Un pas de côté : le parcours dans sa forme traditionnelle désigne un itinéraire, alors que l’exploration urbaine se décline de longue date en cataphilie et toiturophilie. Désormais, il faut ajouter des termes contemporains pour désigner des pratiques apparues dans les années 90.

A l’évolution orthographique du parcours s’ajoutent des formes abrégées de l’anglais ou encore un terme japonais pour requalifier l’exploration urbaine.

Le walkscape ne peut ignorer ces pratiques, car le parkour et le free run défient le déplacement en transformant l’espace urbain ou rural en lieu de voltige, quant à l’urbexeur, il invente les lieux abandonnés au même titre que le découvreur invente le trésor. Quatre mots pour décrire des pratiques particulières qui relèvent des domaines de la marche et de l’urbain.

Le parkour et le free running relèvent de l’Art du Déplacement (ADD) qui regroupe à l’origine l’ensemble de techniques physiques de franchissement d’obstacles en milieu urbain ou rural, à vocation pragmatique, artistique ou acrobatique. Comme nous le constaterons, des divergences d’objectifs ont dissociées les pratiques.

Le parkour consiste à se déplacer rapidement et efficacement, c’est en quelque sorte « l’art de devenir maître du déplacement » Ses pratiquants nommés traceurs s’entraînent pour acquérir des compétences physiques et mentales qui leur permettront de toujours avancer avec facilité quels que soient les obstacles à travers leur environnement, aussi bien urbain que rural.
Le terme parkour forgé à la fin des années 90 par Hubert Koundé, acteur célèbre pour sa prestation dans le film La Haine de Matthieu Kassovitz ou il fait la connaissance du sportif David Belle qui deviendra acteur. Le parcours du combattant a servi de modèle initial à la discipline développée par David Belle ancien pompier-secouriste avant de s’engager dans les troupes de marine à Vannes.

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Le free run se base sur une recherche de beauté, de grâce et de fluidité dans les mouvements. Ses pratiquants, les free-runners s’entraînent à se mouvoir avec liberté et élégance au travers d’environnements urbains ou ruraux. Le free-runner cherche à créer des mouvements innovants par son interaction avec les divers objets et obstacles qui l’entourent, une manière personnelle de s’exprimer et d’expérimenter une liberté de mouvements.
Alors que David Belle est à l’origine du groupe des Yamakasi avec  Sébastien Foucan, les évolutions et les différences entre les deux pratiques ont rangé les pratiquants du parkour du côté de la conception de David Belle et ceux du free run de celle de Sébastien Foucan.

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Un saut qui n’est pas sans référence artistique

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« Le Saut dans le vide », 5, rue Gentil-Bernard, Fontenay-aux-Roses, octobre 1960
Action artistique d’Yves Klein

Titre de l’œuvre d’Yves Klein d’après son journal « Dimanche 27 novembre 1960 » : « Un homme dans l’espace ! Le peintre de l’espace se jette dans le vide ! », 1960
© Adagp, Paris 2007

Toutefois, il faut noter que les deux disciplines ont un point commun, elles excluent toute idée de compétition. Elles se fondent sur la durée de leur pratique et l’assiduité de leurs pratiquants. Les deux disciplines requièrent de grandes aptitudes physiques et relèvent de systèmes de valeurs et de codes qui au-delà de leur aspect spectaculaire, valorisé par le cinéma (Yamakasi, 2001), nécessitent une grande rigueur, un apprentissage intensif, un mental fort et une solidarité entre les membres qui s’exposent à de sévères risques physiques.

L’urbex et l’haikyo définissent deux pratiques identiques, seul le lieu d’exercice de ces pratiques détermine le mot approprié.

L’urbex, abrégé de l’expression anglo-saxonne Urban Exploration s’emploie en Occident, alors que les japonais utilisent le mot haikyo signifiant littéralement : lieu abandonné.
Le terme s’est popularisé dans les années 90, sous l’impulsion de Ninjalicious, pseudonyme adopté par Jeff Chapman, artiste et éditeur canadien du fanzine « Infiltration » qui  pose dès les années 90 les règles de l’urbex : Take nothing but pictures , leave nothing but footprints,. Kill nothing but time”. (ne rien prendre à part des photos,ne rien laisser à part des traces de pas,,ne rien tuer à part le temps.)

L’exploration urbaine connait un important succès public avec la publication d’ouvrages tels que : Forbidden Places de Sylvain Margaine (2009) ; Les ruines de Detroit par Yves Marchand et Romain Meffre (2010) ou Inside Urbex Berlin de Nathan Wrigth. Les publications abondent de même que les sites web sur le sujet.

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Forbidden Places-Sylvain MargaineGares, bureaux, bâtiments industriels, stades, hôpitaux, hôtels, maisons, villages, parcs d’attractions et même îles abandonnées, sans oublier les infrastructures routières, les cimetières d’avions, de tracteurs, de locomotives et les lieux militaires… nous n’en finirions pas de lister les sujets qu’offrent les restes de la société de consommation ou d’Etats défaits par les crises politiques ou économiques. Ces images de « greniers », ces souvenirs d’explorations enfantines font de chacun d’entre nous de potentiels urbexeurs, à tout le moins des spectateurs subjugués par la déliquescence des lieux.

Les images d’urbex présentent l’abandon sous sa forme la plus violente. Nul humain ne figure sur ces sites construits pour affirmer, afficher la puissance, la richesse, l’opulence d’une société. Chacune de ces  images témoignent cruellement de la grandeur passée ou d’erreurs fatales. Mais à côté des monuments, les urbexeurs lancent leurs investigations vers des lieux plus secrets, plus modestes, ou plus intimistes.

L’urbex est par nature une activité clandestine qui joue sur les vides juridiques pour s’autoriser ce qui n’est pas formellement interdit. Sur le terrain, tout dépend de la nature des lieux concernés : militaire, administratif, terrains publics ou privés…  Les urbexeurs doivent faire preuve d’agilité, d’habileté et d’une forte motivation pour découvrir, documenter et investiguer des lieux dont parfois la dangerosité n’est pas un vain mot. Certains ultras en quête de nouveaux Graal s’affranchissent des interdictions, comme par exemple les auteurs de photo des sites de Tchernobyl-Pripyat. D’autres suscitent des polémiques en s’introduisant dans des maisons où ont vécu des meurtriers célèbres comme la maison de Dutroux en Belgique.

La commercialisation des drones civils délivre la captation d’images des obstacles au sol. Les urbexeurs entrent en concurrence avec la vue aérienne du drone qui s’affranchit des barrières, mais l’absence d’engagement physique de l’opérateur sur le terrain dénature une part essentielle d’une pratique dans laquelle le franchissement des obstacles reste une expérience essentielle. Les risques et les dangers de l’exploration sont constitutifs de l’expérience, le corps « expéditionnaire » ne cèdera pas devant le « vol de l’objectif ».

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Texte Jacques Clayssen