Attaques urbaines contre les jardins autogérés

Encore un Jardin condamné à la destruction en vue de la construction d’un éco-quartier. Le mot valise magique des aménageurs-nettoyeurs garants de l’ordre urbain.

Le jardin des ronces- Nantes

Derrière la dénomination éco-quartier, la ville vend de l’artificialisation des terrains urbains échappant à son contrôle.

Les services municipaux  souvent en phase avec une majorité de la population, ne peuvent envisager des friches urbaines autrement qu’en espace à aménager. L’été naturel, perçu comme sauvage, est perçu comme un lieu abandonné et/ou comme une zone à risques.

Sur l’île de Nantes les aménagements du quai des Antilles ont transformé l’ancienne friche portuaire en lieu d’animations aménagé. Ainsi depuis 2007, les visiteurs se réjouissent d’y découvrir la Loire, comme si avant cette date le fleuve ne coulait pas le long de ce quai livré à lui-même, sauvage et désordonné.

Les aménageurs souhaitant valoriser leur projet sur le mode éco-compatible ont sanctuarisé le square de l’île Mabon soit 2 700 m2 sur une superficie totale de 337 hectares. Alexandre Chemetoff le présentait dans son Plan-guide d’aménagement de l’île comme : « … un lieu paradoxal naturel et artificiel, un lieu d’observation scientifique, un lieu dans lequel une méthode d’entretien est expérimentée. »

Depuis Nantes a été élue Capitale verte de l’Europe en 2013, au prix d’acrobatie dans la présentation du dossier de candidature. Fort de cette reconnaissance, la Métropole verdit ses projets.

Prochaine cible de cette mise en ordre contrôlée: le Jardin des Ronces

Vue d’ensemble du jardin des Ronces, Nantes. Photo : alimentation-generale.fr

La communication de Nantes Métropole

À l’est de Nantes, sur un territoire Doulonnais historiquement maraîcher et cheminot, le projet Doulon-Gohards, à l’image des valeurs du quartier, dessine les contours d’une ville à la fois écologique, plus sociale et plus solidaire. Ici, Nantes Métropole va construire un projet de faubourg, durable et accessible à toutes et tous. Un quartier co-construit, à la vocation à la fois urbaine et agricole unique, qui s’inscrit dans l’étoile verte nantaise.

Le square de l’île Mabon

Les intentions d’Alexandre Chemetoff

Les jardiniers accompagnent le développement du jardin sans arracher et sans planter de végétaux. Les branchages et les feuilles mortes sont laissés sur place, aucun arrosage n’est pratiqué. Tous les végétaux croissent librement, seuls les détritus ont été enlevés. Les relevés effectués après cours des années 2004 et 2005 constituent des points de repères pour mesurer d’année en année, saison après saison, la transformation du jardin, à la fois semblable et différent. C’est un lieu paradoxal naturel et artificiel, un lieu d’observation scientifique, un lieu dans lequel une méthode d’entretien est expérimentée.

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C’est un lieu paradoxal naturel et artificiel, un lieu d’observation scientifique, un lieu dans lequel une méthode d’entretien est expérimentée.

Dans cet espace réaménagé en square depuis 2005, aucune nouvelle plantation… si ce ne sont les végétaux qui s’y sont développés naturellement. Sur cette friche industrielle (ancienne usine Alstom), la végétation évolue. Au fil du temps, certaines espèces apparaissent et d’autres disparaissent. Expérience dont les services de la métropole semblent n’avoir tiré aucun enseignement.

Pour info sur l’état du projet de destruction du Jardin des Ronces

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/esprit-d-initiative/esprit-d-initiative-du-jeudi-17-novembre-2022-4906070

Pour mesurer les relations des habitants à la parcelle concernée

https://reporterre.net/A-Nantes-un-jardin-autogere-rejouit-enfants-et-habitants

Ex-tracés, performance marchée de Ridha Dhib

Qui est Ridha Dhib ?

Artiste marcheur, il travaille sur la notion de ligne depuis presque 20 ans. Sa problématique principale s’articule autour d’une question : que peut la ligne ? Autrement dit, quelles sont les potentialités plastiques d’une trace ouverte et abstraite ? Ses outils d’expression ; son corps et son smartphone. L’essentiel de son travail se fait en marchant. Cela se traduit par des performances marchées documentées par différentes traces numériques : images, traces GPS, textes, cartes… Tous ces éléments lui permettent de créer une œuvre hybride sous forme (entre autres) de Story Maps qu’on peut traduire par « cartes narratives ». Il n’est pas un inconnu pour les lecteurs de ce blog, nous avions suivi sa précédente performance « Hor-I-zons »

Genèse du projet

« Le 15 mars 2021, je suis tombé par hasard sur un reportage consacré à un camp de réfugiés syriens. Ce reportage a provoqué un télescopage avec ma précédente « grande » performance marchée « Hor-I-zons » au cours de laquelle j’ai croisé un certain nombre de réfugiés  « échoués »  au bord du chemin. Lors de ce périple, j’ai constaté que l’accueil réservé aux cheminants était de nature différente selon le sens de leur déplacement. J’ai ainsi pu mesurer mon « privilège » d’être dans le bon sens du poil… Mais, est-ce le bon sens de l’histoire ? Cette nouvelle performance est une tentative de réponse à la précédente et au confinement subi. «  

«Ex-tracés», une performance marchée.

«Ex-tracés», une performance marchée d’environ 4200 km qui consiste à parcourir à pieds et dans le sens inverse – au départ de Paris – la route des Balkans empruntée par des réfugiés dans leur périple vers l’Europe jusqu’à Mardin, ville à la frontière turco-syrienne. 140 haltes artistiques jalonnent ce périple au cours duquel l’artiste traversera 10 pays.
À chaque étape, l’artiste tracera avec le bout de son index, dans un mètre carré de terre du territoire traversé, un passage de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.
Écrire dans la terre et en braille, une convention qui est supposée être « gravée dans le marbre », c’est insister sur sa précarité et celle des réfugiés.

Ridha Dhib est parti le 15 mars 2022pour un parcours d’environ 5 mois, pour suivre la performance, consulter le site

https://www.ridhadhib.com/performances/ex-traces

au quotidien sur facebook

https://www.facebook.com/ridha.dhib

De Lons-le-Saunier à Issenheim et de Beaujeu à Besançon avec Victoria Niki

Un pas après l’autre, une marche performative.

Artiste plasticienne d’origine moldave qui vit et travaille en France depuis 12 ans.
Son travail aborde la question du paysage de différentes manières.
Et si le paysage n’était qu’un prétexte pour questionner autre chose que lui-même ? Comme si le sujet lui-même se métamorphosait en autre chose.

La démarche de Victoria Niki

Le déplacement est-ce se mouvoir, est-ce voyager d’un point A à un point B ?
Souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans connaître la nature de ce changement de place et de ce que cela transporte. Le paysage, la traversée de pays et territoires autres que ceux que j’ai pu expérimenter auparavant dans mon enfance constituent le coeur de ma réflexion.
Mon travail est une histoire de souvenirs et d’espaces où l’homme enfouit son passé, ses espérances, ses attachements et où parfois il les y perd. Mais pas seulement, car c’est aussi une histoire de territoire, d’appartenance, de ces lieux qui nous construisent, nous identifient, de ceux que l’on transforme et que l’on fantasme. Le récit, le son, l’installation, le dessin et la peinture s’entremêlent au service d’un seul matériau, tantôt solide, tantôt impalpable, parfois net mais le plus souvent flou : la mémoire. La mémoire comme point de départ, comme moyen et comme finalité ; la mémoire comme une question sur la place de l’humain, celle de l’étranger et du déplacé, de l’oublié et de l’oublieux. Et en fin de compte, la mémoire de l’autre, des autres, devenue fragment d’un Rubik’s cube, construit l’archive d’un territoire. Territoire qui m’est de fait étranger.
Comment archiver les souvenirs d’un territoire, d’un espace donné ?
Le lieu, l’année, la saison, le mois, le jour, l’heure et l’atmosphère du moment ainsi que d’autres détails surgissant des souvenirs contés sont mis en parallèle avec la cartographie. Chaque récit détermine et me transporte vers un lieu précis que je prend en photo tout en archivant les coordonnées GPS de l’image.

La marche
     comme
                 acte de résistance face à une situation qui nous échappe.
La marche
     comme
                 acte d’écriture par le corps dans le paysage.
La marche 
     comme
                 démarche artistique.
La marche
     comme
                 acte échappatoire.
La marche 
     comme
                 refuge. 

En résonance à l’actualité qui questionne notre liberté, je réalise une marche performative. Cette marche se déroule sur le territoire français.


Équipée d’un sac à dos, d’une tente et du strict nécessaire pour être en autonomie complète, cette nouvelle marche performative m’amène à rejoindre 7 villes et 7 places de la liberté : Place de la Liberté, 39000 Lons-le-Saunier ; Place de la Liberté, 68500 Issenheim ; Place de la Liberté, 69430 Beaujeu ; Place de la Liberté, 63160 Espirat ; Place de la Liberté, 83136 Rocbaron ; Place de la Liberté, 83000 Toulon ; Place de la Liberté, 03450 Ébreuil.


À la fin de mon parcours les initiales des villes parcourues formeront le mot LIBERTÉ. Le parcours dans son intégralité fera 2222 kilomètres, il se fera en plusieurs étapes, selon l’état du corps et des pieds, entre l’été 2021 et la fin de l’été 2022. En fonction des rencontres, des lieux et des circonstances je sèmerai des mots de Liberté. Tels des indices de passage, ce sera la seule trace matérielle que je laisserai derrière moi tout au long de cette odyssée. Chacun de ces mots sera géolocalisé sur la carte créant ainsi des rhizomes de Liberté interconnectés par mes pas.

 » L’être humain a toujours besoin d’air…tout en s’affichant comme fils d’une société, il s’en arrache avec réserve, hostile à tout excès, et se détourne pour chercher refuge non pas en soi-même mais dans une nature éprouvée comme l’envers de la société qu’il fuit. Rendu étranger à son monde, il souhaite taire son désarroi. ‘‘ 
L’Homme de dos  Georges Banu

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La prochaine étape ce sera pour l’automne. Tenez vous prêts pour de nouvelles aventures !!!

Le chemin de la liberté 
De BESANCON à BEAUJEU avec Victoria Niki

Chapitre II

J-0 Elles me paraissent toujours étrangement longues ces journées où l’on part pour un lieu mais la marche ne s’enclenche pas encore. La marche est en attente, elle est en suspension, elle ne commence pas encore, elle se prépare. On n’est plus chez soi, mais on n’est pas encore là-bas, on est quelque part, dans un entre deux, dans un sas spatio-temporel.

J’arrive ce soir à Besançon, assez tard. Demain c’est le départ, mes pieds n’en peuvent plus d’attendre. Demain je serai enfin en mouvement.

Pour le moment je regarde les paysages défiler…


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Jean-Pierre Brazs Vers le chemin des pierres plantées.

Jean-Pierre Brazs partage ses activités entre installation, dessin, photographie et écriture. Après avoir conçu depuis 1995 de nombreuses « interventions paysagères » éphémères ou pérennes son activité artistique se développe depuis 2009 à partir de fictions institutionnelles : le Centre de recherche sur les faits picturaux, puis la Manufacture des roches du futur, donnant lieu à des expositions, des installations, des conférences, des publications. Entre 2015 et 2017, dans le cadre de son projet L’hypothèse de l’île, il s’est déclaré en résidence d’artiste fictive dans une île imaginaire.

Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections publiques dont le Fonds national d’art contemporain, le Musée de Grenoble, le Musée d’histoire contemporaine ou le Musée du paysage de Verbania, Italie.

La démarche de Jean-Pierre Brazs
La proposition de J.P Brazs s’inscrit naturellement dans l’esprit de « Démarches ». Un parcours qui tisse un récit chronologique de ses travaux sur le thème de la lecture-écriture des paysages. Ces « coutures » raboutent différentes temporalités, elles définissent la continuité de ses diverses productions, sur la thématique paysagère. Entre le scientifique et le chaman, il artialise les domaines qu’il investit en nous donnant à découvrir, à travers son regard, les parts visibles et invisibles de la terre. Il gratte la croûte terrestre avec le savoir d’un déchiffreur averti qui en décrypte les signes.  En cela son travail participe de cette « tresse narrative » fondement de Démarches.

Ancré dans l’art rupestre par ses recherches et son travail sur les rochers, ce corpus de travaux de Jean-Pierre Brazs s’inscrit aussi dans le système de pensée corrélative à l’oeuvre dans la Chine antique. Pensée qui place les montagnes et les pierres dans une relation où si les pierres participent aux pouvoirs de la montagne, c’est moins pour leur ressemblance apparente que parce qu’elles constituent des microcosmes, animés par les forces qui créèrent les monts et les sommets.

Carole Fritz, chargé de recherche au CNRS au Centre de Recherche et d’Etude pour l’Art Préhistorique indique que « C’est difficile d’en parler sans rentrer dans l’interprétationMais l’anthropologie démontre depuis très longtemps qu’il n’existe pas de société sans mythes. Je ne vois pas pourquoi le paléolithique dérogerait à la règle. Dans les sociétés, ce sont les mythes qui régissent l’organisation sociale, la pensée. Le problème c’est que nous n’avons pas d’ethnographie qui accompagne cela : on fouille des poubelles et on regarde des dessins ; c’est très difficile de reconstituer un mythe à partir de ça.« 
Jean-Pierre Brazs nous invite à découvrir ses reconstitutions qui sont autant de reconstructions interprétatives.
« Ne connaît-on pas assez exactement le caractère d’un homme lorsqu’on entend […] qu’il considère toute roche brute comme un témoin du passé, avide de parler, vénérable pour lui dès son enfance… » Friedrich Nietzche in Humain, trop humain.

Cartes des parcours de Salève et de Barjac


Vers le chemin des pierres plantées
Texte et illustrations Jean-Pierre Brazs

Mes « interventions paysagères » passées (depuis 1995) étaient issues d’une expérience physique et visuelle avec un lieu « déjà là », composé du substrat géomorphologique, des présences et des rythmes végétaux et animaux et du « fabriqué avant » par les hommes. Étaient alors convoqués (de façon très braudélienne) des cycles aux amplitudes multiples, depuis les grands cycles géologiques aux cycles nocturnes diurnes, en passant par les cycles historiques ou ceux modeste d’une vie humaine. Me préoccupant aussi d’un « au-delà » du lieu, je cherchai à l’interroger et en quelque sorte à l’élargir, dans le sens où je souhaitai tisser des liens avec des références extérieures au lieu lui-même dans l’espace et le temps.
Dans le prolongement de ces expériences, je me suis intéressé ensuite aux parcours qui peuvent relier des lieux, constituant en quelque sorte des « lieux – réseaux ».
Les cheminements, se construisent comme des récits, il n’est donc pas étonnant de trouver sur les sols ou les parois de modestes « écritures » volontaires ou fortuites. Depuis quelques années je les collecte pour les décomposer ensuite en multiples fragments, persuadé qu’une langue pouvait y être à l’œuvre et qu’il suffirait d’y puiser des syllabes visuelles pour écrire la suite d’un récit ébauché. Me souvenant d’un projet que j’avais anciennement nommé « lieux-dits », j’ai donné à ces récits graphiques le nom de « dits ».
Le « chemin de mégalithes » et les « pierres plantées » existent réellement à proximité de mon nouvel atelier à Barjac dans le Gard, que j’occupe depuis l’été 2019. L’intrigante garrigue encourage à la rêverie et je ne puis m’empêcher de convoquer parfois des paysages imaginaires. En des lieux si particuliers le sol transpirerait des bruits du monde.

*

17 09 18
La randonnée de ce jour au sommet du Mont Salève a été décisive.
Ce massif, géologiquement jurassien, situé en Haute-Savoie, domine la ville de Genève. Il a toujours été abondamment occupé et parcouru, par les hommes comme par les animaux. Il a été dès le IIe siècle après J.-C. le lieu d’une petite métallurgie. Je me suis intéressé à des traces minimes, à des pierres simplement déplacées, à des relations parfois étranges entre l’arbre et la pierre.

18 09 18
En fin d’après-midi, en m’arrêtant à l’un des sommets du mont Salève et en tournant le dos à la vue panoramique sur les massifs des Alpes, j’ai aperçu des allées et venues d’hommes et de femmes transportant des branches de toutes tailles vers les hauteurs du pâturage habité de pierres éparses et d’arbres rabougris.
La tombée du jour est propice à la tenue de feux nouveaux dans les petites enceintes de pierres des foyers anciens dispersés sur le sommet.
Je salue donc les pourvoyeuses des flammes, les vétérans de l’étincelle, les brandonneurs et brandonneuses de toutes saisons.

19 09 18
J’ai engagé un travail d’inventaire des nombreuses traces de foyers récemment utilisés, abandonnés ou en attente de réutilisation.

26 09 18
Mon projet d’intervention avec et sur le mont Salève le constitue à la fois en topos et en oloé (les « espaces élastiques où lire où écrire », d’Anne Savelli) Le lieu choisi n’est pas un thème ou un support, mais il est à l’œuvre, c’est-à-dire qu’il est mis au travail.

28 09 18
Dans les rochers de Faverges, (ancien site d’extraction de minerais de fer et de petite métallurgie ; « Faverges », du latin fabrica : la forge) on peut à la fois se hisser en grimpant et être reliés aux entrailles de la terre. Les foyers sont à proximité des passages et de cavités.
A partir d’un plan topo utilisé par les varappeurs j’ai pu définir cinq zones :
Dans la partie basse du site (donnant sur une prairie) :
La zone des grands rochers gravés / La zone du « grand foyer » / La zone du passage étroit
Dans la partie haute du site : la clairière (dans laquelle se trouvent de nombreux foyers)
Entre ces deux zones : des rochers, dans lesquels on peut circuler et qui parfois forment des grottes

01 10 18

Début d’inventaire des tracés à la peinture bleue sur les rochers de Faverges. Ils indiquent les passages à utiliser pour les amateurs de varappe. Le mot « varappe », créé en 1883, provient du nom d’un des couloirs d’escalade du mont Salève.

varappe n.f.rég.Suisse ESC. GÉOGR. ALP. « couloir rocheux » – In Ga[1970].
Compl.TLF (mêmes réf., ø texte)
1883 – Origine du mot varapper. – On nous demande d’où vient le terme
varapper, appliqué quelquefois dans les récits d’excursions en<montagne.  (…)  Revenons  à  l’origine  du  terme  varapper.  Nous  la trouvons, sous la signature de L. WANNER, dans l’Écho des Alpes (1883,p. 248), organe des Sections romandes du Club Alpin Suisse. Ce nom de Varappe est tiré de certains couloirs du Salève, situés entre la Grande Gorge et le Coin. Ces couloirs qui, à première vue, semblent être inaccessibles, sont parcourus fréquemment par quelques Clubistes genevois qui estiment qu’il faut demander à la montagne autre chose que la marche et que, pour retirer tout le bien des courses alpestres, il faut que tout le corps travaille et non les jambes seulement. Cette manie de rechercher ce qui passe parmi la plupart de nos collègues pour des casse-cou, leur a fait donner le surnom de « Varappeux » età leur bande celui de « Varappe ».

http://www.cnrtl.fr/definition/bhvf/varappe

09 10 18
J’ai poursuivi l’exploration des rochers et découvert de nouvelles inscriptions. Je suis maintenant en mesure d’en faire un inventaire complet. Certaines se trouvent à proximité directe d’un « feu ». D’autres à l’entrée d’un passage ». D’autres encore sont cachées dans des « grottes ».
Des figures humaines ou simiesques sont gravées sur des parois verticales. Des enfants barbouillés du noir des charbons de bois, m’ont prévenu de la présence de « monstres » dans les cavités rocheuses, ajoutant, en courant vers l’entrée de la petite grotte, que rien ne pouvait les effrayer.

05 11 18
Les sommets du mont Salève sont vraiment des territoires nourriciers. J’y ai récolté quelques écritures : signes, traces et quelques étrangetés qui pourront alimenter un travail purement graphique (qui m’occupera cet hiver, alors que le Salève sera couvert de neige)

07.11.18
J’ai retrouvé des notes publiées en 1983 à l’occasion d’un projet consacré aux espaces urbains intitulé « LIEUX DITS » produit par le Centre d’action culturelle de Montbéliard.
(Aujourd’hui je ne formulerai pas  les choses de la même façon)
ERRE : manière d’avancer, de marcher.
ERRER : s’écarter de la vérité, aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure. IMAGES = ERREUR ?
L’errance c’est de n’avoir pas lieu ?
ERRATA : chose où l’on a erré.
ERRATIQUE : qui n’est pas fixe. Les roches erratiques ont été transportées par les anciens glaciers à une grande distance de leur point d’origine.
ERREUR : acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement ; jugement, faits psychiques qui en résultent.« Les ténèbres de l’ignorance valent mieux que la fausse lumière de l’erreur » (Rousseau).

12.11.18
Je suis retourné inspecter les rochers de Faverges.
Temps géologique, historique et actuel s’y conjuguent.
J’ai pu collecter différentes roches sidérolithiques. (Les rochers de Faverges sont formés d’une roche blanchâtre, rougeâtre à jaunâtre, constituée uniquement de grains millimétriques de quartz. Cette roche correspond au « grès sidérolithique » : « grès » en raison de l’abondance des grains de quartz et « sidérolithique » à cause de leur teneur en oxydes et hydroxydes fer. L’aspect de cette roche est dit saccharoïde, car sa texture rappelle celle du sucre. Ils se sont déposés, il y a une quarantaine de millions d’années, dans des fissures et des cavités creusées dans un plateau calcaire légèrement bombé, à l’emplacement du futur Salève, alors que le climat était tropical à désertique).

J’ai retrouvé des scories datant des anciennes activités sidérurgiques au Mont Salève. (Entre le Ve et le VIe siècle, et le XIe et le XIIIe siècle selon l’étude en 2017 de J. Sesiano de l’Université de Genève).

J’ai rendu visite à mon « grand foyer ». C’est le plus spectaculaire du Mont Salève. Il utilise une cuvette naturelle dans les rochers, attenante à une sombre anfractuosité. La fumée a noirci la roche ; sur les parois abondent signes gravés et tracés au charbon de bois.
C’est dans cette terrible béance que j’ai découvert une litière soigneusement préparée avec des branches de sapins recouvertes d’une épaisse couche de feuilles mortes. À côté du foyer des branches ont été soigneusement posés contre la paroi rocheuse.
Il me faut donc imaginer une personne (ou un couple) à la tombée du jour, allumant un feu et passant une partie de la nuit (la nuit entière peut-être) dans ce lieu directement ouvert sur les entrailles de la terre.

*

Il m’est arrivé de penser que la « réalité » ne serait qu’un mycélium enfoui et le dessin une façon de gratter le sol des apparences.

Qu’y a-t-il donc sous terre ? Quelque chose qui repose, attend, s’enfonce ou se soulève, ou se déploie, s’accumule, se concrétionne peut-être, ou se désarticule et s’éparpille ? Ce ne serait pas un monde inversé, ni symétrique, ni le germe de ce qui éclot à l’air libre, ni un monde racinaire, ni un chaos informe, ni des restes enfouis, ni notre monde livré à la décomposition ; quelque chose qui renonce ou qui espère, qui à la fois nourrit le dessus et en absorbe la substance.
Partout dans le monde existent des danses en rond. Le pilou kanak, se déroulait en grandes spirales de pieds et de bambou, frappant fortement le sol dans l’obscurité totale de la nuit. On peut imaginer que le bruit était si fort, l’onde transmise à la terre si particulière, que parfois le monde du dessous pouvait répondre, que les danseurs ne pouvaient s’arrêter de frapper le sol qu’à l’épuisement de leurs forces, qu’ils frappaient de plus en plus fort, de peur de ne plus entendre que le bruit de la terre.

Il est différentes manières d’entendre les bruits du monde. Il faut pour cela se trouver à des endroits particuliers et aux moments qui conviennent. Les foyers du mont Salève se répartissent en différents points hauts d’où la vue sur le massif alpin est bien dégagée et à proximité de rochers ouverts sur les entrailles de la terre : ils témoigneraient dans ce cas non pas de la volonté de voir, mais d’entendre. Pourquoi sinon s’obstiner à réalimenter régulièrement certains foyers, et à chaque fois s’assurer que le feu soit bien étouffé en le recouvrant des pierres qu’on avait d’abord organisées en cercle pour le contenir. Pourquoi aussi, sur certains rochers préservant d’étroits passages, de basses galeries et de petites « grottes », graver ou dessiner des visages effrayants (ou effrayés), parfois simplement des yeux, sinon pour signaler que dans ces cavités pourraient résonner des chants, des paroles ou des cris, sonorités anciennes prisonnières des plis de la terre.

*

Le « chemin de mégalithes » et les « pierres plantées » existent réellement à proximité de mon nouvel atelier à Barjac dans le Gard.
« Depuis l’office de tourisme de Barjac, prendre la direction Orgnac puis à gauche, rue Salavas … bifurquez à droite Grand-Rue Jean-Moulin qui débouche place de la croix blanche … prendre la rue Chevalier Lavaure … passer devant l’école publique et aller tout droit. Place Dr-Roque, prenez en face la rue Chevalier-Lavaure… prendre à gauche le circuit du PR 23 et le vieux chemin du Mazert … couper la D176. Poursuivez en face, sur un chemin pierreux. … Prendre à gauche la route goudronnée
… De cette portion de route vous apercevez au loin sur la gauche les bâtiments de la propriété de l’artiste Anselm Kiefer ainsi que quelques œuvres… Prenez à gauche à la rencontre de la piste forestière. Au Clos-du-Prince, prenez à droite vers l’Aven d’Orgnac pour déboucher devant le dolmen des Gigantes … suivre les rectangles jaunes, pour parvenir au dolmen de la Devèze… rejoignez l’aven des Cristaux. Prenez à droite pour déboucher aux dolmens de Serre-de Fabre et rejoignez la maison Forestière … »

Au-delà de l’éloquence pratique des topoguides, l’intrigante garrigue encourage à la rêverie et je ne puis m’empêcher d’y convoquer des paysages chimériques. Comme dans les rochers de Faverges, en des lieux si particuliers le sol transpirerait des bruits du monde et les mégalithes seraient gravés de traces imaginaires.

Liens :
http://www.jpbrazs.com/__index_lieuxdits.html
https://www.tk-21.com/TK-21-LaRevue-no90#Perce-voir-un-lieu

Des hadrons aux piétons – Le Grand Paris Express

L’accélérateur du Grand collisionneur de hadrons, au nord-ouest de Genève, est constitué de 27 km de tunnel, à 100 m sous terre, dans lequel les particules sont lancées à 99,9999991% de la vitesse de la lumière et vont effectuer 11 245 fois le tour de l’accélérateur par seconde.

En adaptant les chiffres, ce pourrait être une présentation du Grand Paris Express, ce tube de béton en majeure partie enterré qui vient s’ajouter à la Petite Ceinture et aux périphériques pour ceindre un territoire en expansion.

Les aménagements urbains s’implanteront aux confins de terres agricoles traitées aux pesticides, des gares seront érigées au milieu des champs (le Mesnil-Amelot : 850hab) favorisant les opérations immobilières et la gentrification de banlieues dont les plus défavorisés seront rejetés hors du périmètre. Ce qui nécessitera dans quelques décennies un nouvel anneau, répétant ainsi les mêmes erreurs.

© Jean-Fabien Leclanche pour Enlarge your Paris

Pour vendre ce projet qualifié de  plus grand projet urbain en Europe, une opération de séduction d’envergure propose de parcourir à pied les territoires promis aux aménageurs en charge des projets. Les mêmes arguments que ceux qui ont présidé à la construction de Noisy-le Grand, sont utilisés pour vendre un mode de vie, des visions d’avenir. A la fin des années 70, le futur se dessinait un nouvel avenir avec les Camemberts de l’architecte espagnol Manuel Nuñez Yanowsky ou encore les Espaces d’Abraxas de l’architecte espagnol Ricardo Bofill, et le système SK, métro hectométrique lancé en 1988 à la suite de l’annonce du « complexe Mail-Horizons » du promoteur Christian Pellerin. Métro qui devait alors relier deux stations du quartier d’affaires à la gare de Noisy-le-Grand-Mont d’Est sur la ligne A du RER d’Île-de-France. Ligne et matériel construits et abandonnés.

Aujourd’hui, hors le réseau express,  les arguments restent identiques avec la couche de préoccupations écologiques venant à point nommé verdir l’ensemble des projets d’aménagement de villes interconnectées par un anneau de vitesse.

document Le Grand Paris Express

Les critiques sont malvenues, l’adhésion est de mise et pour finir de convaincre les plus réticents, la communication s‘habille de promenades, de campagnes photographiques et de romans. Un récit visant à métamorphoser des territoires disparates en une image unifiée, dans l’esprit d’habitants à la conscience territoriale fractionnée.

Des pratiques, théorisées au début du XXème siècle, contribuent à changer les modes opératoires des aménageurs et des urbanistes comme le souligne Francesco Carreri dans La marche comme art civique. (1)

En 1913, Patrick Geddes (2), biologiste écossais déjà reconnu à l’époque, invente Civics, un nouveau cours universitaire consacré à l’étude pratique de la ville, vue à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolutionnisme à la civitas. C’est la naissance d’une nouvelle discipline, inexistante jusque-là : l’urbanisme itinérant, une science civique qui propose aux étudiants et aux futurs planners de se plonger directement dans ses replis, de s’« échapper des abstractions courantes de l’économie et de la politique au sein desquelles nous avons tous été plus ou moins élevés » pour revenir « à l’étude concrète, à partir de laquelle la politique et la philosophie sociale ont à vrai dire vu le jour dans le passé, mais se sont trop égarées – celle des villes comme nous les trouvons, ou plutôt comme nous les voyons se développer » (Geddes, 1994). L’urbanisme naît donc à pied, de façon labyrinthique et participative, comme méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer les villes. Il n’en résulte pas une vision abstraite et surplombante sous forme de cartes statiques divisées en zones fonctionnelles colorées, mais plutôt un récit phénoménologique évolutif, décrit depuis un point de vue horizontal, mis en mouvement en marchant dans les replis de la ville : la survey walk. 

La marche est tendance, la marche est fédératrice, la marche véhicule de valeurs qui cautionnent les aménagements. Le piéton devient la mesure des espaces publics.

« La marche est révélatrice d’espaces, la marche énonce les lieux, chaque pas épelle un morceau de territoire, chaque itinéraire épouse le phrasé de la ville » Michel de Certeau.

De qui piéton est-il le nom?

la réponse de Thierry Brenac et Martin Claux dans : Réflexions sur le sens des mots – piéton, marche, déambulation (3) en précise le sens avec à propos

Le mot de piéton qualifie celui qui va à pied, mais aussi, plus largement, celui qui est à
pied. C’est un dérivé du verbe piéter, qui n’est plus que rarement utilisé aujourd’hui, mais qui a également un sens statique (comme dans « se piéter devant quelqu’un » – on dirait plus couramment aujourd’hui « se planter devant quelqu’un »). D’autre part, piéton est un
substantif, et ne désigne pas l’action en elle-même (aller à pied ou se tenir sur ses pieds), mais qualifie la personne, pour une certaine période du moins : le piéton qui s’assoit sur un banc est encore un piéton.

Dans cette publication, les auteurs précisent leur point de vue sur la marche urbaine :

Au-delà des fonctions hygiénique et environnementale prêtées à l’aménagement dans le
cadre des politiques de développement de la marche, il semble probable que ces politiques
portent la marque du tournant entrepreneurial de l’action publique urbaine. Une rapide revue
de la littérature grise et scientifique le laisse à penser. Ainsi, pour Sonia Lavadinho (4) le regain
d’intérêt pour la marche s’explique en partie par le souhait des gouvernements urbains de
développer l’activité touristique urbaine et de doter leurs territoires des attributs considérés
comme nécessaires à l’attraction des classes créatives.

Celles et ceux qui souhaitent assister le 23 octobre à la Conférence Les piétons du Grand Paris – Regards croisés sur la marche urbaine, sont invités à s’inscrire.

Notes :

(1) Extrait de [La marche comme art civique (Walking as Civic Art) de Francesco Careri Traduction de Laura Brignon]

(2) Patrick Geddes (né le  à Ballater, Aberdeenshire, Écosse et mort le  à Montpellier) est un biologiste et sociologue écossais, connu aussi comme un précurseur dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, l’économie, l’urbanisme, la géographie, la muséographie et surtout l’écologie.

(3)
– Thierry Brenac Chargé de recherche, IFSTTAR, TS2, LMA
– Martin Claux Maître de conférences, Institut de Géoarchitecture, Université de Bretagne occidentale

(4) Sonia Lavadinho, Le renouveau de la marche urbaine : terrains, acteurs et politiques, Thèse de doctorat, ENS de Lyon, 2011

 

 

La Création environnementale à l’heure de la Permaculture

L’association AUKERA (cliquez ici pour voir la vidéo de présentation) vous invite à venir découvrir sa résidence LANDA à travers une soirée gratuite pour échanger “du land art à la permaculture“, avec Paul Ardenne, Clément Hauvette, Nadine Lère, Mathilde Redaud, Marc de Verneuil et Jean de Giacinto. Une table ronde animée par Jacques Clayssen à la Maison de la Nouvelle-Aquitaine à Paris.

                       à 19h à la Maison de la Nouvelle Aquitaine, 21 rue des Pyramides, 75 001 Paris

Le nouvel appel à projet LANDA pour 2019/2020 sur le thème de la forêt sera présenté lors de cette soirée à travers une exposition à Bordeaux chez Les Glacières Architecture, ainsi que les stages de cette nouvelle saison.

I want you for permaculture – aukera souhaite apporter un éclairage aux actions du projet agricole en permaculture d’Aukera, porté par Marlène Vissac, Clément Hauvette et ses adhérent(e)s au Pays Basque.

La Librairie Volume proposera une sélection de livres à la vente en rapport avec les thèmes de la soirée qui se terminera par un verre de cidre basque de chez nos voisins à Jatxou où se cultive le projet d’Aukera.

19h00 :
– projection d’un entretien de Gilles Clément avec Gilles Tiberghien extrait du film Gilles Clément, le jardin en mouvement d’Olivier Comte produit par Apres Éditions Gilles Coudert
– « Ondulation & Greensecond » numéro 2 de Christelle Christaile Westphal, une invitation à un geste d’écriture photographique.

19h30 :
présentations d’AUKERA, de LANDA, des deux fêtes annuelles et des œuvres in situ créées pour l’année zéro en 2018 à Jatxou au Pays Basque,

20h00-21h :
Table ronde avec le public et des critiques, artistes, architectes, permaculteurs, sur le thème de la « création artistique environnementale à l ‘heure de la Permaculture ».

21h-21h30 :
Lancement de l’appel à résidence et des stages 2019/2020 sur le thème de la forêt, et présentation du projet de résidence de l’été prochain : l’artiste et sérigraphe Beax de Gevigney (https://beax.fr/)

21h30-22h00 :
un verre de cidre basque

Contacts :
LANDA Franck Ancel franck@aukera-lcdp.com
AUKERA clement@aukera-lcdp.com

Site internet https://www.aukera-lcdp.com/

entrée gratuite dans la limite des places disponibles

Avec nos remerciements à Julien Taib, Matthieu Béchaux et le Groupe des 5, Philippe Dorthe, Gilles Coudert d’Après Édition, Jean-François Larralde, à nos futurs partenaires-relais…

Projet Hor-I-zons de Ridha Dhib

pour suivre le projet sur facebook, rendez-vous ici

Fin 13 août 2019 ARRIVÉE à Sousse

Fin de la performance marchée « Hor-I-zons ». Je voudrais vous remercier du fond du cœur pour vos précieux encouragements qui m’ont porté, poussé et soufflé tout le long de cette performance.

Je pense aussi à toutes les personnes que j’ai rencontrées sur le chemin avec qui j’ai eu de très beaux échanges et qui m’ont accueilli, nourri, soutenu, accompagné et bichonné.

Aussi, je dédie cette performance marchée à la première génération d’immigrés qui a percé son chemin au prix fort. Parce qu’un chemin ça se perce avec les pieds, avec les mains, avec de la chair et du sang, avec les dents. C’est ce même chemin que j’ai pris à l’envers. Cette marche du nord vers le sud n’est pas un retour aux sources – qui est une « belle illusion » – mais bel et bien une affaire de liberté et de dignité. Car, avant d’être français ou tunisien, je suis avant tout fils d’immigrés. Donc un être modifié.

بعد اكتمال العمل الفني « آفاق »، أود أن أتقدم بجزيل الشكر لكل من ساهم و شجّع و دعم هذا العمل الفني. تحية خاصة وكل امتناني للذين التقيتهم أثناء مسيرتي والذين ساعدوني ماديا و معنويا و أثّروا في هذا العمل. كما أهدي هذا العمل الفني للجيل الأول من مهاجرين الذين ضحوا كثيرا لأنن طريق الهجرة يحمل آثار الجسد بجراحه التي تبقى على الجسد كالوشم. لقد كان طريقي هذا في الاتجاه المعاكس. ليست هاته المسيرة نحو الجنوب عودة الى الجذور وهو وهم منشود، بل مسألة عزةً وكرامة. لأنني قبل أن أكون تونسى أو فرنسي فأنا ابن مهاجرين…ذات متحولة.

Actualisation 28 février 2019
Ici la carte des 106 étapes qui jalonnent le parcours de la performance marchée « Hor-I-zons » qui débutera le 2 mai 2019. Cette carte est publique, elle est modifiable par toute personne souhaitant m’accorder l’hospitalité le temps d’une nuit sur l’une de ces étapes. L’accueil sur les étapes de couleur verte est confirmé, tandis que sur les étapes de couleur rouge, il ne l’est pas. Le parcours est (raisonnablement) modifiable en fonction des propositions d’accueils et d’hébergements. Merci à vous et à toutes les personnes qui pourront m’aider à verdir ces étapes.

Ridha Dhib, artiste plasticien marcheur, a confié à Démarches les éléments du projet « Hor-I-zons ». Ce projet de marche, prévu en mai 2019, entre Paris et Sousse en Tunisie via l’Italie s’inscrit dans un protocole élaboré à partir d’expériences antérieures. Il s’agit d’un projet de marche augmentée. En effet, les technologies numériques sont mises en oeuvre, à travers l’usage d’un smartphone associé à différentes plateformes. Si le smartphone a acquis une place prépondérante pour les marches, tant comme boussole que guide ou mémoire du parcours à travers des applications dédiées, il connait avec les usages imaginés par Ridha Dhib un élément de production artistique de premier plan, comme on le découvre dans son projet. Une des conséquences et non des moindre sur le temps de la marche est résumé ainsi par l’artiste « Dans cette performance les traces précèdent le marcheur. » Voilà qui ouvre de vastes horizons que Ridha Dhib explore en entrelaçant la pratique ancestrale de la marche aux moyens numériques.

Cette marche entre Paris et Sousse illustre des thèmes et des réflexions que nous partageons sur la performance, les technologies numériques à travers la géolocalisation, la photographie et plus largement les outils du marcheur connecté.

Qui est Ridha Dhib, artiste qui se présente sur le web comme : Plasticien marcheur, bidouilleur de lignes, par le corps et via le code : parce que le lisible n’est pas toujours visible, et inversement…

Nous lui avons demandé de se présenter dans une biographie qui à travers son parcours explicite sa démarche :
Né à Sousse (Tunisie) en 1966, diplômé de l’Ecole des Beaux Arts de Toulon, je vis à Paris depuis 1991. Avant de faire rhizome dans des pratiques hétérogènes, la peinture fut longtemps mon médium de prédilection. En effet, depuis une quinzaine d’années je travaille sur une recherche plastique dont la problématique principale est de « libérer » la ligne du plan. Dans un premier temps, je me suis approprié un pistolet à colle en l’utilisant à contre-emploi : avec cet outil, il ne s’agissait plus de coller les matériaux, mais plutôt de décoller et libérer la matière.

Chemin faisant… la marche connectée a commencé à prendre une place de plus en plus prégnante dans ma problématique. Ainsi, c’est grâce à mon smartphone que mon corps devient pinceau traceur de lignes impalpables sur la surface de la terre. À son tour, le smartphone devient palette numérique génératrice et compilatrice de données multiples et variées… Il en résulte une oeuvre en devenir, mutante et polymorphe, entre installations et performances, matière palpable et matière numériques… Dessinant ainsi une carte à dimension rhizomique et poétique, donc nécessairement politique.

Préparation de la marche  Paris-Sousse

Dans un entretien du 11 Janvier 2018 avec Flore Garcin-Marrou, Maître de conférences en études théâtrales à l’Université Toulouse Jean Jaurès, Ridha Dhib expliquait ainsi son projet :
« Je suis en train de préparer un nouveau projet de marche qui aura lieu en [mai 2019]. Une marche de 3000 km, qui durera quatre mois, entre mon atelier à Paris et la Tunisie. Le choix de la Tunisie est lié à mon histoire car je suis fils d’immigré tunisien. Mais je suis déjà en train de marcher pour ce projet puisque les idées viennent en marchant. Par exemple, dans mon atelier, je suis en train de faire des essais pour faire germer des noyaux d’olive dans des pots. L’idée est de porter une seule pousse sur moi pendant cette marche et qu’elle puisse germer pendant le voyage, patinée de multiples particules qui se seront déposées sur elle en France et en Italie. Le pot qui contient l’olive sera connecté, géolocalisable.
…/….
La difficulté – et tout l’intérêt de la préparation réside dans le fait qu’il faut tracer les étapes pour aller en Tunisie. C’est une vraie percée du territoire. Il ne suffit pas de marcher pour marcher. Marcher, c’est partir de chez soi. Il n’y a pas de retour dans la marche. Rentrer chez soi en marchant ce n’est pas marcher, c’est juste rentrer à pied. Marcher, c’est un aller simple.

Nous vous donnons rendez-vous ici-même pour suivre « Hor-I-zons »

Mise à jour du 10 avril 2019

Le projet Hor-I-zons

« Le devenir est géographique »[1]

Plasticien marcheur vivant à Paris, enfant d’immigrés de la première génération, j’envisage de marcher vers la Tunisie, via l’Italie[2]. Cette marche n’est nullement pensée comme un hypothétique « retour aux sources », mais plutôt comme l’incarnation d’un trait d’union reliant mon lieu de vie  à la Tunisie[3]. En tant que franco-tunisien je porte aussi ce trait d’union. Cette performance est l’expression métaphorique de ce « trait »  qui  me lie et qui relie…

Comment se « faufiler » dans un trait d’union ? Comment habiter un chemin sans l’occuper ? Enfin, comment faire la géographie de son propre chemin ?

Entre la distance qui sépare, et le trait qui unit, il y a l’accomplissement d’une marche et la transmutation d’un lien. Avec cette performance, il s’agit donc d’articuler une liaison symbolique, une ligne effective et un lien affectif. Dans ce continuum spatio-temporel, le trait d’union sera arpenté et son horizon « dessiné ».

J’avancerai donc dans ces territoires, en éprouvant l’archaïsme et la simplicité de la marche dans son dépouillement et sa répétition obstinée. J’« habiterai » ce chemin en marchant pour en extraire une cartographie psychique[4].  C’est à travers cet arpentage territorial et « le libre jeu des forces de l’âme[5] » qu’une ligne « palpable » définie entre autres par mon corps et ses rythmicités émergera… J’appartiens à cette ligne.

Cette ligne de 3000 km environ finira par relier via l’Italie, mon atelier parisien au Sahel tunisien. Dans « Hor-I-zons » il y a  « I » comme Italie, l’autre trait d’union  entre la France et la Tunisie. Cette marche est aussi conçue comme un écosystème[6] mouvant à travers lequel l’œuvre se déploiera en cheminant : muni de mon  smartphone – outil , de géolocalisation, de captures, de collectes et de transmissions de données… -, je « déplierai » ma ligne d’« Hor-I-zons » sur 107 étapes[7], et cela jusqu’à ma destination.

voir la carte mise à jour en continu

«De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer?»[8]

En marchant, pieds, yeux et pensées finissent par se « tresser » avec le chemin et les paysages traversés. Mettant ainsi en adéquation cadence et « défilé du monde ». Un lien intime entre locomotion et perception émerge. En effet, c’est en même temps que j’avance vers l’horizon que celui-ci se déplie en moi. C’est du rythme éprouvé.

Par ailleurs, à travers des applications connectées, le corps en mouvement génère des données multiples et variées : traces GPS, nombre de pas, allure, rythme cardiaque, données cartographiques et statistiques… Cet « électrocardiogramme » de la marche est du rythme mesuré.

L’agencement du rythme éprouvé et du rythme mesuré forme ce qu’on pourrait appeler le ductus[9] de la marche. Il est simultanément lecture de l’espace et écriture du temps. Ainsi, en mettant un pied devant l’autre,  je lis la « ligne d’horizon » et j’écris mon « trait d’union ».

Au cours de la marche, l’horizon ne cesse de se réactualiser et les étapes rythment cette incessante réactualisation. Elles serviront donc d’articulation pour déplier ma ligne d’horizon. Aussi, à chaque étape et à l’aide d’une boussole pointant vers la ville de Sousse[10], je prendrai une image indiciaire de l’horizon ciblé. Ainsi, l’image devient l’incarnation et la réactualisation quotidienne d’un regard porté à vol d’oiseau sur ma destination.

J’enverrai aussitôt l’image collectée à l’Institut français de Tunisie[11] sous forme de carte postale, et cela grâce à une application qui prendra en charge quotidiennement l’impression et la distribution des cartes[12]. En envoyant les cartes postales à l’Institut français de Tunisie, les images seront donc accueillies à la fois, en France et en Tunisie. Aussi, par cet envoi, l’image indiciaire change de statut : elle passe de l’« immatérialité » numérique à une palpabilité photographique, et par la même rentre dans le domaine du Mail Art. Dans cette opération il y a  transmissions d’informations et transmutations de matières[13].

Les images d’horizons envoyées quotidiennement seront exposées au fur à mesure de l’envoi et seront disposées sous forme d’une suite d’images, formant ainsi un « carottage » d’horizons en progression… C’est une « timeline » de coupures spatio-temporelles dans la continuité du réel. Cette séquence d’images – qui représente par ailleurs le mouvement de la marche – finira enfin par former ma ligne d’« Hor-I-zons »[14].

Parallèlement et via une application[15], ma trace GPS sera diffusée en direct et en continu sur le Web et projetée à l’Institut français de Tunisie. Cette trace fera contrepoint aux cartes postales envoyées quotidiennement au même endroit : un voisinage de temporalités et de matérialités hétérogènes.

Des indices numérique seront aussi parsemés sur le Web : des éléments visibles et lisibles postés sur les réseaux sociaux, et rendant compte de la marche. À l’aide de mots-clés – tag (#) – et à l’image du Petit Poucet, ces traces peuvent être pistées. Le tout constituera un chapelet d’indices pour une future carte enrichie. C’est une œuvre intermédiale dans laquelle traces photographiques, indices numériques et données statistiques dialoguent pour former la trace ultime de la marche. Par ailleurs, aucune trace matérielle ne sera laisser sur le parcours.

Cette marche est aussi pensée comme un agencement spatio-temporel. Il y a le tempo du marcheur cheminant vers sa destination par le moyen de déplacement le plus long. Le temps de sa trace GPS générée et projetée en direct à la vitesse de la lumière. Enfin, il y a les temporalités des cartes postales envoyées quotidiennement et transférées à des vitesses et par des moyens multiples et variés. Le tout formant un tressage de traces hétérogènes en mouvement.

Cet agencement fera émerger à son tour une superposition de point de vue en marchant : d’une part, je collecte et j’envoie mes traces d’horizons, d’autre part, je génère ma trace GPS en surplomb. Enfin, le tout sera donné à voir en même temps. Cette superposition sous-tend une dialectique entre une trace relativement éphémère – de la transmission GPS – et une trace relativement pérenne – de l’envoi quotidien de cartes postales -. Ces variétés de traces que je produis en marchant, finiront par tresser une seule et même ligne.

Dans cette performance les traces précèdent le marcheur. En effet, pendant que je chemine, la diffusion de ma trace GPS ainsi que la distribution des cartes postales seront déjà données à voir à l’Institut français de Tunisie. Ce sont des traces qui « attestent »[16] et qui matérialisent ma performance marchée. Elles sont déléguées au smartphone à travers des applications telles que Google Maps, Runtastic, Popcarte… En contrepartie[17], je me saisis de la trace GPS comme « attestation » vivante et simultanée de ma performance. Je deviens, support et relais d’inscriptions numériques, un corps traceur tracé[18]. D’un autre côté, la carte postale envoyée fera office d’« attestation » indiciaire en différé avec le cachet de la poste faisant foi.

La ligne GPS restituera visuellement la trace du corps mouvant, sans se confondre avec celle-ci. En revanche, la palpabilité est du côté du marcheur et des territoires traversés. Ainsi  les seules indices laissés sur le chemin, sont les traces de pas du marcheur. La distance que le marcheur doit parcourir est, et reste, incompressible. Il y a aussi quelque chose d’irréductible dans l’expérience du marcheur : un certain « frottement » au territoire, à l’arpentage, et au « défilé du monde » au rythme de son corps. C’est à travers ce mouvement attentif et répété que le marcheur habite le monde. À l’ère du numérique et de la mobilité exaspérée le besoin d’ancrage dans le réel se fait surtout par et à travers les corps. Parce que « la marche est le commencement de la pensée. »[19]

Enfin, comme ce qui est lisible n’est pas toujours visible et audible, l’« empreinte » de la marche c’est-à-dire la trace GPS du parcours effectué sera « convertie » : le document sera soumis à un logiciel de synthèse vocale pour lecture. La trace GPS sera lue à l’envers par ma propre voix préalablement synthétisée. En égrenant toutes les coordonnées géographiques qui composent la distance parcourue, le logiciel de synthèse vocale réactualise la trace du chemin à sa manière et à son rythme. La trace ultime de cette performance marchée prendra la forme d’une projection des lignes de coordonnées géographiques lues en continu par une voix de synthèse[20]. Ainsi, je ferai l’aller en marchant, et ma voix fera le retour en lisant.

Notes

[1] Gilles Deleuze, Dialogues, avec Claire Parnet, Ed. Flammarion, 1977, p. 48

[2]  Cette marche est prévue pour le 2 mai 2019.

[3]Il s’agit de relier mon atelier parisien, lieu de travail et de vie, à la ville de Sousse dans le Sahel tunisien, lieu de ma  naissance.

[4] « La déambulation permet de parvenir à un état d’hypnose en marchant, une perte de contrôle qui dépayse. C’est un medium à travers lequel on peut entrer en contact avec la partie inconsciente du territoire. » Walkscapes p.92

[5] Karl Gottlob Schelle, L’Art de se promener [1802], préface et traduction P. Deshusses, Paris, Payot, 1996, p. 39-40.

[6] Cette marche sera connectée, à travers un smartphone, un ensemble d’applications fonctionnent en symbiose dans la production de données assez variées : trace de la marche, cartographies, mesures de pas, image, sons… Équipé aussi de sac à dos ainsi que de chaussures connectées.

[7] Ce sont des étapes de 25 à 30 km par jour, sur 4 mois de marche environ.

[8] Georges Perec, Espèces d’espaces. Journal d’un usager de l’espace, Galilée, Paris, 1974

[9] J’appelle ductus de la marche : d’une part, le mouvement du marcheur qui est constitué d’une trace visible et tangible – l’appui et l’empreinte laissée par le pied – et d’une trace invisible – la foulée, c’est-à-dire la distance couverte entre chaque appui du pieds – (l’écriture). D’autre part, la perception du marcheur, sa cadence et le défilé du monde (la lecture).

[10]La notion de « cible » fait  référence aux applications boussoles islamiques pointant la Qibla (la Kaabah) à partir de pratiquement n’importe quel point dans le monde. Dans cette performance, ce sont les coordonnées GPS de la ville de Sousse qui ont été intégrées dans l’application Spyglass, boussole en réalité augmentée, et qui pointe en permanence vers la ville.

[11] Un partenariat a été noué avec l’Institut français de Tunisie et le relais culturel de la ville de Sousse.

[12] Popcarte est une application qui permet d’envoyer de vraies cartes postales, cartes photo, cartes de voeux, …

[13] « Si la télétransportation relève de la fiction, c’est bien parce que nous ne savons pas transmettre de la matière. Nous savons la déplacer, la transporter, mais elles est toujours située, placée, et elle résiste au mouvement. » Beade, B. (2012). Internet, changer l’espace, changer la société , p. 212

[14] L’agencement et les modalités d’accrochage des cartes postales ainsi que  la projection de la trace en direct seront discutés avec le Relais Culturel de Sousse.

[15] L’application Runtastic

[16] La notion d’« attestation » fait référence à la fameuse « triche » de l’artiste André Cadere : invité en 1972 à la Documenta de Kassel, Cadere y alla en train après avoir fait croire qu’il irait à pied depuis Paris en semant ses bâtons le long du chemin.

[17] J’ai bien conscience des problèmes liés à l’appropriation des données par des plateformes telles que Google, Facebook, Twitter…Ici il s’agit de tenter une appropriation subversive de ces outils : jouer avec l’excès de transparence et la saturation d’informations, pour tracer sa propre ligne… Devenir imperceptible dans une saturation de traçabilités.

[18] Aucune modification palpable ne sera effectuée sur le trajet (pas d’ajout ou de soustraction de matière), excepté les traces de pas du marcheur.

[19] Michel Serres: « Je pense avec les pieds » entretien, Philosophie Magasine, 26 mai 2016 : http://www.philomag.com/les-idees/entretiens/michel-serres-je-pense-avec-les-pieds-15852

[20] Voir l’exemple de Logorrhée spatio-algorithmique

Principales expositions

Les oeuvres de Rhida Dib ont essaimé sur le Web et IRL (1), en France et à l’étranger. Parmi les plus notables on peut citer :
une contribution dans la revue Chimères, « Marcher contre le marché » (Numéro 93), une performance en compagnie de la chorégraphe Saâdia Souyah au collège international de philosophie, « Derrida Arabesques » (2018), une installation à LaGaleru, «Voile-vide » (2017), Festival OOHLAL’ART « Aéro » (installation, 2016), « Corps et Graphie », performance dans le cadre de la journée internationale de la danse à Tunis (2015), « Je suis tracé, donc je trace », performances sur le chemin de Compostelle (IRL et sur le Web, 2014), Festival des Éphémères , installation aux Jardins d’Éole à Paris (2013), « Code and Link » et «Qu’est-ce et Qui se trame ?», performances et installation en Italie (IRL et Web, 2012), Instants Flux, performance ENTRE-DEUX flux : entre B’chira Art Center à Tunis et l’atelier de Ridha Dhib à Paris. (IRL et sur le Web, 2012), et Printemps des Arts de la Marsa en Tunisie (2010), Resonance(s) a Deleuze and Guattari conference on Philosophy, Art and Politics, installation/performance au SantraIistanbul, Istanbul (2010), Expo Sichtbare gedachten Geel : exposition à Geel, (Belgique ,2010), Land art Rhizome au pays du soleil Levant à Nara et Kyoto (2007)…

Note :
1 « In Real Life , littéralement « dans la vraie vie », expression couramment employée sur Internet pour désigner la vie en dehors d’Internet.

Liens utiles :

 

Paysages en commun

Publiés depuis 1998, Les Carnets du paysage , fête, avec ce numéro 33, l’anniversaire des vingt ans de la revue. Dans un contexte de renouvellement des théories et des pratiques paysagères et par l’affirmation des enjeux sociaux liés à la qualité des cadres de vie, Les Carnets du paysage sont une revue de dialogue et de confrontation, de recherche et de proposition. Ils ambitionne d’être les témoins critiques de la transformation des cultures paysagères contemporaines, aussi bien sur le plan des projets que sur celui des pratiques, des expériences et des réflexions théoriques.

Lors de la présentation du numéro, à la librairie Volume le 5 juin, Jean-Marc Besse a annoncé l’exposition « Un paysage pour vivre » en octobre au Musée de la Chasse et de la Nature pour célébrer les 20 ans de la revue. Dès à présent on peut voir dans la cour du Musée l’installation « Forêts et cueillettes » de l’Atelier berlinois le balto jusque fin octobre.

La présentation

Le paysage était le grand absent des études sur le commun, de cette constatation a rappelé Jean- Marc Besse est né ce numéro. Rendant, au passage, hommage à Elinor Olstrom, prix Nobel d’économie en 2009. Décédé en 2012, si elle a travaillé sur la notion de dilemme social, à savoir les cas où la quête de l’intérêt personnel conduit à un résultat plus mauvais pour tous que celui résultant d’un autre type de comportement, elle a surtout étudié la question du dilemme social dans le domaine des ressources communes : ressources hydrauliques, forêts, pêcheries, etc.

Autre remarque à propos des paysagistes qui abordent rarement le vivant dans le paysage animé, alors que paysage est un lieu de rencontre de l’univers du vivant.

aux manettes Samuel Hoppe, puis Eugénie Denarnaud, Jean-Marc Besse et Gilles A. Tiberghien à la librairie Volume.

Gilles A. Tiberghien, pour sa part, dresse un panorama de textes publiés, attirant plus particulièrement l’attention sur le texte de Sophie Regal, dont le titre comporte le mot Noutéka. Mot créole emprunté à Texaco, livre dans lequel Jean-Luc Chamoiseau le définit ainsi  « La Noutéka est la conquête du pays pour s’approprier la terre et se forger une identité propre ». Dans son ouvrage, prix Goncourt 1992, l’auteur décrit avec précision les conditions nécessaires à l’existence d’un bien commun. Gilles A. Tiberghien a lu, in extenso, le passage devant un auditoire attentif.

Eugénie Denarnaud présente son texte issu de sa thèse en cours portant sur Anthropologie et art. « L’hypothèse de départ est de décrire à travers les jardins pirates un phénomène né dans une filiation d’un grand nombre de chercheurs, ou de théoricien qui abordent le jardin comme un lieu d’expérience alternative et sensible. Le jardin comme lieu de réinvention du monde, est abordé comme lieu de germination d’une pensée alternative. Les figures archétypales de la piraterie apportent une donnée nouvelle sur ces espaces de flous dans la ville, de délaissés, de dérive (Careri 2013), sans affectations: hétérotopies (Foucault 2009): d’abord un changement de rapport à la figure programmatique de la ville : ensuite un rapport à l’espace et au temps dans une nouvelle acception du terme u-topie, qui n’est pas un rêve mais prends corps de manière tangible dans une temporalité donnée. Le jardin pirate n’est pas seulement une métaphore. Il porte en lui la matière d’une contestation. »

Paysages en commun

Que peuvent apporter les débats sur les biens communs et le commun à la réflexion sur les paysages aujourd’hui et sur leur fabrication ?
Telles sont les questions que Les Carnets du paysage ont souhaité explorer dans ce numéro. Les enjeux sont considérables : l’hypothèse qui structure ce numéro est que le paysage non seulement relève des biens communs, mais qu’il constitue en outre un élément décisif dans la reformulation d’une écologie politique.

La question des communs

Mentionnés dans le code civil, les biens dont « l’usage est commun à tous » font l’objet de l’article 714 du Code civil français :
« Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous.
Des lois de police règlent la manière d’en jouir. »

Les res communis de l’article 714 du Code civil, étaient largement tombés en désuétude. La protection du domaine public, d’une part, et tous les monopoles d’exploitation privés d’autre part avaient occulté l’article en question. Pour compléter, on peut se référer à l’article 1128 du même code qui dispose qu’« il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de convention ».

Le fondement législatif du domaine public est défini par le Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) dans son article L. 2111-1, issu de la jurisprudence :

« Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public. »

Biens communs, ou communs, ces concepts ont notamment trouvé un large écho, dans les médias, grâce aux zadistes de Notre Dame des Landes. A la croisée des sciences politiques et de l’économie, les fondements en sont enracinés dans l’histoire de l’agriculture vivrière. Pour faire simple, il y avait à l’origine les terres cultivées appartenant à leurs propriétaires et le reste, à savoir les bois, les terres non exploitées, les prairies, les marais  qui constituaient les espaces communs.

La loi dite des «enclosures» en Angleterre réduira les « commons » au XVème siècle. Ce qui mit fin à ces « lieux communs » que les propriétaires confisqueront à leurs seuls profits.

En effet le terme « commons » est porteur d’un sens plus large que l’expression française « biens communaux ». Le terme anglais englobe des notions plus larges que  les ressources culturelles et naturelles accessibles à tous les membres d’une société, y compris les matériaux naturels tels que l’air, l’eau et une terre habitable, en effet ces biens communs peuvent également être compris comme des ressources naturelles que des communautés, des groupes d’utilisateurs gèrent pour un bénéfice individuel et collectif. Cela implique une variété de pratiques sociales utilisées pour un mécanisme de gouvernance.

A propos de la ZAD de NDDL

Tibo Labat et Margaux Vigne publient un texte écrit avant la décision gouvernementale de mettre fin au projet d’aéroport et d’expulser manu militari les agriculteurs et les militants présents. La donne ayant changé, une mise à jour revendicative a été distribuée lors de la présentation à la librairie, on peut y lire : « Un dernier mot. Selon nous, le commun a aussi une dimension sociale, a trait au vivre ensemble, à la prise en charge collective d’un groupe humain, des personnes et des problèmes qui le composent, quelque soit son échelle. »Pour obtenir plus d’informations contacter:  defendre.habiter@gmail.com

Loic Venance / AFP

Et maintenant ?  On ne sait pas trop où on en est maintenant. Il y a beaucoup d’épuisement et de conflits après des semaines d’expulsions et de présence policière. Mais il reste aussi pas mal de monde qui habitait déjà sur la ZAD ou qui est venu ce printemps et qui est déterminé à rester, à continuer à lutter et à construire quelque chose ici. Il y a encore des envies de garder un genre d’ensemble qui tient dans tout ça. Pour nombre d’entre nous, on veut continuer à défendre une zone où il y a de la place pour une diversité de positions sociales, de situations et d’opinions, un endroit où on est liés à d’autres luttes. Ces derniers temps, on a souvent l’impression de devoir choisir entre la peste et le choléra, mais on a encore des choses à essayer, avec tou.te.s celleux qui on envie. (sic)
Quelques occupant.e.s de la ZAD
Mai 2018

 

Les Carnets du Paysage n°33
Sommaire

Jean-Marc BessePaysages en commun
Éditorial

Usage des lieux
Alexis PernetLe paysage comme communauté de communs. Face à la chalarose du frêne, les ateliers Grand Site Marais mouillé (2015-2016)
Sarah VanuxemLes sections de commune pour la protection des paysages ? Le cas du Goudoulet, section du plateau ardéchois
Eugénie DenarnaudTanger, ou la rencontre de la société vernaculaire et de la ville mondialisée. Irréductibilité du lien à la terre
Yona FriedmanArchitecte affranchi

Éclairages
Catherine LarrèreProtection de la nature et communs : allers et retours du pays au paysage
Gilles ClémentLa peau de la Terre : un commun découpé, saisissable et soumis au marché
Joëlle ZaskHypothèses pour une écologie de la place publique démocratique
Hervé BrunonThingvellir : les plaines du Parlement islandais

Bines communs
Anne SgardEn montagne avec le paysage, un laboratoire du bien commun ?
Pierre DonadieuLa construction contemporaine des communs paysagers agriurbains : entre pragmatisme et résistance
Bénédicte GrosjeanLa huitième condition : l’imbrication. Usages du territoire dans les communs d’Elinor Ostrom
David SchalliolLa jungle de Calais

Forme d’action
Tibo Labat & Margaux VigneNotre-Dame des Landes, expériences du commun
Gabriel ChauvelFrantz Daniaud & Serge QuillyLa carrière de Fégréac
Miguel et Pablo Georgieff/atelier ColocoInviter à l’œuvre ou la mise en pratique du paysage en commun
Sophie RegalNoutéka. Habiter « la Mangrove » de Vieux-Pont

Jardins et pâturage
Hervé BrunonGuerre et paix au jardin
Pauline FrileuxLe regard mouton et la tondeuse écologique. Des troupeaux collectifs dans la ville

http://www.ecole-paysage.fr/site/publications_fr/carnets_paysage.htm

 

Week-end à Gravelines.

Bertrand Verney – ALT 0.00

Les photos de Bertrand Verney mettent le spectateur face à la géométrie de la jetée. Paysages de recouvrement, de renforcement, de protection contre les assauts de la mer. Des matériaux s’offrent avec leurs surfaces nues, à la granularité composite, sur lesquelles l’œil s’évade dans les perspectives ou s’accroche aux détails sous la lumière blanche du Nord. La mer et le ciel sont raccords avec la chromie de la zone protégée de la jetée des Huttes à Gravelines. A hauteur d’homme, au niveau de la mer, Bertrand Verney pose son appareil sur le pied après des périodes de repérage qui le mettent en condition de défascination de la puissance inhérente au lieu.

Alessandro Baricco écrit dans Océan mer « S’il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n’es rien, cet endroit, c’est ici. Ce n’est plus la terre, et ce n’est pas encore la mer. Ce n’est pas une vie fausse, et ce n’est pas une vie vraie. C’est du temps. Du temps qui passe. Rien d’autre. » Une lecture qui a dessillé les yeux du photographe, comme le livret qui accompagne l’exposition en atteste.

plan de situation

Les tirages exposés ont un modelé et une finesse qui restituent les textures d’un paysage dont la vacuité des constructions condamnées à se déliter s’éploie face à une mer et des ciels insondables.

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texte de présentation de l’exposition par le photographe :

La première fois, ce fut en 2005. 

Au hasard des darses et des différents sites portuaires, je suivais finalement cette direction : « port 9000 ».

Le port 9000, le terminal pétrolier qui jouxte la centrale nucléaire de Gravelines, je l’ai photographié pendant sept années. Sept années de lutte contre ce qui fut dès le départ de la fascination. 

Sept années pour aborder ce site avec l’esprit de ceux qui l’on construit : sans affect. Avec cette phrase de Rainer Maria Rilke en tête, toujours : « le beau n’est rien que le commencement du terrible ».

« Le beau » n’a ici rien à voir avec cette « collaboration avec la terre » que décrit Marguerite Yourcenar dans les mémoires d’Hadrien. « Le beau » est ici un affrontement. Une violence qui n’est pas immédiatement perceptible, floutée par la lumière blanche et sans ombre, par l’homogénéité des matières, par l’abstraction que l’échelle immense impose, par le silence sourd qui enveloppe l’espace, par l’immobilité que quelques oyats, sous le vent, viennent juste déranger.

« Le beau », ici, côtoie l’arrogance et la vanité. 

Il apparaît quand se réveille le sentiment d’un désastre à venir. Ce moment ou réparer ne suffira plus, ou l’énergie des hommes sera définitivement dépassée par celle des éléments. 

Le ressac émiette le béton et rouille les fers. 
Il crevasse les surfaces. 
Il attend. 
Il se moque.

Bertrand Verney – octobre 2017

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Exposition jusqu’au 2 juin à  la Librairie Volume, 47, rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 Paris

Paysages français en l’état

Paysages français, l’exposition superlative de la BnF rassemble plus de 160 auteurs, quelque 1000 tirages issus de 40 années de travail collectif. Le mot paysage est employé dans différentes acceptions, car les photos présentées ne se réduisent pas à une « étendue de pays que l’œil peut embrasser dans son ensemble ». Comme le montre le découpage de l’expo en 4 parties aux titres programmatiques :
– L’expérience du paysage
– Le temps du paysage
– Le paysage comme style
– L’être au paysage
Le paysage est affaire de point de vue. Les photographies proviennent majoritairement des grandes institutions et organismes commanditaires de programme sur le thème du paysage. On revisitera le corpus photographique institutionnel de la Mission photographique de la Datar, de la Mission photographique Transmanche, France(s) Territoire Liquide, Conservatoire du Littoral, etc, etc, etc…  A travers ce parcours dans les collections institutionnelles le visiteur suit la mise en place d’une artialisation du paysage. Des vitrines présentent les figures tutélaires du genre, des photographes de la FSA à ceux de New Topographics mais aussi Ed Ruscha en passant par l’Italie et Luigi Ghirri, sans oublier les français Bustamante et Arnaud Claass.  La Mission héliographique, mère de toutes les missions dédiées aux paysages figurent dans les vitrines, avec des photos de Gustave Le Gray.

L’expérience du paysage

Raphaëlle Bertho et Héloïse Conésa, les commissaires de l’exposition

Épinglées, punaisées, suspendues, projetées l’ensemble des photos témoignent d’un état du paysage à l’époque de la prise de vue. Des travaux dans la durée témoignent des modifications, des effets des transformations, cette photographie de constat du temps est un outil indispensable comme l’ont démontré par exemple Fabien Benardeau et Henri Labbé, dans la Notice sur le rôle et l’emploi de la photographie dans le service du reboisement, en 1886 (1). La présentation de la section le temps du paysage insiste sur le « caractère mobile et changeant, marqué par le cycle des saisons, le passage des années ou les transformations structurelles. On suit ses évolutions avec les travaux d’Anne-Marie Filaire et Thierry Girard pour l’Observatoire photographique national du paysage ou ceux de Bernard Plossu dans le cadre du chantier du Tunnel sous la Manche. » Lors de la parution de l’ouvrage de Bernard Plossu « 101 éloges du paysage français » en 2010, Gilles Mora écrivait dans l’introduction :

« Bernard Plossu, un des plus grands photographes français contemporains, est en train de renouer avec une tradition bien peu française, celle de la photographie de paysage. Sur un territoire naturel, celui de son propre pays, la France. Photographier le paysage n’a jamais constitué un enjeu important pour la photographie française. Ce sont plutôt les américains qui ont exploré cette tradition. Mais photographier le paysage rural est de moins en moins fréquent. Si quelques artistes se sont consacrés au paysage urbain (en particulier en Allemagne, avec l’école de Düsseldorf « ), peu, à notre époque, veulent s’intéresser à une nature calme : sans doute pensent-ils qu’elle n’est plus une réalité, tout au plus un mythe. Bernard Plossu prend les choses de façon plus simple : si, muni d’un appareil photographique allégé (petit format, objectif de 50mm normal, pellicule noir et blanc), on décide de contempler la France profonde du point de vue d’un marcheur, livré aux découvertes visuelles inattendues d’un paysage sans drame, heureux, négligé le plus souvent par des observateurs qui refusent d’en accepter l’évidence d’une beauté encore miraculeusement intemporelle, alors tout change. Le style refuse l’emphase, réduit la vision à des éléments simples, des lignes harmonieuses qui n’attendaient que leur révélation photographique. Devant ces images au comble de la simplicité expressive, on se dit : Mais oui, c’est encore comme cela, cela « résiste ». Comme s’il fallait le regard pacifié d’un photographe au comble de son art, porté par l’extraordinaire efficacité d’un langage simplifié, pour que nous puissions atteindre à la révélation contemporaine du paysage français dont, depuis le peintre Corot, seuls quelques grands artistes avaient retenu les leçons ».

Signalétique soignée pour guider le visiteur dans ce dédale d’images, éclairages pour gommer l’effet miroir des photos sous verre. Catalogue XXL affichant la volonté de se démarquer des habituels commentateurs du paysage, avec des textes de Bruce Bégout et François Bon. Les deux auteurs se retrouvent suite à leur complicité sur la plateforme de François Bon « le tiers livre » et lors de la journée « Arts &Pratiques Urbaines » en mai 2016, à l’ENSPAC.   

Sous-titrée « une aventure photographique 1984-2017 » l’accrochage agrège des auteurs, des collectifs, des œuvres uniques et des séries. Des photos de Doisneau en couleur, du noir & blanc argentique, du 24×36 à la chambre, de la vidéo au numérique tous les registres s’emmêlent à l’exception des flux internet.  L’intitulé de travail qui restera celui du texte des commissaires « nous verrons un autre monde »  mettait l’accent sur le regard, celui qui instaure un paysage et qui évoluera vers la notion de territoire. Les territoires ajoutent aux paysages un dimension liée à la construction sociale des espaces. A la vision de l’oiseau -prise de vue aérienne- qui a prévalue jusque dans les années 80 succède la présence de l’opérateur au sein du paysage devenu territoire par la grâce des aménageurs. La bien-nommée DATAR s’illustre en imposant cette dénomination par le double jeu de son acronyme (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale ) en opposition avec l’objet ,de la Mission photographique qu’elle initie en 1984, de « représenter le paysage français des années 1980 ».

Alain Roger dans l’ouvrage collectif « La théorie du paysage en France (1974-1994) » rappelle ce que le paysage doit à l’appareil photographique :

c’est que cet appareil de photo dont on serait en droit d’attendre une prestation technique est en fait l’outil idéal pour matérialiser ce concept de paysage. Il est une construction destinée à restituer cette fiction et n’existe qu’à travers elle. En fait, c’est la conception de l’espace « renaissant » qui s’est trouvée matérialisée, mécanisée, quelques siècles après par cet appareil photo qui soumet l’espace à son point de vue, à ses codes. Un point de vue imaginaire qui fait de l’homme le centre du monde.

Mais on peut s’interroger sur un intitulé excluant le photographe. Le sous-titre « une aventure photographique » souligne le caractère incertain et imprévisible de la pratique de la photo durant la période concernée 1984-2017. Le « paysage » même revendiqué national n’existe que par le regard des photographes.  La réflexion d’Alain Roger conserve toute son actualité. Le rapport appareil photo-paysage n’est pas non plus interrogé dans l’exposition. Le paysage est donnée comme une évidence photographique légitimée par les autorités commanditaires.

Google street view ouvre de nouvelles perspectives de vision paysagère, comme l’a montrée Caroline Delieutraz dans le projet intitulé Deux visions : 62 photos sur deux colonnes avec à gauche des reproductions du livre « La France », de Raymond Depardon ; à droite les mêmes lieux identifiés sur Google Street View par Caroline Delieutraz.

Que dire de l’absence du photographe français, dont le livre « Une France vue du ciel » figure en bonne place dans les bibliothèques qui ne comptent parfois que ce « beau livre » de photos dans les rayonnages. Témoin d’une France vue d’en haut où la mosaïque territoriale est traitée en palette de couleurs abritant un patrimoine de châteaux et de monuments historiques.
On peut relever des absences plus étonnantes, comme les photographes marcheurs de Tendance floue pour Azimut ; de Guillaume Bonnel, fondateur du collectif L’Œil arpenteur ; Eric Bourret photographe-marcheur qui « arpente et enregistre le temps des paysages », Manolo Mylonas pour ses vues surréalistes de banlieue, Albert Bérenguier pour Le paysage autoroutier, Patrice Moreau et son regard d’équerre,… le panorama de la photo paysagère dépasse les limites de la commande.

Les réseaux sociaux favorisent la diffusion masssive d’images amateurs et autres. De Flickr à Facebook en passant par Instagram, Tumblr et tous les autres, de nombreux groupes traitent du paysage. Que ce soit dans la lignée de New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape ou de projet innovant à l’instar du Waldoscope de Valery Levacher. Il s’agit de projet personnel hors des cadres institutionnels et de la commande publique. Actuellement le cnap a lancé  son opération « Les Regards du Grand Paris », 2016-2026.

Pour mémoire  » En mars 2010, le ministre a décidé de créer une mission de la photographie, structure légère d’impulsion et de coordination, rattachée à la direction générale des patrimoines. La mission, qui jouit d’une large autonomie au sein de la direction générale, travaille en liaison avec les divers services concernés. Elle est ainsi en capacité de constituer un véritable point d’entrée au sein du ministère pour l’ensemble des acteurs publics et privés, professionnels ou détenteurs de fonds et tous ceux qui constituent la vitalité et la diversité de l’écriture photographie du paysage français. » Mais le Journal des Arts titré le 6 janvier 2017 : Le ministère sonne le glas de la mission de la photographie. Fermé le ban. L’injonction paysagère semble s’être dissoute dans le flot des images diffusées.

Pour échapper aux clichés

Camera Retrica,  Philip Schmitt, designer intéressé par les relations entre technologie et société, invente un prototype nommé Camera Retrica. En effet, l’appareil est conçu pour éviter à son utilisateur de prendre des photos d’objets ou de vues, dont il  existe déjà trop de publication sur le web. Le système est décrit ainsi : Connecté grâce à un smartphone, l’appareil géolocalise et recherche en ligne le nombre de photos qui ont été prises à proximité, grâce à un serveur appelé « Node », en lien avec Flickr et Panoramio. La camera, quand à elle, balaie une superficie de 35×35 mètres autour de la position géolocalisée… Si l’appareil décide -après un certain seuil spécifique à chaque lieu- que trop de photos ont été réalisées au même endroit, il se rétracte et bloque le viseur. Il est alors impossible de prendre une photo. L’inventeur explique avoir voulu ainsi faire réfléchir les personnes sur la valeur et la pratique de la photo à notre époque:

« Maintenant que la photo numérique remplace la pellicule, prendre des photos ne coûte plus rien, et on se retrouve avec des flux infini d’images. Camera Retrica introduit de nouvelles limites, pour éviter que nous soyons débordés par ces images. Et ces limites peuvent susciter de nouvelles sensations, comme l’excitation d’être la première ou la dernière personne à photographier un lieu donné.« 
Une présentation d’images anonymes réalisées dans les cadres prédéfinis installés sur certains sites, normalisant les points de vue jugés les meilleur par les responsables du lieu, aurait permis d’introduire la photo vernaculaire très tendance. Pour preuve, devenue un loisir partagé, la photographie de paysage fait l’objet d’une publication intitulée : Le livre qu’il vous faut pour réussir vos paysages par Henry Carroll. De même, la carte postale à travers une industrie, naguère florissante, à travers de nombreux éditeurs historiques a véhiculé des clichés de paysage, qui de par leur prégnance dans l’imaginaire populaire aurait pu trouver une mention dans l’exposition. Peut-être faut-il y voir une allusion dans la projection des prémices de l’Atlas des Régions Naturelles d’Eric Tabuchi qui en clôturant le parcours fonctionne comme une actualisation numérique des non-lieux. Marc Augé ,auteur des « Non-lieux », précisait qu’ils « créent de la contractualité solitaire ».

Atlas des régions naturelles- Eric Tabuchi

Parc Montsouris-Paris. photo Jacques Clayssen

à voir à la BnF jusqu’au 4 février, le site en lien, particulièrement soigné, restitue l’exposition pour ceux qui ne pourraient pas s’y rendre. Un programme de conférences autour de l’expo est proposé sur place.

Note

1-  » Une photographie est toujours plus saisissante qu’une description, si complète et si détaillée qu’elle soit : elle apporte au débat un témoignage d’une valeur incontestable ; fixe l’histoire si intéressante des torrents et des travaux de toute sorte qu’on y exécute ; fournit le moyen de conserver la physionomie vraie de la montagne aux diverses phases de sa restauration. La simple comparaison de ces images donne la mesure exacte des progrès accomplis et de ceux qu’on est en droit d’espérer pour l’avenir ; elle révèle parfois des faits inattendus et met en pleine lumière la puissance et l’efficacité des moyens employés contre les torrents »

Banquets d’été

Au cœur des Corbières, l’abbaye de Lagrasse accueille depuis 1995 Les Banquets du Livre, un rendez-vous important qui a rassemblé, du 4 au 12 août, des philosophes, écrivains, chercheurs et un public passionné autour du thème : «Penser, rêver, agir». Un programme riche de lectures du triptyque du Banquet D’Erri de Luca à l’Iliade en intégralité, vous avez bien lu, en intégralité. Virginie Clayssen imagine une relocalisation qui nous entraîne dans un parcours littéraire aux références qui combleront les amateurs de toponymes. Marcher par noms et par vaux.

Un village qui n’en fait qu’à sa tête

Auprès de Dieppe, en bord de mer, sur la falaise qui se dresse entre Pourville et Quiberville, Varengeville-sur-Mer n’en fait qu’à sa tête. Les autres villages se groupent autour de leur église, celui-ci a construit la sienne au bord de la falaise. On cherche une place, un centre, une rue principale. Peine perdue, la route serpente, on passe devant une épicerie, puis une boulangerie – essayez sa tarte normande -, une pharmacie, une boucherie, installées dans autant de maisons plus ou moins proches de la route, mais qui, pour une raison mystérieuse, ne parviennent pas à transformer celle-ci en rue.

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Vous cherchez la plage ? Suivez le panneau « la mer », et engagez-bientôt sur une route si étroite que l’on souhaite très fort n’y croiser personne, et qui descend, sinueuse, entre les doubles-haies jusqu’à l’apparition, en un V parfait, d’un triangle bleu où se superposent mer et ciel, fiché dans la verdure.

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Comment un Apache, arrivant dans cette contrée, aurait-il nommé cette plage ? Le linguiste et anthropologue Keith Basso, dans le livre superbe réédité en 2016 aux éditions Zone Sensible, « L’eau se mêle à la boue dans un bassin à ciel ouvert », montre qu’un nom de lieu apache fait allusion à des caractéristiques de ce lieu, mais toujours selon le point de vue de l’ancêtre qui, le premier, observant ce lieu depuis un endroit précis, s’est donné la peine de le nommer. Ainsi se transmet par le lieu une histoire qui l’inscrit dans une dimension généalogique.

« Le chemin descend entre les falaises vers l’eau qui va et vient » pourrait convenir, si l’ancêtre avait souhaité marquer son intérêt pour les marées, la pêche à pied, la côte. « Navires en partance pour une destination lointaine » mettrait plutôt l’accent sur la double proximité du port de Dieppe et du manoir de Jean Ango, l’armateur normand qui se laissa convaincre par les frères Parmentier, Jean et Raoul, de les envoyer, en 1529, à bord de deux navires, la Pensée et le Sacre, vers Sumatra.

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 Ils furent les premiers français à croiser le cap de Bonne Espérance, et atteignirent Sumatra, mais moururent tous les deux, probablement de fièvre typhoïde. Leurs navires rentrèrent à bon port, leur équipage décimé, et ne rapportant qu’une très faible quantité de poivre. Avaient pris place sur la Pensée six Indiens abandonnés par des Portugais sur l’île de Sainte Hélène.
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Un repaire de corsaires

Si le Banquet du Livre s’était tenu au Manoir d’Ango à Varengeville et non à l’abbaye et dans le village de Lagrasse, parions que Patrick Boucheron se serait bien amusé à peupler, pour le plus grand plaisir de son auditoire, une « histoire mondiale de Varengeville » des noms des capitaines auxquels Ango confia ses navires :

Giovanni_di_Pier_Andrea_di_...Allegrini_Francesco_btv1b6700377z-e1502971844749Giovanni da Verrazzano, qui découvrit Manhattan (où l’on trouve aujourd’hui un pont Verrazzano) et pensa un moment la nommer Angoulesme, contre toutes les règles de nommage apache ; Jean Fleury, à qui Ango devait sa fortune, car il lui rapporta le trésor de Guatimozin, dernier empereur aztèque, qu’il avait dérobé à l’Espagne en attaquant les caravelles envoyées du Mexique par Cortès. Car Jean Ango « arma pour la course »,  ayant obtenu du roi de France une lettre de marque lui permettant « de prendre et arrêter, ou faire prendre et arrêter par main forte et puissance d’armes les personnes, bien, navires, debtes et marchandises » des Portugais, « en quelque part et lieu qu’il les puisse trouver, terres et pays de notre obéissance ou autres ».

 

Cette participation des capitaines d’Ango à la course aurait pu être pour Patrick Boucheron l’occasion de faire effectuer aux convives du Banquet du Livre de Varengeville un saut dans le temps de presque 400 ans, celle de leur décrire le séjour qu’André Breton fit en 1927 au manoir d’Ango, qu’il mentionne, dans une notice autographe que le collectionneur belge René Gaffé lui avait demandé pour enrichir son exemplaire de Nadja, et où il raconte la genèse du livre : « Les deux première parties de Nadja ont été écrites au mois d’août 1927 à Varengeville-sur-mer. J’étais, à cette époque, le seul locataire du manoir d’Ango, ancien repaire de corsaires aménagé en hostellerie. »

Le manoir figure d’ailleurs dans Nadja. Extrait : « Je prendrai pour point de départ l’Hôtel des Grands Hommes, place du Panthéon, où j’habitais vers 1918, et pour étape le Manoir d’Ango à Varengeville-sur-Mer, où je me trouve en août 1927 toujours le même décidément, le Manoir d’Ango où l’on m’a offert de me tenir, quand je voudrais ne pas être dérangé, dans une cahute masquée artificiellement de broussailles, à la lisière d’un bois, où d’où je pourrais, tout en m’occupant par ailleurs à mon gré, chasser au grand-duc. (Était-il possible qu’il en fût autrement, dès lors que je voulais écrire Nadja?) »

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Tandis que Breton séjourne au manoir d’Ango, Nadja, qui s’appelle  en réalité Leona Delcourt, internée en urgence quelques mois après leur rupture, a été transférée dans l’asile de Perray-Vaucluse. Elle demeurera enfermée jusqu’à sa mort survenue,  comme celle de dizaines de milliers d’internés en psychiatrie, pendant la seconde guerre mondiale, probablement d’une épidémie de typhus aggravée par la faim. Jamais Breton ne lui rendit visite.
Caché dans la maison des fous

Un autre membre du mouvement surréaliste, Paul Eluard, fit, lui aussi, un séjour prolongé dans un asile pendant cette guerre, non pour s’y faire soigner, mais pour s’y cacher avec sa femme Nush . Didier Daeninckx, invité du Banquet du Livre de Lagrasse, fait figurer le couple dans son livre,  « Caché dans la maison des fous ».

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François Tosquelles brandissant une sculpture de Forestier

Cette maison des fous c’est l’hôpital de St Alban, en Lozère, où Lucien Bonnafé et François Tosquelles, médecins et résistants, se rencontrent en 1940.

“Saint-Alban fut un miracle, une incroyable ouverture à l’autre, dans un des endroits les plus reculés – ou abrités – de France. C’était l’idée qu’il fallait soigner l’asile autant que les personnes qui le fréquentent. C’était l’idée que «sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît». En 1941, François Tosquelles a beau n’avoir que 29 ans, il a un passé impressionnant de psychiatre qui a monté pendant les années de guerre civile des dispensaires sur le front, où il se servait des prostituées comme personnel soignant. Et quand il débarque à Saint-Alban, il n’a pas la tête dans les étoiles. Surgit une urgence : la faim. Dès 1940, apparaissent en effet des difficultés de ravitaillement. Et ce sont près de 2 000 personnes qu’il faut nourrir. Tosquelles ne se trompe pas d’urgence : tous les valides sont mobilisés. Dans cette région agricole mais isolée, les malades vont alors sortir, assurer le jardinage, le ramassage de pommes de pin, de champignons. Des liens se créent. A l’intérieur de l’asile, les femmes font des travaux de couture, de filage et de tricotage pour les paysans du village : ils servent de troc contre des produits alimentaires introuvables, dont le beurre. Et ce n’est pas tout : les malades échangent la ration alcoolique qui leur est octroyée contre des pommes de terre. De ce fait, Saint-Alban est l’hôpital psychiatrique français qui a compté le moins de décès dus à la famine. En France, 40 000 malades mentaux sont morts de faim entre 1940 et 1944.” – Libération – 19 juin 2015

St Alban fut l’un des lieux ou s’inventa ce que l’on a appelé plus tard la psychothérapie institutionnelle, et fut aussi le lieu où Eluard rencontre Auguste Forestier, interné de puis des années, qui réalise des sculptures en matériaux de récupération. La découverte chez Eluard de trois de ces sculptures par Jean Dubuffet le conduit à rendre visite à Forestier à  Saint Alban, alors qu’il commence à constituer sa collection d’art brut.

Une histoire mondiale de Lagrasse

Loin de la mer, dans les collines douces des Corbières, au milieu des vignes, dans un paysage qui rappelle la Toscane avec ses bouquets d’ifs, le village médiéval de Lagrasse se déploie inégalement sur les rives de l’Orbieu. Rive gauche, l’Abbaye, et un tout petit nombre de maisons. 

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Rive droite, l’un des “plus beaux villages de France” : halle, église, mairie, poste, restaurants, cafés et commerces, ruelles aux pavés inégaux, murs surmontés de feuillages. La rivière, paresseuse, est ralentie en amont, suffisamment pour que la baignade y soit aisée. Mais il est possible de se baigner en aval aussi, près du vieux pont, sous le regard lointain des touristes qui le franchissent à tout moment de la journée. Un ancêtre apache aurait-il pu nommer ce lieu : « Les rives s’abaissent légèrement et la rivière est calme » ?

Orbieu

Le petit cloître de l’abbaye, sur la rive gauche de l’Orbieu, n’est pas suffisamment grand pour accueillir en sécurité l’auditoire toujours plus nombreux venu écouter l’historien Patrick Boucheron, devenu un habitué du Banquet du Livre de Lagrasse, tout comme Jean-Claude MilnerRené Levy, Gilles Hanus. Il tournait en nous parlant,  l’an dernier, autour de l’arbre du cloître.boucheron-cloitre-optim

C’est sous la halle du village que Patrick Boucheron a esquissé cette année ce qu’il a nommé malicieusement «une histoire mondiale de Lagrasse », se donnant pour projet de « documenter le village de Lagrasse comme on documente un village du Ghana. » Il trace avec ses pas des cercles sous la halle, afin que chacun à son tour puisse mieux l’entendre et grimper dans le manège érudit et joyeux qui ouvre les curiosités, questionne et parfois exhorte.

à visionner https://www.youtube-nocookie.com/embed/GOGOM4UhWeo?rel=0

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Il est question dans l’extrait qui précède de Louis-Sébastien Mercier, l’auteur de l’An 2440, mais au fil des cinq interventions de Boucheron nous croiserons aussi Barthes, Thomas Mann, Al-Mutanabbi, Achille Mbembe, Jean-Noël Retières, Kracauer, Le Roman de Renart, Ptolémée, Ibn Battûta, Jean-Pierre Vernant,  la Chanson de Roland, Georges Duby, Grégoire de Tours, Pierre Michon, François-Xavier Fauvelle, Vasco de Gamma, Al Idrissi, Umberto Eco, Erasme, Guillaume Budé, Louis Marin, Michel Butor,  Jean Turc, Charles Cros et ses frères, Pierre Senges,  Emanuele Coccia et j’en oublie.

Le lendemain du dernier jour du Banquet, je m’éveille très tôt, avant l’aube. Je me glisse dans la nuit fraîche, passe le Pont-Vieux, tourne à gauche vers l’abbaye.

pont-reflet

De loin me parviennent des éclats de voix. Je m’approche. Sous la tente, pleine hier soir lorsque a commencé la Nuit de l’Iliade, une quinzaine de personnes est toujours là pour écouter les lecteurs qui se succèdent toutes les dix minutes. Je prends place et me laisse bercer par le texte. C’est au tour de Mathieu Potte-Bonneville de poursuivre le récit.  Pris dans l’action, il pousse un cri qui en réveille quelques uns. Patrocle va-t-il convaincre Achille de lui laisser emprunter ses armes pour aller combattre les Troyens qui menacent de mettre le feu à leurs navires ? Un coq chante. Patrocle n’en a plus pour longtemps. Le soleil se lève. 

Texte et photos Virginie Clayssen
initialement publié sur le blog clayssen.paris 

Entre prière et ode – Franck Ancel

La librairie Mazarine,  présente jusqu’au 24 juin une exposition de Franck Ancel.  Un projet multimédia qui s’ancre à la frontière franco-espagnole sur Cerbère et ses environs.

Ce territoire frontalier, qui dit frontière disait avant l’espace Schengen, contrebande et par conséquent chemins de montagne qui évitent les douanes.

vue Google map de Portbou

« En 1998, Franck Ancel découvre simultanément sur la frontière franco-espagnole l’hôtel le Belvédère du Rayon vert, à Cerbère, et Passages le monument de Dani Karavan à Portbou… »*

Hôtel Le Belvédère du rayon vert à Cerbère

Puis de rebond en écho, au fil des années le projet embarque Vila-Matas, Frédéric Kiesler, Marcel Duchamp et Walter Benjamin.

« En 2004, Franck Ancel lit dans Passages de Dani Karavan un extrait du Labyrinthe d’Odradek, de Vila-Matas. »*

Odradek est un mot que l’on trouve dans la nouvelle inachevée de Kafka Le souci du père de famille .
[Ce mot inventé a donné lieu a de multiples interprétations, il désigne à la fois une poupée et un prodige tombé du ciel, une mécanique de l’horreur et une étoile, une figure du disparate et un microcosme ; en somme, le modèle réduit de toutes les ambiguïtés d’échelle de l’imaginaire, car selon Walter Benjamin « Odradek est la forme que prennent les choses oubliées. »] Description issue de Liminaire.

 

Dani Karavan-Passages- photo Jaume Blassi

 

 

Ce projet généré par un lieu, des passages et des échos artistiques se matérialise sous la forme d’une application pour mobile : Chess-border, téléchargement gratuit sur l’App Store ou sur Google Play, en cinq langues. L’appli enrichit l’écoute sur le Vinyle, en vente à la librairie, d’extraits de la lecture du livre de Vila-Matas par Franck Ancel et d’une spirale sonore réalisée par Vincent Epplay à partir de sirènes.

capture écran de Chess-border

Chess-border, titre polysémique, joue sur les mots : jeu d’échec et frontière respectivement pour chess et border en anglais qui en mot composé désigne le plateau de jeu. Particulièrement soignée, l’appli permet d’appréhender la globalité de l’oeuvre grâce à une interface efficace. Le plus techno, un damier d’échec qui se modélise sur les Pyrénées en géolocalisation. Vous pourrez en profiter lors de la marche que nous vous proposons sur les pas de Walter Benjamin :

Parcours

depuis le hameau du Puig del Más. En grimpant dans les vignes, puis par d’anciens chemins en balcon, vous marcherez au milieu d’une végétation assez dense mais relativement rase.
Suivre le balisage Jaune du « Sentier Walter Benjamin« , qui coïncide également avec un ancien chemin de contrebandiers et avec la Route Lister, jusqu’à la Tour de Querroig.
Un chemin en balcon, après être passé sous la ligne à Haute-tension amène à la frontière franco-espagnole. Le retour depuis la Tour de Querroig se fait par un chemin de crête. le panorama est superbe.

Distance de Banyuls à Portbou : 14,45km, prévoir une durée de 5h30 en comptant une pause d’une heure.  Le chemin culmine à 745m d’altitude.

A Portbou, une visite de l’immense gare s’impose avant de rejoindre le cimetière marin.

*extraits du texte au recto de la pochette du Vinyle en vente sur place – voir repro ci-dessous

verso de la pochette du Vinyle

                                           Librairie Mazarine, 78 rue Mazarine, Paris 6

Sur les pas de Pierre Lambert à Woluwe

Le parcours artistique d’Alain Snyers questionne l’art action, les gestes dans l’espace public, les processus de communication par l’image et les manoeuvres artistiques engagées dans l’urbanité. Membre du groupe Untel, Alain Snyers a développé une activité artistique personnelle foisonnante comme en témoigne sa dernière publication chez L’Harmattan : Le récit d’une œuvre 1975-2015.

C’est en Belgique sur les communes de Woluwe-St-Pierre et Woluwe-St-Lambert qu’il a articulé un projet original de promenade urbaine. Dans le cadre de la manifestation Alphabetvilles pour La Langue Française en Fête, Alain Snyers a coordonné un ensemble d’événements à travers un parcours composé de 4 circuits urbains autour d’un personnage imaginaire Pierre Lambert.

« Sur les traces de Pierre Lambert- par son biographe autoproclamé Alain Snyers », l’artiste nous convie à une visite des sites fréquentés par son personnage. De succulents textes décrivent à travers les âges de la vie du personnage les différents lieux de cette géographie bien réelle revisitée par les facétieux détails de son histoire.

L’ensemble du dispositif, y compris la biographie complète de Pierre Lambert sont consultables à l’adresse suivante : https://www.alphabetvilles.com/sur-les-traces-de-pierre-lambert.

Le document de présentation explique l’opération : L’axe principal d’ALPHABETVILLES est la réalisation d’un décor urbain de mots « Sur les traces de Pierre Lambert », un parcours traversera le territoire des deux communes en reliant 26 “stations” correspondant aux 26 lettres de l’alphabet. A chaque étape, une lettre « grand format » servira de fil rouge pour raconter l’histoire de ce personnage imaginaire, Pierre Lambert, qui aurait vécu dans les deux communes. Le parcours sera notamment fléché par des panneaux signalétiques détournés par l’artiste Alain Snyers.

Une découverte urbaine par une marche décalée qui confère une existence imaginaire à des lieux d’intérêts locaux. Les acteurs associatifs et des collectifs d’artistes contribuent à la diversité de la manifestation qui s’est déroulée du 18 au 26 mars 2017. Le projet agrège un ensemble de propositions qui de la carte avec parodies publicitaires aux panneaux d’affichage utilise tous les attributs de la communication événementielle urbaine.

 

John Brinckerhoff Jackson, l’érudit amateur

La publication du n°30 de la revue « Les carnets du paysage » dédié à John Brinckerhoff Jackson a précédé l’ouverture de l’exposition « Notes sur l’asphalte, une Amérique mobile et précaire, 1950-1990 » au Pavillon Populaire, à Montpellier.

L’exposition présente près de deux cents photographies de six chercheurs américains dont la réputation scientifique, dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage, est acquise sur le continent américain : Richard Longstreth, Donald Appleyard, Chester Liebs, John Brinckerhoff Jackson, Allan Jacobs et David Lowenthal. De 1950 et 1990, ils ont parcouru les routes des Etats-Unis et immortalisé les paysages urbains ou ruraux.

John Brinckerhoff Jackson (1909-1996), historien et théoricien du paysage américain, se définissait lui-même comme « une sorte de touriste professionnel », explorant les territoires. Bien que né à Dinard et élevé principalement en Europe, ce personnage majeur de l’étude des paysages n’avait pas en France la notoriété attachée à son nom.

Ses conceptions des paysages et ses approches sur le terrain ne correspondaient en rien aux pratiques et traditions universitaires. Il avait fondé et dirigé pendant 17 ans la revue « Landscape » qui publia les textes du gotha de l’architecture et de l’urbanisme. Bien qu’enseignant dans de prestigieuses universités américaines, l’homme se considérait comme un amateur éclairé. Motard, il parcourait les contrées pour y photographier en ektachrome les signaux faibles de la présence humaine et les impacts de la mobilité humaine. Auteur de quelques 5000 photos documentant ses recherches, il utilisait la photo comme note, même si parfois il dessinait les paysages qu’il observait avec une acuité rare.

John B. Jackson plaçait ses observations sous le régime des « sceneries » et de « l’hodologie » plutôt que des « landscapes » et « walkscapes ».

Il insiste dans ses notes sur ces choix. Le paysage est ce qui est produit quand une société entreprend de modifier son environnement à des fins de survie ; alors que scenery désigne ce que nous allons voir et apprécier.

Gilles Deleuze, dans son cours sur la Vérité et le temps, s’interroge pour répondre par une synthèse performante « Qu’est qu’un espace hodologique ? C’est un espace vécu, dynamique, défini par des chemins – d’où son nom – des buts, des obstacles ou des résistances, des retours, bref, par une distribution de centres de forces. » c’est ce qui caractérise l’approche de Jackson, les tensions humaines et les interactions avec les lieux. Il préférait se préoccuper des similarités que des différences.

Abondamment illustré, Les carnets du paysage brossent le portrait d’une vie multiple. Photographe au talent affirmé, Jackson compose les scènes en centrant son sujet, il ne descendait pas de toujours de moto pour saisir rapidement des images d’une réflexion in situ dont on repère les spécificités dans des corpus photographiques ultérieurs. Les textes de son ami Chris Wilson, de Gilles A. Tigerghien et de Jordi Balesta expliquent ce qui singularise la démarche de Jackson. Ces conférences clefs sur paysage et environnement, paysage habité et hodologie offrent aux lecteurs un aperçu des réflexions qui allaient ouvrir la voie aux landscape studies.

J. B. Jackson. Chapel of San Antonio de Cieneguilla in La Cienega-New Mexico-1982

Pour les lecteurs qui s’intéressent à la pratique photographique de Jackson, ils devront se reporter au texte de Jordi Ballesta, spécialiste de l’œuvre photographique de Jackson, par ailleurs co-commissaire de l’exposition de Montpellier avec Camille Fallet, publié dans la revue L’Espace géographique 2016/3, sous l’intitulé « John Brinckerhoff Jackson, au sein des paysages ordinaires. Recherches de terrain et pratiques photographiques amateurs. »

Table ronde au Mac Val-2015

Une table ronde animée par Sabine Chardonnet-Darmaillacq, architecte DPLG, docteur en urbanisme et enseignant-chercheur à l‘Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, impliquée dans de nombreuses recherches-actions sur la marche, réunissait le 12 septembre au MacVal les participants autour du thème « La marche comme nouvelle forme d’exploration des territoires ».

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Hors Circuits, parcours anniversaire!

Comme annoncé, nous proposons le premier circuit anniversaire de « Hors- circuits ». Mais la météo nous a obligé à annuler le parcours du Dimanche 13 septembre à 14h

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Ici Houston, ça marche!

Une présentation de la marche artistique par Carrie Marie Schneider.

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A vos marques

Hors Circuits, des parcours annuels à chaque période anniversaire! Nous  ré-activerons le parcours « Hors Circuits » créé dans le cadre de la Biennale De Belleville 3 à chaque période anniversaire au mois de semarche5Dptembre.

Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un suivi des évolutions et mutations des territoires traversés. Le walkscape entre les galeries Thaddaeus Ropac à Pantin et Larry Gagosian au Bourget s’inscrit dans un circuit cheminant entre des marqueurs forts de l’environnement péri-urbain. Lieux établis ou établissements précaires, entre restaurations, démolitions, requalifications et restructurations, les modifications parfois ténues, parfois conséquentes impactent l’environnement et redessinent les perspectives. Nous ne laisserons pas ce parcours derrière nous, nous témoignerons de son devenir. Un ensemble photographique permettra à travers un avant/après de constater les changements que nous aurons notés chaque année. Ce parcours anniversaire pourra éventuellement accueillir des marcheurs désireux de nous accompagner, suivant des modalités qui seront précisées en temps utiles.

Si vous souhaitez dès à présent poser une option pour le parcours 2015, adressez votre demande à clayssen.laforet@gmail.com

La table des Marches – Walkscapes 2014

Programmes des marches Hors-Circuits proposées dans le cadre de la Biennale de Belleville :

samedi 27 septembre

– samedi 4 octobre

– samedi 11 octobre

– dimanche 19 octobre

– samedi 25 octobre

tous les départs à 13h, devant la galerie Thaddaeus Ropac (Pantin)

Informations et réservations obligatoires via  biennalebelleville2014@gmail.com

 

Gilbert & George chez Thaddaeus Ropac

La  galerie Thaddaeus Ropac  à Pantin présente Gilbert & George : SCAPEGOAT PICTURES du 07 septembre au 15 novembre 2014.

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Nuit Blanche 2014, Rando rive gauche

Depuis 2001, la Ville de Paris organise «Nuit blanche», chaque premier samedi d’octobre. Initiée par Jean Blaise, expert nantais en matière de tourisme culturel.

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Stalker

Walking School avec STALKER

Voyage dans la vallée, Echos de mémoires et de luttes
avec STALKER WALKING SCHOOL
Du 23 au 29 juin 2014 – De Firminy à Lyon, à pied

Le groupe italien Stalker, le Master In.Co.Nu. (Université J. Monnet), le Centre Social Occupé Autogéré de Rome EXSNIA, les centres sociaux et les habitants de la Vallée traverseront ensemble, à pied, les mémoires industrielles, les territoires de résistance et de luttes ouvrières, en partageant savoirs et narrations : une école d’habitants nomades, engagés dans une expérience artistique, sociale et citoyenne.

Informations et réservations : audefourel@hotmail.com ou 06 89 64 65 08
Réservations obligatoires pour l’hébergement lors des étapes, nombre de lits limités
Les marches sont ouvertes à tous, sans réservation, selon vos disponibilités
Participation gratuite
Merci de venir aux repas partagés avec une petite spécialité culinaire

 

En attendant les pelleteuses…

Street Art ? Disneyland ?

Reconstitution historique avant l’heure pour un paysage urbain abandonné au Fort d’Aubervilliers. En attendant les pelleteuses du nouveau quartier à venir, les street artists ont été invités à taguer le terrain vague, les murs, les voitures de l’ancienne casse. Entreprise méritoire et sympathique, idéale pour une promenade encadrée, sans risque, avec vos enfants, dans ce territoire de pré-émeute bien lissé. Les gardiens sont sympathiques et accueillants, l’endroit bien gardé et le café nomade est bon et chaud. Quelques beaux tags, signés façon galerie bobo, le nouveau disneyland du futur est déjà là, à deux pas des « vrais », plus sauvages, plus volatiles, plus urbains, moins codés, qui envahissent les friches proches de Pantin ou de la Courneuve. Apportez vos bombes (de peinture).

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