Tarnos, un cocktail naturel à déguster avec précaution

Aux confins des Landes et du Pays Basque, Tarnos s’étend sur une zone littorale typiquement landaise. Le bleu de l’océan, la blondeur des dunes, le vert de la pinède, les trois couleurs de la palette Aquitaine. Mais prenez garde, regardez où vous mettez les pieds, ici le piéton libéré des contraintes de circulation déambule dans un espace naturel dont il ne soupçonne pas les fragiles richesses. Le cocktail : mer, plage, sable chaud et vacances tend à affranchir des contraintes au profit d’un usage ludique dénué de responsabilité.

L’estivant, le touriste de passage n’exonèrent toutefois pas le résident, le chasseur ou le promeneur du dimanche de ses responsabilités. Le risque anthropique sur un site fragile ne différencie pas les piétinements, il les subit.

Tarnos, Landes © Radio France

Le pied tond ce qu’il foule. Et l’été la foule des estivants envahit ces espaces fragiles que sont les dunes dont le dénuement apparent abrite des espèces rares tant florales qu’animales.

A Tarnos, une vaste zone classée Natura 2000 mixe la plage du Métro réputée pour le surf, une ancienne piste d’aviation et des exclos dédiés à l’étude et à la préservation des espèces. Le toponyme Métro est lié à l’implantation en 1938 d’un centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien.

photo d’archives-DR

En 1938, lorsque s’implante le centre de vacances réservé aux enfants des employés du métro parisien, on ne parle pas de la plage du Métro qui n’existera qu’à partir de 1977. Durant la guerre civile espagnole, la commune de Tarnos accueille 150 réfugiés qui sont hébergés dans les locaux de la colonie de vacances du Métro. Il s’agit de l’exode vers la France, connu sous le nom de Retirada. Le centre fermera définitivement le 30 juin 1939. Les réfugiés seront alors transférés vers d’autres camps.

Les colonies de la RATP ont cessé depuis 1995. Tarnos a repris sa part de gestion du littoral, coincé entre un champ de tir hérité de Napoléon III, le port industriel géré par Bayonne, et une zone naturelle classée Natura 2000 depuis 1998. « Cela a été une longue bataille dans les années 80, résume Jacques Vigne, historien local. Il a d’abord fallu se battre pour chasser les entreprises qui venaient extraire du sable de la plage pour en faire des parpaings ! » selon les propos rapportés par Emma Sain-Genez dans un article paru en 2010 dans le quotidien local  Sud-Ouest

Ici, plus particulièrement, le biotope reste fragile : érosion naturelle et érosion anthropique se conjuguent souvent, menaçant la dune du Métro, alors que la  ligne littorale relativement stable bénéficie des effets de la digue. Concernant la dune, il est donc urgent d’agir et, bien avant le Grenelle de l’Environnement, l’Office National des Forêts, fondé en 1966, soucieux de préserver les écosystèmes, se préoccupe à la fois de fixer et de protéger le cordon dunaire qui ourle le massif forestier.

document ONF

Cette protection implique l’information de la population locale déjà sensibilisée par le classement, en 1969, des zones humides du secteur comme site inscrit sous l’appellation « Étangs landais sud ». Quelque 206 ha font en effet déjà l’objet d’un inventaire ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) qui a pour objectif, depuis 1982, d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. Un site d’intérêt majeur qui, compte tenu de ces éléments, entre tout naturellement dans le réseau Natura 2000 en 2003 et en ZSC (Zones Spéciales de Conservation) visant la conservation des types d’habitats et des espèces animales et végétales en 2006.

La dune c’est du sel, du sable, du vent, des amplitudes hygrométriques et thermiques importantes et des activités anthropiques sur un sol pauvre. Malgré ces difficultés de nombreuses espèces s’y sont implantées. La flore et la faune se répartissent en bandes parallèles à la côte, en fonction des variations des conditions liées à la plus ou moins grande distance de l’océan.

Cette imbrication de zones publiques et d’espaces protégés s’impose d’emblée aux regards des personnes fréquentant ces lieux. De nombreux panneaux affichent des messages pédagogiques ou des interdictions.

Le piétinement détruit les plantes qui fixent le sable : la circulation est donc interdite sur la dune aux piétons, chevaux et engins motorisés.

La prolifération de ces panneaux, dont certains particulièrement vétustes, signe la difficulté pour les responsables de maîtriser un périmètre sur lequel se côtoient vacanciers, promeneurs locaux, chasseurs, animaux domestiques et sauvages sur un sol sablonneux parsemé d’une flore mélangeant espèces invasives et espèces fragiles.

Car fouler du pied entraîne des conséquences, ici le pied écrase. Il suffit de regarder la dune pour constater que rares sont les espaces sans empreintes de pas. On a du mal à imaginer que le piétinement soit aussi important, comme si une foule gigantesque avait marché sur la dune sans épargner le moindre recoin. Probablement qu’aux pas des bipèdes que nous sommes, il faut ajouter les lapins, les chiens et autres quadrupèdes ainsi que les oiseaux, chacun laisse une empreinte dont le sable garde la mémoire.

La végétation végète, les pas détruisent des espèces au profit d’autres. Les plus fragiles disparaissent à force d’écrasement. Alors que les vents, les vêtements, les semelles sèment des variétés invasives qui supplantent les plantes locales. La flore strictement dunaire est constituée, dans le sud des Landes, d’une quarantaine d’espèces. 8 d’entre-elles sont endémiques, 12 sont protégées sur le plan national, plusieurs sont en cours de protection au niveau régional, dont le Lis mathiole -espèce régionale actuellement protégée-et le Silène de thore – une espèce endémique non protégée.

Les espèces adventices représentent au milieu de la flore autochtone, un élément perturbateur, d’autant que des espèces invasives comme l’herbe de la pampa supplantent rapidement les espèces indigènes.  Concernant les invasives, le Baccharis et surtout le Séneçon du Cap (et Herbes de la Pampa) constituent une problématique majeure à Tarnos, qui amène à engager de coûteuses actions.

L’amensalisme est une interaction biologique entre plusieurs partenaires dans laquelle l’interaction se révèle négative en termes de valeur sélective pour l’un des partenaires alors qu’elle est neutre pour l’autre partenaire.

Le piétinement des dunes participe du principe de l’amensalisme. En effet, il induit un coût important pour les espèces indigènes qui disparaissent quand elles sont sensibles au piétinement, alors que ce dernier n’implique ni coût, ni bénéfice pour l’humain qui piétine. Cette interaction a des implications importantes car elle induit une substitution d’espèces. En effet, des plantes sont remplacées par d’autres qui résistent mieux au piétinement.

Les humains entretiennent aussi des relations amensales avec de nombreuses espèces animales ou végétales. Ces dernières peuvent souffrir d’une ou plusieurs activités humaines, telles que la pollution des dunes par les détritus divers abandonnés sur place ou portés par le vent. A l’inverse les vestiges de constructions fournissent un habita à des espèces rares. En effet, certains écosystèmes ont été entièrement créés par l’homme à l’instar de la forêt landaise qui sert d’habitat à une biodiversité sauvage.

On notera dans la partie forestière la présence du chêne-liège, que l’on rencontre également au sein des buissons pré-forestiers. Là, règnent également les aubépines, les troënes, les brandes, mais aussi la Salsepareille d’Europe , connu sous le nom familier de« Herbe aux schtroumpfs ». Elle est associée au chêne-liège, créant avec ses hôtes supports, un véritable enchevêtrement. C’est un sous-arbrisseau lianescent, très rameux qui s’agrippe au moyen de vrilles sur les rameaux des arbustes et arbrisseaux. Elle participe à l’aspect dense des buissons.

En forêt, Le piétinement compacte les sols, détruit la végétation et empêche la repousse de la forêt. Évitez donc de quitter les sentiers : le réseau dense de chemins, et routes forestières fermées à la circulation des voitures, vous permettent largement d’arpenter la forêt.

Les interactions entre végétaux, animaux et hommes s’expriment sur les dunes avec une acuité particulière. La fragilité d’un milieu dont la granularité du sol le rend sensible aux effets de piétinement, mais aussi aux événements éoliens, conjugués à la pauvreté d’une surface découverte offerte aux éléments météorologiques brutaux constituent autant de facteurs de développement pour des formes de vie extrême.

Les exclos protègent les terrains du piétinement pour que les plantes endogènes se développent ou que des semis soient protégés. L’isolement des parcelles découpe la dune en clos entre lesquelles les promeneurs peuvent cheminer. Une clôture type grillage à moutons protège ces exclos des perturbations anthropiques.

Chaque exclos a une surface plus ou moins rectangulaire :

-Tarnos nord: 70 x 80m = 5600m²

-Tarnos sud: 145 x 60m = 8700m²

pour le site de Tarnos [ces expérimentations] ont permis de montrer des effets positifs des exclos sur les populations végétales par une augmentation générale du recouvrement du sable nu:

-des espèces nouvelles en particulier des annuelles et vivaces géophytes ont été recensées sur le protocole de suivi,

-des espèces des dunes semi-fixées à fixées présentent une bonne vitalité (nombreuses plantules) et participent à la fixation du sable nu et à la restauration de la végétation de dune grise tandis que les espèces de dunes mobiles tendent à être remplacées.

-développement et restauration des habitats d’espèces d’intérêt patrimonial (Alyssum loiseleuri, Dianthus gallicus, Silene portensis, Solidao virgaurea macrocarpa…)

Cependant, la végétation de dune grise continue de subir de nombreuses perturbations comme la fréquentation humaine (piétinement, arrachage de piquets-repères) mais elle est également soumise à des apports de sable (faible et récurrent), et à l’action du lapin.

Les dégradations anthropiques posent des problèmes de suivi de la végétation sur le protocole (Transects et Stations) en particulier pour l’exclos de Tarnos Métro …

Raphaël Jun – ONF – Révison DOCOB Dunes Landes- octobre 2012

L’ancienne piste d’aviation de Turbomeca fait l’objet d’une renaturalistion afin qu’elle soit à terme ensablée. La piste n’est pas immédiatement décelable, elle affleure par endroit. Le tarmac a fait l’objet de destructions partielles pour empêcher l’accès et l’installation de véhicules de type caravane ou mobil home. La piste, ainsi que les blockhaus fournissent des abris à quelques animaux dont des lézards ocellés, espèce protégée qui interdit la destruction de leur habitat.

document ONF

Photos Patrick Laforet – sauf autres mentions

Merci au spécialiste de l’écologie des dunes et des milieux naturels, Gilles Granereau, chargé de mission Natura 2000 à l’agence ONF LNA (Landes nord-aquitaine), pour son aide précieuse.

Pour consultation :

 

 

 

 

Chroniques landes côtières

Double trame sur la côte landaise. Si un observateur porte son regard sur le littoral parallèlement à la mer, il découvre une succession de paysages formées par des bandes de largeurs et de couleurs variées. Du bleu de la mer à l’écume qui dessine une ligne serpentine sur le sable mouillé de la plage, succède du sable blond sec sur lequel s’accumulent des bois flottés et des déchets de toute nature au pied de la dune embryonnaire. Ensuite la ligne de crête de la dune file en bosselé vers l’horizon traçant une fragile frontière entre le front de mer et  l’arrière-pays qui vient s’estomper sur la pente terrestre de la dune s’affaissant doucement pour se transformer en une plaine sableuse grise ou lette grise qui s’étale en s’ourlant pour se transformer en un manteau préforestier annonciateur du sol sablonneux boisé, que la forêt de pins maritimes, de chênes lièges et de fougères recouvre de sa palette de vert dressant une barrière verticale entre le littoral mouvant et la plaine aménagée pour la sédentarisation.
Ce même observateur notera que les bandes détrempées, mouillées, sèches se succèdent avec des couleurs du bleu au vert en passant par toutes les nuances du sable dans un ordonnancement continu.
Deux marcheurs effectuent un parcours systématique tracé dans la zone littorale pour observer ce chemin d’est en ouest, allant de l’arrière-pays jusqu’à la mer. Ce transect est matérialisé par un tracé qui chemine à travers les bandes successives que l’observateur a décrites.

entre Ondres et Labenne

Partis de la plaine aménagée, ils vont traverser la forêt, à l’orée de laquelle ils vont déboucher sur une zone moins arborée qui va laisser place à un à-plat ourlet de sable couvert d’humus gris avant d’aborder une longue montée au milieu d’un végétation xérophyte vers la crête dunaire bosselée qui offre une descente plus rapide vers le sable sec encombré de déchets qui une fois traversée offrira sur l’estran un sable d’humide à trempé jusqu’à l’écume des vagues venant mourir sur la lisière mobile de la marée.

Cet état de Nature ne doit pas nous abuser, il résulte d‘aménagements réalisés sous Napoléon III, assèchement des marais et plantation de pins maritimes et de chênes lièges. Sans compter, auparavant, les lourds travaux de dérivement de l’Adour. Jusqu’en 1578, l’Adour se terminait par un delta correspondant au Maremne, autour de son estuaire principal de Capbreton. Son exutoire actuel dans l’Atlantique, entre Anglet d’un côté et Tarnos sur l’autre rive, lui a été donné en 1578. Les travaux titanesques menés par l’ingénieur Louis de Foix s’étalèrent sous le règne d’Henri III de 1572 à 1578.

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carte déplacement Adour

La côte landaise telle que nous la connaissons aujourd’hui n’est pas contrairement aux apparences l’espace naturel que l’on imagine. Cette lande marécageuse était habitée par des bergers perchés sur des échasses qui menaient une vie pastorale particulièrement rude dans un environnement insalubre. Les échasses apparurent dans les Landes au tout début du XVIII ème siècle. Les bergers Landais les utilisent pour se déplacer dans les très nombreuses  zones marécageuses. En effet, la région sableuse présentait en cas d’inondation la particularité d’offrir un sous-sol suffisamment compact pour permettre aux échasses de ne pas s’enfoncer.

Bergers-landais-en-1915

Avec la promulgation de la loi du 19 juin 1857 qui impose aux communes des Landes de Gascogne d’assainir et de boiser leurs territoires, les territoires d’élevage se réduisent mettant en péril cette activité pastorale. Cette situation engendra de violents conflits entre les bergers et les forestiers. D’autant que les bergers pratiquaient l’écobuage, prenant ainsi le risque d’incendier la forêt naissante, comme cela se produisit souvent.

La disparition des espaces de pacage au profit de la forêt entraina la disparition des échassiers. Durant les années 20 les derniers éleveurs s’étaient reconvertis en résiniers … Malgré cette restructuration du paysage, chaque année, un quart du littoral recule. L’érosion est un phénomène de grande ampleur, en particulier sur la côte aquitaine. Menacées par l’océan, les communes engagent d’importants travaux d’enrochements et de préservation des dunes. Mais la mer gagne irrémédiablement du terrain.

transect La Pointe

Aux vastes plages du début du siècle, protégées par une large bande de dunes succèdent un écroulement du front dunaire. L’érosion s’accélère, le trait de côte a reculé cinq fois plus vite lors de tempêtes exceptionnelles anticipant les prévisions à long terme les plus pessimistes.

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Des blockhaus basculent dans la mer, des parapentistes s’entraînent aux bords des dunes abruptes, les plages non protégées par des digues ou des jetées changent de configuration au fil des saisons.
La côte que nous pratiquons aujourd’hui se construit à partir de 1786, quand l’ingénieur Nicolas Brémontier commença par fixer le mouvement du sable en établissant une digue de madrier à environ 70 m de la ligne atteinte par les plus hautes mers, on enfonce dans le sol une palissade de madriers contre laquelle le sable s’accumule. En ajustant la hauteur des madriers à l’accumulation du sable, il obtient une dune littorale haute d’une dizaine de mètres formant barrière de protection. Le sable est fixé en surface par des semis d’oyat connu localement sous le vocable gourbet, dont les racines couvrent de grande surface. Nicolas Brémontier fera planter des pins maritimes pour fixer le sable en arrière des dunes et plus en arrière pour couvrir les anciens marais.

types de Landes

Ces dernières années des tempêtes ont durablement impactés le littoral, modifiant la configuration des plages et charriant une masse considérable de déchets. Le samedi 24 janvier 2009, la tempête Klaus traverse le sud-ouest, entraînant d’importants dégâts matériels. Ceci à une période durant laquelle la région récupérait à peine de la tempête Martin de décembre 1999, les sylviculteurs voient à nouveau leurs pins maritimes et autres essences déracinés ou sectionnés. A ces deux tempêtes succèdera en mars 2014, la tempête Christine. Sur les côtes basque et landaise, de nouveaux soumises à des dégâts colossaux, les vagues minent le littoral, faisant reculer les plages de plusieurs mètres.

La question de la Nature est au cœur du film de Sean Penn, Into the wildFilm emmaillé de nombreuses citations, dont celle de Byron extraite de Childe Harold’s Pilgrimage  qui apparait dès le début : “There is a pleasure in the pathless woods, There is a rapture on the lonely shore, There is society, where none intrudes, By the deep sea, and music in its roar: I love not man the less, but Nature more,…”(*) qui prend tout son sens sur cette partie du littoral Atlantique.

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Ainsi, dès les premières images du film, Sean Penn instille  chez le spectateur une idée de Nature idéalisée ; c’est le mythe de la route, en symbiose avec l’environnement qui place Alexander dans la posture d’un Kerouac routard.  Toutefois le scénario s’attache à montrer la différence entre le paysage naturel du décor et la fiction de la Nature qui habite le personnage principal du film. A l’instar de la réalité, la Nature n’est pas accueillante pour ceux « born to be – away from the – wild » ! Comme l’avait illustré le récit de Jon Krakauer dans le livre consacré à l’histoire de Christopher McCandless dont le destin tragique est incarné dans l’adaptation cinématographique sous le nom d’Alexander. Si Thoreau et McCandless  semblent se faire écho à un siècle d’écart, la place majeure de Thoreau dans la culture américaine ne doit pas faire oublier qu’il fut influencé par le romantisme européen et en particulier le romantisme allemand alors que pour McCandless les influences sont plutôt à chercher du côté des auteurs de la beat generation donc des mouvements de pensées libertaires. Le professeur  émérite en études de l’histoire et de l’environnement de l’Université de Santa Barbara Roderick Nash publie en 1967 la première édition de son livre qui fait autorité Wilderness in the American Mind, dans lequel il explique que : « dans wild, l’on trouverait les notions de perdu, incontrôlable, désordonné, confus, et c’est ainsi que l’espace chaotique et sans repères de la forêt finit par être désigné par wilderness »

Mais, c’est au Thoreau de Walden et de la Désobéissance civile que se réfère Alexander, le héros du film. Thoreau qui écrit dans La Désobéissance civile : « Si je suis venu au monde, ce n’est pour le transformer en un lieu où il fasse bon vivre, mais pour y vivre, qu’il soit bon ou mauvais. »

H.D.ThoreauLes premières lignes du fascicule de Henry D.Thoreau, Marcher, posent la conception que l’auteur naturaliste et écrivain engagé se fait de la Nature. Non-conformiste, il tire de ses expériences personnelles son engagement et cherche à toujours faire corps avec ses idées. « Au cours de mon existence, je n’ai rencontré qu’une ou deux personnes qui comprenaient réellement l’art de Marcher, c’est-à-dire de se promener qui pour ainsi dire avaient un génie particulier pour flâner, sauntering…. ». Il analyse l’origine de ce mot qui dans le langage contemporain se définit comme A saunter is not a walk, run, or jog. To saunter is to walk in life. (Se balader, ne signifie pas marcher, courir ou faire du jogging, mais prendre la vie comme elle vient.)

« Qu’est-ce qui parfois rend difficile le choix d’une direction de promenade ? » Question lancinante à laquelle tout marcheur doit répondre, pour nous il s’agit de rejoindre la rive de l’océan à propos duquel Henry D.Thoreau note« L’Atlantique est semblable au Léthé ;… » Mais ce n’est pas l’oubli que nous venons chercher, mais plutôt une nature brute, un espace vivant dont les éléments peuvent atteindre des moments paroxystiques. Mais aussi les couchers de soleil, avec ou sans rayon vert. Des couchers de soleil comme les aime l’auteur « Chaque coucher de soleil que je contemple m’inspire le désir d’aller vers un ouest aussi éloigné et beau que celui dans lequel plonge le soleil. »

(*) Traduction :
On trouve le plaisir dans une forêt sans sentiers
On trouve le ravissement sur un rivage solitaire
On trouve la compagnie là où il n’y a personne
Près de la mer qui fait entendre la mélodie de son rugissement
Ce n’est pas que j’aime l’homme moins mais je préfère la Nature…

Texte et Photos Jacques Clayssen