La  galerie Thaddaeus Ropac  à Pantin présente Gilbert & George : SCAPEGOAT PICTURES du 07 septembre au 15 novembre 2014.

Point de départ du walkscape Hors-Circuits, l’important ensemble de Gilbert & George réuni spécialement par la galerie est exposé sur la même période. Cette concomitance bien que totalement fortuite présente des points de convergence, malgré un total écart formel.

Gilbert& George dont la notoriété internationale s’est imposée depuis leur début en 1969 à travers un geste artistique singulier, en effet les deux artistes britanniques vivent leur pratique de « sculpture vivante », pour témoigner des mutations de leur environnement londonien.

Les œuvres encadrées, dominées par le rouge et le noir, figurent les visages ou les portraits en pied des deux artistes en situation dans l’espace public.

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Ces pièces explorent l’environnement sociologique de Gilbert & George, avec une attention particulière aux tensions engendrées par la coexistence de différentes strates de populations. Des jeunes d’origines ethniques et sociales diverses, des femmes voilées et bien sûr Gilbert & George tantôt masqués, tantôt cachés derrière des cartouches de protoxyde d’azote utilisées à l’origine pour les récipients de chantilly ou d’eaux gazeuses sous pression. Ce gaz est désormais détourné, comme gaz qualifié d’hilarant, pour l’inhalation via des ballons par des personnes en quête de sensations nouvelles…

Leurs sujets récurrents : la mort, l’espoir, la vie, la peur, le sexe, l’argent, la race et la religion abordés frontalement n’en présentent pas moins une vision sensible de la réalité urbaine actuelle. Diffractée, fragmentée, kaléidoscopée la réalité quotidienne se surexpose pour mettre le spectateur en capacité de s’interroger sur les pratiques urbaines et d’y exercer un regard critique documenté.

De notre côté, lors des marches effectuées entre Pantin et le Bourget, nous avons noté les mutations rapides des espaces publics et des emprises sncf, dont les effets sont immédiatement observables.

En premier lieu, la reconquête et la sécurisation des espaces reconquis sur des surfaces auparavant occupées par des camps sauvages ou des squats. Actions menées avec efficacité, les terrains libérés de leurs éphémères occupants sont aménagés avec des fossés empêchant toute réinstallation de véhicules et clos avec des grilles rigides de type Bekafor.

Ces dispositifs s’ajoutent aux traditionnels plots, potelés et pierres anti-stationnement visant à éradiquer le précaire, l’éphémère et le voyage.  La sédentarisation et l’insertion dans le tissu péri-urbain constituent les conditions nécessaires à l’installation.

A ces constatations in situ, s’ajoutent les rapines de câbles et de dalles sur les infrastructures. Les aménagements techniques des espaces publics fournissent les matériaux propres à la revente.

Véritable centres de ressources pour une économie parallèle, les espaces publics des zones périphériques se dégradent rapidement, sans remise en conformité par les services en charge de l’entretien. Une fois le processus de dégradation en marche, il faudra attendre que la pression foncière oblige à reprendre le terrain pour de profitables opérations immobilières qui remodéliseront l’environnement repoussant plus loin les populations en difficulté.

L’accélération des faits urbains, les transformations sociales, les convergences des flux vers les cités interpellent des artistes comme Gilbert & George depuis de longues années, sans que jamais l’acuité de leurs observations ne faiblisse.