
La passerelle Julian Grimau surplombe le fleuve triste des voies de chemin de fer de la gare de triage de Drancy-Le Bourget où transitent quelques 200000 wagons par an. Bien sûr il n’existe aucun risque, tout est sous contrôle, seulement moins de 10% des wagons transportent des produits toxiques, ce qui en fait quand même 20000, 70% d’hydrocarbures (inflammables), 20% de matières toxiques, explosives, voire radioactives, 10% de chlore ou d’ammoniac. Bien sûr ce n’est pas grave que tout cela se passe en milieu urbain dit dense (environ 40000 personnes) et que le périmètre de sécurité, jamais appliqué, soit de 620 mètres après avoir été fixé dans un premier temps à 2,6 Km pour le risque mortel.
Bien sûr les incidents sont peu nombreux, déraillements de wagons transportant des matières radioactives, fuites de produits, collisions, etc… C’est sans doute ce qui explique la vitalité des associations de riverains et la fameuse absence de dialogue des autorités dites compétentes et l’absence de la moindre décision malgré l’implication d’élus locaux. Sans doute le fameux mur de l’administration.
Donc si vous cherchez le grand frisson, passez sur la passerelle qui relie l’autoroute A86 et l’autre berge des voies, empruntez l’ancien Chemin de La Corneuve. Le spectacle pèse son pesant de produits toxiques : derrière vous le grand sarcophage de béton du tunnel autoroutier, désert, hostile, bruyant, devant vous une grande zone semi-désertique pavillonnaire et quelques cités, entre les deux un tunnel à l’air libre entièrement grillagé, hermétique, peu éclairé en nocturne (déconseillé) et le rythme lent des wagons sur les rails dans vos oreilles, le choc des accrochages, toute une ambiance sonore passionnante qui vaut bien le chant des pinsons.

Le nom de la passerelle, en fait une rue qui se poursuit dans le tissu urbain, vient de la longue tradition des luttes ouvrières locales. Julian Grimau, militant du parti Communiste Espagnol de toujours, après avoir été agent du service de sécurité républicain à Barcelone pendant la guerre, s’exile en Amérique Latine, puis revient en France. En 1959 il est chargé de la direction du parti « intérieur », c’est à dire sur place en Espagne, où il revient clandestinement. Il y sera arrêté quelques années plus tard, sur fond de rivalités internes, torturé, défenestré, en sortira vivant malgré tout et sera finalement fusillé, malgré les nombreuses manifestations en sa faveur et un procès digne des grandes bouffonneries cruelles de l’histoire. De nombreuses rues, avenues, places portent son nom dans la « ceinture rouge » de la périphérie de Paris.

Texte et Photos Patrick Laforet
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