité des projets ou encore illustrer les réalisations.

L’Atelier Marguerit explicite dans son document sur le Lauragais ce qui caractérise ce type de projet : La démarche du plan paysage n’est pas la production d’un “album photos”, teinté de nostalgie, mais une réflexion sur l’émergence des nouveaux enjeux de paysage. Notre rôle est d’accompagner une évolution, afin que la rencontre entre le territoire, les acteurs génère un projet de paysage en rapport avec notre passé.

La troisième partie expose cinq portfolios illustrant des projets urbains et ruraux tant en France qu’à l’étranger.

Lors de son intervention, Alexandre Petzold a expliqué sa démarche. Il a poétiquement établi un parallèle entre le développement de la photo et l’évolution de la nature, en montrant comment deux photos d’un lieu du chantier montraient un tapis végétal verdissant une ancienne zone de terre meuble. Il revendique une fidélité à ces lieux sur lesquels il intervient en trois étapes: Imprégnation, appropriation, restitution.

Alexandre Petzold

 

Le livre a été introduit, le 23 mai,  par Françoise Arnold pour Les Productions de EFFA comme un objet fabriqué avec des moyens inhabituels pour ce type d’ouvrage.

Françoise Arnold

En effet, l’ouvrage a fait l’objet de soins particuliers. Chacune des trois sections est imprimée sur un papier adapté à la thématique. Papier mat décliné dans une gamme de grège pour la publication des essais abondamment illustrés, le même papier en bleu pour la table-ronde et enfin un papier couché brillant pour les portfolios.  Le tout servi par une maquette claire, dans une typographie facilitant la lecture, avec des encarts et des titrages permettant de hiérarchiser les informations. Autant d’atout pour offrir aux institutions, aux professionnels chercheurs, paysagistes, architectes, aménageurs, photographes et aux passionnés d’images et de nature, un ensemble de qualité tant pour les textes que pour les documents d’illustration ou les portfolios des photographes.

Aujourd’hui d’importants bouleversements technologiques modifient les pratiques. Le numérique a supplanté l’ektachrome, les vidéoprojecteurs ont mis au placard les projecteurs de diapositives, les tablettes permettent un nomadisme des présentations sur écran, les montages sur ordinateur et les logiciels de traitement d’images transforment les photographes en magicien, les moyens de prises de vue aérienne permettent, avec les drones, d’accéder facilement à la « vision de l’oiseau » et last but not the least, le timelapse compresse le temps.

Autant de perspectives d’études pour les équipes. La mutation des paysages s’accompagne d’une évolution des moyens de production et de post-production dont les effets restent à analyser.

Table des matières
• Jalons pour une approche interculturelle. Frédéric Pousin
• Nouvelles perspectives sur la photographie des parcs nationaux américains. Tim Davis
• L’année 1994. Une décennie de missions photographiques au sein des institutions de l’aménagement du territoire. Raphaële Bertho
• J. B. Jackson, la photographie et l’essor des études du paysage culturel. Chris Wilson
• Ordre et ambiguïté. Le paysage urbain dans Landscape, le magazine de J. B. Jackson. Bruno Notteboom
• Voir, c’est croire/Les apparences sont trompeuses. La photographie dans la pratique de l’architecture paysagère américaine, 1950–2000. Laurie Olin
• Les discours photographiques de Gilles Clément. Frédéric Pousin
• Du photoréalisme au post-photographique, les paysages imaginés du Bureau Bas Smets. Marie-Madeleine Ozdoba
• Quand la photographie se mêle du projet de paysage. Gérard Dufresne et Alain Marguerit : trente années de collaboration. Sonia Keravel
• Après Strand, anatomie d’un projet photographique. Franck Michel 

• Exposer, publier, communiquer sur le projet de paysage par la photographie : table ronde autour des photographes Alexandre Petzold, Édith Roux, Geoffroy Mathieu, Bertrand Stofleth et des paysagistes Pascale Hannetel, Valérie Kauffmann, Catherine Mosbach ; avec Marie-Hélène Loze, Raphaële Bertho, Sonia Keravel, Cristina Ros et Frédéric Pousin.

• Portfolios
Alexandre Petzold : Le parc du Peuple de l’herbe
Édith Roux : Scalo Farini
Geoffroy Mathieu : Le principe de ruralité
Bertrand Stofleth : Rhodanie
Debora Hunter : Taos, Nouveau-Mexique

Vente en librairie spécialisée, prix 29€

Contact :

Les Productions du Effa
56 rue des Vignoles
75020 Paris

editions@lesproductionsdueffa.com

 

 

 

Entre prière et ode – Franck Ancel

La librairie Mazarine,  présente jusqu’au 24 juin une exposition de Franck Ancel.  Un projet multimédia qui s’ancre à la frontière franco-espagnole sur Cerbère et ses environs.

Ce territoire frontalier, qui dit frontière disait avant l’espace Schengen, contrebande et par conséquent chemins de montagne qui évitent les douanes.

vue Google map de Portbou

« En 1998, Franck Ancel découvre simultanément sur la frontière franco-espagnole l’hôtel le Belvédère du Rayon vert, à Cerbère, et Passages le monument de Dani Karavan à Portbou… »*

Hôtel Le Belvédère du rayon vert à Cerbère

Puis de rebond en écho, au fil des années le projet embarque Vila-Matas, Frédéric Kiesler, Marcel Duchamp et Walter Benjamin.

« En 2004, Franck Ancel lit dans Passages de Dani Karavan un extrait du Labyrinthe d’Odradek, de Vila-Matas. »*

Odradek est un mot que l’on trouve dans la nouvelle inachevée de Kafka Le souci du père de famille .
[Ce mot inventé a donné lieu a de multiples interprétations, il désigne à la fois une poupée et un prodige tombé du ciel, une mécanique de l’horreur et une étoile, une figure du disparate et un microcosme ; en somme, le modèle réduit de toutes les ambiguïtés d’échelle de l’imaginaire, car selon Walter Benjamin « Odradek est la forme que prennent les choses oubliées. »] Description issue de Liminaire.

 

Dani Karavan-Passages- photo Jaume Blassi

 

 

Ce projet généré par un lieu, des passages et des échos artistiques se matérialise sous la forme d’une application pour mobile : Chess-border, téléchargement gratuit sur l’App Store ou sur Google Play, en cinq langues. L’appli enrichit l’écoute sur le Vinyle, en vente à la librairie, d’extraits de la lecture du livre de Vila-Matas par Franck Ancel et d’une spirale sonore réalisée par Vincent Epplay à partir de sirènes.

capture écran de Chess-border

Chess-border, titre polysémique, joue sur les mots : jeu d’échec et frontière respectivement pour chess et border en anglais qui en mot composé désigne le plateau de jeu. Particulièrement soignée, l’appli permet d’appréhender la globalité de l’oeuvre grâce à une interface efficace. Le plus techno, un damier d’échec qui se modélise sur les Pyrénées en géolocalisation. Vous pourrez en profiter lors de la marche que nous vous proposons sur les pas de Walter Benjamin :

Parcours

depuis le hameau du Puig del Más. En grimpant dans les vignes, puis par d’anciens chemins en balcon, vous marcherez au milieu d’une végétation assez dense mais relativement rase.
Suivre le balisage Jaune du « Sentier Walter Benjamin« , qui coïncide également avec un ancien chemin de contrebandiers et avec la Route Lister, jusqu’à la Tour de Querroig.
Un chemin en balcon, après être passé sous la ligne à Haute-tension amène à la frontière franco-espagnole. Le retour depuis la Tour de Querroig se fait par un chemin de crête. le panorama est superbe.

Distance de Banyuls à Portbou : 14,45km, prévoir une durée de 5h30 en comptant une pause d’une heure.  Le chemin culmine à 745m d’altitude.

A Portbou, une visite de l’immense gare s’impose avant de rejoindre le cimetière marin.

*extraits du texte au recto de la pochette du Vinyle en vente sur place – voir repro ci-dessous

verso de la pochette du Vinyle

                                           Librairie Mazarine, 78 rue Mazarine, Paris 6

Tarnos, un cocktail naturel à déguster avec précaution

Aux confins des Landes et du Pays Basque, Tarnos s’étend sur une zone littorale typiquement landaise. Le bleu de l’océan, la blondeur des dunes, le vert de la pinède, les trois couleurs de la palette Aquitaine. Mais prenez garde, regardez où vous mettez les pieds, ici le piéton libéré des contraintes de circulation déambule dans un espace naturel dont il ne soupçonne pas les fragiles richesses. Le cocktail : mer, plage, sable chaud et vacances tend à affranchir des contraintes au profit d’un usage ludique dénué de responsabilité.

L’estivant, le touriste de passage n’exonèrent toutefois pas le résident, le chasseur ou le promeneur du dimanche de ses responsabilités. Le risque anthropique sur un site fragile ne différencie pas les piétinements, il les subit.

Tarnos, Landes © Radio France

Le pied tond ce qu’il foule. Et l’été la foule des estivants envahit ces espaces fragiles que sont les dunes dont le dénuement apparent abrite des espèces rares tant florales qu’animales.

A Tarnos, une vaste zone classée Natura 2000 mixe la plage du Métro réputée pour le surf, une ancienne piste d’aviation et des exclos dédiés à l’étude et à la préservation des espèces. Le toponyme Métro est lié à l’implantation en 1938 d’un centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien.

photo d’archives-DR

En 1938, lorsque s’implante le centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien, on ne parle pas de la plage du Métro qui n’existera qu’à partir de 1977. Durant la guerre civile espagnole, la commune de Tarnos accueille 150 réfugiés qui sont hébergés dans les locaux de la colonie de vacances du Métro. Il s’agit de l’exode vers la France, connu sous le nom de Retirada. Le centre fermera définitivement le 30 juin 1939. Les réfugiés seront alors transférés vers d’autres camps.

Les colonies de la RATP ont cessé depuis 1995. Tarnos a repris sa part de gestion du littoral, coincé entre un champ de tir hérité de Napoléon III, le port industriel géré par Bayonne, et une zone naturelle classée Natura 2000 depuis 1998. « Cela a été une longue bataille dans les années 80, résume Jacques Vigne, historien local. Il a d’abord fallu se battre pour chasser les entreprises qui venaient extraire du sable de la plage pour en faire des parpaings ! » selon les propos rapportés par Emma Sain-Genez dans un article paru en 2010 dans le quotidien local  Sud-Ouest

Ici, plus particulièrement, le biotope reste fragile : érosion naturelle et érosion anthropique se conjuguent souvent, menaçant la dune du Métro, alors que la  ligne littorale relativement stable bénéficie des effets de la digue. Concernant la dune, il est donc urgent d’agir et, bien avant le Grenelle de l’Environnement, l’Office National des Forêts, fondé en 1966, soucieux de préserver les écosystèmes, se préoccupe à la fois de fixer et de protéger le cordon dunaire qui ourle le massif forestier.

document ONF

Cette protection implique l’information de la population locale déjà sensibilisée par le classement, en 1969, des zones humides du secteur comme site inscrit sous l’appellation « Étangs landais sud ». Quelque 206 ha font en effet déjà l’objet d’un inventaire ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) qui a pour objectif, depuis 1982, d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. Un site d’intérêt majeur qui, compte tenu de ces éléments, entre tout naturellement dans le réseau Natura 2000 en 2003 et en ZSC (Zones Spéciales de Conservation) visant la conservation des types d’habitats et des espèces animales et végétales en 2006.

La dune c’est du sel, du sable, du vent, des amplitudes hygrométriques et thermiques importantes et des activités anthropiques sur un sol pauvre. Malgré ces difficultés de nombreuses espèces s’y sont implantées. La flore et la faune se répartissent en bandes parallèles à la côte, en fonction des variations des conditions liées à la plus ou moins grande distance de l’océan.

Cette imbrication de zones publiques et d’espaces protégés s’impose d’emblée aux regards des personnes fréquentant ces lieux. De nombreux panneaux affichent des messages pédagogiques ou des interdictions.

Le piétinement détruit les plantes qui fixent le sable : la circulation est donc interdite sur la dune aux piétons, chevaux et engins motorisés.

La prolifération de ces panneaux, dont certains particulièrement vétustes, signe la difficulté pour les responsables de maîtriser un périmètre sur lequel se côtoient vacanciers, promeneurs locaux, chasseurs, animaux domestiques et sauvages sur un sol sablonneux parsemé d’une flore mélangeant espèces invasives et espèces fragiles.

Car fouler du pied entraîne des conséquences, ici le pied écrase. Il suffit de regarder la dune pour constater que rares sont les espaces sans empreintes de pas. On a du mal à imaginer que le piétinement soit aussi important, comme si une foule gigantesque avait marché sur la dune sans épargner le moindre recoin. Probablement qu’aux pas des bipèdes que nous sommes, il faut ajouter les lapins, les chiens et autres quadrupèdes ainsi que les oiseaux, chacun laisse une empreinte dont le sable garde la mémoire.

La végétation végète, les pas détruisent des espèces au profit d’autres. Les plus fragiles disparaissent à force d’écrasement. Alors que les vents, les vêtements, les semelles sèment des variétés invasives qui supplantent les plantes locales. La flore strictement dunaire est constituée, dans le sud des Landes, d’une quarantaine d’espèces. 8 d’entre-elles sont endémiques, 12 sont protégées sur le plan national, plusieurs sont en cours de protection au niveau régional, dont le Lis mathiole -espèce régionale actuellement protégée-et le Silène de thore – une espèce endémique non protégée.

Les espèces adventices représentent au milieu de la flore autochtone, un élément perturbateur, d’autant que des espèces invasives comme l’herbe de la pampa supplantent rapidement les espèces indigènes.  Concernant les invasives, le Baccharis et surtout le Séneçon du Cap (et Herbes de la Pampa) constituent une problématique majeure à Tarnos, qui amène à engager de coûteuses actions.

L’amensalisme est une interaction biologique entre plusieurs partenaires dans laquelle l’interaction se révèle négative en termes de valeur sélective pour l’un des partenaires alors qu’elle est neutre pour l’autre partenaire.

Le piétinement des dunes participe du principe de l’amensalisme. En effet, il induit un coût important pour les espèces indigènes qui disparaissent quand elles sont sensibles au piétinement, alors que ce dernier n’implique ni coût, ni bénéfice pour l’humain qui piétine. Cette interaction a des implications importantes car elle induit une substitution d’espèces. En effet, des plantes sont remplacées par d’autres qui résistent mieux au piétinement.

Les humains entretiennent aussi des relations amensales avec de nombreuses espèces animales ou végétales. Ces dernières peuvent souffrir d’une ou plusieurs activités humaines, telles que la pollution des dunes par les détritus divers abandonnés sur place ou portés par le vent. A l’inverse les vestiges de constructions fournissent un habita à des espèces rares. En effet, certains écosystèmes ont été entièrement créés par l’homme à l’instar de la forêt landaise qui sert d’habitat à une biodiversité sauvage.

On notera dans la partie forestière la présence du chêne-liège, que l’on rencontre également au sein des buissons pré-forestiers. Là, règnent également les aubépines, les troënes, les brandes, mais aussi la Salsepareille d’Europe , connu sous le nom familier de« Herbe aux schtroumpfs ». Elle est associée au chêne-liège, créant avec ses hôtes supports, un véritable enchevêtrement. C’est un sous-arbrisseau lianescent, très rameux qui s’agrippe au moyen de vrilles sur les rameaux des arbustes et arbrisseaux. Elle participe à l’aspect dense des buissons.

En forêt, Le piétinement compacte les sols, détruit la végétation et empêche la repousse de la forêt. Évitez donc de quitter les sentiers : le réseau dense de chemins, et routes forestières fermées à la circulation des voitures, vous permettent largement d’arpenter la forêt.

Les interactions entre végétaux, animaux et hommes s’expriment sur les dunes avec une acuité particulière. La fragilité d’un milieu dont la granularité du sol le rend sensible aux effets de piétinement, mais aussi aux événements éoliens, conjugués à la pauvreté d’une surface découverte offerte aux éléments météorologiques brutaux constituent autant de facteurs de développement pour des formes de vie extrême.

Les exclos protègent les terrains du piétinement pour que les plantes endogènes se développent ou que des semis soient protégés. L’isolement des parcelles découpe la dune en clos entre lesquelles les promeneurs peuvent cheminer. Une clôture type grillage à moutons protège ces exclos des perturbations anthropiques.

Chaque exclos a une surface plus ou moins rectangulaire :

-Tarnos nord: 70 x 80m = 5600m²

-Tarnos sud: 145 x 60m = 8700m²

pour le site de Tarnos [ces expérimentations] ont permis de montrer des effets positifs des exclos sur les populations végétales par une augmentation générale du recouvrement du sable nu:

-des espèces nouvelles en particulier des annuelles et vivaces géophytes ont été recensées sur le protocole de suivi,

-des espèces des dunes semi-fixées à fixées présentent une bonne vitalité (nombreuses plantules) et participent à la fixation du sable nu et à la restauration de la végétation de dune grise tandis que les espèces de dunes mobiles tendent à être remplacées.

-développement et restauration des habitats d’espèces d’intérêt patrimonial (Alyssum loiseleuri, Dianthus gallicus, Silene portensis, Solidao virgaurea macrocarpa…)

Cependant, la végétation de dune grise continue de subir de nombreuses perturbations comme la fréquentation humaine (piétinement, arrachage de piquets-repères) mais elle est également soumise à des apports de sable (faible et récurrent), et à l’action du lapin.

Les dégradations anthropiques posent des problèmes de suivi de la végétation sur le protocole (Transects et Stations) en particulier pour l’exclos de Tarnos Métro …

Raphaël Jun – ONF – Révison DOCOB Dunes Landes- octobre 2012

L’ancienne piste d’aviation de Turbomeca fait l’objet d’une renaturalistion afin qu’elle soit à terme ensablée. La piste n’est pas immédiatement décelable, elle affleure par endroit. Le tarmac a fait l’objet de destructions partielles pour empêcher l’accès et l’installation de véhicules de type caravane ou mobil home. La piste, ainsi que les blockhaus fournissent des abris à quelques animaux dont des lézards ocellés, espèce protégée qui interdit la destruction de leur habitat.

document ONF

Photos Patrick Laforet – sauf autres mentions

Merci au spécialiste de l’écologie des dunes et des milieux naturels, Gilles Granereau, chargé de mission Natura 2000 à l’agence ONF LNA (Landes nord-aquitaine), pour son aide précieuse.

Pour consultation :

 

 

 

 

John Brinckerhoff Jackson, l’érudit amateur

La publication du n°30 de la revue « Les carnets du paysage » dédié à John Brinckerhoff Jackson a précédé l’ouverture de l’exposition « Notes sur l’asphalte, une Amérique mobile et précaire, 1950-1990 » au Pavillon Populaire, à Montpellier.

L’exposition présente près de deux cents photographies de six chercheurs américains dont la réputation scientifique, dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage, est acquise sur le continent américain : Richard Longstreth, Donald Appleyard, Chester Liebs, John Brinckerhoff Jackson, Allan Jacobs et David Lowenthal. De 1950 et 1990, ils ont parcouru les routes des Etats-Unis et immortalisé les paysages urbains ou ruraux.

John Brinckerhoff Jackson (1909-1996), historien et théoricien du paysage américain, se définissait lui-même comme « une sorte de touriste professionnel », explorant les territoires. Bien que né à Dinard et élevé principalement en Europe, ce personnage majeur de l’étude des paysages n’avait pas en France la notoriété attachée à son nom.

Ses conceptions des paysages et ses approches sur le terrain ne correspondaient en rien aux pratiques et traditions universitaires. Il avait fondé et dirigé pendant 17 ans la revue « Landscape » qui publia les textes du gotha de l’architecture et de l’urbanisme. Bien qu’enseignant dans de prestigieuses universités américaines, l’homme se considérait comme un amateur éclairé. Motard, il parcourait les contrées pour y photographier en ektachrome les signaux faibles de la présence humaine et les impacts de la mobilité humaine. Auteur de quelques 5000 photos documentant ses recherches, il utilisait la photo comme note, même si parfois il dessinait les paysages qu’il observait avec une acuité rare.

John B. Jackson plaçait ses observations sous le régime des « sceneries » et de « l’hodologie » plutôt que des « landscapes » et « walkscapes ».

Il insiste dans ses notes sur ces choix. Le paysage est ce qui est produit quand une société entreprend de modifier son environnement à des fins de survie ; alors que scenery désigne ce que nous allons voir et apprécier.

Gilles Deleuze, dans son cours sur la Vérité et le temps, s’interroge pour répondre par une synthèse performante « Qu’est qu’un espace hodologique ? C’est un espace vécu, dynamique, défini par des chemins – d’où son nom – des buts, des obstacles ou des résistances, des retours, bref, par une distribution de centres de forces. » c’est ce qui caractérise l’approche de Jackson, les tensions humaines et les interactions avec les lieux. Il préférait se préoccuper des similarités que des différences.

Abondamment illustré, Les carnets du paysage brossent le portrait d’une vie multiple. Photographe au talent affirmé, Jackson compose les scènes en centrant son sujet, il ne descendait pas de toujours de moto pour saisir rapidement des images d’une réflexion in situ dont on repère les spécificités dans des corpus photographiques ultérieurs. Les textes de son ami Chris Wilson, de Gilles A. Tigerghien et de Jordi Balesta expliquent ce qui singularise la démarche de Jackson. Ces conférences clefs sur paysage et environnement, paysage habité et hodologie offrent aux lecteurs un aperçu des réflexions qui allaient ouvrir la voie aux landscape studies.

J. B. Jackson. Chapel of San Antonio de Cieneguilla in La Cienega-New Mexico-1982

Pour les lecteurs qui s’intéressent à la pratique photographique de Jackson, ils devront se reporter au texte de Jordi Ballesta, spécialiste de l’œuvre photographique de Jackson, par ailleurs co-commissaire de l’exposition de Montpellier avec Camille Fallet, publié dans la revue L’Espace géographique 2016/3, sous l’intitulé « John Brinckerhoff Jackson, au sein des paysages ordinaires. Recherches de terrain et pratiques photographiques amateurs. »

La piste des Apaches

Fondée en 2010, la Biennale de Belleville est le fruit d’une rencontre entre ce quartier de l’Est
parisien et un groupe de commissaires, de critiques d’art et d’artistes.
Jouant sur l’absence de lieu central pour en faire un de ses points de force, la Biennale de
Belleville se déploie du Pavillon carré de Baudouin au belvédère de la rue Piat, de la rue de
Belleville pour s’étirer davantage vers l’Est de Paris.
Reposant sur un principe de mixité des lieux et de variété des interventions, la Biennale allie
ainsi performances déambulatoires et expositions collectives.
Depuis deux éditions, la Biennale de Belleville dessine de nouveaux itinéraires et met en
place des manières originales d’appréhender l’art contemporain.
A cette occasion DéMarches proposera Hors-Circuits, un walkscape urbain de Pantin au Bourget en passant par Bobigny.

La Biennale de Belleville 3

Paris Art

Wall Street International

vernissage de la Biennale de Belleville by Saywho

Slash Paris

TCQVAR

 

HORS_CIRCUITS AFFICH

Un événement DéMarche

Pantin-Le Bourget

_MG_5098_DxOWalkScape proposé par l’association DéMarches
Auteurs : Clayssen/Laforet
Biennale de Belleville / Septembre –octobre 2014

Les territoires actuels sont inventés : ils sont exhumés et créés, dans un même mouvement, dans la foulée. C’est en ce sens que traverser ces espaces aboutit aussi à les produire. : il n’y a pas de regard à l’état sauvage qui permette de les saisir à nu, mais une intrication du donné et du projeté, du donné et du plaqué, du déjà là et du fabriqué, de la découverte et de la production, et par conséquent de la traversée des territoires actuels et de leur création. La traversée est invention. Thierry Davila in Marcher, Créer.

Deux météorites mondialisées du milieu artistique international sont tombées au beau milieu du chaos de la banlieue parisienne, les galeries Thaddaeus Ropac à Pantin et Gagosian au Bourget. Deux objets culturels sortis de leur contexte habituel, il était intéressant de voir ce qu’il y a dans l’interstice, de parcourir le territoire entre les deux cratères, d’examiner quel lien peut exister à la fois entre les deux et au milieu des deux. Voyage donc dans l’entre-deux, quel paysage s’y déploie, y a t il quelque chose à voir ou rien ou si peu ? Quels signaux faibles, où en est l’entropie dans ce hors-circuit, quel paysage peut-on construire sur ce vide, cette absence de mythe, cette vacance de la Disneylisation millimétrée du monde ?

La caRte

15Km à pied
3 heures 45 de marche
18 623 pas

HORSCIRCUITW

Hors-circuits – temps de parcours et infos déplacement

0’00 ‘’ Galerie Thaddaeus Ropac, Avenue Général Leclerc, Pantin 1

6’30’’ Château d’eau, entrée du cimetière (urinoir à gauche de l’entrée)

Ensuite prendre Av. des Platanes (vers les cyprès) puis à droite

26’00’’ Avenue de la Zone à gauche

Sortie à droite Avenue Jean-Jaurès

Fort d’Aubervilliers

Zingaro (métro)

38’45’’ à droite sur le parking, Avenue de la Division Leclerc

57’50’’ Parc Départemental des sports de Paris Seine St Denis

(urinoir dans bâtiment à gauche de l’entrée)

1h00’ Sortie Parc des sports prendre à droite promenade Django Reinhardt tout droit jusqu’à la rue de l’Etoile.

Dans la rue de l’Etoile prendre la 1ère rue à droite, rue de l’Amicale qui longe l’arrière du terrain de l’ancienne gare de Bobigny jusqu’à la rue Gustave Moreau sur la droite (Chapelle de l’Etoile)

1h22’ Emprunter le pont routier

1h30’ Carrefour Repiquet (champ de pierres )

Traverser le terrain de jeux,

Sortie à gauche vers tunnel de Bobigny sortie n°221

1h42’30’’ traverser vers la gauche dans l’axe de la passerelle Julian Grimau prendre le tunnel pour sortir à gauche rue Diderot

2h00’’ Mur de soutènement en pierres sous grillages

Retourner vers la passerelle Julian Grimau

Suivre la rue Julian Grimau au bout tourner à gauche rue de la Courneuve puis à droite rue Jean-Pierre Timbaud (panneau Drancy à gauche)

Prendre à droite l’Avenue Vaillant Couturier (temple indien sur le trottoir de gauche en allant vers Le Bourget).

2h30’ commune du Bourget (sur la droite l’ancien cinéma Aviatic)

Suivre l’avenue de la Division Leclerc

Passer au-dessus de l’autoroute et prendre à gauche le long des bâtiments de la zone aéroportuaire

3h10’ Aéroport du Bourget (Musée de l’air et de l’espace)

Sortir pour traverser la nationale

vers la Cité Germain Dorel, au Blanc Mesnil

Puis retour le long des pistes jusqu’à la rue de Stockholm vers la Galerie Larry Gagosian 2

3h45 Fin du parcours

Retour vers Paris arrêt bus n° 350  devant l’aéroport

RATP- 350 – Horaires du samedi

Musée de l’Air et de l’Espace 16.16 16.36 16.56 17.16 17.36 17.56 18.16 18.36 18.55 19.15 19.35 19.54 20.14
Porte de la Chapelle
Gare de l’Est
16.34
16.51
16.54
17.11
17.14
17.31
17.34
17.51
17.54
18.11
18.14
18.31
18.34
18.51
18.53
19.10
19.12
19.29
19.32
19.48
19.51
20.07
20.08
20.24
20.27
20.43

 

Notes

1-Galerie Thaddaeus Ropac

69 avenue du Général Leclerc
93500
PANTIN RER : E, Pantin

2-Galerie Larry Gagosian

800 avenue de l’Europe
93350
LE BOURGET

Autoroute : A1
Bus : 350, 152 arrêt Musée de l’Air et de l’Espace
RER : B, Le Bourget puis bus 152

 

 

Les Points de vue

Les points de vue sont les aspérités remarquables du paysage créé par le walkscape. Ouvrages, bâtiments, végétation, curiosités, ce sont eux qui donnent le La, la couleur du parcours et sa tonalité, le rythme et la structure des récits engendrés par la marche.
HORS-CIRCUITW

15Km entre les galeries Ropac et Gagosian en milieu urbain de basse densité
Un parcours d’environ 15 Km avec un départ à Pantin, au pied de la galerie Thaddaeus Ropac, autour de la station de métro Quatre Chemins, vaste hangar sophistiqué, en direction de l’aéroport du Bourget, au milieu des friches industrielles plus ou moins reconverties, d’un grand cimetière, de parkings sauvages, de jardins ouvriers, d’une cité perdue mais classée, des fantômes de la Shoah, de zones de transit et d’un ouvrage d’art autoroutier sans égal, de temples colorés enfouis dans la jungle urbaine, de pistes d’envol, d’une autre cité oubliée dans les plis de l’histoire et pour finir dans la re-visitation industrielle précieuse de la galerie Gagosian en lisière de l’aéroport.

TraVerses

Documentation complète du parcours et des principaux points de vue, et un peu d’atmosphère…
Cliquez sur la première photo pour voir la galerie.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 1

Voyage au milieu du Rien

Démarrage du walkscape, départ de la fameuse galerie Thadhaeus Ropac, repaire des collectionneurs mondiaux de l’art, luxe, calme et volupté. Ensuite poursuite dans le rien de la banlieue, détails, petits signes, déréliction parfois, surprises affectueuses, parkings, cartes, tags partout, jusqu’aux champs de pierres conceptuels du rond-point Riquet.

Photos Patrick Laforet

FragmeNts 2

La Ville discontinue

Suite du parcours. Le Rien s’étend et parfois se rétrécit. Des jeux, du végétal, de la chapelle, des tags encore et partout jusqu’à la démesure pharaonique du tunnel de Bobigny, passage au-dessus des voies ferrées, mauvaise ambiance, spectres blancs de la Shoa à drancy, temple millénaire et arrivée à l’aéroport du Bourget.

Promenade Littorale

CARTE PARCOURS

 

Anglet, station balnéaire du Pays Basque, au bout de la Côte d’Argent, dans le golfe de Gascogne. Connue des surfeurs pour la variété de ses vagues, Anglet est surnommée « la petite Californie ».

La promenade pédestre de 4,5 km, en front de mer, longe les 11 plages d’Anglet, de la Chambre d’Amour à La Barre.

Sans difficulté particulière, la promenade Mendiboure est équipée de bancs, de points d’eau, de toilettes gratuites. Elle est jalonnée de nombreux lieux de restauration et rafraîchissement. Un balisage piéton éclaire les promeneurs le soir.

Le point départ se situe sur la plate-forme d’observation du Parc écologique Izadia

Pour un retour en transport en commun :

Bus 10 

Anglet Plages – Anglet La Barre

La ligne 10 dessert toutes les plages d’Anglet, de La Barre à la Chambre d’Amour. Une fréquence plus importante sera instaurée pour la période estivale.

Coordonnées GPS :

  • Parc écologique Izidia : 43° 31′ 35″ – long. -1° 31′ 11″
  • Promenade : lat. 43° 29′ 41″ – long. -1° 32′ 46″

Incendie à Anglet, jeudi 30 juillet 2020, dans la forêt de Chiberta.

Attisé par le vent l’incendie s’est déclaré vers 18 heures dans la forêt de Chiberta à Anglet, une zone boisée de 250 hectares. Des dizaines d’habitations ont été évacuées. 165 d’hectares de pinède ont brûlé et les flammes ont atteint le parc écologique Izadia.

Situé à l’embouchure du fleuve Adour, ce parc de 14 hectares qui « recèle les derniers vestiges des milieux arrière dunaires du littoral sableux angloy » et abrite plusieurs espèces végétales et animales  avait été restauré au début des années 2000. Il accueillait depuis une dizaine d’années le public pour des visites pédagogiques.

Extrait de La République des Pyrénées, publié le 20 août 2020 in La République des Pyrénées

Claude Olive, maire d’Anglet, veut désormais se tourner vers l’avenir.

Evoquant le parc Izadia, détruit par les flammes, l’élu angloy indique que « Nous régénérerons Izadia, sans rien soustraire de ses spécificités, de sa richesse florale et animale, de ses exigences environnementales. Nous doterons ce parc d’un nouvel édifice, qui sera un signal d’intégration au paysage, en même temps qu’un exemple vivant des nouvelles techniques de construction durables, d’expérimentation de procédés innovants. Nous ferons d’Izadia une référence, un témoignage de notre engagement écologique. »

« Nous mobiliserons les compétences, nous trouverons les financements, nous convaincrons les partenaires, parce que nous défendons un bien commun ancré dans notre histoire et notre capital paysager. L’accablement sera passager, le besoin d’action et de réussite nous fera relever la tête, la perspective d’un enjeu essentiel nous galvanisera, la fierté d’être des Angloys actifs et volontaires sera notre guide pour gagner ce nouveau pari. Ensemble nous ferons à nouveau briller notre devise « Mar e Pignada per m’aida » » indique enfin Claude Olive.

 

Anglet- promenade

INSCRIPTIONS

Du vendredi 26 août au mercredi 2 novembre 2016, la sixième édition de la Biennale d’art contemporain d’Anglet devient La Littorale, avec un parcours artistique confié à l’écrivain et historien d’art Paul Ardenne.

L’association Démarches vous propose un walkscape sur la promenade littorale de la Barre à la Chambre d’Amour.

Point de rendez-vous : Maison de  l’environnement-Parc écologique Izadia

Maison de l'environnement-Parc écologique Izadia

  • un parcours diurne, le 9 septembre. Départ à 10h de la terrasse d’observation
  • un parcours nocturne, le 16 octobre. Départ à 22h devant l’entrée

La participation au walkscape est libre, mais il est impératif de se préinscrire par mail à l’adresse suivante : clayssen.laforet@gmail.com

 

Un littoral en formes

Seeing is forgetting the name of the thing one sees [Voir, c’est oublié le nom de ce que l’on voit]. Robert Irwin

Proposition de lecture de cette portion de côte à travers des affinités, des contiguïtés visuelles, des proximités évocatrices. Lors de la Promenade, des formes repérables évoquent pour les promeneurs avertis des similitudes avec des références artistiques. Reste aussi, comme nous le verrons, les traces d’une intervention artistique ayant eu lieu lors de précédentes biennales.

Des équivalences visuelles…

avec l’Art Minimal… 

Les digues, les jetées, les épis en rochers d’ophite de Souraïde et Ainhoa ou en blocs de béton laitier tentent d’opposer à l’océan leur inertie d’enrochement lourd. Ces brise-lames conçus pour résister aux éléments même déchaînés connaissent des fortunes diverses. Leurs énormes blocs basculent parfois dans la mer sous les coups de boutoir des vagues ou l’effet de la houle.

Les plages d’Anglet, délimitées par ces épis devenus parties prenantes de ce paysage littoral, composent avec ces avancées que les promeneurs empruntent à leurs risques et périls malgré les interdictions.

La tentation est grande d’avancer dans la mer, protégé par ces énormes blocs, pour aller outre mer. De là, un point de vue donnant la sensation d’être seul face aux éléments, avec la possibilité de laisser derrière soi la plage, de se situer à la proue du navire terre.

En focalisant l’attention sur les blocs nous découvrons un monde aux formes variées. Des rochers d’ophite taillés à la dynamite, dont les masses répondent aux exigences des calculs, aux blocs de béton rainurés aux formes étudiées pour résister à la houle. Ces cubes de béton rainurés, affichent un poids de 24 à 32 tonnes suivant les emplacements.

Si en géométrie l’hexaèdre est un polyèdre à 6 faces, il existe de multiple hexaèdre cependant il n’existe qu’un seul hexaèdre régulier: le cube. Il est un des 5 solides de Platon, composé de 6 faces, 12 arêtes et 8 sommets.

Objet mathématique en trois dimensions, le cube occupe une place majeure dans le domaine artistique. Figure caractéristique de l’Art Minimal, de nombreuses œuvres s’articulent autour du cube. De Sol LeWitt à  Robert Morris en passant par Rafael Soto, Michelangelo Pistoletto, Eve Hesse et Tony Smith, ces artistes ont choisi de l’explorer sous différents aspects. Et la série des Rochers carrés de Kader Attia, prix Marcel Duchamp 2016.

et avec Daniel Buren

Les tentes rayées, mais il en est ainsi de beaucoup de rayures tant la prégnance d’une œuvre empruntant un motif de toiles a su s’imposer, ne manquent pas se rappeler comme des réminiscences de Daniel Buren.

Restes de l’œuvre de Claire Forgeot

L’épi de la plage du Club présente des roches aux couleurs passées. Les plus avertis et les habitués savent que ces peintures témoignent du travail de l’artiste Claire Forgeot lors de la 2ème Biennale en 2007. A l’origine l’artiste avait retenu des couleurs vives : rose fuchsia, rouge piment, jaune citron, vert chlorophylle, et du bleu marin qui ont résisté jusqu’à aujourd’hui, même si les couleurs sont « délavées ».

Le rocher support de peinture s’inscrit dans une longue tradition. Des sites népalais aux rochers peints, en 1984 par l’artiste belge Jean Vérame, dans le sud marocain, dispersés sur environ 5 km.

« Seven Magic Mountains », d’Ugo Rondinone est située à 20 minutes de Las Vegas, dans le désert du Nevada, cette oeuvre monumentale s’intègre au paysage désertique. Ces énormes rochers trouvés sur place sont peints et disposés en équilibre, plus ou moins précaire. Leur disposition apparaît soit alignée soit chaotique selon l’angle de vue.

Bunkers pour graffeurs

Les bunkers d’Anglet servent de support aux graffeurs, en production libre ou organisé par l’Udan Graffiti Jam. L’édition 2016 de l’UGJ a donné lieu à une œuvre sur l’enrochement.

Les lectures littorales se construisent pour chacun à travers ses propres références, alors que les œuvres des Biennales d’ Art Contemporain appartiennent aux propositions des commissaires. Saluons Anglet d’avoir opté pour une manifestation ambitieuse à l’écart des circuits traditionnels de l’art. Dans un contexte budgétaire tendu, ce choix exigeant de questionnement du monde par les artistes est à souligner. D’autant que l’époque semble incliner vers une fermeture des centres d’art et  des élus imposant leurs goûts ou leurs intérêts.

Texte Jacques Clayssen

Paysage soustractif

Anglet recombine les éléments constitutifs de l’attractivité des stations balnéaires : visibilité sociale, effets thérapeutiques du littoral,  architectures et urbanismes de loisir. Ici, la villégiature maritime a acquis ses lettres de noblesse par la présence de personnages illustres. Ensuite, la bourgeoisie a supplanté ses modèles pour devenir à son tour prescriptrice de conduites et de désirs populaires.

« La station sur le rivage plage, récif ou falaise, contact des vacuités de l’air et de l’eau, la saisie de ce ‘royaume du vide’ dont parle Virgile, cité par Chateaubriand engendre un faisceau d’émotions, de lectures du paysage, de schèmes rhétoriques et de pratiques sociales dont l’ensemble constitue ce qu’on appelle communément : la mer. »
Extrait d’un texte d’Alain Corbin paru dans Aménagement et nature.

Alain Corbin a étudié, dans son livre Le territoire du vide, L’Occident et le désir du rivage, les perceptions, les appréciations et les émotions provoquées par le littoral à travers les époques. Il a inventorié les pratiques sociales et les représentations du milieu maritime, dernier espace commun de la planète, objet tout à la fois de fantasmes et de convoitises.

Je dis quoi, quand je dis littoral ?

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « littoral », pose les principes de protection et de mise en valeur des espaces littoraux, des mers et grands lacs intérieurs, qui présentent des enjeux majeurs de protection de la nature et de maîtrise du développement,  pour la France métropolitaine et l’outre-mer.

Puis, la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a instauré un Conseil National du Littoral (CNL). La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 », a transformé le CNL en Conseil National de la Mer et des Littoraux (CNML).

La première définition effectuée par l’Etat concerne le domaine public maritime, selon l’ordonnance sur la marine de Colbert en 1681 précise : « Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu’où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ».

Le terme reste difficile à définir, qu’il s’agisse d’une « entité géographique » ou d’une « interface terre–mer ». Une présentation approfondie des problèmes posés permet d’en comprendre la complexité.

La promenade Victor Mendiboure

Promenade pédestre de 4,5 km, sur un site aménagé longeant le littoral. La promenade Victor Mendiboure, du nom d’un maire resté dans les mémoires pour ses qualités humaines et son ambition pour la commune durant son mandat qui se termine en 1992 après 21 ans d’exercice, est bordée d’un côté par l’océan et les 11 plages d’Anglet dont la plupart dispose de baraques de surf, de l’autre côté par des espaces verts aménagés et des équipements tels que le golf, l’Espace Océan et la thalasso. De La Barre à la Chambre d’Amour la vue, par beau temps, sur les Pyrénées s’impose au-delà du phare de Biarritz.

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Le littoral, dernier front pionnier, constitue l’enjeu de toutes les convoitises et de toutes les pressions. Le tropisme littoral exacerbe les tensions entre les nécessités de préservation et les demandes d’occupation foncières.

La Littorale pour cette 6ème édition de la Biennale d’Anglet a choisi sous le commissariat de Paul Ardenne de présenter des œuvres d’artistes actuels qui envisagent le littoral sous ses aspects les plus actuels qu’ils soient géographiques, sociaux ou politiques.

Anglet entre souvenir et devenir

Le littoral angloy témoigne d’une histoire effacée. Les éléments naturels, tempêtes,  érosion éolienne, courants marins, dérive littorale façonnent cette côte sableuse rectiligne. L’activité humaine, guerre, commerce, transports et loisirs ont impacté le paysage au fil du temps. Si la mer a modifié la ligne de côte la faisant inexorablement reculer, les aménageurs ont dû s’adapter pour composer en plus avec les effets des activités d’extraction de sable, des digues et des manques de crédit pour financer les importants travaux d’entretien et de clapage.

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Une histoire littorale forcément mouvementée, au fond du golfe de Gascogne, la côte d’Argent a connu des épisodes violents, dont les événements climatiques, ont obligé à repenser les aménagements.

Les effets conjugués de la houle, du sable et du vent ont eu raison des équipements construits sur ce littoral depuis la plantation de la forêt de Chiberta au Second Empire.

Avant, c’était une autre histoire. Une histoire de culture maraîchère, de vignes et de barthes. L’Adour n’avait pas son embouchure à l’emplacement actuel, les terres agricoles alimentaient Bayonne et abreuvaient la région d’un vin de sable et d’un cidre localement réputés.

Les évolutions au fil du temps se jouent, comme le souligne le géographe Ronan Le Délézir, dans les équilibres entre ceux qui y vivent, ceux qui en vivent et ceux qui y viennent.

Les aménagements liés aux difficultés de construction en lisière du domaine maritime créent les conditions d’une évolution caractérisée par des soustractions dans les lieux les plus exposés. Cette interface entre la terre et la mer combine trois éléments l’atmosphère,  l’hydrosphère et la lithosphère dont les actions conjuguées altèrent les matériaux et érodent végétaux et sols. D’autant que la salinité du milieu accroît les risques.

La promenade littorale raconte comment la complexité de cette lisière accentue la fragilité des équilibres. Ainsi aux activités premières que constituaient le maraîchage, la vigne et la pêche, qui ont façonné cette côte durant des siècles, a succédé une économie résidentielle. Si les effets de l’activité touristique profitent  à l’économie littorale, le tourisme et les loisirs qui y sont associés induisent en retour un type de développement dont les méfaits doivent être au mieux corrigés au pire subi durablement.

Aujourd’hui, comme si ces difficultés ne suffisaient pas, on ne peut ignorer le changement climatique facteur aggravant qui va impacter durablement le littoral.  Avec l’élévation du niveau de la mer, l’intensification des tempêtes et la dégradation des écosystèmes marins et côtiers les phénomènes de submersion marine et d’érosion côtière déjà particulièrement intense sur cette côte iront en s’amplifiant. Gageons que l’expérience acquise au fil du temps permettra de gérer avec soin un trait de côte exposé à des risques majeurs.

Une chronologie des lieux équipés pour les loisirs à succès par époque met à jour une succession de construction-destruction dont les motivations tiennent majoritairement aux événements climatiques et au milieu marin. Les destructions ou les dégradations conséquences des tempêtes imposent des démolitions permettant de substituer à un équipement en difficultés économiques de s’effacer au profit d’un édifice plus conforme à l’époque.

Napoléon III en finançant la forêt de Chiberta a modifié profondément l’économie. D’une part des activités liées à la forêt se sont développées, d’autre part l’entretien de l’embouchure artificielle de l’Adour nécessite encore aujourd’hui une importante activité de désensablage pour assurer l’activité du port de Bayonne.

A cette même époque, Biarritz attire une foule de célébrités dans le sillage du couple impérial. L’engouement de l’aristocratie pour ce nouveau loisir nommé tourisme nécessite des équipements nouveaux pour lesquels des travaux importants sont engagés. En 1854, l’Impératrice Eugénie et son époux mettent à la mode la Chambre d’Amour. De là, les plus aventureux des baigneurs succombent aux charmes des grands espaces et des plages sauvages du littoral angloy.

Une histoire documentée in situ

Les marcheurs curieux de connaître l’histoire du littoral angloy trouveront en différents lieux des panneaux historiques. Du parc Izadia à Belambra un ensemble de panneaux retracent la chronologie illustré des différents espaces. Cartes postales anciennes et documents d’archives présentent la mémoire de cette portion de côte. Cette abondante documentation prouve, outre le souci de satisfaire la curiosité des autochtones et des touristes, l’importance des transformations des aménagements et des équipements. On peut y lire l’histoire des loisirs dans les stations balnéaires à travers la diversité architecturale : tentatives de synthèse basco-arts déco (les villas, les établissements de bain, le golf),  les nécessités du tourisme de masse (Belambra, les résidences de Sables d’Or) et le équipements de bien-être ( Atlanthal). Mais on y lira aussi l’impact des événements climatiques et des érosions qui ont bouleversé les aménagements de défense du littoral.

La côte d’argent

Commence pour cette portion de côte une histoire qui verra surgir successivement des anciennes barthes des équipements nécessitant d’importants travaux.

L’hippodrome

Aux chasses à courre dans la forêt de Chiberta vient s’ajouter en 1870 un premier hippodrome.

La création de l’hippodrome de la Barre est un pari audacieux. La société de courses, présidée par Alexis d’Arcangues, est fondée en 1869.

La guerre de 1870 retardera le projet, ce n’est qu’en 1873 qu’a lieu la première réunion de courses.

Le chantier est colossal, les comptes rendus de l’époque mentionne le remplacement de 200 000 mètres cubes de sable par 200 000 mètres cubes de terre adaptée. Les tribunes et la piste sont entourées de pelouses.

Les installations subiront les méfaits des tempêtes, en particulier le débordement de la mer du 9 janvier 1924. Il subira de gros dommages durant la Deuxième guerre mondiale. Il sera reconstruit partiellement. Dans les années 60 le premier karting en plein air ouvre sur le domaine de l’hippodrome ainsi qu’un tir aux pigeons. Les activités cesseront avec  la fermeture à la fin des années 70 suivi dans les années 80 de sa destruction du site.

La patinoire est inaugurée en 1969 après les jeux olympiques de Grenoble. L’équipement passera sous gestion municipale en 1977.

Vestiges – Aujourd’hui reste le nom de la plage des Cavaliers baptisée ainsi en souvenir de l’hippodrome installé sur l’actuel emplacement des installations de la Maison de l’environnement-Parc écologique Izadia.

Le golf

En 1880, la création du golf de Biarritz installe quelques trous sur la commune d’Anglet. Il faudra attendre 1920 pour que la société Biarritz-Anglet-La Forêt se rende propriétaire des150 nouveaux hectares nécessaires à la création du golf de Chiberta.

En 1927, le célèbre architecte Tom Simpson s’installe face à l’Atlantique pour le plaisir du Duc de Windsor. De renommé internationale, il avait entre autres construit en France les golfs de Chantilly et de Fontainebleau en 1909. Dans son contrat, il était stipulé que Simpson devait créer le plus beau golf du monde ! A vous de juger.

La thalasso

En 1882 la France comptait un établissement  de thalasso, en 1975 il y en avait 9, puis 35 en 90, 44 en 95. Aujourd’hui la France regroupe 52 centres de thalassothérapie dont une vingtaine a ouvert entre 1985 et 1991et la moitié de ces centres ont moins de 20 ans. Ces équipements représentent une capacité d’accueil d’environ 8 000 curistes par jour. Depuis 1994 le parc semble se stabiliser.

En France, c’est à partir de 1820 que démarre, importé d’Angleterre, l’engouement médical pour l’eau de mer. À Anglet, dès 1854, la mode des bains se développe…

La thalassothérapie moderne verra l’ouverture en 1989 du Centre Atlanthal bénéficiant de l’utilisation combinée des bienfaits du milieu marin qui comprend le climat marin, l’eau de mer, les boues marines, les algues, et autres substances extraites de la mer. Le Centre de thalassothérapie Atlanthal accorde un intérêt tout particulier à l’aspect sportif et à la remise en forme grâce à des équipements spécifiques.

L’aérodrome

A la Chambre d’Amour, un champ d’atterrissage doté d’une piste de 3, 5 km, sans obstacle autre que les dunes à l’Est, permettait aux pilotes de faire décoller leurs avions. En effet la manoeuvrabilité des appareils de l’époque autorisait le fonctionnement d’une telle installation. Toutes les conditions semblaient réunies pour que les liaisons avec Bordeaux, Santander et pourquoi pas Londres ouvrent aux touristes fortunés les accès à la Côte d’Argent.

Georges Guynemer, futur as de la première guerre mondiale, y découvrira sa vocation. Il résidait dans la villa Delphine voisine du terrain. Mais le projet d’un aéroport à Parme initié depuis longtemps se précisera avec l’acquisition des terrains. La réalisation de l’aéroport signa la fin de l’aérodrome qui fermera en 1922.

Vestiges – une partie du tarmac reste visible entre les herbes folles. Une végétation rase se développe derrière une clôture qui protège la zone contre le stationnement.

La Chambre d’Amour

La Chambre d’Amour, nom attribué à une grotte située en contrebas des falaises d’Aintzarte. Coordonnées GPS : lat. 43° 29′ 56″ – long. -1° 32′ 31″

La légende est née en pleine période romantique, au début du dix-neuvième siècle. « Dans les temps lointains, Laorens, pauvre et orphelin et Saubade, fille d’un riche cultivateur, s’aimaient. Ils se retrouvaient, en dépit de l’opposition paternelle, dans une grotte, face à l’immensité des vagues. Là, ils faisaient le serment de s’aimer jusqu’à la mort. Un beau jour, l’orage gronda dans le Golfe de Gascogne, et la mer, poussée par le vent du large, monta plus rapidement qu’à l’habitude, emportant les amants. On appela « Chambre d’Amour » la grotte fatale qui attire, aujourd’hui encore, amoureux et curieux. » (rapporté par E. De Jouy dans l’Hermite en province ou observations sur les moeurs ou les usages français au commencement du XIXe siècle.)

La légende contribua au succès du lieu. L’accès dangereux contribue à élargir la dénomination à la plage du même nom. Le nom suggestif assure le succès du lieu. L’imagination portée par le mythe favorisa les récits et l’évocation d’une plage favorisant les amours estivales.

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Vestiges : Suite aux modifications des courants et des transferts de sable, la grotte est désormais à une centaine de mètres de la mer. Les aménagements des abords et la construction du VVF ont ôté au lieu sa discrétion.

Le mythe

La légende de la Chambre d’Amour

La légende est née en pleine période romantique, au début du dix-neuvième siècle. « Dans les temps lointains, Laorens, pauvre et orphelin et Saubade, fille d’un riche cultivateur, s’aimaient. Ils se retrouvaient, en dépit de l’opposition paternelle, dans une grotte, face à l’immensité des vagues. Là, ils faisaient le serment de s’aimer jusqu’à la mort. Un beau jour, l’orage gronda dans le Golfe de Gascogne, et la mer, poussée par le vent du large, monta plus rapidement qu’à l’habitude, emportant les amants. On appela « Chambre d’Amour » la grotte fatale qui attire, aujourd’hui encore, amoureux et curieux. » (rapporté par E. De Jouy dans l’Hermite en province ou observations sur les moeurs ou les usages français au commencement du XIXe siècle.)

Les établissements disparus

Dès 1884, un établissement de bains de 75 cabines est édifié par la ville. Il inaugurera la série de déboires liés à la proximité de la mer. En 1924 un raz de marée dévaste l’installation qui sera reconstruite trente mètres plus loin 4 ans plus tard. Cet établissement fonctionnera jusque dans les années 50.

Devant le succès des bains de mer, la municipalité décide en 1927 de la construction d’un bâtiment plus adapté. Les plans sont confiés aux architectes Anatole & Durruthy  adeptes du style Art Déco, ils imaginent un bâtiment sur deux niveaux avec casino à l’étage.

En 1928, le projet définitif offre, sur 15000m², piscine et vaste salle des fêtes  à la Chambre d’Amour. 2 ans plus tard des aménagements supplémentaires s’imposent pour offrir un bar, des salons particuliers et des cabines réservées aux célébrités de l’époque : la baronne de Rothschild, le maharadjah de Jasdan, le grand duc Dimitri, le roi et la reine d’Espagne, le prince de Galles, et Buster Keaton…

En 1957 et 58 un plongeoir en béton remplace le plongeoir initial en bois et 15 cabines sont ajoutées. En 1966 le mur de soutènement est consolidé une première fois, il sera endommagé lors des tempêtes de 1973 et 1975 ainsi que la piscine. En 1977, piscine, bar et cabines sont détruits.  D’importants travaux de protection du littoral sont réalisés. Des épis et des jetés sont construits pour enrayer la montée de l’océan qui rogne le littoral.

Vestiges – Enfin en 2007 l’Espace de l’Océan est inauguré, avec une salle des congrès conçue dans le respect du style art déco d’origine. Seule la décoration rend hommage aux anciens établissements.

En 1930, la villa Zipa, construite sur la pointe rocheuse de la Chambre d’Amour est démontée et reconstruite dans un autre quartier. La villa Zipa aura résisté aux assauts de l’océan durant une dizaine d’années.

Vestige : reste une plateforme aménagée dont rien n’indique qu’une villa se dressait là.

En novembre 1969, des dégâts sur le mur de soutènement devant la plage face à l’hôtel Marinella. Un affaissement de 3 mètres sape le pied du mur et les vagues submergent le quai.

En 1976, la construction d’un deuxième épi est décidée devant la plage du Club entraînant la disparition de la piscine sous les gravats. Un troisième épi sera créé au nord de la plage de Marinella afin de tenter en vain de sauver l’hôtel.

En 1980, l’hôtel Marinella est racheté par l’Etat  pour être démoli. La plateforme d’enrochement, sur lequel il reposait, sera enlevée en 1987 car elle aggravait l’érosion de la plage.

Vestige : la plage de Marinella est le seul souvenir de cet hôtel.

Le VVF

En 1970, l’hôtel Village Vacances Famille, conçu par l’agence Aquitaine Architectes Associés -Hébrard, Gresy et Percillier- est construit sur un terrain contraignant. Le bâtiment est construit sur pilotis, atteignant une largeur de 250m. Les architectes concevront un paquebot couleur de sable. Ce qui fait architecture ici c’est l’intégration dans le lieu, dans un rapport évident avec la topographie. Un ensemble compact de gradins sur la mer, tels les ponts d’un navire. Le vocabulaire s’inscrit dans le registre maritime, évoquant un navire paré pour affronter l’océan, adossé aux rochers. Son infrastructure en béton brut, bois et pierre sèche incruste sa masse dans le décor.

Vestiges : Exit le VVF. Après 2 ans de travaux (2008-2009), les 210 logements et les parties communes sont restaurés pour renaître sous le nom de Belambra. Ce changement de nom marque le renouveau du site.

Le surf

Un littoral sur lequel le surf s’est imposé comme mode de vie. Tout au long de la promenade les plages offrent des écoles pour tous les âges et tous les niveaux.

L’histoire a commencé sur la côte basque. Durant l’été 1952, l’ébéniste dacquois Jacky Rott se rend à la Chambre d’Amour afin de voir si le rêve hawaiien, découvert lors de la projection d’un film, pouvait être importé au Pays Basque… Une fois à l’eau, la planche – taillée par ses soins dans du cyprès chauve – fut impossible à maîtriser dans les vagues, sans aileron ni paraffine… habitué de la pratique allongé du planky, il ne parvint pas à se tenir debout pour surfer.

Le surf arrive, en 1956, à la Chambre d’Amour avec une équipe hollywoodienne venue tourner « le Soleil se lève aussi », film tiré du roman éponyme d’Ernest Hemingway.

Le 27 août 1963, l’actrice Deborah Kerr, épouse du scénariste Peter Viertel, inaugure le Surfing-club de la Chambre d’Amour, premier club de surf en France. A peine un an plus tard, le club devenait le Surf-Club de France.

La planche a débarqué dans les années 1950 grâce au tournage d’un film inspiré d’Hemingway. Depuis, la Côte basque n’a cessé d’être au sommet de la vague. . A l’été 1957, alors étudiant, Joël de Rosnay sportif aguerri, devient champion de surf. Son nom restera associé dans la légende du surf à ceux entre autres de Georges Henebutte, fabricant de planky et de Jo Moraiz qui créera la première école de surf. Ils entreront dans l’histoire de ce sport sous le nom de « tontons surfeurs ».

Vestiges : reste les concours et championnats, entre les World Surfing Games, le surf de nuit et les  compétitions de longboards, les fédérations et les sponsors entretiennent la réputation d’un site historique.

Texte Jacques Clayssen

Pieds et points liés

Chacun se souvient des dessins point à point qui facilitaient en s’amusant l’apprentissage du trait et du coloriage. Dessins dont les points pré-configuraient le tracé.

De cet exercice enfantin, nous avons emprunté les points en les reportant sur des balisages in situ. Si l’on observe attentivement notre environnement, nous constaterons que le paysage présente des ancrages naturels ou construits qui permettent avec un traceur GSM d’utiliser les offres du terrain pour réaliser des figures point à point.

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Désormais, aux traditionnelles cartes géographiques et aux instruments de navigation se substituent les moyens offerts par les smartphones alliant cartes et boussoles à travers le GPS.  Ces techniques de positionnement par satellite et leurs reports cartographiques viennent enrichir la palette de moyens d’expression de l’art actuel.

procédure :

  • disposer d’un smartphone avec une application de tracking
  • identifier dans le paysage les points d’ancrage
  • effectuer le parcours suivant la figure choisie en reliant les points.

Cette proposition s’articule sur un walkscape augmenté d’une dimension liée à une pratique artistique ancestrale : le dessin dans le paysage à l’image des géoglyphes de Nazca. Dans sa version actualisée, le GPS offre la possibilité de dessiner un parcours sans empreinte, dont seule la version tracée via le GPS figure sur l’écran.

Ainsi se mettent en place les conditions d’une démarche artistique totale, à la manière de l’Action Painting en transformant les marcheurs en traceur. Les corps en déplacement sont à l’œuvre sur le parcours du walkscape. L’expression apportée par l’usage du GPS respecte le principe d’un art immatériel. Au déplacement physique du walkscape s’ajoute la mémoire figurative d’un tracé sur écran, sans traces matérialisées sur le terrain.

Le principe est simple: les marcheurs se déplacent suivant un tracé reliant des points identifiés sur le parcours. Ce tracé suivi via GPS dessinera une trace figurative identique à celle déterminée. Chacun devient acteur et détenteur de sa représentation.

Les points visuels composant des figures matérialisées par le traceur nécessitent une détection par le regard imaginant la possibilité d’une figure. Le regard construit les lignes du parcours reliant des points dissemblables ou ordonnés. Dans le cas de points ordonnés, les figures potentielles révèlent les potentialités de liens.

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vue panoramique du site

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Vue du site avec les plots balisant l’aire d’atterrissage d’hélicoptère située entre la plage de la Madrague et Marinella.

Promenade Nocturne

IMPORTANT : la Promenade nocturne change de date

INSCRIPTIONS
Dans le cadre de la sixième édition de la Biennale d’art contemporain d’Anglet : La Littorale, avec un parcours artistique confié à l’écrivain et historien d’art Paul Ardenne, l’association Démarches vous propose un walkscape de nuit sur la promenade littorale de la Barre à la Chambre d’Amour.

Promenade nocturne, le mercredi 2 novembre. Départ à 22h, durée environ 2h.

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La participation est libre, mais il est impératif de se préinscrire par mail à l’adresse suivante : clayssen.laforet@gmail.com

L’étrange attracteur

_h9a1026_dxoImplosion, frôlements et paradoxes
Promenons-nous dans le vide pendant que le chaos n’y est pas. La promenade Victor Mendiboure agit comme ces étranges attracteurs qui règnent dans le chaos, intégrant des millions d’événements dans un système de représentation dynamique et fluide. Le long ruban de béton trace une frontière à l’intérieur de la frontière qu’est le littoral : tout s’y déverse dans un désordre apparent, usages sociaux, représentations du monde, cultes religieux, pratiques hygiénistes, etc… tout ce mouvement provoque des frôlements inattendus, des chocs de particules et des correspondances surprenantes et mystérieuses dans une sorte de gigantesque implosion lente et paresseuse.
Tout est dans tout, bien sûr, mais plus spécialement dans ce lieu collectif et public où tout peut arriver, se côtoyer ou simplement se juxtaposer dans un ensemble proche du bouquet final d’un feu d’artifice. Le grand écart est particulièrement visible à la période estivale pendant laquelle le système acquiert une vitesse de rotation extraordinaire mettant en relation des éléments franchement disparates et paradoxaux.
Comme tout espace de mélange et de brassage, il se présente de manière minimaliste, un vide un peu irrégulier entre le balnéaire et le un peu moins balnéaire. Dans la conception du monde décrite par Alain Corbin, le littoral est la trace du doigt de Dieu pour empêcher le chaos (l’océan/déluge) d’envahir à nouveau la terre, la promenade est la trace dans la trace qui sépare le littoral en deux lieux distincts arbitrairement. Barrière symbolique d’un contrôle du chaos, son existence est la preuve de la domination du désordre dangereux qui la borde, donnant au paysage une note paisible et distanciée.

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Nord/Sud
Au Nord se tient la zone de l’Adour, zone d’échouage importante où le fleuve redistribue tout ce qu’il a pu arracher à d’autres paysages, bois, végétaux, déchets divers et colorés, quelques restes d’animaux, pour recomposer un territoire parfois violent et catastrophique. Le sable s’y dépose en masse, est avalé par la drague permanente et déposé au bord des plages pour éviter leur disparition. Ensuite la promenade longe quelques restes de la seconde guerre mondiale, qui semble ici plus irréelle que jamais, restes envahis des gestes colorés des tagueurs, nouveau code esthétique indispensable au jeunisme balnéaire.
A gauche s’étend la nature originelle de marais, enchâssée dans des contours précis et délimités, autre forme de chaos sous la forme du miasme et de l’indécis, du mouvant et du sombre, terrain de la canne, la plante d’origine des marais qui toujours revient, années après années, dès que la surveillance se relâche.
A droite du Nord au Sud s’étend le royaume de l’eau, le pays des turbulences, terrain de jeux des surfeurs qui, justement, aiment les turbulences sans cesse renouvelées de la rencontre entre le dynamique et le stable. Ici le balnéaire n’est pas simple entre les baïnes, les courants, et les vagues puissantes la baignade n’est jamais sure, rarement dénuée de dangers, la plage est semée de panneaux de danger, d’interdictions, de conseils et finit par ressembler à une rocade d’autoroute vaguement hostile.
Plus loin, de nouveau quelques bunkers, tout aussi tagués et enfin l’espace ordonné du golf, ses ondulations de verdure courte traversée par le bruit sec des balles, encore quelques pelouses et arrivée sur des bâtiments après avoir longé l’ancien terrain d’aviation qui revient lentement à un état non piétiné, à la prairie originelle. Restaurants, terrasses, bars, magasins, béton partout jusqu’à la Chambre d’Amour, dernière plage avant la falaise, où trône le fameux paquebot architectural qui boucle la promenade d’une austérité toute seventies.

Galerie
Impossible d’être exhaustif ou documentaire dans une telle masse d’événements, de rencontres, de croisements, donc quelques dyptiques photographiques au fonctionnement visuel associatif et parfois ténu après un démarrage nocturne et solitaire. Bonne déambulation.

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Texte et photos Patrick Laforet

Le Bâton Migrant

Un bâton gai et festif comme une bamboche en bord de plage. Parure modeste des congés à la mer, entre campings et chichis, entre golf et plateau de fruits de mer, entre surf et vagues, entre filles et garçons et autres combinaisons de corps à corps. Bimbeloterie silencieuse, souvenir pour les yeux qui ouvre les oreilles ivres de rire et de musique. Sur le bambou littoral s’accumule une foule synthétique, symbole de l’esprit balnéaire d’un rêve pastel au milieu des chatoiements colorés des rébus en plastique animés d’une langueur estivale.

Réservations

Réservez dès à présent votre participation au walkscape « Lisières & Climats de Bourgogne». Rendez-vous samedi 11 juin ou dimanche 12 juin au Château de Chassagne-Montrachet à 10h30. Arrivée prévue à Chagny aux environs de 12h30.

A la demande de l’équipe d’Une partie de campagne 2016, « Démarches » propose une promenade aux lisières de la forêt et du vignoble, à travers les limites des Climats de Bourgogne entre Chassagne-Montrachet et Chagny. De la nature à la culture, de la campagne à l’urbain, la traversée d’un vignoble d’exception, témoin d’un savoir-faire ancestral dans une région qui des origines de la photographie aux artistes contemporains a su allier excellence et création.

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Deux heures de marche accompagnée dont chaque pas porte le regard vers des points de vue esthétisés par un environnement sélectionné.

Ce walkscape a été sélectionné, comme événement coup de coeur, par le jury Le Mois des Climats

Mois des climats

La participation au walkscape est libre, mais il est impératif de se préinscrire par mail à l’adresse suivante : clayssen.laforet@gmail.com

 

 

 

Le crU et le BUis

« le seul endroit du monde où le climat appartient au ciel et à la terre. Incertain quand on lève les yeux, le climat est toujours sûr et constant quand on les baisse » cette observation de Bernard Pivot, dans la préface écrite pour l’ouvrage de référence Climats du vignoble de Bourgogne*, décrypte poétiquement le double sens du mot « climat » en Bourgogne.

C’est en effet la combinaison de la situation météo, des sols et sous-sols, des pentes et orientations associés à une conduite des vignes issue d’une observation sur plusieurs siècles qui a modelé cette mosaïque de parcelles dont les figures géométriques se lisent dans les limites cadastrales, les meurgers, les clos et les cheminements.

Si l’histoire commence au XIIIe siècle, lorsque l’abbaye cistercienne de Maizières reçoit les premières vignes en « mont Rachaz ou Montrachaz », sa consécration viendra au XIXe siècle lorsque ce vignoble prend tout son essor.

De l’avis de Thomas Jefferson, troisième Président des Etats-Unis, qui découvre ce cru lorsqu’il était ambassadeur des États-Unis en France de 1785 à 1789 , il s’agit rien moins que du meilleur vin du monde. Tandis qu’Alexandre Dumas père disait que ce vin devrait être bu à genoux et tête découverte, alors que Stendhal dans Mémoires d’un touriste  publié à Paris en 1838 écrivait : La Côte-d’Or n’est qu’une petite montagne bien sèche et bien laide ; mais on distingue les vignes avec leurs petits piquets, et à chaque instant on trouve un nom immortel.

Ce point de vue stendhalien ne doit pas faire oublier la place primordiale occupée par l’image, à la même époque, dans cette région. Berceau de la photographie, la Bourgogne outre son prestige viticole compte parmi ses célébrités rien moins que l’inventeur de l’héliographie ancêtre de la photographie et l’inventeur de la chronophotographie qui pose les bases techniques de l’image animée.

Nicéphore Niepce- Le point de vue du Gras- 1826

Le premier,  Nicéphore Niepce est né le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône, la première héliographie connue date de 1826. Intitulée Le Point de vue du Gras , elle représente un paysage proche de Chalon sur Saône.

Le second, Etienne-Jules Marey est né le 5 mars 1830 à Beaune. Il vécut à 6 km de Chagny au Domaine de la Folie. Etienne-Jules Marey, aïeul de Clémence, la gérante du domaine, a reconstitué et mis en valeur l’exploitation familiale.  Professeur au Collège de France, physiologiste, précurseur du cinéma, il est à l’origine de nombreuses inventions telles que le fusil chronophotographique ou le sphygmographe, appareil pour enregistrer le pouls.

L’homme qui marche – Etienne-Jules Marey – 1890

La Bourgogne offre aussi au cinéma un décor et des modes de vie marqués par la tradition et le milieu viticole. Pour raconter une histoire de famille et de transmission entre générations, le cinéaste Cédric Klapisch, a retenu le vignoble bourguignon. C’est dans la côte de Beaune, notamment Meursault et Chassagne-Montrachet, qu’il a trouvé les motifs d’une histoire d’héritage. Car, le vin dit-il présente à la différence des autres « cultures » l’avantage de se bonifier en vieillissant… C’est ainsi qu’à Chassagne-Montrachet le Domaine de Magenta figure dans le décor de sa dernière réalisation, Le Vin et le vent. Le tournage, a débuté pendant les vendanges 2015 et devrait se terminer au début de l’été. Lire la note d’actualisation en fin d’article.

Cédric Klapisch – Le Vin et le vent .DR

Dans l’étude sur le Sémantisme autour du vin: représentations symboliques et lexiculturelles, Mercedes Eurrutia Cavero, Maître de Conférence à l’Université d’Alicante, note à propos du mythe dyonisiaque : Comme le sacré et l’art, le vin permet à l’homme de s’approprier le «désordre» à travers un «ordre». La patience du vigneron, l’acharnement du peintre, du poète, de l’artiste aboutissent paradoxalement à ce qui est opposé à la sphère du travail, l’ivresse, le rêve, l’extase. Tel est le sens de la religion dionysiaque: «Dionysos est un dieu ivre, c’est le dieu dont l’essence divine est la fo­lie»  d’après Georges Bataille.  

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vers 70 av. J.-C, maison de Pompéi surnommée  » La Villa des mystères « . on y voit Dionysos, dieu du Vin et de la Vigne, et sa mère, Sémélé.

Hervé Chayette et Philippe baron de Rothschild précise dans l’ouvrage Le vin à travers la peinture : Mais Dionysos est également un dieu de culture dans le sens abstrait du terme : «Il est essentiel d’insister sur le lien incarné par Dionysos entre le vin, d’une part et l’autre la civilisation en ce qu’elle comporte de plus raffiné ou de plus sublime : la création artistique». Dans l’Antiquité il était considéré comme protecteur de tous les arts, dieu de l’inspiration artistique dans ce qu’elle a de divin et d’assimilable à l’ivresse.

Et l’on sait la place accordée au vin dans  la chrétienté…

Le paysage construit

Le paysage se définit généralement à travers la question de ses représentations en éludant la posture du spectateur. L’expérience corporelle, la positionalité du spectateur constituent pourtant les éléments fondateurs d’un paysage perçu. Nous donnons généralement le primat à la vision au détriment de la mise en forme de la terre par les activités humaines.

Ce walkscape en milieu agraire s’inscrit dans un paysage construit sur une période remontant au Moyen-âge. Pour preuve, le village de Chassagne est inscrit au cartulaire de 886 de l’abbaye de Saint-Seine sous le nom de Cassaneas ou Cassania, tandis que des moines clunisiens y fondent le prieuré de Morgeot et que l’abbaye bénédictine Saint-Jean-le-Grand d’Autun est propriétaire du Clos Saint-Jean.

Conditionnée par la géologie et le relief, la côte peut se décrire par strates successives : au sommet, les plateaux calcaires en cours d’enfrichement ou plantés de résineux, les escarpements rocheux artificiels ou naturels et leurs éboulis boisés, puis les vignobles en coteau et les plaines bocagères héritées des cultures monastiques.

Ceci permet d’interpréter les conditions d’élaboration de ce paysage ancien qui doit essentiellement à la présence continue des moines. Les règles des monastères ont favorisé la présence d’une population stable qui a façonné le paysage par des pratiques viticoles forgées par des savoir-faire fondés sur l’observation sur de longues périodes.

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Le paysages de vignoble, est indéniablement un type de paysage fait pour être vu, il évoque le produit fini et convoque sa charge symbolique. En Bourgogne la parcellisation des terres compose un camaïeu délimité, souligné, découpé dont la vue paysagère régale l’œil des variations d’alignement. Le paysage viticole incite peu à la promenade, sa découverte spectaculaire n’invite pas à la déambulation entre les vignes. Lieux de travail et de production, la vigne requiert des soins méticuleux et une attention soutenue, on ne vagabonde pas dans les inter-rangs. Sa valeur et sa renommée incitent au respect, on regarde mais on ne touche pas. On dégustera, car seul le produit de la vigne permettra d’apprécier la qualité dans un raccourci qui de la vigne au verre racontera chaque étape de la production.
La beauté singulière des « Climats » se livre dans la vue d’ensemble.

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Trois types d’occupation des sols : le bâti, la vigne et la friche. Composition directement observable depuis les chemins à flanc de coteaux. Quand on marche en surplomb de Chassagne-Montrachet aux lisières de la friche forestière et des buis sauvages, le regard porte sur la mosaïque de vignes délimitée par les murets et les routes et chemins qui enceignent le village, les domaines et leurs bâtiments d’habitations et viticoles, alors que la voie ferrée et la nationale convergent vers les abords de Chagny et sa périphérie. La mythique Nationale 6 qui reliait Paris à l’Italie via la Bourgogne et Lyon a perdu sa renommée de route des vacances depuis l’ouverture de l’autoroute A6.

La terre des parcelles a une telle valeur que l’on dit que les viticulteurs, lors d’un achat, goûtent la terre pour apprécier le goût du futur vin qui sera susceptible d’y être produit. Mais on dit aussi qu’il faut gratter la terre sous les semelles en quittant une parcelle pour ne pas éparpiller un bien si précieux. Un dégustateur averti retrouvera dans son verre l’identité de la terre.

La friche est essentiellement le terrain de prédilection du buis. Les particularités du buis compliquent sa gestion. Car il s’agit d’un bois dur avec une grande capacité de repousse après coupe, toxique pour le bétail et d’une longévité exceptionnelle.

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Les buxaies trouve toute leur place dans l’équilibre écologique il s’agit de les contenir car elles sont une composante du paysage et participent de la typicité de ce paysage.

Deux lectures permettent de lire ce paysage.

Une lecture temporelle. Le paysage qui s’offre aux visiteurs actuels est le résultat de trois étapes historiques :

* Le phylloxera à la fin 19ème siècle qui a obligé à structurer l’alignement des vignes

* La délimitation des appellations d’origine par de actes juridiques

* L’évolution des moyens de production avec le développement des enjambeurs, puis de l’hélicoptère.

Une lecture spatiale permet d’appréhender par l’observation de l’étroite corrélation entre les activités humaines et les lieux où elles s’exercent, une toponymie caractéristique des régions viticoles d’excellence. En effet, la région Bourgogne imbrique villages et lieux-dits dont les noms désignent tout à la fois le lieu de production et le produit. Par le décret du 27 novembre 1879, la commune de Chassagne-le-Haut est autorisée à changer son nom en Chassagne-Montrachet, du nom du climat le Montrachet, classé grand cru.

La carrière de Chassagne-Montrachet entaille blanche à flanc de côte, marqueur essentiel du paysage. Le « calcaire de Chassagne », un calcaire blanc à petits grains ronds a été utilisé pour le bâti local. Les maisons de la Côte de Beaune sud, mais aussi des Châteaux et l’Hôpital de Meursault en témoignent.  Cette pierre est aussi un des substrats du Climat de Montrachet. La carrière à ciel ouvert de Chassagne dont les déblais, appelés « cavaliers », enrichissent la morphologie du paysage de la côte par la rupture visuelle qu’ils occasionnent.

Cette pierre marbrière a pour caractéristique d’acquérir, après polissage, un brillant de qualité. Moins onéreuse que le marbre, la pierre de Chassagne a été utilisée sur de grands chantiers comme le Grand-Louvre, à Paris, mais aussi au palais royal Fahd Bin Abdulaziz, à Fès, au Maroc, ainsi que dans divers chantiers au Qatar, en Arabie Saoudite, aux Etats-Unis, etc. Ce type de pierre est aussi exploité en côte de Nuits, sous le nom de Comblanchien.

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Parler d’un « Terroir de la Pierre » n’est pas un abus de langage tant les liens entre le travail du sol et du sous-sol sont étroits. L’extraction des matériaux des multiples « perrières » a servi aux constructions des bâtis vignerons : murets, meurgers, cabottes, habitations, celliers…, leur conférant ce cachet typique de la pierre sèche. Les anciennes perrières reconverties en vigne ont donné leur nom à des Climats racontant la relation étroite qui unit vignes, vins et villages. En plus des perrières, le sous-sol est riche de diverses ressources comme les argilières, les gravières, les lavières qui servent de couvertures aux toits traditionnels.
Avec la taille guyot simple -simple, avec une baguette de cinq à huit yeux et un courson de un à trois yeux-, qui étale les sarments, le viticulteur obtient un palissage qui favorise l’ensoleillement et limite l’hygrométrie au niveau de la vigne, grâce à la circulation d’air.

Le cycle végétatif de la vigne se compose de phases successives.  Le calendrier de la vigne ou commence la taille pour se clore avec les vendanges généralement en septembre.

Pour comprendre et apprécier le paysage viticole, il est indispensable d’identifier la phase dans laquelle se trouve la vigne au moment de la marche dans le vignoble. Du point de vue paysage, chaque phase offre un aspect spécifique avec des dominantes de couleurs, mais aussi d’activités humaines qui modifient la perception qu’en aura l’observateur.

Car, la surface foliaire est un élément fondamental des paysages de vignes qui s’offrent à l’observateur suivant les saisons. L’alignement parfait des rangs de vignes avec des feuilles ordonnées.

Le ‘’palissage’’ des rameaux sur les fils de fer malgré ses qualités visuelles et sa photogénie n’a aucun motif esthétique. La surface foliaire doit être maintenue homogène et suffisante pour faciliter le processus de photosynthèse.

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La densité de plantation influence la surface foliaire. Une grande partie des travaux du viticulteur tout au long du cycle végétatif de la vigne, concourent à l’optimisation de la surface foliaire. On appelle surface foliaire l’avers et l’envers de la feuille de vigne, de la vigne au-dessus des pieds des ceps. On notera que les grappes poussent sous la partie foliaire.

Otis Historical Archives of National Museum of Health & Medicine

Dès 1530, suite aux excès de la Renaissance, une vague de pudibonderie entraîna des actions de masquage de la nudité sur les œuvres d’art. Ces altérations des oeuvres connues sous le nom de surpeint ou repeint de pudeur étaient effectuées généralement par un ajout de feuilles de vigne. A l’origine, il s’agissait de feuilles de figuier conformément au texte de la Genèse « Et les yeux de tous deux furent ouverts ; ils connurent qu’ils étaient nus, et ils cousirent ensemble des feuilles de figuier, et s’en firent des ceintures » (Genèse 3 : 7). Cette pratique perdura jusqu’au 19è siècle en particulier dans l’imagerie médicale et à visée pédagogique. La feuille de vigne devint ainsi le symbole de la pudibonderie et d’une forme de censure.

 

 

 

L’enjambeur apparaît dans les années 50, il va supplanter le cheval et ouvrir une nouvelle ère dans la conduite de la vigne. Dès l’origine de ce tracteur à pont les inventeurs vont suivant les régions développer des modèles plus ou moins performants. En Bourgogne, l’entreprise fondée par Emile Bobard en 1927, développera en 1957 un enjambeur qui va travailler dans les plantations dont les allées de passage varient entre 0,90 m et 1,50 m. L’enjambeur participe de la modification du paysage,

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En période de taille de la vigne de décembre à mars, l’odeur caractéristique du sarment brûlé, envahit les villages bourguignons. Cette fumée fortement parfumée est assez tenace pour imprégner durablement les cheveux et tous les vêtements. Images typiques du vignoble bourguignon, les colonnes de fumée qui s’élèvent des vignes. Les sarments sont brûlés dans des genres de brouettes dites « breulots ». Chaque viticulteur bricole la sienne , le modèle le plus répandu est réalisé avec une roue de vélo, une armature de tuyaux de fer sur laquelle on installe un bidon métallique fendu sur la longueur puis ouvert et percé de trous à l’opposé pour le tirage et l’évacuation des cendres.

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Les tournières désignent les abords des lieux cultivés enherbés. Ces lisières herbeuses des vignes ont avant tout un rôle technique et environnemental, mais elles impactent aussi le paysage. Cette pratique à la fois maîtrisée et naturelle est un des marqueurs d’une agriculture partenaire de la nature. La vigne enherbée en Bourgogne prend aussi en compte cet aspect.

Les abords de parcelle sont enherbés, même si c’est l’option sol nu est retenue sur le reste de la parcelle. Parfois la végétation spontanée est suffisante, sinon les espèces semées peuvent être identiques à celles utilisées pour enherber les inter-rangs. L’enherbement des abords des parcelles a le même impact sur la protection contre l’érosion et la réduction du ruissellement que dans l’inter rang. Les bandes enherbées, interfaces entre les vignes et les autres milieux : haies, talus, bois, prairies, autres cultures…, servent à protéger la parcelle mais aussi à héberger et nourrir nombre d’insectes.

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Dans une société urbaine, les citadins se ressourcent en accédant aux plaisirs de la nature et à la découverte des paysages. Les paysages de vignes varient au cours des saisons, situés comme La Côte de Beaune sur des contreforts, mais travaillés, entretenus, le touriste urbain malgré le dépaysement est rassuré par ces espaces aménagés. Il s’agit de paysage construit par une longue histoire ancrée dans la mythologie et les religions.  Il y découvre un mode de vie, des plaisirs de la table associés à la production locale dont il pourra acquérir les produits pour retrouver et faire partager les sensations et évoquer le souvenir par le goût et l’odorat, lors de l’ouverture d’une bouteille. La vigne est une culture peuplante, un écosystème vivant, mais aussi habité et marqué par les traditions, des abbayes, des villages, des domaines, des châteaux, des chais, des caves,…

Les visiteurs d’Une partie de campagne en ont fait l’expérience lors des journées du 10, 11 et 12 juin.

vue aérienne

 

 

Note :

*Climats du vignoble de Bourgogne, Ouvrage collectif, Préface de Bernard Pivot, Collection « Le Verre et l’assiette » – éditions Glénat, 224 pages. Format : 245 x 328 mm, Prix : 49 €

Texte et Photos Jacques Clayssen

 

Juin 2017-Note d’actualisation à propos du film de Cédric Klapisch

Le titre à l’époque du tournage: Le vin et le vent, n’était qu’un titre de travail, le titre commercial joue astucieusement sur le lien familial et la lie du vin, ce titre résume à lui seul la problématique du film. C’est donc à l’occasion de la sortie en salle de son dernier opus Ce qui nous lie que le réalisateur Cédric Klapisch  compare avec poésie, le travail du vigneron et du réalisateur : « on récolte des images pendant le tournage,puis elles maturent lors de la postproduction, comme le raisin en tonneaux dans les caves. Il y a beaucoup de ressemblances entre les métiers de vigneron et de réalisateur : il faut savoir observer, travailler sans compter ses heures, ne jamais baisser les bras. Tout ça pour offrir du bonheur, en bouteille ou sur grand écran. » extrait du JDD du 11 juin 2017.

En mars 2017, La Galerie Cinéma à Paris, 26 rue St Claude Paris 3 présentait les «photographies de repérage» du réalisateur avant le tournage de Ce qui nous lie. Nous avons sélectionné deux images que le réalisateur présentait dans l’exposition «La nature humaine».

Le gOût des liEUX

détail du parcours dans les Climats- Chassagne-Montrachet

Après avoir écouté le Chant du vin dans la citerne du Château de Chassagne-Montrachet, le marcheur revient à la lumière dans la cour … autour de lui les vignes sont du Chassagne-Montrachet Clos du Château, une cuvée de 800 bouteilles en blanc, vinifiées et élevées au Château, comme il se doit.

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Les rosiers au bout des rangs de vignes, ici ou ailleurs dans le vignoble, ont une fonction plus que décorative : les rosiers étant des plantes très sensibles aux maladies, ils servent de témoins d’alerte pour le vigneron afin qu’il traite sa vigne préventivement au besoin.

Sur la droite la colline du Montrachet  et en face la carrière à flanc de coteau.

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Passer les grilles du Château, le promeneur entre dans le village longe le Clos Devant (chez René Lequin-Colin, 2 ha) sur la gauche et Plante du Gaie (65ha) à droite. Une des missions du classement des climats à l’UNESCO est d’inciter les propriétaires de « clos » à entretenir les murs d’enceinte, ou à la récréer si elles ont disparu.

Dans la rue principale puis la rue Charles Paquelin (1742-1825), les vignes s’appellent tout simplement Chassagne (1ha56), d’abord en village puis en 1er cru. On les trouve sur les étiquettes en Appellation Chassagne-Montrachet La Chassagne.

Vers L’Eglise et derrière Les Héritiers Saint Genys, les Rebichets (5ha45) est un des rares climats à garder tout son mystère : les spécialistes de toponymie n’ont rien trouvé sur la signification ou l’origine de ce climat. Il fait néanmoins partie du clos du Clos Saint-Jean.

IMG_1100Le promeneur longe les Murées dans la rue de la Murée : comme les Murots, les Murgers et Meurées, ces noms dialectaux s’appliquent à un amas de pierres artificiel, et aux murs autour des vignes.

A l’angle du Château éponyme le Clos de la Maltroie (ou Maltroye, 4ha) rappelle qu’il y avait probablement un cimetière chrétien pouvant remonter au IVe siècle… on nommait ces nécropoles primitives Martroi de marturetum en latin. Il y a eu une confusion d’ordre oral entre le r et le l, favorisée peut-être par le roulement bien bourguignon des r et Martoi est devenu Maltroie.

En remontant vers le Parc du Parterre le Clos Saint Jean (5ha08) est à  droite : avant l’an 1000, le village tirait sa gloire du Clos Saint Jean, propriété de l’abbaye bénédictine Saint-Jean-le-Grand d’Autun fondée par Brunehaut en 589. L’église du village est quant à elle consacrée à Saint Marc.

En lisière du bois, une petite parcelle Les Combards (65 a) s’apparente à la toponymie des Combes, Combottes et Combettes.

En lisière du bois, une petite parcelle Les Combards (65 a) s’apparente à la toponymie des Combes, Combottes et Combettes.

Au sud en face, La Vigne Derrière (3ha76)… derrière le village en effet, puis les Caillerets (5ha11). On retrouve ce nom de climat partout sur la côte là où le sol est plus caillouteux. Les vignes sont proches de la roche mère qui affleure sur le haut de la colline (d’où la fameuse carrière de pierre marbrière de Chassagne).

Le marcheur traverse ensuite les vignes de La Grande Montagne, comme l’endroit le montre. Les Grandes Ruchottes (2ha13) est un patois diminué de roche. Tout le secteur est dominé par les veines de pierre qui donnent une belle minéralité aux vins.

Ensuite le chemin  mène jusqu’à La Romanée (3ha35), le nom ne vient pas spécialement du fait que la vigne fut plantée par les romains, mais par l’existence d’un chemin de l’époque romaine à proximité.

new abbaye de morgeot duc de magenta Morgeot est un hameau de Chassagne-Montrachet. Les vignes portent le nom de l’Abbaye de Morgeot qui s’y trouvaient ou simplement Morgeot (4 ha), ainsi que La Chapelle (4h57) en souvenir de la chapelle de l’abbaye.

C’est vers 1150 que les moines cistersiens plantent les vignes autour de l’abbaye, construit au 17ème siècle le corps de bâtiments actuels est composé de celliers, ainsi que d’un ancien four à pain et des restes de la chapelle. Au décès  de Philippe, 9e Marquis de Mac Mahon et 4e Duc de Magenta, propriétaire depuis les années 60, c’est son épouse écossaise Amélie, Duchesse de Magenta qui gère le Domaine depuis le Château de Sully, sa résidence.

Ez Crottes (2ha36) : rien de graveleux, mais plutôt un creux, un ancien étang ou marécage asséché en ce lieu.

Guerchère (2h08) pourrait venir d’un mot germanique werki signifiant fortification, bien qu’on n’ait retrouvé trace d’une telle construction sur cette parcelle.

Les Benoites (9ha07) : ces terres « bénites » (benedictas) appartenaient également à l’Abbaye de Morgeot

Puis le marcheur entre sur le territoire de la commune de Chagny ; dès lors les parcelles de vignes sont en appellation Bourgogne rouge ou Bourgogne Blanc.

Après la traversée de la voie ferrée Chagny-Dijon, le parcours se poursuit entre voie d’eau et voie ferrée.

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Ce texte a été rédigé avec l’aide précieuse des ouvrages suivants :

  • Les Lieux dits dans le vignoble bourguignon, par Marie-Hélène Landrieu-Lussigny, spécialiste de toponymie
  • Les climats du vignoble de Bourgogne comme patrimoine mondial de l’humanité, sous la direction de Jean-Pierre Garcia

Des mOTs de la Côte

IMG_1119Le Buis Buxus sempervirens (L.)

 Arbuste de la famille des Buxacées, si sa vitesse de croissance est lente, elle favorise sa longévité, qui lui permet de vivre des centaines d’années. C’est une espèce thermophile, supportant bien les sols superficiels très secs, et qui recherche les sols calcaires.

En Bourgogne, c’est une espèce plus commune dans la partie sud, qui trouve sur les buttes du Mâconnais les conditions écologiques idéales pour se développer. Cet arbuste offre une résistance naturelle au brûlis en raison de son bois très dense. Il se développe en lisières des zones travaillées, car il n’est pas brouté par les animaux en raison de sa toxicité.

 

DSC02681-lightCabottes

Les différentes graphies cabottes ou cabotes, ou moins usités cabioutes, désignent un type de construction qui servaient autrefois d’abris ou de resserres aux vignerons de Côte-d’Or. La construction en pierre sèche nécessite un savoir-faire acquis par les vignerons. Les pierres assemblées les unes sur les autres s’équilibrent sans mortier. Les méthodes de construction se transmettaient de génération en génération.

Les plus habiles savaient installer des âtres, des ouvertures et parfois même ils édifiaient des coupoles pour couronner leur oeuvre.

Caudalie

Ce terme d’oenologie a pour origine le latin Cauda, qui signifie ‘queue’ ; il est le nom de la mesure de la persistance aromatique en bouche en fin de dégustation, exprimée en secondes. Un Bourgogne de qualité aura 8 ou 12 caudalies, voire plus, tandis qu’un vin court en aura 2 ou 4. Un caudalie égal une seconde. Toutefois, la perception olfactive étant différente pour chacun, les valeurs pour un vin relèvent plus d’une tendance aromatique.

CaptureLes Climats

 Le mot « climat » s’emploi à la fois pour désigner une parcelle de vigne individualisée et la production qui en est issu. L’étymologie grecque klima a pour sens « inclinaison, obliquité d’un point de la terre par rapport au soleil ». Mais, « climat » désigne aussi le lieu soumis à cette exposition. Apparu dans un écrit du XVIIè siècle, il faudra attendre le  XVIIIè siècle pour que le terme s’inscrive dans le vocabulaire viticole bourguignon.

Les climats sont des parcelles de terre, délimitées au centiare près, de superficie réduite, bénéficiant de conditions particulières, progressivement nommés depuis l’époque gallo-romaine à mesure que leur potentiel viticole a été révélé et hiérarchisé par les moines. Il existe une mosaïque de 1247 climats en Bourgogne. Ces parcelles produisent des vins dont le caractère est spécifique à chaque « Climat ».

L’inscription des Climats de Bourgogne au Patrimoine Mondial de l’UNESCO le 4 juillet 2015 est le résultat de 8 années de travail  mobilisant quelques 63 000 personnes. L’UNESCO, en prenant cette décision d’inscription, dans la catégorie des « paysages culturels », comme œuvre conjuguée de l’homme et de la nature, permet de montrer comment une activité humaine peut être source d’une culture liée à un paysage particulier. Mais elle reconnaît aussi la qualité du dossier scientifique et des outils de protection mis en place par l’ensemble des acteurs du territoire.

IMG_1121Les Clos

Il s’agit de « Climats » ceints de murs, dont la construction par les moines devait protéger la vigne des animaux. Ils attestent des propriétés foncières du Moyen-âge. Les Clos ont façonné à travers le temps les paysages de Bourgogne. Ils constituent des marqueurs forts de propriété. En effet, certains n’ont connu qu’un ou deux propriétaires.

 

 

 

 

 IMG_1154Cracos

La toponymie viticole évoque majoritairement les côteaux pierreux cultivés dès le haut Moyen Âge. Les cras ou crais désignent des parcelles pierreuses produisant des premiers crus. Les différentes graphies :  crâs , crays , criots déclinent suivant les sites une étymologie celtique désignant une colline pierreuse : cracos.

 

 

 

 

Enjambeurenjambeur Bobard

Il s’agit d’un tracteur agricole à trois ou quatre roues permettant d’enjamber 1 ou 2 rangs de vignes. Il permet de réaliser des traitements en concentrant la pulvérisation sur le feuillage, le rognage, le broyage des sarments au sol, le binage, …

Le tracteur enjambeur s’impose dans les années 60, à cette époque il remplace le cheval. En Bourgogne, l’invention est attribuée à Emile Bobard de Beaune en 1932. D’après les récits locaux, les premiers modèles apparaissent dans les vignes de Meursault en 1946 et plus tard à Auxey-Duresses en 1947. Mais suivant les régions l’invention est revendiquée entre autres, en Champagne, par Vincent Ballu  et les évolutions récentes par Jacques Kremer.

 

Les laves de Bourgogne

Les lauzes, pierres calcaires plates, appelées laves en Bourgogne, larges mais peu épaisses ces pierres sont particulièrement adaptées à la construction en pierres sèches.

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Meurgers

Dans les vignobles de Bourgogne, un murger ou meurger, mot issu du patois local et dérivant du mot gaulois morg signifiant “limite” est une épaisse muraille ou un tas de pierres parementé, qui est soit édifié en une seule fois lors du défrichement et du défonçage d’une parcelle en vue de la création d’une vigne, soit lentement constitué par l’épierrage récurrent d’une vigne existante. Ils façonnent de manière caractéristique le paysage viticole bourguignon.

 

 

 

IMG_3994Montrachet

Le Montrachet est la colline éponyme du célèbre vin. D’une altitude d’environ 250m, les sols y sont peu épais sur du calcaire avec une bande de marne rouge. Le nom est issu d’une séquence de dérivations à travers les époques: Mont Rachaz  en 1252, Mont Rachat en 1380 et Montrachat en 1473. Ces évolutions expliquent pourquoi on ne prononce le « t » de « Montrachet ». En ancien français, « la râche » était un nom de la teigne. Maladie du cuir chevelu et des poils. Les personnes atteintes devenaient quasiment chauves. Montrachet signifie  « la montagne chauve » à cause de son manque de végétation.

 

 

Obliquité

définition :  angle que fait le plan de l’équateur avec l’écliptique. Cet angle, dont l’importance est grande puisqu’il est lié aux saisons, vaut aujourd’hui 23 o 26′, mais, du fait des perturbations planétaires, c’est-à-dire des interactions gravitationnelles avec les autres planètes, il varie au cours du temps : sa diminution est de 47″ par siècle.

Plus encore que dans le substrat, La qualité d’un Climat réside non seulement dans la nature du sol, mais aussi dans l’exposition.  La pente d’une colline  exposée au levant, désigné sous le vocable de larrey, et suffisamment inclinée pour empêcher l’eau de stagner, est appropriée à la culture de la vigne.

La limite septentrionale des vignobles français suit un tracé partant des Ardennes auprès de Mézières, traverse la partie méridionale du département de l’Aisne, pour finir vers l’embouchure de la Loire. On observera que cette obliquité explique la ligne de séparation entre les régions qui produisent du vin et celles qui n’en produisent pas. Cette séparation est oblique par rapport aux parallèles de latitude, et va en s’abaissant de l’est à l’ouest. La vigne ne supporte que les climats tempérés.

Ecoutez Les-mots-du-paysage

Texte Jacques Clayssen

 

En marche dans les climats

Le samedi 11 et le dimanche 12 juin deux groupes de marcheurs ont sillonné les routes et chemins pour relier Chassagne-Montrachet à Chagny. Une Partie de Campagne à l’épreuve des Climats. Qu’ils soient collectionneurs, artistes ou amateurs, les marcheurs se sont égayés entre les parcelles de vigne par les chemins de traverse à la découverte de ces lieux aux noms évocateurs.

Samedi 11 juin– pour commander les photos de ce jour

Eric Larrayadieu -Photographe

Tel: + 33(0) 611 621 938

www.ericlarrayadieu.com

Dimanche 12 juin

 

Bâtons/Mémoires

Le bâton est associé à l’humanité depuis ses débuts, il en a accompagné toutes les évolutions et s’est diversifié dans un grand nombre d’usages : aide à la marche, arme guerrière, signe de pouvoir ou instrument de chasse. Outil polyvalent, il a pris des formes esthétiques très diverses et souvent très codées, chaque culture ayants ses bâtons décorés, gravés, sculptés, peints ou ornés, aux significations précises et la plupart du temps rituelles. La pratique du WalkScape se devait de rendre hommage à ce compagnon fidèle des marcheurs, des pèlerins et le bâton s’est imposé comme élément de mémoire, autre forme de récit et d’écriture destinée à rendre compte de chaque œuvre, symbolique douce de l’esprit d’un parcours, à la limite de la sculpture, de l’installation et de l’objet fétiche.

Le bâton-mémoire est orné de parures et de signes le liant exclusivement à un walkscape. Il est support des attributs symboliques ou littéraux d’un chemin, d’une voie. Le bâton-mémoire, participe de la tresse narrative à l’œuvre dans le walkscape. Ce bâton condense sur sa partie haute les éléments d’une histoire à travers des objets issus pour une part d’association d’idées, d’affinités électives, d’évocations et d’autre part d’objets témoins collectés sur le parcours, dont le statut de reliquat leur confère une aura singulière. Le bâton-mémoire, objet narratif qui à travers sa composition  offre à chacun un support à l’imaginaire. Il évoque et convoque tout à la fois des points de vue propres à chacun selon la connaissance ou l’expérience qu’il a du walkscape et ses référents culturels.

Œuvres d’imagination, ces sculptures, éléments en volume ou ces tableaux en relief suivant la perception de chacun, racontent l’histoire d’un parcours mental restituant un parcours physiquement réalisé et éprouvé lors d’un walkscape. De forme cylindrique, le bâton une fois pris en main, déroule sous toutes ses faces une figuration enlacée à sa forme à l’instar du bâton d’Asclépios autour duquel s’entoure la couleuvre. Le bâton-mémoire s’impose par son inscription dans le champ de la marche comme l’accompagnateur traditionnel du marcheur. Au titre d’emblème de la marche,  le bâton-mémoire constitue le support naturel d’une matérialisation de l’expérience esthétique de celle-ci.

Ci-dessous quelques exemples historiques ou contemporains, de l’exposition des bâtons des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle aux foires anglo-saxonnes de walking sticks en passant par les ateliers d’enfants autour de cet objet et également les réalisations de DéMarches pour ses WalkScapes, décrites plus complètement dans le cadre de chaque parcours.

Les Barthes avec Roland

Un walkscape, dédié à la mémoire de Roland Barthes, sur les traces d’un parcours entre Bayonne et Urt qu’il appréciait. Le célèbre sémiologue et critique appartenait à une famille dont les domiciles se déplaçaient au fil des événements sur une bande littorale d’Hendaye à Hossegor en passant par Biarritz et Bayonne avant de s’arrêter dans le village d’Urt.IMG_1561
CARTE DEF URT

Des résidences familiales, des institutions d’enseignement tracent une cartographie de lieux connus et célèbres ou discrets et méconnus. Ces lieux ont fait l’objet d’études, de notes, d’observations qui ont alimenté ou documenté les biobliographies de Roland Barthes. En 2015, lors des manifestations du centenaire de sa naissance, en Aquitaine, de nombreuses productions et travaux ont mis à jour des aspects liés à ce territoire familial.

Notre contribution se situe localement sur un parcours familier des auteurs et de Roland Barthes. Trajet commenté par ses soins dans le texte publié par l’Humanité en 1977 sous le titre  La lumière du Sud-Ouest. Un texte singulier dans l’oeuvre de Barthes, il y évoque en effet dans un style littéraire inusité des souvenirs intimes à travers ses sensations.

Ce walkscape hommage à la mémoire de Barthes commence là où Bayonne fini le long de l’Adour vers les Landes.

Point de départ : Moulin de Bacheforès
Ce moulin à marée construit en 1642, sur la rive droite de l’Adour à Bayonne, est l’un des derniers témoins d’une technique originale. Il se compose de trois paires de meules à grains, entraînées par des roues à augets horizontales. Il fonctionne sur les mouvements de la marée. L’étang se remplit à marée montante puis se vide à marée descendante à l’ouverture des vannes qui entraînent les meules.
Point d’arrivée : cimetière d’Urt.
Village situé à une quinzaine de kilomètres à l’est de Bayonne,  dans la province basque du Labourd, il jouxte le département des Landes.  Henriette Barthes s’y installera dans les années 60, dans la maison Carboué. Elle y  accueillera ses enfants jusqu’à son décés en 1977. Enterrée au cimetière d’Urt, situé non loin de sa maison, son fil Roland sera inhumé dans le même caveau à son décès en 1980.

Le bâtiment qui était en cours de construction lors de notre parcours, abrite une médiathèque, une cantine et des locaux associatifs. Il est implanté sur le site de l’ancienne médiathèque Roland Barthes. Il est ouvert depuis novembre 2016.

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Ce parcours se déroule aujourd’hui en majeure partie le long de l’Adour sur la D74. Une voie mixte vélos-piétons permet de marcher en toute sécurité, à l’exception de quelques passages non aménageables du fait de l’étroitesse de la voie.

Photos du parcours par Patrick Laforet

Compter 3h pour parcourir les 15km en toute tranquillité.

 

La lumière du Sud-Ouest

Les Barthes avec Roland, un walkscape hommage à Roland Barthes. Né à Cherbourg, Roland Barthes était par sa famille paternelle attaché au Sud-Ouest, il en a détaillé les raisons dans un texte d’écrivain publié en 1977 dans l’Humanité et réédité à moult reprises. Ce texte intitulé « La lumière du Sud-Ouest » nous a guidés dans notre parcours par la départementale 74, des bords de l’Adour au sortir de Bayonne jusqu’ au cimetière d’Urt où il repose avec sa mère.

marguerite de jardin

Aujourd’hui, 17 juillet, il fait un temps splendide. Assis sur le banc, clignant de l’œil, par jeu, comme font les enfants, je vois une marguerite du jardin, toutes proportions bouleversées, s’aplatir sur la prairie d’en face, de l’autre côté de la route.

Elle se conduit, cette route, comme une rivière paisible; parcourue de temps en temps par un vélo-moteur ou un tracteur (ce sont là, maintenant, les vrais bruits de la campagne, finalement non moins poétiques que le chant des oiseaux : étant rares, ils font ressortir le silence de la nature et lui impriment la marque discrète d’une activité humaine), la route s’en va irriguer tout un quartier lointain du village. Car ce village, quoique modeste, a ses quartiers excentriques. Le village, en France, n’est-il pas toujours un espace contradictoire ? Restreint, centré, il s’en va pourtant très loin ; le mien, très classique, n’a qu’une place, une église, une boulangerie, une pharmacie et deux épiceries (je devrais dire, aujourd’hui, deux self-services) ; mais il a aussi, sorte de caprice qui déjoue les lois apparentes de la géographie humaine, deux coiffeurs et deux médecins. La France, pays de la mesure ? Disons plutôt — et cela à tous les échelons de la vie nationale — pays des proportions complexes.

De la même façon, mon Sud-Ouest est extensible, comme ces images qui changent de sens selon le niveau de perception où je décide de les saisir. Je connais ainsi, subjectivement, trois Sud- Ouest.

Le premier, très vaste (un quart de la France), c’est un sentiment tenace de solidarité qui, instinctivement, me le désigne (car je suis loin de l’avoir visité dans son entier) : toute nouvelle qui me vient de cet espace me touche d’une façon personnelle. A y réfléchir, il me semble que l’unité de ce grand Sud-Ouest, c’est pour moi la langue : non pas le dialecte (car je ne connais aucune langue d’Oc) ; mais l’accent, parce que, sans doute, l’accent du Sud-Ouest a formé les modèles d’intonation qui ont marqué ma première enfance. Cet accent gascon (au sens large) se distingue pour moi de l’autre accent méridional, celui du Midi méditerranéen ; celui-là, dans la France d’aujourd’hui, a quelque chose de triomphant : tout un folklore cinématographique (Raimu, Fernandel), publicitaire (huiles, citrons) et touristique, le soutient ; l’accent du Sud-Ouest (peut-être plus lourd, moins chantant) n’a pas ces lettres de modernité ; il n’a, pour s’illustrer, que les interviews des rugbymen. Moi-même, je n’ai pas d’accent ; de mon enfance, il me reste cependant un « méridionalisme » : je dis « socializme », et non « socialisme » (qui sait, cela fait peut-être deux socialismes ?).

Mon second Sud-Ouest n’est pas une région ; c’est seulement une ligne, un trajet vécu. Lorsque, venant de Paris en auto (j’ai fait mille fois ce voyage), je dépasse Angoulême, un signal m’avertit que j’ai franchi le seuil de la maison et que j’entre dans le pays de mon enfance ; un bosquet de pins sur le côté, un palmier dans la cour d’une maison, une certaine hauteur des nuages qui donne au terrain la mobilité d’un visage. Commence alors la grande lumière du Sud-Ouest, noble et subtile tout à la fois ; jamais grise, jamais basse (même lorsque le soleil ne luit pas), c’est une lumière-espace, définie moins par les couleurs dont elle affecte les choses (comme dans l’autre Midi) que par la qualité éminemment habitable qu’elle donne à la terre. Je ne trouve pas d’autre moyen que de dire : c’est une lumière lumineuse. Il faut la voir, cette lumière (je dirais presque : l’entendre, tant elle est musicale), à l’automne, qui est la saison souveraine de ce pays ; liquide, rayonnante, déchirante puisque c’est la dernière belle lumière de l’année, illuminant chaque chose dans sa différence (le Sud-Ouest est le pays des micro -climats), elle préserve ce pays de toute vulgarité, de toute grégarité, le rend impropre au tourisme facile et révèle son aristocratie profonde (ce n’est pas une question de classe mais de caractère). A dire cela d’une façon aussi élogieuse, sans doute un scrupule me prend : n’y a-t-il jamais de moments ingrats, dans ce temps du Sud-Ouest ? Certes, mais pour moi, ce ne sont pas les moments de pluie ou d’orage (pourtant fréquents) ; ce ne sont même pas les moments où le ciel est gris ; les accidents de la lumière, ici, me semble-t-il, n’engendrent aucun spleen ; ils n’affectent pas l’« âme », mais seulement le corps, parfois empoissé d’humidité, saoulé de chlorophylle, ou alangui, exténué par le vent d’Espagne qui fait les Pyrénées toutes proches et violettes : sentiment ambigu, dont la fatigue a finalement quelque chose de délicieux, comme il arrive chaque fois que c’est mon corps (et non mon regard) qui est troublé.

Mon troisième Sud-Ouest est encore plus réduit : c’est la ville où j’ai passé mon enfance, puis mes vacances d’adolescent (Bayonne), c’est le village où je reviens chaque année, c’est le trajet qui unit l’une et l’autre et que j’ai parcouru tant de fois, pour aller acheter à la ville des cigares ou de la papeterie, ou à la gare chercher un ami. J’ai le choix entre plusieurs routes ; l’une, plus longue, passe par l’intérieur des terres, traverse un paysage métissé de Béarn et de Pays basque ; une autre, délicieuse route de campagne, suit la crête des coteaux qui dominent l’Adour ; de l’autre côté du fleuve, je vois un banc continu d’arbres, sombres dans le lointain : ce sont les pins des Landes ; une troisième route, toute récente (elle date de cette année), file le long de l’Adour, sur sa rive gauche : aucun intérêt, sinon la rapidité du trajet, et parfois, dans une échappée, le fleuve, très large, très doux, piqué des petites voiles blanches d’un club nautique. Mais la route que je préfère et dont je me donne souvent volontairement le plaisir, c’est celle qui suit la rive droite de l’Adour ; c’est un ancien chemin de halage, jalonné de fermes et de belles maisons. Je l’aime sans doute pour son naturel, ce dosage de noblesse et de familiarité qui est propre au Sud-Ouest ; on pourrait dire que, contrairement à sa rivale de l’autre rive, c’est encore une vraie route, non une voie fonctionnelle de communication, mais quelque chose comme une expérience complexe, où prennent place en même temps un spectacle continu (l’Adour est un très beau fleuve, méconnu), et le souvenir d’une pratique ancestrale, celle de la marche, de la pénétration lente et comme rythmée du paysage, qui prend dès lors d’autres proportions ; on rejoint ici ce qui a été dit au début, et qui est au fond le pouvoir qu’a ce pays de déjouer l’immobilité figée des cartes postales : ne cherchez pas trop à photographier : pour juger, pour aimer, il faut venir et rester, de façon à pouvoir parcourir toute la moire des lieux, des saisons, des temps, des lumières.

On me dira : vous ne parlez que du temps qu’il fait, d’impressions vaguement esthétiques, en tout cas purement subjectives. Mais les hommes, les rapports, les industries, les commerces, les problèmes ? Quoique simple résident, ne percevez-vous rien de tout cela ? — J’entre dans ces régions de la réalité à ma manière, c’est-à-dire avec mon corps ; et mon corps, c’est mon enfance, telle que l’histoire l’a faite. Cette histoire m’a donné une jeunesse provinciale, méridionale, bourgeoise. Pour moi, ces trois composantes sont indistinctes ; la bourgeoisie, c’est pour moi la province, et la province, c’est Bayonne ; la campagne (de mon enfance), c’est toujours l’arrière-pays bayonnais, réseau d’excursions, de visites et de récits. Ainsi, à l’âge où la mémoire se forme, n’ai-je pris des « grandes réalités » que la sensation qu’elles me procuraient : des odeurs, des fatigues, des sons de voix, des courses, des lumières, tout ce qui, du réel, est en quelque sorte irresponsable et n’a d’autre sens que de former plus tard le souvenir du temps perdu (tout autre fut mon enfance parisienne : pleine de difficultés matérielles, elle eut, si l’on peut dire, l’abstraction sévère de la pauvreté, et du Paris de cette époque, je n’ai guère d’« impressions »). Si je parle de ce Sud-Ouest tel que le souvenir le réfracte en moi, c’est que je crois à la formule de Joubert : « II ne faut pas s’exprimer comme on sent, mais comme on se souvient. »

Ces insignifiances sont donc comme les portes d’entrée de cette vaste région dont s’occupent le savoir sociologique et l’analyse politique. Rien, par exemple, n’a plus d’importance dans mon souvenir que les odeurs de ce quartier ancien, entre Nive et Adour, qu’on appelle le petit-Bayonne : tous les objets du petit commerce s’y mêlaient pour composer une fragrance inimitable : la corde des sandales (on ne dit pas ici des « espadrilles ») travaillée par de vieux Basques, le chocolat, l’huile espagnole, l’air confiné des boutiques obscures et des rues étroites, le papier vieilli des livres de la bibliothèque municipale, tout cela fonctionnait comme la formule chimique d’un commerce disparu (encore que ce quartier garde un peu de ce charme ancien), ou plus exactement, fonctionne aujourd’hui comme la formule de cette disparition. Par l’odeur, c’est le changement même d’un type de consommation que je saisis : les sandales (à la semelle tristement doublée de caoutchouc) ne sont plus artisanales, le chocolat et l’huile s’achètent hors la ville, dans un supermarché. Finies les odeurs, comme si, paradoxalement, les progrès de la pollution urbaine chassaient les parfums ménagers, comme si la « pureté » était une forme perfide de la pollution.

Autre induction : j’ai connu, dans mon enfance, bien des familles de la bourgeoisie bayonnaise (le Bayonne de cette époque avait quelque chose d’assez balzacien) ; j’ai connu leurs habitudes, leurs rites, leurs conversations, leur mode de vie. Cette bourgeoisie libérale était bourrée de préjugés, non de capitaux ; il y avait une sorte de distorsion entre l’idéologie de cette classe (franchement réactionnaire) et son statut économique (parfois tragique). Cette distorsion n’est jamais retenue par l’analyse sociologique ou politique, qui fonctionne comme une grosse passoire et laisse fuir les « subtilités » de la dialectique sociale. Or, ces subtilités — ou ces paradoxes de l’Histoire — , même si je ne savais pas les formuler, je les sentais : je « lisais » déjà le Sud-Ouest, je parcourais le texte qui va de la lumière d’un paysage, de la lourdeur d’une journée alanguie sous le vent d’Espagne, à tout un type de discours, social et provincial. Car « lire > un pays, c’est d’abord le percevoir selon le corps et la mémoire, selon la mémoire du corps. Je crois que c’est à ce vestibule du savoir et de l’analyse qu’est assigné l’écrivain : plus conscient que compétent, conscient des interstices mêmes de la compétence. C’est pourquoi l’enfance est la voie royale par laquelle nous connaissons le mieux un pays. Au fond, il n’est Pays que de l’enfance.

* Paru dans L’Humanité du 10 septembre 1977. Ré-édition Le Seuil.

Goxokissime

C’est l’intime qui veut parler en moi, faire entendre son cri, face à la généralité, à la science. Le Bruissement de la langue. Essais critiques 4 par Roland Barthes.

L’époque des séjours à Urt commence dans les années 60, Henriette Barthes quitte la villa Etchetoa, à Hendaye devenue trop touristique. Elle achète la maison Carboué (la maison du charbonnier, en gascon), à Urt.  A compter de 1968, Roland Barthes y séjournera tous les étés et durant les vacances scolaires, « le délice de ces matinées à U. : le soleil, la maison, les roses, le silence, la musique, le café, le travail, la quiétude insexuelle, la vacance des agressions ».  Il y trouve une quiétude et une tranquillité bercées par la douce présence de sa mère, jusqu’au décès de celle-ci le 25 octobre 1977 qui bouleversera durablement le reste de la vie de son fils.

Villa Les Sirènes à Biarritz

La Villa Les Sirènes à Biarritz où résida la famille Barthes au début de la Seconde Guerre mondiale. RB réformé, échappe à la mobil