De l’usage de la photographie par le Sentier Métropolitain du Grand Paris

“Les Sentiers Métropolitains inventent la ville de demain. Ils métamorphosent une métropole en reliant tous ses territoires et en les éclairant d’une lumière nouvelle.”

Thierry Van de Wyngaert, Président de l’Académie d’Architecture

C’est une infrastructure pédestre qui permet une mobilité piétonne à l’échelle métropolitaine. C’est un équipement culturel au service du territoire, une plate-forme rassemblant des communautés de curiosités, valorisant des initiatives locales, assemblant des patrimoines culturels et naturels. Ce « centre culturel à ciel ouvert » ouvre un voyage, assemble des récits et crée un nouvel espace public. Il révélera les coulisses, les histoires et les monuments ordinaires et inconnus de la métropole. Il traversera des espaces méconnus du Très Grand Paris. Il racontera un territoire en transformation, un grand organisme entre ville et nature et révélera notre patrimoine métropolitain commun. Le Sentier Métropolitain du Grand Paris veut constituer un lien, assembler des récits et révéler un territoire. Extrait document Le Voyage Métropolitain

Guidé par les membres du « Sentier métropolitain du Grand Paris », le repérage se fait de deux manières. Une marche collective, ouverte au public, est organisée pour créer un parcours. Une seconde équipe est en charge de « l’éditorialisation » du parcours.  Dénommée « caravane », celle-ci est composée d’illustrateurs, écrivains, photographes, journalistes dont le travail consiste à élaborer un guide. 

Référence : Les Echos Par Lamia BarbotCaroline d’Avout (Rédactrice photo)Publié le 29 avr. 2017 

Si l’on considère avec Francesco Careri que « Dans les villes d’aujourd’hui, qui se transforment rapidement, marcher et franchir les frontières est devenu le seul moyen de reconstruire les tissus à partir des fragments urbains séparés dans lesquels nous vivons. La marche est devenue l’instrument esthétique et scientifique permettant de reconstruire la carte du processus de ces transformations, une action cognitive capable d’accueillir également les amnésias urbains que nous retirons de manière inattendue de nos cartes mentales parce que nous ne les reconnaissons pas comme une ville. »

Francesco Careri in La marche comme un art civique

La photographie tend à stabiliser une réalité disséminée aux rythmes multiples. Les bords du cadre, ses frontières figent cette réalité qui les dépasse. La photo gèle l’instant, le saisit dans une césure fragmentaire temporelle.

Elle contracte dans un rythme unique, pose, instantané ce moment critique ou cet instant décisif, elle représente « La marche de l’histoire à travers un temps homogène et vide » écrit Walter Benjamin, dans Thèses sur la philosophie de l’histoire.

Dans notre démonstration, nous ne montrerons pas l’ensemble des séquences dont elles participent, ceci étant conforme à l’usage qui est fait des images sélectionnées pour l’étude. En effet, ces images sont utilisées isolements dans les publications on line ou en print des Sentiers Métropolitains et des divers canaux de communications.

Les photographies présentées s’inscrivent dans le cadre d’un témoignage photographique sur une randonnée à la butte d’Orgemont à Argenteuil. Pardon, «Ce n’est pas de la randonnée, ce sont des marches urbaines», nuance Vianney Delourme, qui les organise avec son association Enlarge your Paris
Va donc pour marche urbaine dont les photos retenues se situent  entre des photographies d’arrivée sur le lieu, procession ascensionnelle et descentionnelle pour quitter la butte.

Toute marche en groupe obéit aux canons d’un tel exercice qu’il soit laïque, religieux ou militaire à savoir une procession d’individus qui avance en groupe ou en grappes quand ce n’est pas en file indienne quand la configuration des lieux l’impose. La procession publique est suivie dans un deuxième temps par une caravane composée d’illustrateurs, écrivains, photographes, journalistes dont le travail consiste à élaborer un guide. De la procession à la caravane, une idée de « nomadisme » complète le vocabulaire, en y ajoutant une note que l’on pourra interpréter comme un défilé de saltimbanques ou de pionniers sur les chemins de la découverte.

photo Jéromîne Derigny

Activité grégaire, les processionnaires composent une communauté menée par un ou des guides. Les images illustrant les marches montrent des chenilles humaines s’effilant de dos dans le paysage. Les pauses/poses donnant lieu parfois à des illustrations dont la référence religieuse n’est pas exempte.

Photo : Marie Genel

La photo utilisée par les documents d’Enlarge your Paris ou pour l’Art des sentiers métropolitains est une photo de Florence Joubert qui a été publiée sous cadrage natif en mode [paysage] et recadrée en format [portait]. Nous verrons pourquoi cette double présentation dans la suite de notre analyse.

Photo : Florence Joubert

Or, que voit-on dans l’image, de Florence Joubert, choisie pour résumer (à contre-courant du travail de narration du sentier du Grand Paris) Paris? Précisément la photographie d’un groupe constitué par une pause, et qui se fige devant le panorama. On y voit les participants du groupe disséminés sur une butte certains arrêtés, d’autres assis ou en mouvement, et les écarts entre eux. Un fait cependant importe plus encore : le fait que les membres soient tous de dos (dans l’édition [portrait], dans l’édition [paysage] une personne sur la gauche tourne le dos au paysage, alors que sur la droite une autre personne marche parallèlement au panorama). C’est qu’on ne peut pas photographier le regard qui advient alors pour chacun. Deux personnes photographient une vue hors champ sur la gauche de l’image. C’est également l’assomption de cette photographie comme mise en scène.

Les deux personnes en train de photographier utilisent des appareils numériques. Ces appareils (smartphones ou appareils de photo) présentent la particularité de rendre visible l’image sur un écran. Cette visibilité de l’image cadrée ne l’était pas avec la photographie argentique, qu’à la discrétion du photographe sous le voile de la chambre photographique. Pour le reste le viseur monoculaire était un système individuel, dont l’accès à l’image n’était pas partageable.

Trois plans horizontaux :

  • Un sol herbeux
  • Un front de personnages
  • Un panorama en surplomb (nimbé d’une brume de pollution, lui-même subdivisé en un premier plan pavillonnaire auquel succède les tours de la Défense)

Les personnages sont comme situés derrière un quatrième plan qui sépare cette réalité artistique d’un reste. Or, ce reste est précisément là où nous sommes, nous spectateurs. A notre regard la fiction rejoint la réalité, puisque l’espace s’ouvre à nous, il n’est pas caché derrière des figures qui nous feraient face. Elle la rejoint aussi par le fait que l’instant est proprement mis en scène: l’écart est comme organisé, même si cette organisation est latente : c’est la construction de la ruine positive du collectif. Dans la version [portrait] le recadrage vertical isole la ligne de dos, en réduisant le champ de l’image. Devant cette ruine, nous comme reste de l’oeuvre pouvons imaginer la salvation qui peut venir avec ces territoires et ces actions.


                           La-Seine-Rouen-1955©-Henri-Cartier-Bresson-_-Magnum-Photos

Ainsi, cette photo de Henri Cartier Bresson présente toutes les caractéristiques requises pour venir en miroir des photographies que nous analysons dans cette présentation. Le point de vue en surplomb, l’herbe et le chemin, les personnages, ici assis, attentif aux commentaires de celui qui regarde le paysage et ses ponts. La composition dynamique met l’accent sur le paysage, lisible et identifiable. Le lien entre les personnages et la ville, le fleuve et les ponts est magnifié par la composition. A partir de cette image matricielle le décryptage des intentions des éditeurs dans les choix opérés pour illustrer les documents des Sentiers Métropolitains met en lumière leur position sur le rapport du chemin à la ville.

La composition de l’image, répond à la règle d’or du maître français, à savoir la règle des tiers qui consiste à placer les éléments clef de l’image sur les lignes qui séparent les tiers verticaux et horizontaux, voire sur les intersections entre ces lignes, afin de répartir harmonieusement le contenu de l’image entre ces tiers. Le principe étant 2/3 de sol ou de paysage pour 1/3 de ciel ou l’inverse. Le parti-pris adopté montre l’intention du photographe, sur quoi a-t-il voulu mettre l’accent.

A ce sujet, Heidegger prend l’exemple d’un pont. « ’Léger et puissant’, le pont s’élance au-dessus du fleuve. Il ne relie pas seulement les deux rives déjà existantes. C’est le passage du pont qui seul fait ressortir les deux rives comme rives. […] Avec les rives, le pont amène au fleuve l’une et l’autre étendue de leurs arrière-pays. Il unit le fleuve, les rives et le pays dans un mutuel voisinage. […] Les ponts conduisent de façons variées. Le pont de la ville relie le quartier du château à la place de la cathédrale, le pont sur le fleuve devant le chef-lieu achemine voitures et attelages vers les villages des alentours. Au-dessus du petit cours d’eau, le vieux pont de pierre sans apparence donne passage au char de la moisson, des champs vers le village, et porte la charretée de bois du chemin rural à la grand-route. Le pont de l’autostrade est pris dans le réseau des communications lointaines, de celles qui calculent et qui doivent être aussi rapides que possible. […] « Le pont, à sa manière, rassemble auprès de lui la terre et le ciel, les divins et les mortels » in Essais et conférences Martin Heidegger 1951 (Conférence prononcée au mois d’août 1951 à Darmstadt) Gallimard.

La lecture de ces photographies et leurs usages affiche des indices sur la nature du projet. La décorrélation marcheur-ville mise en place par les photos illustre la vocation touristique d’un projet présenté comme un « centre culturel à ciel ouvert ». Ces parcours trop longs pour des déplacements quotidiens ne présentent aucun intérêt pratique pour les habitants. Ils s’inscrivent dans de l’activité de loisirs pour les nouveaux habitants des résidences immobilières qui repousseront les plus défavorisés hors des zones proches des gares du Grand Paris Express.

L’appropriation des sentiers par une population homogène assurera moins une cohésion territoriale qu’une communauté de classe.

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Etude sur la randonnée pédestre

Pratiquants

Volumes

En 2016, la France compte environ 16 millions d’adeptes de la randonnée pédestre

35 % des Français âgés de 15 à 70 ans déclarent avoir pratiqué au moins une fois la randonnée pédestre au cours des 12 derniers mois. En somme, ce sont environ 16 millions de randonneurs français qui arpentent les sentiers littoraux, de plaine et de montagne. Pour autant, bien que particulièrement nombreux à s’être essayé au moins une fois à l’activité, les randonneurs ne sont que 35 % à marcher régulièrement tout au long de l’année, ce qui représente en ordre de grandeur environ 5,5 millions de randonneurs réguliers. Finalement, près d’un tiers des randonneurs interrogés déclare pratiquer au moins une fois par semaine.

Sur une échelle sociale à trois niveaux (catégories populaires, moyennes et supérieures), le randonneur français est à 48 % issu des catégories populaires [1]. Les pratiquants de randonnée pédestre sont généralement peu diplômés. En effet, 48 % d’entre eux ont un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat. 33 % sont diplômés de l’université ou équivalent. Notons enfin que les randonneurs français sont 52 % à déclarer ne pas avoir des parents sportifs.

Note

[1]La construction de cette échelle à trois niveaux a été réalisée en regroupant différentes modalités de réponse à la question des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Ouvrier, chauffeur, employé, agent ou personnel de service ont été regroupés dans la catégorie « populaire ». Agriculteur exploitant, artisan, commerçant, chef d’entreprise, professions intermédiaires ont été regroupés dans la catégorie « moyenne ». Enfin, cadre, profession intellectuelle supérieure, professions libérales représentent la catégorie supérieure.


Addenda

« c’est dans la défection des communautés que l’on peut faire surgir l’incomplétude de toute communauté de nature ou de nation, de culture ou de classe, et rendre sa dignité de témoin à cet exemple qui est l’envers de l’artiste, ou plutôt son versant malheureux : le prolétaire ou, aujourd’hui en Occident, le  »travailleur immigré » 

Référence : Jean Borreil, « Le vagabond de l’universel », in La raison nomade, p96.

La possibilité de ne pas se comprendre, découverte dans le fait artistique, relève bien de la possibilité de ne pas être une communauté : le commun que la langue maternelle aurait si bien dit n’a pas existé. L’artiste comme le travailleur immigré sont des figures du témoignage de cette réalité critique parce qu’ils vivent tous de la réalité sur ses bords. Finalement, l’expérience d’artiste reprend à son compte cette question : « que se passe-t-il […] lorsque au pont de la fable heideggerienne qui lie le quartier du château à la place de la cathédrale, on oppose la déliaison de celui qui, n’étant pas propriétaire légitime de la ville, couche sous le pont? ». Ce qui se passe, c’est précisément qu’on ne peut plus penser la ville, et ce qu’elle symbolise, l’unité spatiale et à travers elle nationale, comme une totalité continue qui dans l’histoire serait perpétuelle. Il faut alors la penser comme une impossibilité, et à la place penser et pratiquer les possibles qui peuvent la traverser. 

Référence : Jean Borreil, « Le vagabond de l’universel », in La raison nomade, p82, commentant Martin Heidegger, Bâtir,habiter, penser 

des nécessités de déplacement : la frontalité des immeubles ne se traverse pas de la même manière ni aussi aisément que même la clôture du champ.

La marche comme art civique

Photo : portrait de Patrick Geddes

Texte  : Francesco Careri

En 1913, Patrick Geddes (1) a inventé Civics , un cours universitaire dans lequel ce biologiste écossais dévoué se consacrait à l’étude pratique de la ville, la regardant à travers les yeux de Darwin et appliquant l’évolution à la civitas . C’est la naissance d’une nouvelle discipline: l’urbanisme ambulant, une science civique qui propose étudiants et futurs planificateurs , plonge directement dans les replis de la ville.

«S’échapper des abstractions actuelles de l’économie et de la politique dans lesquelles tous, plus ou moins également, ont été éduqués; pour revenir à l’étude concrète, à l’origine de laquelle la politique et la philosophie sociale ont émergé, mais dont ils se sont ensuite éloignés: se demander si les villes sont ce qu’elles sont, ou plutôt comment nous les voyons grandir ». C’est ce que dit Geddes dans Cities in evolution: une introduction au mouvement de l’urbanisme et à l’étude de l’éducation civique

Design and Planning for People in Place:
Sir Patrick Geddes (1854–1932) and the Emergence of Ecological Planning, Ecological Design, and Bioregionalism

L’urbanisme naît ainsi, à pied, de manière labyrinthique et participative: une méthode déambulatoire qui permet de lire et de transformer la ville, dont le produit n’est pas une vision abstraite ou zénithale de cartes statiques colorées en zones fonctionnelles, mais un décompte phénoménologique évolutif, décrit à partir de un point de vue horizontal, lancé en marchant entre les replis de la ville: la marche topographique .

Entre 1914 et 1924, Geddes expérimenta en Inde ses premières marches d’enquête , une sorte de plans de régulation évolutifs qui, à quelques exceptions près, ne sont pas conçus, mais sont comptés sous forme itinérante: ce sont des promenades dans la ville, de longues promenades se terminant sous forme de guides. qui décrivent la civitas , qui la photographie dans son état actuel et donne des indications pour les changements successifs. Il ne s’agit pas de guides normalisés ou de normes à appliquer de manière aérienne, mais des observations itinérantes représentées à la hauteur d’un homme perdu dans les méandres urbains, découvrant de nouveaux territoires, imaginant corrections et interprétations.

Il est à noter que Geddes a pris note de l’évolution historique des centres urbains en définissant lesquels devraient être pris en charge, lesquels devraient être laissés à leur propre devenir naturel et qui ont aidé l’organisme urbain à devenir de nouvelles conformations. Geddes a marché avant et après la préparation d’un plan de réglementation, expérimentant une nouvelle méthode pédagogique avec laquelle il a pu communiquer avec les habitants, les véritables acteurs de ce plan.

En bon anarchiste, il était convaincu que la production de la ville devait être ascendante , il croyait en une participation avant le litteram. Lors de la phase d’analyse, il était avec les habitants du site pour écouter leurs problèmes et les solutions proposées. puis, dans l’ enquête, il les qualifiait d’interlocuteurs privilégiés: c’est-à-dire gardiens et exécuteurs de leurs indications, une invitation permanente leur étant adressée de marcher dans les solutions qu’il avait imaginées.

Dans Rieducazione alla Speranza. Patrick Geddes, planificateur en Inde de 1914 à 1924 , Giovanni Ferrero a décrit avec passion cette méthode itinérante et participative. «Marcher, ce n’est pas seulement regarder: c’est aussi écouter, dans chaque lieu, qui vit et connaît la ville. C’est pourquoi Geddes évoque souvent avec gratitude ses interlocuteurs locaux. Avec son planificateur – arpenteur, il marche, regarde, écoute. Et parler. En se promenant dans la ville indienne, Geddes semble avoir découvert le véritable sens de la philosophie périathique , dans laquelle les Grecs parlaient de la philosophie sous leurs bananes, tout comme les Indiens – Tagore et Bose – enseignent encore, assis sous l’ombre ».

Ferrero raconte un épisode émouvant dans lequel Geddes a expérimenté la marche, non seulement comme un art d’observation de la ville, mais comme un art performatif capable de la transformer. C’était en 1923 et Geddes était en Amérique, invité par son élève Lewis Mumford à suivre un cours à la Regional Planning Association of America. Dis comment Geddes avait l’air. «Assis en tailleur, tel un gourou indien, sous un grand chêne – qui dans la magie de son histoire devient presque une banane – tout en nous racontant son urbanisme en Inde: et comment, comme Mahrajà d’un jour , avait éradiqué la peste à Indore.  »

Ferrero dit que Geddes était consterné car il ne parvenait pas à établir un véritable contact avec les habitants ni à les sortir de leur léthargie. Les habitants, le voyant passer et prenant des notes, le craignaient non seulement, comme le nième planificateur occidental qui était prêt à jeter leurs maisons à terre, mais ils avaient également commencé à dire qu’il répandait la peste. Comment communiquer avec eux? Comment représenter le développement civique dans l’esprit des citoyens? Une idée m’est venue à l’esprit, une sorte de procession d’urbanismecapable de susciter son intérêt pour l’hygiène et l’entretien de la ville. Ni les cartes, ni les dessins, ni les modèles n’auraient pu rivaliser avec une promenade dans la même ville: «Fais-moi Mahrajà un jour!». C’est ainsi qu’il organisa le Nouvel An hindou de Duwani, où la procession « suivait une nouvelle rue au lieu de la suivre: une rue le long de laquelle les maisons étaient mieux placées pour l’occasion ».

L’opération a été un succès. Un véritable concours est né pour repeindre et re-systématiser les maisons et les rues. Dans le défilé, à côté des voitures de nouveaux masques mythologiques, les voitures ont été déplacées avec les plans de la ville et les modèles des bâtiments à construire. La ville d’Indore est apparue comme jamais vue auparavant. La participation du peuple était très élevée. On ignore si c’est à cause de la propreté ou de l’arrivée de la nouvelle station, mais la peste a été définitivement éradiquée.

Lorsque, en 2005, j’ai eu l’occasion d’inventer un nouveau cours pour l’école d’architecture de Rome Tre, en hommage à Geddes, le professeur Giorgio Piccinato a suggéré que je l’appelle Civics . Je ne connaissais toujours pas le professeur écossais, mais j’avais proposé un cours entièrement à pied, qui se déroulait en ville et jamais au sein de l’université. Périphériques comme ces philosophes athéniens, itinérants, peut-être comme l’aurait souhaité Geddes lui-même. Je pensais appeler ça de l’art urbain, mais je me suis alors convaincu de l’appeler arts civiques.

Bien qu’à l’origine, cela paraisse rhétorique, sculpté en lettres latines sur un fronton de l’architecture mussolinienne de Rome, peut-être que ce goût obsolète et dépassé pourrait être une bonne provocation. Ce n’était pas de l’art public, terme courant dans le monde universitaire et sur le marché de l’art, grillé par des actions triviales de mobilier et d’embellissement des espaces publics. Le Street Art non plus, plus à la mode dans des environnements antagonistes, n’indique que des peintures murales et des graffitis sur les palais de la ville. Ce n’était pas l’Art Urbain, un terme qui désigne des objets et des installations placés dans une ville physique, faite simplement de bâtiments, de maisons et de rues. C’était Civic Arts, un terme plus engagé, qui a à voir avec civitas, avec le statut de citoyen, avec la production non seulement d’espaces mais aussi de citoyenneté, de sentiment d’appartenance à la ville; non seulement la production d’objets, d’installations ou de peintures, mais aussi de promenades, de significations, de relations.

Comme le Civics de Geddes, il est aussi pluriel parce que transdisciplinaire. La transformation de la ville ne peut être laissée aux seuls urbanistes, architectes ou hommes d’affaires, elle doit s’étendre à toutes les sciences qui s’intéressent à la ville, aux anthropologues, géographes, sociologues, biologistes. Et en dehors de la science, les artistes doivent aussi marcher. Explorer la ville à pied et en comprendre le sens est un art au même titre que la sculpture, la peinture et l’architecture, mais aussi la photographie, le cinéma et la poésie, qui en disent souvent plus efficacement que les urbanistes. , le phénomène le plus difficile à lire dans la ville d’aujourd’hui.

L’intention de l’éducation civique est évidente : sensibiliser les étudiants et les citoyens aux réalités qui sortent de leur routine quotidienne; étudier les phénomènes émergents par le biais d’une interaction avec l’espace social; entrez en contact avec les diverses cultures qui peuplent la ville, celles des exclus à la campagne ou dans les bidonvilles et celles des habitants des riches communautés fermées .

Dans la marche d’aujourd’hui, il est confirmé que l’urbanisme a cessé de produire de la ville et, penché devant les règles du marché néolibéral, a commencé à produire des espaces sans interaction réciproque. Marcher sans ville: une ville sans instruction civique . Celle dans laquelle Geddes travaillait était toujours une ville unie, avec des règles et des langages partagés, avec une lente évolution et des transformations réduites. La marche était toujours une action «normale» après tout, pas une action artistique expérimentale avant-gardiste.

Dans les villes d’aujourd’hui, qui se transforment rapidement, marcher et franchir les frontières est devenu le seul moyen de reconstruire les tissus à partir des fragments urbains séparés dans lesquels nous vivons. La marche est devenue l’instrument esthétique et scientifique permettant de reconstruire la carte du processus de ces transformations, une action cognitive capable d’accueillir également les amnésias urbains que nous retirons de manière inattendue de nos cartes mentales parce que nous ne les reconnaissons pas comme une ville. .

Une fois le nom défini, j’ai demandé au doyen, le professeur Francesco Cellini, de ne pas m’attribuer une salle de classe, car il n’y en avait pas besoin. Aucune leçon et aucun examen n’aurait lieu à l’intérieur de l’Université, tout se ferait à pied. Enfin, j’ai eu l’occasion de transmettre aux étudiants les connaissances et la méthodologie acquises au fil des années avec les dérives urbaines de Stalker , un collectif d’artistes de Rome dont la marche est un outil d’action et d’esthétique. C’étaient des glissements entre les frontières abandonnées des grandes villes et je pourrais en parler dans le livre Walkscapes, promenade comme une pratique esthétique ,

Les arts civiques sont le cours que j’aurais aimé suivre en tant qu’étudiant: explorations et réappropriations de la ville; marcher comme une méthodologie de recherche et d’enseignement; l’expérimentation directe des arts de la découverte et la transformation poétique et politique des lieux. En fait, le cours demande aux étudiants et aux citoyens qui le suivent d’agir dans la ville à l’échelle 1: 1, en tant qu’action physique de leurs corps dans l’espace. Son objectif est de réactiver leurs capacités innées de transformation créatrice, de leur rappeler qu’ils ont un corps avec lequel se positionner dans la ville, des pieds avec lesquels marcher et des mains avec lesquelles ils peuvent modifier l’espace dans lequel ils vivent. Dans chaque leçon, vous marcherez environ dix kilomètres, du déjeuner au coucher du soleil. De temps en temps, nous nous arrêtons pour lire des textes, pour commenter les espaces que nous avons réussi à pénétrer, pour raisonner sur la ville, sur l’art et sur la société. En marchant, nous devenons une sorte de tribu itinérante, avec ses propres règles, un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade un corps multiforme unique qui réalise une expérience unique à partir de laquelle nous construisons nos connaissances communes. Un espace unifié d’expérimentation, une sorte de laboratoire scientifique en mouvement, développant de manière créative une procession rituelle. Une université nomade

Dix ans ont passé depuis que j’ai commencé le cours et pendant ce temps, nous avons développé son fonctionnement, en modifiant constamment la zone d’exploration autour de Rome. Chaque année, nous avons tracé un chemin unique en plusieurs étapes: premièrement, nous quittons symboliquement l’université et marchons vers la mer jusqu’au lieu où Pier Paolo Pasolini a été tué; ensuite nous avons grimpé le long du Tibre, où nous avons trouvé les nouveaux habitants informels et où nous avons rencontré la grande question du peuple rom; Ensuite, nous marchons complètement dans le Grande Raccordo Anulare , une promenade ouverte aux citoyens de Primeveraromana , afin de voir les transformations sur les bords de la plus importante infrastructure urbaine de la ville. plus tard, duGRA nous partons en direction de la plaine, en montant vers les volcans et les châteaux romains; de là nous continuons le long de la côte en longeant les plages et la ville côtière; Enfin, nous faisons un parcours entièrement nocturne, en marchant de minuit à l’aube, en suivant la lune.

Dans les classes itinérantes, vous avancez les yeux croisés vers un objectif et vers ce qui le distrait. Il est une conscience perdue sur la base des concepts situationnistes de la dérive et psychogéographie, préparation aux incidents de la route, les enlèvements, la possibilité de trébucher et d’ oublier délibérément la rue. Jouer avec l’inattendu est en effet le seul moyen de prendre la ville par surprise, indirecte, latérale, ludique, non fonctionnelle, pour se retrouver dans des territoires inexplorés où naissent de nouvelles questions.

Il y a deux règles pour marcher dans ces espaces et avec le temps, elles deviennent une sorte de slogan. Le premier est « qui perd du temps, gagne de la place »: l’objectif doit toujours être une hypothèse, un projet qui a déjà été discuté au moment où il est prononcé. L’exploration n’a pas besoin d’objectifs, mais de temps à perdre, de temps non fonctionnel, ludique et constructif. La deuxième règle est « ne jamais revenir de la même manière »: si nous entrions dans un trou dans la clôture et que nous avions déjà parcouru quelques kilomètres, il serait vraiment déprimant de revenir en arrière. Le devoir de chercher une issue est un stimulant optimal pour explorer le territoire en profondeur, conduit à suivre les chemins qui invitent d’autres trous et vous met dans cet état d’appréhension dans lequel la peur et le danger sont des moyens d’apprendre.

Contrairement à Geddes, nous n’allons pas avec un mandat de planificateur. Nous allons voir en personne comment la ville se transforme en l’absence de planification, pour faire l’expérience de ce que notre présence peut être un dépaysement, pour inventer des portes et des itinéraires où il n’y a que des barrières. La capacité de pénétration est l’un des aspects de l’évaluation de l’action réalisée. Si on est obligé de marcher sur le trottoir, la valeur est zéro. Si vous pouvez entrer et sortir facilement entre différents espaces, la valeur est élevée: le territoire est perméable et permet un plus grand nombre de réunions et de connaissances. La route n’est pas faite le long des routes goudronnées mais, dans la mesure du possible, le long des marges entre la ville et la campagne, dans la boue et entre les arbustes, où la ville se développe et se transforme plus rapidement ,

Ici, la nature acquiert de nouvelles formes, survit en envahissant des usines abandonnées, de vieilles maisons en ruines, se développe dans des champs agricoles qui ne sont plus semés chaque année, car ils attendent de devenir des palais. En grande partie, vous vous promenez dans des endroits où nous ne devrions pas marcher: si vous voulez savoir, vous devez entrer dans des espaces où nous n’avons pas été invités à entrer, traverser les champs, sauter par-dessus les portes, trouver des trous dans les bars, suivre des sentiers et des indices laissés par ceux qui vivent cachés aux yeux de la ville.

Dans ces lieux, les personnes qui vivent à côté de nous sont contactées pour la première fois, mais nous ne connaissons rien d’autre que l’imaginaire des médias et nos préjugés. Par conséquent, la capacité de relation devient importante: ne pas laisser la place au trivial, faire bouger les choses, s’arrêter pour parler de sujets inattendus, savoir tirer parti des situations créées au hasard et les transformer en actions poétiques. Composez des comportements, construisez avec attention et poésie ce qui se passe sous vos yeux, franchissez les barrières comportementales à ceux qui participent à l’action.

L’urbanisme est né itinérant et ne peut être que nomade.

Note :

(1) Né à Ballaster (Ecosse) en 1854 et mort le  à Montpellier, Geddes est un brillant élève dont l’esprit est nourri des lectures de Ralph Waldo Emerson, Thomas Carlyle, ou John Ruskin. En 1874, il entreprend des études de biologie à l’Ecole des Mines de Londres auprès de Thomas Henry Huxley, ami de Charles Darwin dont il défend ardemment les thèses et auteur de Evidence as to Man’s Place in Nature (1863).


Ce texte a été publié à l’origine dans le livre The Pedestrian Revolution , publié en 2015 par Editorial El Caminante.

 

La vrai légende de Stalker

par Gilles A. Tiberghien

Les Stalker ne sont pas tout à fait des artistes. Pas vraiment des urbanistes non plus, ni des militants. En fait, ils ne sont pas autre chose que ce qu’ils font. Que font donc les stalker ? Ils arpentent. ils cherchent des itinéraires et des territoires, dans les villes et entre les villes, qui échappent aux cartographies connues et permettent d’en inventer d’autres. Pour les suivre, un jeu de pistes.

A lire en ligne dans https://www.cairn.info/revue-vacarme-2004-3-page-94.htm

Se souvenir des paysages

Sur une période de 110 ans, quatre campagnes photographiques ont permis de documenter une portion des paysages flamands. Entre 1904 et 1911, le botaniste Jean Massart a réalisé une série de photographies de paysages en Flandre afin de représenter la végétation naturelle dans le paysage et les relations entre l’agriculture et la géographie. En 1980, Georges Charlier, accompagné du botaniste Leo Vanhecke, a photographié à nouveau environ 60 images de Massart et, en 2003, Jan Kempenaers a été chargé de photographier les mêmes scènes. Une quatrième série a été réalisée par Michiel De Cleene en 2014. Chacune met l’accent sur des aspects documentaires, artistiques et scientifiques. La collection sert maintenant à la recherche sur l’urbanisation et les mutations du paysage.

Ces 4 séries mettent chacune l’accent sur différentes perceptions du paysage. Des aspects documentaires, artistiques et scientifiques peuvent être perçus dans chacune. Cette collection ainsi constituée sert maintenant de base de recherches sur l’urbanisation et les mutations du paysage.

Le projet a donné lieu à une exposition au SMAK (1) et à un livre aux éditions Roma.

 

Le 10 octobre dernier, la librairie Volume à Paris organisait une présentation de l’ouvrage lors d’une soirée animée par Jac Fol qui réunissait autour de lui : Pieter Uyttenhove et Bruno Notteboom, auteurs et directeurs de l’ouvrage et le photographe Georges  Charlier.

de gauche à droite : Samuel Hoppe, Jac Fol, Bruno Notteboom, Pieter Uyttenhove

Les intervenants se sont interrogés sur la liberté du photographe dans ce cadre strict. Analysant les déplacements de ligne d’horizon, de lumières à partir des données de référence de Jean Massart. L’apport de la narrativité dans le paysage combiné à la richesse des regards mettent en place un dispositif permettant d’écrire un scénario du paysage. Thème développé dans les textes sur la base d’une comparaison avec la chronophotographie.

L’exposition de 2006 était une coproduction de l’Université SMAK et Gand – Département d’architecture et d’urbanisme et bibliothèque universitaire avec le focus architecture-.

Le livre  abondamment illustré par la collection complète de photos de Jean Massart, Georges Charlier et Jan Kempenaers, comprend des données descriptives, un atlas pratique des lieux et une brève description analytique de chaque ensemble de photographies. Un corpus de textes avec des entretiens et les points de vue des chercheurs trouve un complément interactif sur le site.

Sur la base de dix lieux en Flandre, une histoire commentée de la transformation du paysage, de la conception urbaine, du cadre de vie et de la culture vivante est présentée. La recherche urbaine de Labo S (2) fournit un certain nombre de solutions pour mieux comprendre les causes de ce changement, telles que l’expansion des zones résidentielles et les mutations de l’agriculture qui indiquent l’industrialisation de la production alimentaire. Les réseaux d’infrastructure, les mâts GSM, les éoliennes, la gestion des cours d’eau et les impacts à grande échelle sont particulièrement frappants.

Contrairement aux attentes, les images montrent que de nouvelles zones naturelles ont récemment été créées, mais pas toujours pour des raisons écologiques. Vous verrez, entre autres, une zone de compensation pour l’extension du port d’Anvers. Ou un horizon entièrement construit à la limite d’une nouvelle zone naturelle à Nieuport, résultat visible de la demande croissante de séjours temporaires sur la côte et de la pression des promoteurs immobiliers.

La recherche peut être consultée dans son intégralité sur le site. Les photos peuvent être visualisées de manière interactive: sur une carte de la Flandre, vous pourrez afficher les soixante «paysages», ainsi que toutes les données de la recherche.

Notes :

(1)  S.M.A.K. (Stedelijk Museum voor Actuele Kunst)

(2) Labo S est le laboratoire de recherche en développement urbain du département d’architecture et d’urbanisme de l’Université de Gand. Il est destiné aux recherches sur les problèmes de développement urbain axées sur la conception et les missions. L’expertise et la vision sur les problèmes de la « métropole horizontale » sont développées et transmises au moyen de travaux d’étude et de projets de recherche, ainsi que d’expositions, de colloques et de publications.

Art et Territoire

Dans ce livre réalisé grâce au colloque international  » L’art collaboratif et le territoire  » accueilli par la Sorbonne, la question de l’interaction entre l’art et le territoire est examinée sous l’angle de la diversité des positions des acteurs de la scène actuelle de l’art contemporain.

Avec la précision de la fonction de l’art contemporain en tant qu’outil de recherche et d’amélioration de la société, la question du territoire et de son appropriation par les artistes prend de plus en plus d’ampleur. Alors que dans La Carte et le Territoire, Michel Houellebecq décrit la tentative de son héros dépressif de peindre sur une immense toile « Damien Hirst et Jeff Koons se partageant le marché de l’art ». L’auteur y raconte un milieu arty, se déplaçant de spots internationaux qui de New York à Paris, en passant par Miami et Hong-Kong accueillent les enchères les plus folles, les vernissages pour happy-few réunissant les éphémères stars du financial-art.

Face à ces réseaux internationaux de l’art contemporain global, les réseaux locaux se densifient et se spécialisent afin de créer une identité forte de leurs territoires, et d’offrir un tremplin à leurs artistes pour en partager la notoriété.

A l’échelon local de nouveaux procédés sont mis en place par les artistes, comme par les curateurs initiant des interactions entre les créateurs et le territoire sur lequel ils travaillent. Le lieu, la ville, le paysage, l’urbanisme et l’écologie locale restent bien entendu des thématiques récurrentes. Cependant, les nouveaux modes d’interaction avec les acteurs politiques et économiques, la coopération avec les habitants et la mise en place de réseaux locaux de créateurs, permettent aujourd’hui d’aller au-delà de la simple illustration.

Mais comme le souligne Hubert Besacier, enseignant, critique et organisateur d’expositions dans un texte argumenté une question cruciale se pose: « dans le trio commanditaire-curateur-artiste, qui instrumentalise qui ?  Sous le prétexte fallacieux de travailler au consensus, de contribuer à réduire le fossé entre la spéculation artistique et sa réception dans le champ social, on assiste alors au détournement de l’expérience esthétique au profit d’une doxa nécessaire au pouvoir. C’est là ce que l’on appelle l’ »action culturelle », qui entre en contradiction avec ce qu’est la création.» Fermez le ban.

A noter dans le texte de Jean-Christophe Arcos : Territoire, lieu et soutien une référence au walkscape Hors-circuits : Pantin-Le Bourget proposé par Démarches lors de la Biennale de Belleville en 2014

 

SOMMAIRE

Remerciements

Introduction
Olga Kisseleva

L’image des artistes et des acteurs de l’art contemporain à travers leurs quartiers. Identité d’un groupe
Julio Velasco

Les laboratoires d’Aubervilliers. Le savoir indigène
Alexandra Beaudelot

Exemples d’interventions artistiques à Paris : comment l’artiste contribue à changer la ville et le regard sur la ville
Barbara Wolffer

Territoire, lieu et soutien
Jean-christophe Arcos

Le MOCAK, musée d’Art contemporain de Cracovie
Maria-Anna Potocka

la Biennale industrielle d’art contemporain de l’Oural (2010‑2012), un outil de transformation de la « ville‑usine »
Aleksandre Kiryutine, tamara Galeeva

Invisibles territorialisations
Frédéric Vincent

La résidence comme moment suspendu
Ann Stouvenel

Les résidences d’artistes : des incubateurs ?
Marlène Perronet

Le territoire du m2 artistique : une œuvre collaborative
Fred Forest

Mon caillou appropriationniste sur la scène politique française et le Texte d’intention du pffft
Gaspard delanoë

D’une « esthétique de la réception » à un art « collaboratif »
Hubert Besacier

Notices bibliographiques

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Editions de la Sorbonne
Prix : 29,00 €

L’effet Burma-Shave et autres dispositifs

Les panneaux publicitaires occultent le paysage, suivant les réglementations propres à chaque Etat, leur installation à foison sur les bas-côtés des routes et autoroutes sollicite l’attention des automobilistes, cyclistes et piétons. Les supports de toutes tailles vantent des offres commerciales.  Des créatifs et des artistes ont décidé de mettre à profit l’efficacité du panneau d’affichage en la détournant à des fins environnementales. L’idée étant de valoriser le paysage à travers les supports qui le masque.

L’effet Burma-Shave

La méthode de publicité connue sous le nom de Burma-Shave, compagnie de crème à raser qui a initialement utilisé ce dispositif, repose sur le mouvement du spectateur. Il s’agit dans ce cas de publicité autoroutière dont la lecture du message n’est accessible qu’aux automobilistes se déplaçant devant une succession de panneaux.

En 1925 Allan Odell, fils de Clinton le propriétaire de la marque, invente le concept des enseignes séquentielles pour vendre son produit.

La série de panneaux Burma-Shave est apparue pour la première fois sur l’autoroute US Highway 65 près de Lakeville, au Minnesota, en 1926, et est restée une importante composante publicitaire jusqu’en 1963 dans la plupart des États contigus. Sur la première série les automobilistes pouvaient lire : Cheer up, face – the war is over! Burma-Shave.

Certains Etats de l’Union n’ont pas été dotés du système, soit à cause d’un trafic insuffisant, comme au Nouveau-Mexique, dans l’Arizona et le Nevada, soit comme le Massachusetts à cause de l’abondance de la végétation le long des routes.

Le dispositif se composait généralement de six petites enseignes consécutives affichées le long des autoroutes, espacées pour permettre une lecture séquentielle par les automobilistes. Le dernier panneau affichait en général le nom du produit. Les panneaux ont été produits à l’origine dans deux combinaisons de couleurs: rouge et blanc et orange et noir, durant une courte période. Des panneaux blanc sur bleu ont été mis en place dans le Dakota du Sud, la couleur rouge étant réservées aux panneaux routiers.

Chacun dans les voitures tentaient de deviner le contenu de ces poèmes des bas-côtés, dont les exemples illustrent la forme (1) :

Shaving brushes/You’ll son see’em/On a shelf/In some museum /Burla-Shave

If you/Don’t know/whose signs/These far ;you can’t have/driven very far/Burma-Shave

Cette utilisation de série de panneaux de petits formats, dont chaque ensemble constituait un message commercial, était une approche réussie de publicité routière adaptée aux vitesses peu élevées des véhicules de l’époque, attirant l’attention des automobilistes qui étaient curieux de découvrir ces messages. À mesure que le système des Interstates s’est développé à la fin des années 1950 et que la vitesse des véhicules a augmenté, il est devenu plus difficile de capter l’attention des automobilistes avec des panneaux de petites tailles.

Suite à des reventes et à l’inadaptation du système aux vitesses de déplacement, la marque déclina jusqu’à disparaitre définitivement des bords de route. Mais le souvenir reste vivant à travers des musées et des sites protégés qui conservent la mémoire de ce système astucieux.

A history of the Burma-Vita Company, écrite par Frank Rowsome Jr. et illustré par Carl Rose, édité chez Stephen Greene Press en 1963.

L’effet Burma Shave a inspiré des déclinaisons artistiques le long des routes, avec des installations adaptées à la circulation automobile actuelle.

Jennifer Bolande – Desert X

Aux USA, une artiste du nom de Jennifer Bolande a conçu une installation pour la manifestation Desert X, une exposition organisée par des artistes établis et émergents dans la vallée de la Coachella et son paysage désertique.

Les voitures circulant sur la voie nommée Gene Autry, entre l’Interstate 10 et Vista Chino à Palm Springs, rencontrent l’installation Visible Distance/Second Sight  (2), une expérience cinématographique animée par une séquence de photographies de montagnes, aux formats précisément étudiés, placée sur des panneaux d’affichage. Ces images ont été parfaitement alignées sur leur arrière-plan, donc – vu d’une position unique le long de la route – le rectangle du panneau d’affichage est raccord avec l’environnement qui lui sert de fond de décor naturel.

Les billboards de Jennifer Bolande recouvrent les deux éléments suivants : le support de publicité commerciale qui lui-même masque le paysage et la photographie du paysage qui montre la partie masquée.

« Pour le conducteur, il y a une sorte d’oscillation d’attention entre l’image et la réalité, ce qui m’intéresse vraiment », dit Jennifer. « Je pense que la plupart d’entre nous sont plus habitués à regarder des images de la nature que la nature elle-même.

J’aime la façon dont le projet attire l’attention sur le cadrage de la réalité et fournit également une sorte d’évasion du cadre. Vous pouvez seulement apercevoir le premier panneau d’affichage du coin de l’œil, le second que vous voyez par rapport au paysage, et le troisième que vous attendez avec impatience et qui peut voir les horizons s’aligner. Mais parce que vous ne pouvez pas arrêter, vous devez le laisser passer. Alors c’est juste un souvenir, mais le paysage sans cadre est toujours là, juste devant toi.  »

En lieu et place d’une publicité, Jennifer Bolande expose une image du paysage masqué en jouant sur les échelles entre l’image et le paysage, massif montagneux qui clôt l’horizon. De ce rapport entre le billboard support d’un fragment agrandi et le paysage réel dans son étendue, un point de vue unique permet à l’automobiliste de réaliser la coïncidence des lignes de crêtes qui assureront la continuité paysagère.

Brian Kanes – Healing Tool

En 2015, pour son projet Healing Tool, l’artiste Brian Kanes achète de l’espace publicitaire sur des panneaux géants au croisement de deux autoroutes dans le Massachusetts aux Etats-Unis. Il souhaite ainsi alléger temporairement la pression des messages publicitaires en présentant des images de nature.

L’intitulé de son installation Healing Tool est le nom de l’outil de Photoshop qui permet de corriger une image. Ces panneaux numériques permettent de les intégrer dans leur environnement, grâce à la diffusion d’images du paysage évoluant en fonction de la période de la journée. En journée, le panneau affiche des images de la nature environnante et quand vient la nuit des photos en haute définition de la Lune et même de la voie lactée les remplacent, permettant de contempler la voûte céleste, rendue invisible par la pollution lumineuse. Suite à une polémique sur les réseaux sociaux entre Jennifer Bolande et Brian Kane, ce dernier a déclaré « C’est une pâle copie de mon travail original de 2015, à l’exception que mon oeuvre était meilleure, puisqu’elle était digitale, permettant ainsi aux images d’évoluer selon l’heure de la journée et fonctionnait la nuit. »

Si les deux oeuvres ont en commun un détournement des panneaux publicitaires au profit d’une attention au paysage, il n’y a pas de place pour une polémique, les deux réalisations traitent le sujet chacune à leur manière.

Autres dispositifs cinétiques

Parmi les solutions d’affichage dynamique, notons les panneaux à lamelles horizontales, de type Tri-vision ou à défilement qui permettent de montrer plusieurs images dans un même cadre. Leur capacité narrative a donné lieu à des réalisations graphiques, même si la préférence semble donner aux panneaux juxtaposés pour des jeux visuels.

 

Bucarest 2012- Photo François Duconseille

Billboard Outdoor

Marqueur du paysage américain, le billboard développe, sur une longueur minimum de 15 mètres, des affiches à l’échelle du territoire et adaptées à la circulation automobile. La lisibilité est fonction de la taille par rapport à la distance de la route. Affichage commercial donnant lieu à de multiples traitements, les billboards accueillent aussi les visiteurs dans de nombreux Etats, avec des mises en scène paysagères.

 

Ciel! le cadre

Le cadre des panneaux publicitaires interroge l’environnement. Le panneau vide ou évidé offre aux créatifs et aux artistes de multiples possibilités dont les exemples ci-dessous montrent quelques réussites remarquables. Dans ces exemples, le support ne masque pas, il cadre une part de ciel. Le cycle journalier et la météo offrent ainsi un fond variable aux messages.

Outdoor advertisment créé par Saatchi & Saatchi, Vietnam pour Pacific Airlines.

Y&R Auckland et la société néo-zélandaise Metservice ont créé ce cadre d’affichage simulant la page web du service météo, comme preuve de l’exactitude des données du site.

Le cadre fixe le point de vue à un moment précis du positionnement de l’automobiliste.

Pour promouvoir la marque de couleurs pour cheveux Koleston, l’agence Leo Burnett a conçu un panneau évidé au niveau de la chevelure du modèle. Une idée lumineuse. En fonction du lever ou du coucher du soleil, la couleur des cheveux change selon les variations du ciel. La couleur naturelle…

Le spectateur est assigné à une place précise qui seule offrira le point de vue conforme à l’intention. Dans ces cas, le spectateur est invité à découvrir son positionnement sur lequel il devra rester dans une posture statique. En situation de mobilité, la vue, fugitive, est conditionnée par la vitesse de déplacement.

Le Lead Pencil Studio, installé à Seattle, dirigé par Daniel Mihalyo et Annie Han, a conçu une imposante structure tubulaire pour créer l’espace négatif d’un panneau d’affichage. Il s’agit d’une installation nommée Non-Sign et située près de Vancouver, à la frontière du Canada et des Etats-Unis. Daniel Mihalyo explique le concept: Empruntant l’efficacité des panneaux d’affichage pour détourner l’attention du paysage … cette percée ouverte en permanence entre les nations ne sert qu’à définir une vision claire de l’évolution des conditions atmosphériques au-delà… C’est un endroit vraiment remarquable – une vasière, divisée en deux par la frontière – mais parce que c’est une zone de sécurité, il est difficile d’apprécier l’environnement. »

Neuf mois d’installation, pour cette commande du programme Art in Architecture de General Services Administration (GSA), qui consacre une petite partie (0,5%) des coûts de construction de tous les projets fédéraux à l’amélioration des œuvres d’art, dans le but d’ennoblir l’espace public et de promouvoir les artistes américains

photos Ian Gill pour Lead Pencil Studio

détails de l’installation

Interagir avec l’urbain

OX mixe les styles des mouvements d’avant-garde avec l’univers visuel commercial.

Membre du collectif “Les Frères Ripoulin” célèbre pour avoir eu entre autres comme membres Pierre Huyghe, Claude Closky et Jean Faucheur. Ox décide, dès les années 80, de travailler dans l’espace public.

« Ces espaces d’affichage publicitaire sont comme d’immenses fenêtres, des tableaux surdimensionnés, suspendus dans la ville », dit OX

« Dans mon travail il ne s’agit pas de décorer la ville, mais plutôt de créer un tout petit moment qui est juste un petit peu différent; il s’agit de s’éloigner des relations du slogan ainsi que de l’idée de la vente afin de les intégrer encore plus dans le moment. Il ne s’agit pas de provoquer la chute de la publicité. » déclarait-il dans un entretien pour ARTE creative. En extérieur, il réalise des collages prenant en compte l’environnement et la saisonnalité qui interagissent  avec l’oeuvre.

L’anamorphose dans la ville

Des artistes comme l’italien Felice Varini travaille sur des formes spectaculaires puisqu’il utilise comme support, les lieux et les architectures des espaces sur lesquels il intervient. Ses interventions à l’échelle des bâtiments, des rues utilisent la technique de l’anamorphose qui permet de recomposer une forme à partir d’un point de vue unique. Pour aider au bon point de vue, l’artiste marque physiquement le point précis depuis lequel le spectateur obtiendra la vue ajustée de l’anamorphose.

Felice Varini- Saint Nazaire. Anamorphose de triangles dans le cadre d’Estuaire

En France, Georges Rousse travaille aussi sur l’anamorphose. S’il utilise uniquement la photographie pour fixer son œuvre de l’unique point de vue de son appareil photo, Georges Rousse est avant tout peintre.

Cette maison isolée au milieu d’immondices a été peinte et photographiée par l’artiste à Séoul en 2000. Le cercle parfait que nous voyons, n’existe que depuis l’endroit précis où Georges Rousse a fixé son objectif.  Un décalage, aussi faible soit-il, dévoilerait le travail d’ajustement du cercle sur les décrochés de la façade.  Le point de vue unique assigné au spectateur par l’artiste est ici attesté par la photo qui fixe un état précaire du bâti.

Olé toro !

La silhouette de taureau, familière aux Espagnols et aux touristes, a été conçue pour le groupe Osborne par le directeur artistique et chef de studio de l’agence Azor, Manuel Prieto, en 1956.

dessin original de Manuel Prieto

La première silhouette en bois a été placée sur la route Madrid-Burgos et après quelques changements, en 1961 le taureau désormais fabriqué en tôle passe des 40 m2 initiaux à 150 m2.

Ces caractéristiques sont impressionnantes : il mesure 14 mètres de haut et pèse 4 tonnes.  Il nécessite 1 000 boulons pour l’assemblage et 76 litres de peinture noire. Le nom de la marque a majoritairement disparu et la référence au produit n’est plus une référence pour les jeunes générations qui ne consomment plus de finos de Jerez, dans les botellon, ces samedis soirs arrosés.

La bête est à la mesure du paysage. Sa taille imposante est la conséquence d’une loi imposant aux panneaux publicitaires une distance d’au moins 125 mètres de la chaussée. La silhouette du taureau se dresse donc sur des promontoires, figure symbolique de l’Espagne. Image familière des bords de route, la silhouette du taureau Osborne a perdu son message de marque au profit d’une image symbolique dont la notoriété en a fait un élément d’intérêt esthétique et culturel reconnue depuis 1997.

Pourtant ce marqueur territorial n’est pas accepté dans toutes les régions loin s’en faut. S’il existe 91 taureaux Osborne en Espagne, leur répartition géographique sur le territoire espagnol est fonction des positions des différentes provinces à l’égard de Madrid. Ainsi la Cantabrie, la Catalogne, Ceuta et la région de Murcie les ont refusés. D’autres province n’ont qu’un exemplaire : les îles Baléares, les Canaries, Melilla, la Navarre et le Pays basque, alors que l’Andalousie en a vingt-trois.

L’imposante figure du taureau de Manuel Prieto n’a pas seulement réussi à s’imposer dans le cadre du paysage, mais est devenue une référence majeure dans la conception graphique et la publicité au niveau international. Son intégration dans le paysage fonctionne moins comme publicité que comme figure emblématique d’un animal culturellement attaché à la Péninsule Ibérique. Loin d’occulter son environnement, cette silhouette inscrit l’animal dans le territoire.

Jeu d’échelle urbaine

A l’occasion des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016, l’artiste français JR installe dans la ville la présence physique d’athlètes. Ici, le soudanais Mohamed Younes Idriss, spécialiste du saut en hauteur, s’impose en haut d’un immeuble alors qu’il n’est présent qu’en image. En effet, il n’était pas sélectionné pour les Jeux. A l’échelle urbaine, le surdimensionnement de l’humain s’impose pour s’intégrer dans un rapport visuel dans lequel l’humain domine le décor.

JR-Jeux Olympiques 2016-Rio de Janeiro-Mohamed Younes Idriss,  originaire du Soudan-non sélectionné

Art vs affiche

La relation à l’art passe par les figures de Raymond Hains et de Jacques Villeglé qui ont travaillé sur la lacération des affichages publics. En accrochant aux cimaises des galeries et des musées leurs oeuvres respectives, les deux artistes ont inscrit l’affiche comme oeuvre picturale. Les messages  réduits en lambeaux de couches superposées illustrent la précarité de ces affiches conçues pour retenir notre regard en oblitérant ou en égayant, suivant les lieux, leur environnement.

L’affichage représente un important secteur économique qui a fait la fortune dans chaque pays concernés des acteurs de ce marché mondial. L’affiche commerciale, politique ou informationnelle reste un vecteur essentiel par son impact visuel et sa capacité à investir tous les formats, de la pancarte dans les manifs aux gigantesques billboards.  Composante inévitable du paysage qu’il soit urbain ou rural, l’affiche gène, séduit, masque ou révèle. Autorisés ou interdits, les supports et leurs affiches  s’inscrivent souvent comme élément masquant du paysage et parfois comme révélateur de leur environnement. En France le texte le plus affiché est probablement celui qui rappelle la loi.

L’actualité cinématographique de la rentrée 2018 affiche un film américain réalisé par Martin McDonagh « Billboards, outside Ebbing », dont le sujet porte sur l’utilisation de 3 panneaux d’affichage plus ou moins abandonnés. Lire l’article de Florence Berthier

Notes :

-(1) voir http://fiftiesweb.com/pop/burma-shave-1/

-(2) voir https://www.desertx.org/jennifer-bolande/

 

 

Thierry Davila, Le flâneur est indestructible

 

« Le Flâneur est indestructible » par Thierry Davila, historien de l’art, Genève

Conférence donnée le jeudi 24 Ooctobre 2013  à l’École Spéciale d’Architecture

Psychogéographie et représentations_01

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Toute nouvelle théorie génère immédiatement de nouvelles représentations et la psychogéographie s’y est très brillamment employée dès ses débuts. Le document fondateur, « La fin de Copenhague », réalisé en 1957 par Guy Debord et Asger Jorn aux éditions Bauhaus Imaginiste, constitue la première tentative et s’impose comme document charnière dans l’histoire du design graphique.
La pensée psychogéographique n’est ni linéaire ni discursive, et il convenait donc de produire un ensemble qui en reprenne les principales caractéristiques : après, selon la légende, une beuverie mémorable, Debord et Jorn vont bouleverser jusqu’à la méthode de production. La feuille d’imprimerie est directement conçue comme un espace unitaire sur lequel Jorn répand ses couleurs et le noir, texte et images, est surimprimé sur le tout (Voir le recto-verso reconstitué ci-dessous)

copenlarg1
copenlarg2

Une fois les pages remises dans l’ordre de l’imposition nécessaire pour l’impression, des collisions imprévisibles se font entre images, textes et surimpressions, de nouvelles significations, de nouvelles associations, émergent du chaos en gardant intact l’esprit de rupture du départ.
Ce document emblématique marque un tournant dans l’évolution des représentations « cartographiques » et sa dimension unitaire a profondément marqué l’histoire du design : refus de la linéarité, primauté du poétique sur le lisible, globalisation visuelle et cette nouvelle approche a massivement bouleversé les codes de lecture habituels.

Le walkscape et sa pratique sont pour beaucoup influencés par la psychogéographie et demandent donc de nouvelles méthodes, sensibilités, structurations pour rendre compte de leur activité. La longue tradition de déconstruction du lisible et l’accession à de nouveaux codes s’inscrit dans la tradition initiée avec les Chants de Maldoror et poursuivie par Dada, les surréalistes et les lettristes qui ont mis à mal les carcans du langage, y compris celui des images, pour arriver à imposer un nouvel ordre : celui de la subjectivité.

Autres regards sur le point de vue

Le point de vue visuel se définit concernant l’image photographique non seulement comme lieu d’où l’on voit, vision d’un panorama, mais aussi comme angle de la prise de vue, l’objectif photographique conditionnant l’impression rendue par l’image.

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Réflexions sur le paysage

 

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Né en France en 1909, John Brinckerhoff Jackson est diplômé d’Harvard. En 1951, il crée la revue Landscape. A partir de 1969, il enseigne à Berkeley et à Harvard. Il meurt en 1996, dans la maison du Nouveau-Mexique où il s’est retiré.

L’œuvre de John Brinckerhoff Jackson (1909-1996) reste peu connue des lecteurs français. Pourtant, pendant près d’un demi-siècle, ce géographe a joué aux États-Unis un rôle de premier plan dans la constitution d’un champ de réflexion théorique et historique nouveau : le paysage. Formé à la culture des paysages européens, par ses voyages dans l’Europe d’avant-guerre et par ses lectures des géographes français, Jackson a fait partie, après 1945, de ceux qui ont fondé l’enseignement et la recherche sur les paysages américains, dont il a perçu, et promu, la véritable originalité.
À la découverte du paysage vernaculaire est le premier livre de Jackson traduit en France. L’auteur y définit tout d’abord le paysage : avant d’être contemplé et apprécié esthétiquement, il est produit et habité par les hommes, qui organisent collectivement, selon le principe du bien-être, leur cadre d’existence sur la Terre. Il nous livre ensuite une distinction fondamentale entre le “paysage politique” (produit par le pouvoir) et le “paysage vernaculaire” (fabriqué localement par les habitants), qui révèle deux manières d’aménager l’espace à travers l’histoire. Il observe aussi, avec humour, le devenir des paysages contemporains : les parcs publics, l’habitat mobile… et y voit, avec confiance, de nouvelles formes de la conscience paysagère où habiter ne se confond plus nécessairement avec demeurer. Enfin, évoquant ses souvenirs de la Deuxième Guerre mondiale, à laquelle il a participé en tant qu’officier de renseignements, il montre en quoi l’intérêt pour le paysage est d’abord l’expression d’un intérêt et d’un attachement pour le monde.

présentation de l’éditeur Actes Sud

Le paysage, entre le politique et le vernaculaire.
Réflexions à partir de John Brinckerhoff Jackson
par Jean-Marc Besse, CNRS, UMR Géographie-cités, Paris.

Texte Jacques Clayssen

Ecouter voir

Jean-François Augoyard, philosophe et urbaniste, est notamment l’auteur de Pas à pas. Essai sur le cheminement quotidien en milieu urbain, Paris, Le Seuil, 1979 (épuisé*). Ses recherches actuelles portent en particulier sur l’environnement  sonore et sur l’esthétique de la lumière urbaine.

ECOUTER-VOIR-0001_48 (2)La Vue est-elle souveraine dans l’esthétique paysagère ?

 

 

 

 

Pour compléter : Entretien avec Murray-Schafer à propos du paysage sonore.

* réédition de Pas à pas de Jean-François Augoyard, aux Editions A la Croisée ( F. 38190, Bernin). Collection « Ambiances, ambiance ».

François Jullien, ce que le paysage dit de nous

Vivre de paysage ou L’impensé de la Raison
François Jullien, philosophe helleniste, présente ainsi son livre :
«En définissant le paysage comme « la partie d’un pays que la nature présente à un observateur », qu’avons-nous oublié ?
Car l’espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d’étendue qu’y découpe l’horizon? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un « spectacle »? Et d’abord est-ce seulement par la vue qu’on peut y accéder – ou que signifie « regarder »?
En nommant le paysage « montagne(s)-eau(x) », la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l’immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu’on voit et de ce qu’on entend… Dans ce champ tensionnel instauré par le paysage, le perceptif devient en même temps affectif ; et de ces formes qui sont aussi des flux se dégage une dimension d’ »esprit » qui fait entrer en connivence.
Le paysage n’est plus affaire de « vue », mais du vivre.
Une invitation à remonter dans les choix impensés de la Raison ; ainsi qu’à reconsidérer notre implication plus originaire dans le monde.» 

François_Jullien_portrait

François Jullien a pris le parti de décentrer ses analyses pour désamorcer l’ethnocentrisme endémique de notre culture occidentale. En soumettant ses réflexions aux filtres de la pensée chinoise, il déconstruit depuis une culture extérieure a-conceptuelle notre pensée occidentale. Ce décentrement lui permet de réinstaurer le vivre là où l’être règne en maître.
En se libérant des contraintes de notre langue et de notre culture, François Jullien nous offre la possibilité de nous découvrir d’un autre point de vue.
Il nous explique la manière dont la structure alphabétique de notre langue a organisé nos savoirs, alors que l’écriture idéographique chinoise fonctionne sur une cohérence d’accouplement. En lieu et place du paysage, terme unitaire, la Chine dit un jeu d’interactions entre « montagne-eau ».

Ce regard, déconditionné de nos acquis culturels, permet de reconsidérer notre point de vue sur le monde préformaté que nous décryptons, faute de compétences sémantiques pour l’interroger.

Collection Bibliothèque des Idées, Gallimard

Thierry Davila Marcher, Créer

Thierry Davila  fait le constat qu’une partie de l’art actuel accorde au déplacement un rôle majeur dans l’invention des œuvres.

« C’est à partir de l’accès aux territoires, avec lui, que peut avoir lieu leur invention. »

L’auteur, conservateur au Mamco de Genève, étudie la question de la mobilité et son traitement par les artistes, à travers la figure de l’homme qui marche, de l’arpenteur. Cette figure  prend différentes formes, comme le souligne l’intégralité du titre : le piéton, le pèlerin, le manifestant, le flâneur,… Le livre relate l’histoire de la flânerie et analyse des problématiques qu’elle engendre dans le travail de certains artistes contemporains (réflexions centrées sur Gabriel Orozco, Francis Alÿs et Stalker). Le thème, récurrent dans l’art, de la spatialisation s’étend ici au mouvement et au déplacement, qui deviennent éléments centraux de la création.

Thierry Davila, Marcher, créer, Déplacements, flâneries, dérives, dans l’art de la fin du XXème siècle, Paris,
Editions du Regard, 2002.

Ce qu’un pas peut.

« A partir de la courge, l’horizon s’élargit » René Char

L’efficacité, imposée par les exigences de la vie actuelle, se traduit par des choix de modes de déplacement rapides. Même les marcheurs, les piétons cherchent à tracer des chemins réduisant les distances. Ils coupent au plus court, traversant hors des passages protégés, sillonnant pelouses ou espaces verts, en traçant des voies directes. Jugeant que les cheminements aménagés, conçus par les responsables des espaces publics les contraignent à des trajets inefficaces, trop longs, trop pensés comme des parcours de promeneur plus que pour des piétons luttant contre le temps. Ce contre la montre quotidien n’est pas que l’apanage de l’urbain, le péri-urbain est encore plus affecté du fait des distances plus longues, principalement pour accéder aux transports en commun. Quant aux campagnes, elles ne sont pas en reste avec des servitudes conçues pour favoriser la rapidité d’accès. Le tracé le plus direct prime sur tous types de territoire, jusqu’aux riverains des fleuves et des rivières qui luttent contre l’aménagement de servitudes de marchepied réclamé par les promeneurs.

espace vert dégradé

Qui n’a pas suivi ces sillons dans l’herbe ou les pelouses pour rejoindre plus rapidement son but ? La tentation du moindre effort, du temps gagné, du détour inutile ne laissent pas le temps à la nature d’effacer les tracés empruntés par un nombre toujours plus important de marcheurs. Alors qu’il ne s’agit ni d’une affirmation d’indépendance, du type : je marche hors des sentiers battus, ni d’une incivilité revendiquée, mais d’un gain de temps, cette option d’économie de temps semble rarement envisagée par les aménageurs. L’expérience du marcheur propose des alternatives adaptées. L’efficacité voudrait que la simple observation de ces chemins sauvages soit reprise par les aménageurs pour satisfaire les utilisateurs. Il est étonnant que l’on exige une parole, un point de vue de l’usager pour tous les actes commerciaux ou citoyens, que radios et tv traquent la parole, l’avis dans des micros-trottoirs sans fin, que les politiques sollicitent les citoyens à travers forums et réunions participatives, sans que les tracés performants des marcheurs ne soient aménagés suivant le choix des utilisateurs. Le pied du marcheur ne semble pas reconnu comme une expression citoyenne à prendre en compte. Il en va de même pour les pistes cyclables, alors que la mixité urbaine entre piéton et deux roues requiert un minimum de savoir-vivre ensemble pour partager des voies contiguës.

Le walkscape

A l’ opposé de cette attitude, le walkscape 1 réinstaure les pérégrinations, les parcours indirects, les chemins déviants, les errances choisies.
La marche, déplacement doux aux vertus vantées par les organismes de santé, retrouve une place dans les modes de locomotion tant pour ses qualités en phase avec les préoccupations environnementales, que pour ses bienfaits sur le corps et sur l’esprit. Mais aussi,  pour la convivialité recherchée des marches en groupe ou encore pour la solitude revendiquée du marcheur se frayant un passage parmi les chenilles humaines en migration estivale sur des chemins saturés.

Le marché et le marcheur

Les chemins de Compostelle n’ont jamais connu autant de succès, de même que les GR, ou les chemins forestiers du Nord de l’Europe.

chemin-compostelle-04_0
Ainsi, avant les périodes de grandes transhumances, il faut écouter les vendeurs de chaussures expliquer à une clientèle exigeante sur le confort, la technicité d’une chaussure dont les matériaux, les semelles et le laçage requièrent des compétences et une expertise de haut niveau. Le succès du Gore-Tex 2, matériau magique des équipementiers, connaît des limites qu’il convient de respecter pour ne pas subir les pires désagréments, sans parler des souffrances prédites avec force détails. L’explication sur l’indice Schmerber 3 de 1500 de ce tissu convaincra le marcheur de suivre les conseils éclairés du spécialiste du chausson, de la semelle rigide ou souple, de la chaussette adéquate. En effet, les capacités d’échanges thermiques du Gore-Tex ne sont efficaces que sous certaines conditions de température. Alors que le cuir conserve ses qualités avec une plus grande tolérance. Puis, la question de l’étanchéité entraîne des positions inconciliables entre les randonneurs en zones humides ou ceux habitués à marcher sous des pluies abondantes, chacun  défendant son choix argumenté sur des expériences vécues.

chaussure marche éclaté

L’ego des marcheurs s’étale dans une profusion d’ouvrages relatant les expériences mystico-poético-sportive que le lecteur aura pu suivre en direct live par tweets, par blog avec cartographie active et géolocalisation. Je sais où je marche, ils savent où je suis. Je marche par délégation. La mobiquité 4  me permet d’être en déplacement sur la route tout en restant en contact permanent avec le reste du monde. Le marcheur connecté, une figure jusqu’alors inconnu, apparaît avec l’usage intensif des smartphones et leurs apps spécifiques : podomètres, géolocalisation, cartographie active constituant les incontournables de la mobilité numérique. Sans oublier les adeptes de la GoPro, auto-vidéaste de leurs exploits. GoPro, Be a Hero clame le slogan de la marque, bientôt s’ajoutera le drone pour se filmer dans le paysage et explorer des lieux réputés inaccessibles. Le regard téléporté permettra d’acquérir le point de vue de l’oiseau. Le marcheur connecté, embarquera dans sa marche un équipement technique lui permettant de réaliser en direct et en autonomie ce que les équipes TV d’aujourd’hui suivent pour nous, lors des émissions consacrées aux marcheurs de l’extrême ou aux concurrents prêts à découvrir des mondes inconnus comme le propose une émission de M6.

Pékin Express M6

Le marcheur isolé se marginalisera, figure en voie de disparition transitoire, car à sa solitude physique, il ajoute l’absence de lien de communication. Pourtant, digne représentant d’une pratique humble et fatigante, conquérant de l’inutile, il ne marche que pour porter ses pas là où son regard le guide sans témoin, il est un corps présent au paysage, mais absent socialement. Il disparaît des radars, il découvre sans laisse numérique, il avance sur le chemin. L’étape signe son passage, les étapes scandent son parcours, les parcours intermédiaires l’isolent dans une solitude revendiquée ou subie suivant les accès aux réseaux.

crabe équipé gopro

Les pérégrinations s’inscrivent dans le registre plus complexe du parcours en soi. Le but à atteindre, le point d’arrivée ne sont pas des objectifs mais des points d’arrêt de la marche. Le parcours se construit par sérendipité 5. La curiosité guide les pas vers des détours, des cheminements dans les marges, des allers et retours vers des écarts, des impasses.

Le marcheur arrive en nage, ironie de l’effort consenti pour parvenir à ses fins. Marcher nécessite un effort physique sollicitant les membres inférieurs dont principalement les pieds. Objet de toutes les attentions et tous les soins, le pied occupe une place prépondérante dans l’histoire de l’humanité.

L’homme a débuté par le pied. André Leroi-Gourhan

Dès l’Antiquité le pied s’impose autant comme mesure que comme source de mythes. L’énigme du Sphinx, l’un des plus anciens mythes, utilise le pied pour décrire les différents âges de l’homme : Quel est l’être vivant qui se déplace le matin sur quatre pieds, à midi sur deux et le soir sur trois ? ».

Bacchants

Si l’on se souvient que la résolution de l’énigme par Œdipe signe la mort du Sphinx, ce que l’on retient d’Œdipe a généralement trait à la psychanalyse, oubliant que son nom le désigne comme l’homme aux pieds enflés. En effet, l’étymologie de son anthroponyme est issue de la combinaison grecque de la forme verbale οiδέω-ὦ signifiant s’enfler, se gonfler et du mot πούς pied. A sa naissance les pieds d’Œdipe ont été percés et noués ensemble par son père Laïos qui l’abandonne accroché par les pieds sur le mont Cithéron, avant que des bergers ne le recueillent. S’il ne conservera aucune marque physique de cette blessure originelle, son nom en rappellera le souvenir durant toute son existence.

Comme le relève Françoise Yche-Fontanel, enseignante à Montpellier, dans sa communication intitulée : Les boiteux, la boiterie et le pied dans la littérature grecque ancienne, l’abondance des références au pied dans les textes antiques démontre combien le pied, élément primordial de l’être humain, s’impose, avec la marche, comme référents essentiels de la destinée humaine. Retenons chez Euripide l’expression répétée concernant l’image du pied aveugle. Tirésias, dans les Phéniciennes, déclare à sa fille : « tu es l’œil de mon pied aveugle », alors que quelques pages plus loin, c’est Œdipe qui demande le soutien d’un bâton pour son pied aveugle.

La marche, c’est le pied ! Dans cette expression dont l’origine provient de l’argot de pirates. En effet, la mesure du butin, avant partage, s’effectuait à l’aide du pied et ce moment étant un moment de joie partagée, l’exclamation a survécu pour exprimer la satisfaction lors d’un événement. Actuellement le pied, unité de mesure, n’a pas été remplacé par le système métrique dans tous les secteurs. Le pied (foot, pluriel feet en anglais) demeure une unité utilisée dans l’aviation, pour les optiques de cinéma et dans les pays anglo-saxons généralement pour mesurer les longueurs comprises entre 50 cm et 500 m. C’est le cas pour la taille des personnes, les dimensions d’une pièce, d’un bateau ou pour indiquer, sur un panneau, la distance à parcourir à pied. Cette persistance du pied pour ce qui relève de l’humain, de la marche est révélatrice d’une résistance du corps comme mesure dans un monde techniciste.

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La marche reste le garant de notre ancrage corporel et charnel dans notre environnement. Ce que confirmera Neil Armstrong, en 1961, quand posant le pied sur la lune, il déclara « That’s one small step for man, one giant leap for mankind ». Le mythe continue.

 

 

Notes

1-     Walkscape, manière de s’engager dans le paysage, démarche qui permet de percevoir le monde et d’être dans le monde qui participe à l’élaboration d’un certain sens, résultant d’un trajet individuel associant le corps et la pensée.

2-     Gore-Tex, marque déposée d’un nouveau genre de tissus techniques permettant de fabriquer des vêtements imperméables et respirants même sous l’eau, des produits qui permettent de confiner les odeurs corporelles humaines, et une version ultra-légère et compressible des vêtements d’extérieur.

3-     l’indice Schmerber, unité servant à mesurer l’imperméabilité (1 Schmerber équivaut à 1 colonne d’eau de 1mm). Un tissu qui détient une valeur de 10 000 Schmerber peut donc résister à 10m d’eau. Mesure inventée par Charles Edouard Schmerber (1894-1958), industriel du textile.

4-     mobiquité,  issu de la contraction des mots mobilité et ubiquité. La mobiquité répond au concept ATAWADAC (AnyTime, AnyWhere, AnyDevice, AnyContent) qui décrit la capacité d’un usager à se connecter à un réseau « n’importe quand, n’importe où, via n’importe quel terminal et pour accéder à n’importe quel contenu ». concept imaginé par Xavier Dalloz, enseignant en économie numérique, consultant et correspondant du CES (Consumer Electronics Show) en France.

5-     Sérendipité, Issu de l’anglais serendipity, ce terme, forgé par le collectionneur Horace Walpole en 1754, signifie « don de faire des trouvailles ». C’est la version réactualisée du « quand on ne cherche pas, on trouve ». Savoir tirer parti des circonstances imprévus, garder l’esprit ouvert.

Texte et Photos Jacques Clayssen