Nouvelles CuRieuSes ou sinGulièReS de l’assassin Troppmann : sous le Second Empire en déclin, Pantin sera le théâtre d’un crime qui marquera un tournant dans la spectularisation de l’information.

Belleville a été durant soixante ans, tout comme Le Bourget, une commune du canton de Pantin jusqu’à son annexion à Paris en 1860.En annexant ses villages limitrophes, Paris arrive aux portes de Pantin. Dès lors, seule l’enceinte des fortifications sépare les deux villes. Des terres cultivées cèdent la place aux usines qui commencent à s’implanter sur le territoire, alors que les abattoirs et le marché aux bestiaux s’installeront sur les terrains réservés à cet effet à La Villette. Cette urbanisation vise à faciliter la vie de la capitale donnant une nouvelle identité à Pantin qui de bourg rural deviendra ville de banlieue.

C’est dans ce cadre encore rural au matin du 20 septembre 1869, sur le lieu dénommé alors le chemin vert près de ce qui s’appelle aujourd’hui quatre chemins à proximité de la gare de Pantin, que Jean Langlois cultivateur, déterre six cadavres de cinq enfants et de leur mère, un septième corps sera  découvert plus tard sur le même terrain. Tous atrocement mutilés. Un premier meurtre commis en Alsace portera à huit le nombre de cadavres dans cette affaire criminelle hors du commun.

jean-baptiste-troppmann-1869

L’affaire Troppmann vient de commencer. Le journaliste du Petit Journal relate la découverte des corps des victimes tous issus de la famille Kinck, originaire de Roubaixpar le  cultivateur : « Arrivé sur la lisière d’un champ ensemencé de luzerne, il remarque tout à coup une mare de sang. Tremblant, ému, sous le coup d’un sinistre pressentiment, il écarte la terre avec un de ses outils ; il met au jour un foulard. Il fouille encore et bientôt il se trouve en présence du cadavre d’une femme, vêtue encore d’une robe de soie. » . »  L’auteur descrimes Jean-Baptiste Troppmann sera condamné à mort le 31 décembre de la même année et guillotiné après rejet des recours le 19 janvier 1870 devant la prison de la Roquette. Il avait 20 ans. Le procès se déroule sur fond de tension avec l’Allemagne, la déclaration de guerre franco-prussienne sera proclamée le 19 juillet 1870.

Le massacre de Pantin

Enfants victimes du meurtre

A l’époque, le journal satirique L’Eclipse décrit ainsi la scène du crime : à travers la plaine rase tondue, ponctuée çà et là de cheminée d’usines et de bâtisses lourdes, que l’on a baptisé abattoir.

Cette affaire, qui marquera durablement les esprits, reste dans les annales de la presse, de la police et de la justice comme un moment de démesure. L’événement va focaliser l’attention des journaux de l’époque, mais aussi des milieux littéraires. Le terme fait divers employé pour la première fois en 1863, s’impose avec cette affaire hors du commun. Avant la publication du Petit Jornal, cette rubrique se nommait « nouvelles curieuses ou singulières ».  Les tirages des journaux explosent, la foule se presse sur les lieux du crime et plus tard devant la guillotine.

Le Petit journal, titre populaire de l’époque, approchera un tirage de 600 000 exemplaires en publiant un feuilleton quotidien qui entretient l’intérêt des lecteurs. 100 000 personnes viennent sur les lieux où se sont installées buvettes et étals de marchands. Tout le monde piétine dans la boue, les familles curieuses s’agglutinent encouragées par l’ensemble de la presse qui mobilise un nombre important de rédacteurs.

Ce fait divers exceptionnel inspire des poèmes, des chansons populaires, mais aussi des auteurs dont Stendhal, Flaubert, Zola, Dumas, Rimbaud et même Victor Hugo alors en exil qui n’assistera pas à l’exécution, contrairement à Tourgueniev, mais qui défendra une position tranchée contre la peine capitale.

Parmi ceux-ci Isidore Ducasse, le Comte de Lautréamont lui-même, cite le nom de Troppmann dans une liste hétéroclite publiée dans Poésie I. Mais dans Poésie II, il revient sur l’affaire en ces termes :

La pensée n’est pas moins claire que le cristal. Une religion, dont les mensonges s’appuient sur elle, peut la troubler quelques minutes, pour parler de ces effets qui durent longtemps. Pour parler de ces effets qui durent peu de temps, un assassinat de huit personnes aux portes d’une capitale, la troublera — c’est certain — jusqu’à la destruction du mal. La pensée ne tarde pas à reprendre sa limpidité.

Isidore Ducasse observe à juste titre que l’affaire disparaitra de la presse, après l’exécution de Jean-Baptiste Troppmann, pour s’emparer du « terrible événement d’Auteuil » à savoir l’assassinat du journaliste Victor Noir par Pierre Bonaparte le 10 janvier 1870, soit exactement neuf jours après la mort de Troppmann. L’inhumation du journaliste de La Marseillaise au Père Lachaise le 12 janvier donna lieu à d’importantes manifestations et à des heurts avec la police devant le Théâtre des Variétés proche du domicile d’Isidore Ducasse.

Le Petit journal 1880

Le Petit journal 1880

dossier Cour d'assise de la Seine

dossier Cour d’assise de la Seine

Document Musée de la Police – Paris
Document Musée de la Police – Paris

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